Décisions de la Commission de révision agricole du Canada

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Référence : Richard Clare c. Canada  (Agence canadienne d’inspection des aliments),  2014 CRAC 34

 

 

 

 

Date: 20141215

Dossier : CART/CRAC‑1639

 

Entre :

 

 

 

 

 

 

 

Richard Clare, demandeur

 

 

 

 

‑ et ‑

 

 

 

 

Agence canadienne d’inspection des aliments, intimée

 

 

 

 

[Traduction de la version officielle en anglais]

 

 

 

 

Devant :

Donald Buckingham, président

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Avec :

Me Ian Wallace, avocat du demandeur;

 

Me Jacqueline Wilson, avocate de l’intimée.

 

 

 

 

 

 

 

 

Affaire intéressant une demande de révision des faits présentée par le demandeur, en vertu de l’alinéa 9(2)c) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, relativement à une violation du paragraphe 35(1) de la Loi sur la santé des animaux alléguée par l’intimée.

 

 

 

 

DÉCISION

 

 

 

 

À la suite d’une audience et après avoir examiné toutes les observations orales et écrites des parties, la Commission de révision agricole du Canada statue, par ordonnance, que le demandeur, Richard Clare, n’a pas commis la violation dont il fait état dans l’avis  de  violation  no 1112ON0018‑01, daté du 29 mai 2012, concernant les événements survenus le 28 mars 2011, et qu’il n’est pas tenu de payer de sanction à l’intimée, l’Agence canadienne d’inspection des aliments.

 

 

 

 

 

 

 

 

L’audience s’est tenue à London (Ontario),
du lundi 18 août au mercredi 20 août 2014.

 


MOTIFS

1.                  Les incidents reprochés et les questions en litige

[1]              En août 2014, la Commission a instruit trois affaires qui concernent les parties. Chacune d’elle est liée à l’autre et se rapporte aux circonstances mystérieuses entourant l’attribution de l’étiquette d’identification par radiofréquence (IRF) CAN‑000‑239‑638‑636, approuvée par l’Agence canadienne d’identification du bétail (ACIB). Cette étiquette devait être apposée sur une vache appartenant à M. Ed Hasson (M. Hasson) avant son départ, au moment de son départ de la ferme pour le marché le 23 mars 2011, ou peu de temps après, mais elle ne l’a pas été. Six jours plus tard, l’étiquette a été retrouvée sur une vache appartenant à Richard Clare (R. Clare) dans un parc d’engraissement exploité par son fils, Jay Clare (J. Clare). L’étiquette, de même que l’identité de la vache qui la portait, ont été vérifiées par le Dr Moussa Coulibaly (le Dr Coulibaly), vétérinaire de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (l’Agence) le 29 mars 2011. Ce dernier a procédé à une nouvelle vérification le 21 avril 2011.

[2]              Le mystère est que la vache de M. Hasson était âgée de treize ans, qu’elle était rousse et blanche, qu’elle n’avait pas de cornes et qu’elle pesait plus de 1 500 livres, alors que celle qui se trouvait au parc d’engraissement Clare était âgée de trois ans, était aussi rousse et blanche, mais portait des cornes et pesait près de 1 300 livres. Compte tenu de ces différences, l’Agence a conclu que l’étiquette a été apposée frauduleusement sur la vache Clare et que R. Clare d’abord, et J. Clare ensuite, à deux occasions spécifiques, n’ont pas cessé de tromper l’Agence sur cette question. Le 29 mai 2012, l’Agence a donc délivré un avis de violation à R. Clare et deux avis de violation à J. Clare, alléguant qu’ils avaient chacun fait des déclarations fausses ou trompeuses à l’inspecteur de l’Agence, ce qui, comme l’indiquaient les documents, était [traduction] « contraire à l’alinéa 35(1)b) de la Loi sur la santé des animaux ».

[3]              Une lecture de la Loi sur la santé des animaux (Loi SA) révèle que celle-ci ne contient pas d’« alinéa 35(1)b) », mais un article 35 qui prévoit :

35. (1) Il est interdit d’entraver l’action de l’inspecteur, de l’analyste ou de l’agent d’exécution dans l’exercice des fonctions qui lui sont conférées par la présente loi ou les règlements ou de lui faire, oralement ou par écrit, une déclaration fausse ou trompeuse.

(2) Le propriétaire ou le responsable du lieu visité en application de l’article 38, ainsi que quiconque s’y trouve, sont tenus de prêter à l’inspecteur ou à l’agent d’exécution toute l’assistance possible dans l’exercice de ses fonctions et de lui fournir les renseignements qui concernent l’application de la présente loi ou des règlements et dont il peut valablement exiger la communication.

(3) L’agent de la paix prête à l’inspecteur ou à l’agent d’exécution, sur demande, l’assistance nécessaire à l’application de la présente loi ou des règlements.

[4]              Cependant, le Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (Règlement SAP) prévoit, à l’article 3 :

3. Les sommaires figurant à la colonne 2 de l’annexe 1 sont établis pour caractériser, dans un procès-verbal, la violation de la disposition correspondante figurant à la colonne 1 de la même annexe.

[5]              Il est donc raisonnable que l’Agence se fonde sur ces sommaires pour établir les avis de violation, comme elle semble l’avoir fait dans les présentes affaires. Plus précisément, la violation en cause est mentionnée au paragraphe 35(1) de la Loi SA, alors qu’elle figure dans le Règlement SAP sous le point 20b) de la section 1 de la partie 1 de l’annexe 1. L’article 20 comporte deux parties : a) « Entraver l’action d’un inspecteur, analyste ou agent d’exécution », infraction qualifiée de « grave », et b) « Faire une déclaration fausse ou trompeuse à un inspecteur, analyste ou agent d’exécution », infraction qualifiée de « très grave ». Le jour où les déclarations fausses ou trompeuses ont prétendument été faites, l’article 5 du Règlement SAP prévoyait qu’un tel acte constituait une violation très grave à laquelle s’applique une sanction pécuniaire de 10 000 $.

[6]              Le rôle de la Commission est donc de déterminer si l’Agence a établi tous les éléments requis pour justifier l’avis de violation contesté. Le cas échéant, elle doit décider si l’Agence a prouvé que le montant de la sanction pécuniaire est conforme à ce qu’autorisent la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (Loi SAP) et le Règlement SAP.

2.                  Historique des procédures

[7]              La Commission a instruit trois affaires concernant les parties en août 2014. Même si chacune d’entre elles procédait d’une demande de révision individuelle et donnera lieu à une décision en propre, la Commission a ordonné, avec le consentement des parties, qu’elles soient instruites conjointement. Par ailleurs, la situation factuelle et la séquence des événements sont les mêmes dans les trois cas. L’historique procédural de chacune de ces affaires est reproduit ci-après de manière individuelle, mais aussi collective, s’il y a lieu.

2.1             Affaire no 1 – incident R. Clare (CART/CRAC‑1639)

[8]              La première affaire se rapporte à l’avis de violation no 1112ON0018‑01, daté du 29 mai 2012, et alléguant que, le 28 mars 2011, à Windsor (Ontario), R. Clare [traduction] « a commis une violation, à savoir : a fait une déclaration fausse ou trompeuse à un inspecteur, soit au Dr C. Small, en contravention de l’alinéa 35(1)b) de la Loi sur la santé des animaux, ce qui est une violation suivant l’article 7 de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire et l’article 2 du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire ». Cette affaire sera désignée dans les présents motifs comme « l’incident R. Clare ».

[9]              L’avis de violation nommant R. Clare a été signifié personnellement à ce dernier par l’Agence le 31 mai 2012. Conformément à l’article 4 du Règlement SAP, la prétendue violation a été qualifiée de « très grave » et était punissable d’une sanction de 10 000 $.

[10]         Par une lettre du 6 juin 2012 envoyée par service de messagerie à la Commission, R. Clare, par l’entremise de ses avocats, Emily Assini (Me Assini) et Ian Wallace (Me Wallace), a demandé à la Commission de réviser les faits sur lesquels était fondé l’avis de violation, conformément à l’alinéa 9(2)c) de la Loi SAP.

[11]         Le 22 juin 2012, l’Agence a envoyé à la Commission et à R. Clare une copie du rapport (le Rapport de l’Agence) concernant l’avis de violation remis à ce dernier. La Commission l’a reçue le 26 juin 2012.

[12]         Dans une lettre datée du 26 juin 2012, la Commission a invité R. Clare et l’Agence à déposer au plus tard le 26 juillet 2012 des observations additionnelles concernant l’avis de violation dans lequel R. Clare était désigné comme le prétendu contrevenant.

[13]         Le 25 juillet 2012, Me Assini a déposé des observations additionnelles en faveur de R. Clare (les observations additionnelles de R. Clare) à prendre en compte comme éléments de preuve relativement à l’incident R. Clare. Le 24 août 2012, Me Andrea Horton a envoyé un courriel à la Commission et à Me Assini pour répondre aux observations additionnelles de R. Clare (les observations additionnelles de l’Agence).

2.2             Affaires nos 2 et 3 – incident J. Clare de mars (CART/CRAC‑1643) et incident J. Clare d’avril (CART/CRAC‑1644)

[14]         La deuxième affaire « sœur » se rapporte à l’avis de violation no 1112ON0018‑02, daté du 29 mai 2012, et alléguant que, le 29 mars 2011, à Burford (Ontario), J. Clare [traduction] « a commis une violation, à savoir : a fait une déclaration fausse ou trompeuse à un inspecteur, soit au Dr M. Coulibaly, en contravention de l’alinéa 35(1)b) de la Loi sur la santé des animaux, ce qui est une violation suivant l’article 7 de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire et l’article 2 du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire ». Cette affaire sera désignée dans les présents motifs comme « l’incident J. Clare de mars ».

[15]         La troisième affaire « sœur » se rapporte à l’avis de violation no 1112ON0018‑03, daté du 29 mai 2012, et alléguant que, le 21 avril 2011, à Burford (Ontario), J. Clare [traduction] « a commis une violation, à savoir : a fait une déclaration fausse ou trompeuse à un inspecteur, soit au Dr M. Coulibaly, en contravention de l’alinéa 35(1)b) de la Loi sur la santé des animaux, ce qui est une violation suivant l’article 7 de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire et l’article 2 du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire ». Cette affaire sera désignée dans les présents motifs comme « l’incident J. Clare d’avril ».

[16]         Les deux avis de violation se rapportant aux incidents J. Clare de mars et d’avril, tous deux datés du 29 mai 2012, sont réputés avoir été signifiés à ce dernier par l’Agence le  9 juillet 2012. Conformément à l’article 4 du Règlement SAP, ces violations ont toutes deux été qualifiées de « très graves » et étaient punissables d’une sanction de 10 000 $ chacune.

[17]         Dans une lettre datée du 29 juin 2012, envoyée à la Commission par courrier recommandé, J. Clare, par l’entremise de ses avocats, Mes Assini et Wallace, demandait à la Commission de réviser les faits sur lesquels étaient fondés les deux avis de violation, conformément à l’alinéa 9(2)c) de la Loi SAP.

[18]         Le 11 juillet 2012, l’Agence a envoyé à la Commission et à J. Clare une copie de son rapport concernant les deux avis de violation remis à ce dernier.

[19]         Dans des lettres datées du 16 juillet 2012 (pour l’incident J. Clare d’avril) et du 17 juillet 2012 (pour l’incident J. Clare de mars), la Commission a invité J. Clare et l’Agence à déposer des observations additionnelles concernant les deux avis de violation dans lesquels J. Clare est désigné comme le prétendu contrevenant.

[20]         Dans une lettre datée du 17 août 2012, Me Assini a déposé des observations additionnelles en faveur de J. Clare (les observations additionnelles de J. Clare) à prendre en compte comme éléments de preuve dans son dossier. L’Agence n’a pas déposé d’observations additionnelles à l’égard des deux avis de violation remis à J. Clare.

 

2.3             Une audience commune pour les trois incidents

[21]         Le personnel de la Commission a confirmé auprès des avocats de R. Clare et J. Clare que ces derniers souhaitaient que la Commission examine leurs causes en anglais, dans le cadre d’une audience qui aurait lieu à London (Ontario) ou dans les environs. Les parties ont convenu que les trois affaires devaient être instruites conjointement. Après plusieurs remises, une audience a eu lieu les 18, 19 et 20 août 2014 à London (Ontario).

3.                  La preuve

[22]         Au début de l’audience, la Commission a ordonné, avec le consentement de toutes les parties, que les trois affaires soient instruites conjointement, étant entendu que les parties indiqueraient au besoin à quelle affaire (ou combinaison d’affaires) la preuve se rapportait.

3.1.           Le dossier écrit

[23]         Dans chaque affaire, le dossier écrit de l’Agence comprend l’avis de violation et le Rapport de l’Agence pertinent. Dans le cas précis de l’incident R. Clare, le dossier écrit comporte également les observations additionnelles de l’Agence.

[24]         Dans chaque affaire, le dossier écrit produit par R. Clare et J. Clare comprend la demande de révision pertinente. Dans le cas précis de l’incident R. Clare, le dossier écrit comporte également les observations additionnelles de R. Clare et, dans celui des incidents J. Clare, il comprend les observations additionnelles de ce dernier.

3.2.           Les témoins

[25]         La Commission a entendu les témoignages de vive voix de douze témoins concernant les trois incidents, de la manière résumée au tableau 1 :

 

 

Tableau 1

TÉMOINS

nom du témoin

TITRE du poste OCCUPÉ

témoignage applicable à

partie aYANT AppelÉ le témoin

M. Edward Hasson

Éleveur de bovins

Tous les incidents

Agence

M. Alvin Boys

Camionneur

Tous les incidents

Agence

Mme Melanie Hackbart

Employée d’OLEX

Tous les incidents

Agence

Dr Charanjit Talwar

Docteur en médecine vétérinaire (D.M.V.)

Tous les incidents

Agence

Dr Carolyn Small

D.M.V.

Tous les incidents

Agence

Dr Sivaram Arumugam

D.M.V.

Tous les incidents

Agence

Dr Moussa Coulibaly

D.M.V.

Tous les incidents

Agence

M. Roger Weber

Spécialiste des enquêtes

Tous les incidents

Agence

M. Gerry Wideman

Employé des Services vétérinaires Metzger

Tous les incidents

R. Clare et J. Clare

M. Richard Clare

Acheteur de bovins

Tous les incidents

R. Clare et J. Clare

M. Brad Davis

Camionneur

Tous les incidents

R. Clare et J. Clare

M. Jay Clare

Exploitant d’un parc d’engraissement

Tous les incidents

R. Clare et J. Clare

3.3.           Les pièces

[26]         Les pièces, telles qu’elles sont énumérées ci-après au tableau 2, ont été produites en preuve durant l’audience :

 

Tableau 2

PIÈCES

numéro de pièce

NOM DE LA PIÈCE

PREUVE APPLICABLE À

PARTIE AYANT PRODUIT LA PIÈCE

1

Chèque no 189707, daté du 24 mars 2011, de 2 858,73 $ et payable à M. Ed Hasson

Tous les incidents

Agence

2

Facture d’achat no 200313, datée du 24 mars 2011, au nom de 1553603 Ontario Inc., pour un montant de 10 497,65 $

Tous les incidents

3

Facture d’achat no 200313, datée du 24 mars 2011, au nom de 1553603 Ontario Inc., pour un montant de 19 300,93 $

Tous les incidents

4

Manifeste de Ontario Livestock Exchange Inc., camionneur no 1880, au nom de A. Boys

Tous les incidents

5

Rapport d’identité et d’étiquetage de l’OLEX

Tous les incidents

6a

Télécopie envoyée par Ontario Livestock Exchange Inc. à Emily, Objet : Rapport de vérification de l’âge pour le 24 mars 2011 (17 pages)

Tous les incidents

6b

Télécopie envoyée par Ontario Livestock Exchange Inc. à Emily, Objet : Vaches pour le 24 mars 2011, rubrique 642 de notre rapport de marché

Tous les incidents

7

Certificat de santé animale relatif à l’exportation de bovins et de bisons en vue d’un abattage immédiat aux États-Unis d’Amérique

Tous les incidents

8

Notes manuscrites du Dr Small

Tous les incidents

9

Registre du destinataire de MRS des Fermes Malden Valley

Tous les incidents

10a et b

Client-serveur de présentation Citrix NETS

Tous les incidents

11a et b

Document 6 du rapport d’inspecteur du Dr Arumugam, pages 1 et 2

Tous les incidents

6c

Télécopie envoyée par 571245 Ontario Inc. (Butch Clare Livestock) à Ian Wallace et Emily Assini à Diana, datée du 18 août 2014

Tous les incidents

Agence, R. Clare et J. Clare

3.4.           Résumé des faits communs aux trois incidents

[27]         La présente affaire concerne l’identité et la possession de la vache (ou des vaches) portant le numéro d’étiquette IRF CAN‑000‑239‑638‑636 (étiquette IRF 636). Conformément au Système canadien d’identification des bovins, supervisé par l’ACIB, cette étiquette doit être apposée sur une vache, et une vache seulement, de manière à garder la trace de son identité, de sa naissance à sa mort, dans le système agroalimentaire canadien.

[28]         Cependant, dans les trois affaires dont la Commission est saisie, une vache de treize ans censée porter l’étiquette IRF 636 a quitté la Ferme Hasson (la vache Hasson) pour le marché le mercredi 23 mars 2011. Six jours plus tard, soit le mardi 29 mars 2011, la même étiquette a été retrouvée sur une vache de trois ans appartenant à présent à Clare (la vache Clare), dans le parc d’engraissement Clare à Burford (Ontario). Comment cette étiquette s’est-elle retrouvée sur la vache Clare? C’est le mystère à éclaircir dans ces affaires.

[29]         D’après les observations et les témoignages des parties, les événements se sont déroulés dans cet ordre général :

a.       la vache Hasson, avec ou sans l’étiquette IRF 636 apposée sur son oreille, a été vendue à Kitchener à l’Ontario Livestock Exchange (OLEX), le 24 mars 2011;

b.       R. Clare a acheté la vache Hasson à l’OLEX;

c.       R. Clare a également acheté plusieurs autres vaches le 24 mars 2011 à l’OLEX;

d.       un certificat d’exportation approuvé par l’Agence a été délivré le 25 mars 2011; il autorisait R. Clare à exporter aux États-Unis un chargement de 41 vaches, comprenant une vache de trois ans portant l’étiquette IRF 636;

e.       le dimanche 27 mars 2011, R. Clare a chargé à l’OLEX le bétail identifié sur le certificat d’exportation vers les États-Unis et le chargement s’est dirigé vers la frontière;

f.        lorsque le chargement Clare est arrivé à la frontière américaine dans l’après-midi du 27 mars 2011, il a été refoulé, car un animal était à terre. Le chargement a été renvoyé au Canada. La vache couchée a été déchargée cet après-midi-là dans une ferme désignée par l’Agence – la ferme Unholzer – dans le sud de l’Ontario;

g.       dans la soirée du 27 mars 2011, le reste du chargement Clare a été admis aux États-Unis et a fini son périple dans un abattoir du Michigan;

h.       le 28 mars 2011, la vache couchée a été récupérée à la ferme Unholzer par les représentants de R. Clare et a été transportée au parc d’engraissement Clare à Burford (Ontario);

i.         le 29 mars 2011, J. Clare a montré la vache Clare portant l’étiquette IRF 636 à un vétérinaire de l’Agence en visite au parc d’engraissement Clare. Ce dernier a constaté qu’il s’agissait d’une jeune vache avec l’étiquette IRF 636 à son oreille;

j.         le 21 avril 2011, J. Clare a montré une seconde fois la vache Clare portant l’étiquette IRF 636 à un vétérinaire de l’Agence en visite au parc d’engraissement Clare. Ce dernier a constaté de nouveau qu’il s’agissait d’une jeune vache. Cette fois-ci cependant, la vache avait un veau à ses côtés.

[30]         Toute cette histoire se commence et se termine par des événements non contredits et corroborés par une preuve directe et incontestée. Tout d’abord, d’après les dépositions de M. Alvin  Boys (M. Boys) et de M. Hasson, ce dernier a décidé le 23 mars 2011 d’expédier trois vaches de sa ferme à l’OLEX, à Kitchener. Il a engagé M. Boys pour les transporter sur place, avec d’autres vaches provenant d’autres fermes, en prévision de la vente du lendemain. Au moment du chargement, deux des trois vaches portaient à l’oreille des étiquettes IRF approuvées par l’ACIB, mais pas l’une d’entre elles — une vache rousse et blanche de 13 ans, sans cornes et pesant 1 525 livres — contrairement à ce qu’exige la loi pour les vaches qui quittent leur ferme d’origine. M. Hasson a remis l’étiquette IRF 636 à M. Boys pour qu’il l’appose ou la fasse apposer sur l’oreille de la vache à son arrivée à l’OLEX.

[31]         Deuxièmement, la preuve directe et incontestée du Dr Coulibaly et de J. Clare révèle que le  29 mars 2011 — seulement six jours après — l’étiquette IRF 636 a été retrouvée dans l’oreille d’une vache rousse et blanche, cornue et âgée de trois ans, au parc d’engraissement Clare. Le  21 avril 2011, presque un mois après que M. Hasson eut expédié ses vaches à l’OLEX, il a été établi de nouveau que la vache rousse et blanche de trois ans et cornue du parc d’engraissement Clare portait cette étiquette à son oreille et qu’elle avait désormais un veau roux et blanc à ses côtés.

[32]         Les parties ne s’entendent pas sur ce qui s’est produit entre le 23 mars 2011, date à laquelle la vache de M. Hasson a quitté sa ferme sans étiquette, et le 29 mars 2011, lorsque le Dr Coulibaly a constaté qu’une vache du parc d’engraissement Clare portait à l’oreille l’étiquette IRF 636.

3.5.           Les faits contestés

[33]         Deux théories très divergentes ont été avancées pour expliquer ce qui s’est passé durant ces six jours.

[34]         L’Agence a présenté des éléments de preuve et des arguments pour étayer sa théorie selon laquelle tous les incidents découlent d’une tentative de dissimulation de la part de R. Clare et J. Clare. L’Agence allègue que durant ces six jours, R. Clare a acheté la vache de M. Hasson à l’OLEX, et qu’ensuite, avant que le Dr Coulibaly ne procède à sa vérification, il a pris l’étiquette IRF 636 de la vache de 13 ans de M. Hasson et l’a mise sur l’animal de trois ans sur lequel le Dr Coulibaly l’a retrouvée dans le parc d’engraissement Clare le  29 mars, puis de nouveau le 21 avril 2011.

[35]         Les Clare ont présenté des éléments de preuve et des arguments pour étayer leur théorie selon laquelle l’étiquette IRF 636 destinée à la vache de M. Hasson n’a jamais été apposée sur son oreille, mais mise plutôt par erreur sur une autre vache à l’OLEX. R. Clare a donc acheté, sans le savoir, la vache qui avait effectivement reçu l’étiquette IRF 636, en a fait vérifier l’âge pour s’assurer qu’elle pouvait être exportée aux États-Unis, puis l’a expédiée dans ce pays aux fins d’abattage. Cependant, comme la vache qui portait l’étiquette IRF 636 était couchée dans la remorque qui était en route pour les États-Unis, la remorque a été refoulée, la vache en question déchargée puis ramenée au parc d’engraissement Clare.

[36]         Les trois affaires dont la Commission est saisie dépendent donc d’un examen minutieux de la preuve visant à déterminer si la vache que R. Clare a achetée à l’OLEX et expédiée aux États-Unis était ou non la même que la vache couchée découverte à la frontière américaine, déchargée à la ferme Unholzer et ramenée au parc d’engraissement Clare, puis examinée et photographiée par le Dr Coulibaly (ses photographies se trouvent à l’onglet 8 de chacun des Rapports de l’Agence). S’il s’agit de la même vache, il y aura peu d’éléments de preuve, s’il en est, pour établir que R. Clare et J. Clare ont fait des déclarations fausses ou trompeuses au Dr Small et au Dr Coulibaly, respectivement, le 28 mars 2011 pour le premier, et les 29 mars et 21 avril 2011 pour le second. S’il ne s’agit pas de la même vache, les Clare auront alors effectivement fait des déclarations fausses et trompeuses aux représentants de l’Agence dans l’exercice de leurs fonctions.

[37]         Ce qui suit est un résumé de la preuve pertinente (et volumineuse) fournie par les parties pour étayer leurs théories respectives.

3.5.1.     Déposition écrite et témoignage de M. Hasson

[38]         M. Hasson a témoigné au sujet de ce qui s’est produit entre sa ferme et l’enceinte de mise aux enchères de l’OLEX. Sa déclaration écrite figure à l’onglet 12 des Rapports de l’Agence. Il a également offert un témoignage oral. Le mercredi 23 mars 2011, M. Hasson s’est entendu avec M. Boys pour expédier trois vaches à l’enceinte de mise aux enchères de l’OLEX. Deux de ces vaches portaient à l’oreille des étiquettes IRF approuvées par l’ACIB lorsqu’elles ont été chargées par M. Hasson, pas la troisième. M. Hasson a expliqué à la Commission qu’il s’agissait d’une vache nerveuse, de race Simmental, d’environ 13 ans, de couleur rousse et blanche, sans cornes et pesant environ 1 500 livres. Il a déclaré à la Commission qu’après avoir fait charger les trois vaches, il a remis à M. Boys l’étiquette IRF 636 dans un sac à glissière et lui a demandé d’étiqueter ou de faire étiqueter la vache de 13 ans à son arrivée à l’enceinte de mise aux enchères de l’OLEX. D’après se qu’il affirme, lorsque M. Weber lui a montré la photographie de la vache Clare, prise par le Dr Coulibaly (onglet 8 des Rapports de l’Agence), M. Hasson lui a confirmé qu’il ne s’agissait pas de la vache qu’il avait fait transporter au marché par M. Boys le 23 mars 2011.

3.5.2.     Déposition écrite et témoignage de M. Boys

[39]         M. Boys a témoigné au sujet de ce qui s’est produit entre la ferme Hasson et l’enceinte de mise aux enchères de l’OLEX. Sa déclaration écrite figure à l’onglet 13 des Rapports de l’Agence. Il a également témoigné oralement. M. Boys a déclaré qu’il avait chargé les trois vaches de M. Hasson, avec plusieurs autres provenant d’autres fermes, qu’il les a toutes livrées à l’enceinte de mise aux enchères de l’OLEX dans la soirée du 23 mars 2011. Il n’a pas étiqueté la vache Hasson, mais a remis l’étiquette IRF 636 au personnel de l’OLEX et leur a demandé de l’apposer. M. Boys a déclaré à la Commission qu’il a demandé au personnel de l’OLEX de poser l’étiquette immédiatement, mais qu’ils ont refusé, ajoutant qu’ils le feraient le lendemain matin. M. Boys affirme que, une fois livrée à l’OLEX, la vache Hasson a reçu le numéro de vente 1022, poinçonné temporairement sur la hanche, ce qu’atteste un document de l’OLEX produit en pièce 4, que M. Boys a rempli lorsqu’il a livré les vaches Hasson. M. Boys a déclaré que lorsque M. Weber lui a montré la photo figurant à l’onglet 13 (identique à la photo couleur de l’onglet 8) des Rapports de l’Agence, il a été en mesure de lui confirmer qu’il ne s’agissait pas de la vache qu’il avait transportée de la ferme Hasson au marché le 23 mars 2011.

3.5.3.     Déposition écrite de l’OLEX et témoignage de Mme Hackbart, employée de l’OLEX

[40]         L’Agence a rassemblé et présenté plusieurs documents commerciaux de l’OLEX dans ses Rapports ainsi que dans les documents produits en pièces lors de l’audience. Les documents de l’OLEX contenus dans les Rapports de l’Agence se trouvent à l’onglet 1, pages 7, 8, 9, 10, 13 et 14, ainsi qu’à l’onglet 13, page 4. Les documents de l’OLEX présentés lors de l’audience figurent en pièces 1, 2, 3, 4, 5 , 6a, 6b et 6c.

[41]         D’après le document qui figure à l’onglet 1 de la page 8 des Rapports de l’Agence, l’étiquette de hanche no 1022 a été attribuée au vendeur Hasson, acheteur 33 (dont les parties ont convenu qu’il s’agissait de R. Clare), relativement à une vache de race croisée pesant 1 535 livres.

[42]         Le document figurant à l’onglet 1, de la page 9 des Rapports de l’Agence, est identique à celui qui se trouve à l’onglet 1, page 8, à ceci près qu’il contient des notes manuscrites additionnelles que Mme Hackbart a reconnu, durant l’audience, avoir ajoutées à l’original de ce document le 8 juillet 2011, durant la visite de deux enquêteurs de l’Agence (MM. Armstrong et Kozak). Ces notes manuscrites indiquaient le numéro de lot de l’acheteur (11), ainsi qu’un numéro d’étiquette IRF recoupé (239 638 636). La pièce 1 contient une modification additionnelle par rapport à l’original, ainsi qu’une copie subséquente de ce document sur laquelle Mme Hackbart a corrigé l’une de ses notes manuscrites pour indiquer que la vache portant l’étiquette de hanche no 1022 avait en fait été vendue à l’acheteur dont le numéro de lot était le 300 plutôt que le 11. C’est ce que semblent confirmer les pièces 2 et 3 : il s’agit des bordereaux d’achat de l’OLEX pour le lot 11 de R. Clare en date du 24 mars 2011 — ce qui inclut douze vaches, mais pas celle portant l’étiquette de hanche no 1022 —, ainsi que pour le lot 30 de R. Clare, à la même date — ce qui comprend 24  vaches dans la liste desquelles figure la vache portant l’étiquette de hanche no 1022. Si l’on se fie à la facture, la vache portant l’étiquette de hanche no 1022 est une vache de race croisée, pesant 1 535 livres et vendue pour un prix total de 1 105,20 $.

[43]         Les documents de l’onglet 1 figurant aux pages 10 et 14 des Rapports de l’Agence (les 17 pages que compte en tout ce document ont été soumises en pièce 6a) montrent que l’âge des animaux portant les étiquettes de hanche 1023 et 1024 a été vérifié aux fins d’admissibilité à l’exportation vers les États-Unis; le Rapport ne fait aucune mention de la vache portant l’étiquette 1022, ce qui suppose qu’elle ne pouvait pas être exportée aux États-Unis.

[44]         Le document de l’onglet 1, figurant à la page 13 du Rapport de l’Agence, rédigé par Mme Hackbart le 15 juillet 2011, près de quatre mois après l’incident, confirme que [traduction] « Étiquette de hanche/de vente no 1022 vendue par Ed Hasson le 24 mars 2011, portait l’étiquette IRF no 239 638 636. » Cependant, cette pièce corroborante ne décrit pas la vache vendue et ne précise pas le nom de l’acheteur.

[45]         La pièce 4, un autre document de l’OLEX, confirme, comme l’a déclaré M. Boys durant son témoignage, que la vache Hasson a reçu une étiquette de hanche temporaire portant le numéro de vente 1022.

[46]         La pièce 5 est le rapport d’étiquetage et d’identification de l’OLEX pour tous les bovins vendus le 24 mars 2011; ce document confirme que la vache identifiée par l’étiquette de hanche 1022 a été vendue à R. Clare (numéro d’acheteur 133, lot 300) pour  1 105,20 $. Mme Hackbart a déclaré que ce document a été créé le 25 ou le 26 mars 2011.

[47]         La pièce 6b est un document de l’OLEX, indiquant que 642 vaches ont été vendues dans son enceinte le 24 mars 2011.

[48]         La pièce 6c est un bordereau d’achat de l’OLEX d’après lequel R. Clare (acheteur 133) a acquis le lot 51 composé de 35 vaches le 24 mars 2011.

[49]          Durant son témoignage, Mme Hackbart a déclaré qu’elle travaillait pour l’OLEX depuis 28 ans et qu’elle occupait les fonctions de directrice de bureau. À ce titre, elle émet des chèques aux clients et établit des factures aux acheteurs, en plus de superviser les employés à temps partiel et la gestion des ventes. Mme Hackbart a affirmé à la Commission que R. Clare se présente à l’OLEX pour toutes les ventes du jeudi et qu’il y achète des bovins, des bouvillons et des génisses d’abattage, en utilisant les numéros d’acheteur 133 et  33. Pour sa part J. Clare participe à toutes les ventes du mardi. L’OLEX organise, dans son enceinte de mise aux enchères, des ventes de vaches de réforme les mardis et jeudis. Le  jeudi 24 mars 2011, l’OLEX a organisé la vente d’au moins 500 vaches. Mme Hackbart a indiqué à la Commission que l’OLEX enregistre le bétail qui entre dans l’arène des enchères en lui assignant une étiquette de hanche temporaire à quatre chiffres, qui est collée sur l’animal dès son arrivée. Les vaches suivent alors le processus de l’OLEX : d’abord l’aire de déchargement des vendeurs, puis les enclos d’attente pour les ventes, la station de vérification de l’âge, l’arène des ventes, l’enclos des acheteurs, et enfin, l’aire de chargement du bétail acheté.

[50]         Mme Hackbart a confirmé qu’il arrive parfois que les étiquettes de hanche tombent pendant qu’un animal est à l’OLEX, auquel cas un employé peut les remettre, s’il est certain de savoir à quelle vache l’étiquette appartient, ou il peut en délivrer une nouvelle, qui se situe dans les 9000, si l’étiquette a disparu avant la station de vérification de l’âge, ou dans les 6000, si elle est perdue entre cette station et l’arène de vente. Mme Hackbart a confirmé que les animaux qui passent par l’OLEX sont également enregistrés selon leurs numéros d’étiquette IRF, mais qu’il arrivait aussi que ces étiquettes tombent. Si tel est le cas, ou que les animaux ne portent pas d’étiquette IRF, l’OLEX peut en apposer une nouvelle, car il s’agit d’un site d’étiquetage officiel, soit à l’aire de déchargement, soit à la station de vérification de l’âge, mais elle n’était pas certaine de savoir où et quand exactement le numéro et l’identité de la vache portant la nouvelle étiquette seraient enregistrés.

[51]         Mme Hackbart a déclaré à la Commission que d’après les documents relatifs à la présente affaire, les vaches Hasson ont reçu les étiquettes de hanche nos 1022, 1023 et 1024, après quoi elles sont passées par la station de vérification de l’âge. La vache qui portait l’étiquette IRF 636 ne figurait pas sur la liste des animaux qui pouvaient être exportés aux États-Unis, étant donné qu’elle n’avait pas moins de trois ans. Le 15 juillet 2011, Mme Hackbart a fait une déclaration [traduction] « pour confirmer que l’animal portant l’étiquette de hanche/de vente no 1022 a été vendu par Ed Hasson le 24 mars 2011 et portait l’étiquette IRF no 239 638 636 » (onglet 1, page 13 des Rapports de l’Agence).

[52]         Mme Hackbart a déclaré que R. Clare est également connu sous le nom de Butch Clare, qu’il achète du bétail sous les numéros d’acheteur de l’OLEX 33 et 133 et que d’après leurs dossiers, la vache qui portait l’étiquette de hanche 1022 les 23 et  24 mars 2011, a été vendue à l’acheteur OLEX portant le numéro 33. Mme Hackbart a affirmé qu’elle a découvert, après recoupement, que l’étiquette de hanche 1022, se trouvait sur une vache portant l’étiquette IRF 636, ce qu’elle a noté dans les documents figurant à l’onglet 1, à la page 9 des Rapports de l’Agence, et versés en pièce 1. Elle a précisé à la Commission qu’elle avait écrit ce numéro d’étiquette IRF à côté de celui de l’étiquette de hanche après avoir consulté le dossier informatique des ventes de l’OLEX, rempli le  24 mars 2011, mais elle ne se souvenait pas quel jour exactement elle l’avait fait. Mme Hackbart a indiqué qu’elle ignorait comment l’âge des animaux était établi aux fins d’admissibilité à l’exportation vers les États-Unis, mais que l’OLEX n’en avait pas la responsabilité. L’OLEX a cependant pour habitude de vérifier que chaque animal porte à l’oreille une étiquette IRF approuvée par l’ACIB avant qu’il ne quitte ses installations.

[53]         Durant le contre-interrogatoire, Mme Hackbart a déclaré qu’elle ignorait si, ou quand, la vache portant l’étiquette de hanche 1022 avait reçu une étiquette IRF, puisque d’après la preuve, elle n’en portait pas en arrivant à l’OLEX. Elle a indiqué à la Commission que Gerry  Wideman (M. Wideman) travaille pour les Services vétérinaires Metzger (Metzger) et qu’il est chargé de la vérification de l’âge des bovins à l’OLEX. Elle a ajouté qu’elle ignorait l’âge de la vache portant l’étiquette de hanche 1022. Mme Hackbart a affirmé qu’elle avait commis une erreur en notant manuellement que R. Clare avait acheté la vache portant l’étiquette de hanche 1022 dans le cadre des achats de son lot 11, puisqu’en réalité, cette vache faisait partie des achats du lot 300 en date du 24 mars 2011. Questionnée à ce sujet, Mme Hackbart a affirmé à la Commission qu’elle avait rédigé la lettre figurant à l’onglet 1, page 13, en se basant sur des renseignements préalables à la vente qu’elle avait pu récupérer sur les ordinateurs de l’OLEX. Elle a précisé que le système de tenue des livres de l’OLEX ne permettait pas de lire une étiquette IRF après le stade de vérification de l’âge. Elle a reconnu que si une étiquette de hanche tombait, elle ne le saurait jamais et qu’elle ne verrait jamais de certificat vétérinaire d’exportation si un tel document était créé.

3.5.4.     Déposition écrite des Drs Chahal et Longfield et témoignage du Dr Talwar

[54]         Un document intitulé « Certificat de santé vétérinaire aux fins d’exportation de bétail ou de bison pour abattage immédiat aux États-Unis d’Amérique numéro de référence TWOK‑2011‑03144 » (le certificat d’exportation), figurant en onglet 2 des Rapports de l’Agence, confirme que 41 vaches étaient admissibles à l’exportation aux États- Unis. Apparemment, ce document a été rempli le 24 mars 2011 par le Dr Chahal, un vétérinaire accrédité travaillant sous contrat pour l’Agence, et approuvé le lendemain par le Dr Longfield de l’Agence. Il désigne Butch Clare Livestock comme l’exportateur, West Michigan Beef comme l’importateur, et Detroit (Michigan) comme le point d’entrée aux fins d’exportation. Le document atteste notamment que [traduction] « [l]es animaux ont été individuellement identifiés à l’aide d’une étiquette d’oreille canadienne officielle, apposée avant l’entrée de chaque animal aux États-Unis ». À la ligne 37 du certificat d’exportation, la vache portant l’étiquette IRF 636 est décrite comme une femelle Simmental de trois ans, de couleur rousse et blanche et portant une étiquette « g1 » additionnelle.

[55]         Le Dr Talwar a été appelé comme témoin par l’Agence; il a déclaré qu’il travaillait comme vétérinaire de district pour celle-ci et qu’à ce titre, il était chargé de l’accréditation des vétérinaires privés qui offrent à l’Agence des services incluant l’inspection et l’accréditation d’établissements aux fins d’exportation. Le rôle d’un vétérinaire délivrant des accréditations aux fins d’exportation vers les États-Unis consiste à vérifier l’âge des bovins, à inspecter leur état de santé et à déterminer leur admissibilité à l’exportation aux États-Unis. Le Dr Talwar a déclaré que le certificat d’exportation a été endossé le  24 mars 2011 par le Dr Chahal, un vétérinaire accrédité qui travaille sous contrat pour l’Agence. La signature du Dr Longfield, de l’Agence, a été apposée le lendemain, et atteste que le vétérinaire accrédité a rempli la tâche qui lui avait été confiée, même si le Dr Longfield n’a vu aucun des animaux visés par le certificat d’exportation.

[56]         Le Dr Talwar a indiqué que le Dr Chahal a fait l’objet d’une vérification et d’une enquête menées par l’Agence. Le Dr Talwar s’est chargé spécifiquement de la vérification du certificat d’exportation dont il est question en l’espèce. D’après ses conclusions, le Dr Chahal n’a pas pu expliquer la vérification de l’âge de toutes les bêtes visées par ce certificat et n’a pas pu retrouver les dossiers de tous les animaux qu’il a certifiés pour ce chargement. Le Dr Chahal a indiqué au Dr Talwar qu’il s’en remettait à ses techniciens pour les vérifications, et en particulier à M. Wideman, qui travaille pour l’OLEX. En ce qui concerne précisément la bête mentionnée à la ligne 37 du certificat d’exportation (étiquette IRF 636), le Dr Talwar a déclaré à la Commission que le Dr Chahal lui avait dit qu’il n’avait pas pu en vérifier l’âge. La pièce 7 a été présentée à la Commission comme preuve qu’aucune vérification n’avait eu lieu pour la bête inscrite à la ligne 37 du certificat d’exportation.

[57]         Le Dr Talwar a déclaré lors du contre-interrogatoire que même si le Dr Chahal n’avait pas pu prouver qu’il maîtrisait le processus ou les connaissances nécessaires pour déterminer l’âge de certaines bêtes mentionnées sur le certificat, il était possible que les âges dont ce document fait état soient corrects. Le Dr Talwar a confirmé que la vérification de l’âge de la bête inscrite à la ligne 37 du certificat a pu s’effectuer visuellement ou par renvoi au dossier de l’association des bovins de race, mais rien n’indique que l’âge a été déterminé de l’une ou l’autre manière. Le Dr Talwar a également confirmé qu’après avoir été suspendu et avoir suivi une nouvelle formation, le Dr Chahal travaille à nouveau pour l’Agence comme vétérinaire pouvant délivrer des accréditations.

3.5.5.     Déposition écrite et témoignage de la Dre Small

[58]         La Dre Small a témoigné en se reportant au rapport qu’elle a rempli et qui figure à l’onglet 4 des Rapports de l’Agence (l’Agence a reconnu que le rapport de la Dre Small relatif à l’incident R. Clare aurait dû contenir les mêmes documents que ceux qui ont été inclus dans cet onglet relativement aux deux autres incidents; la Commission a accepté cette modification du Rapport de l’Agence concernant R. Clare). Elle a déclaré à la Commission qu’elle a reçu sur son téléphone cellulaire, le 27 mars 2011 à 16 h 22, un message du Dr Mick Caston (Dr Caston), inspecteur vétérinaire à l’entrée du département de l’Agriculture des États-Unis à Detroit, indiquant qu’il avait refusé l’entrée à un chargement de bovins avec une bête couchée, et qu’il ne savait pas qui appeler. La Dre Small a expliqué que l’inspecteur vétérinaire, à l’entrée de l’Agence, qui était de garde le 27 mars 2011 était le Dr Arumugam, mais le Dr Caston ne l’a pas appelé. La Dre Small a contacté ce dernier le  28 mars 2011 à 8 h 25 pour lui demander s’il avait appelé quelqu’un d’autre la veille. Il a confirmé que ce n’était pas le cas.

[59]         La Dre Small a affirmé qu’elle a ensuite téléphoné à M. Unholzer à 8 h 40 et avoir appris qu’une vache avait été déchargée à la ferme de ce dernier la nuit précédente, qu’elle avait été traînée à l’arrière du camion et descendue à l’aide d’une chargeuse à godet. M. Unholzer lui a rapporté qu’ils avaient donné de l’eau à la vache et qu’elle s’était relevée, mais qu’il n’avait pas été en mesure de lire l’étiquette d’oreille en raison de [traduction] « sa nature ». La Dre Small a indiqué à M. Unholzer que le personnel de l’Agence se rendrait à sa ferme ce jour-là pour lui parler. La Dre Small a ensuite contacté le Dr Arumugam pour lui demander d’aller à la ferme Unholzer et d’y inspecter la vache couchée. La Dre Small a également appelé R. Clare pour avoir plus de renseignements concernant cette bête.

[60]         La Dre Small a déclaré à la Commission avoir consigné dans ses notes qu’à 11 h 40 ce jour-là, elle a reçu un appel du Dr Caston lui indiquant qu’il avait reçu le numéro d’étiquette IRF de la bête à terre, soit l’IRF 636, animal no 37 sur le certificat d’exportation. D’après son témoignage, le Dr Caston tenait cette information de Nancy, du bureau de Butch Clare.

[61]         À 15 h 10, la Dre Small a noté avoir reçu un appel de R. Clare l’informant que la vache couchée s’était relevée, qu’il l’avait envoyée chercher à la ferme Unholzer et ramenée au parc d’engraissement Clare à Burford (Ontario). R. Clare a ajouté que les employés de l’Agence pouvaient venir l’examiner à leur guise.

[62]         Durant le contre-interrogatoire, la Dre Small a déclaré à la Commission que les formalités à la frontière américaine concernant la vache couchée ne s’étaient pas déroulées comme elles auraient dû normalement, puisqu’aucun inspecteur de l’Agence n’avait assisté aux événements constatés par les autorités américaines. La Dre Small est donc devenue méfiante étant donné que les procédures normales pour ce type de situations n’ont pas été respectées.

[63]         La Dre Small a également rapporté à la Commission le témoignage par ouï-dire par lequel M. Unholzer lui a expliqué ce qui s’était produit à sa ferme le 27 mars 2011. De même, l’un des documents que les Drs Small et Arumugam ont reçus d’Unholzer était la pièce 9, le registre du destinataire de MRS des Fermes Malden Valley d’Unholzer, dont la dernière entrée concerne la réception d’un animal portant le numéro d’étiquette IRF CAN000239638636, avec l’inscription « 1300# », le 27 mars 2011, transporté par un camion d’Oxford Transport conduit par « Brad ».

3.5.6.     Déposition écrite et témoignage du Dr Arumugam

[64]         Le Dr Arumugam a expliqué son rôle relativement aux incidents dans un rapport écrit figurant à l’onglet 6 des Rapports de l’Agence. La majeure partie de ce rapport et de son témoignage de vive voix est de l’ordre d’un témoignage par ouï-dire en ce qu’on y reprend les propos de M. Unholzer.

[65]         Le Dr Arumugam a déclaré à la Commission que, d’après ce que lui a confié M. Unholzer, celui-ci a reçu un appel à 16 h 30 le 27 mars 2011, l’informant qu’un chargement avait été refusé à la frontière américaine et qu’Oxford Transport apportait à sa ferme une vache couchée pour l’y décharger afin que le reste du chargement puisse entrer aux États-Unis pour l’abattage. M. Unholzer a offert au Dr Arumugam des versions contradictoires de ce qui s’est produit ensuite. Le camion est arrivé à sa ferme à 18 h 15. La bête couchée soit est descendue toute seule, soit a été traînée, ou a été descendue de la remorque au moyen d’une chargeuse à godet. En outre, d’après ce que M. Unholzer aurait dit au Dr Arumugam, le chauffeur se prénommait « Kaisey », et la vache en question était marquée d’un « X » signalant un comportement agaçant et n’avait pas de cornes.

[66]         Le Dr Arumugam a déclaré qu’il a appelé M. Unholzer vers 9 h 40 le  lundi  28 mars 2011, pour planifier une visite à sa ferme et inspecter la vache couchée. M. Unholzer l’a informé que celle-ci s’était relevée. Les deux hommes se sont entendus pour que le Dr Arumugam visite la ferme Unholzer vers  14 h le jour même. À son arrivée, M. Unholzer a déclaré au Dr Arumugam que R. Clare avait pris des dispositions pour que quelqu’un vienne chercher la vache, qu’un chauffeur et une remorque étaient arrivés vers  11 h pour la ramener au parc d’engraissement Clare à Burford, et donc, que l’animal ne se trouvait plus à la ferme Unholzer. Le Dr Arumugam a affirmé à la Commission que durant sa visite, M. Unholzer l’a informé que la vache avait été chargée en la tirant par le cou avec un chariot-élévateur à fourche afin de l’aider à entrer dans la remorque de plain-pied affectée à son transport vers le parc d’engraissement Clare.

[67]         Au moment du contre-interrogatoire, le Dr Arumugam a reconnu que ses préoccupations, lors de la visite à Unholzer, concernaient la manière dont la vache couchée avait été traitée pour la faire descendre de la remorque le 27 mars 2011. Il a admis que M. Unholzer avait souvent changé sa version des faits en ce qui a trait au traitement réservé à la vache, à sa réaction et à la manière dont elle on l’avait fait descendre de la remorque. Le Dr Arumugam a également déclaré à la Commission que parfois M. Unholzer lui disait une chose, et ensuite une autre tout à fait contradictoire. Le Dr Arumugam a reconnu que l’inscription « 1300# » sur la pièce 9 — le registre du destinataire de MRS de la ferme Unholzer — aurait pu signifier « 1 300 livres » pour le poids de l’animal portant l’étiquette IRF 636 livré à la ferme Unholzer.

3.5.7.     Déposition écrite et témoignage du Dr Coulibaly

[68]         Les Drs Small et Arumugam ont déclaré avoir pris des dispositions pour inspecter la vache couchée portant l’étiquette IRF 636 au parc d’engraissement Clare. Le Dr Coulibaly a indiqué que c’est lui qui avait été désigné pour remplir cette tâche. Le Dr Dewit, vétérinaire de district de l’Agence pour la région de Guelph, lui a demandé d’effectuer cette inspection au parc d’engraissement Clare le mardi 29 mars 2011. Le Dr Coulibaly a déclaré qu’il avait prié J. Clare de lui montrer la vache en question. Ce dernier lui a donc présenté la bête portant l’étiquette IRF 636. Le Dr Coulibaly a effectué un bilan de santé de la vache, il a constaté qu’elle ne boitait pas et a déterminé qu’elle était en bonne santé et qu’elle portait bel et bien l’IRF no 636. L’onglet 8 des rapports de l’Agence est une photographie prise par le Dr Coulibaly lorsqu’il a inspecté l’animal, qui était une vache Simmental rousse et blanche, portant des cornes. Le Dr Coulibaly a vérifié le numéro d’étiquette visuellement ainsi qu’à l’aide d’un lecteur électronique. Il affirme qu’il n’a rien remarqué d’inhabituel ou d’anormal quant à l’étiquette ou à l’oreille de l’animal.

[69]         Le Dr Coulibaly est retourné au parc d’engraissement Clare le jeudi 21 avril 2011, il a demandé à voir la vache en question et J. Clare la lui a montrée. Ce dernier l’a informé qu’elle avait mis bas et il lui a montré la vache avec son veau. Le Dr Coulibaly a déclaré qu’il se trouvait face au même animal qui lui avait été montré le 29 mars 2011. Il a vérifié le numéro d’étiquette IRF manuellement après que l’animal eut été maîtrisé pour permettre cette opération. Celui-ci semblait en bonne santé et un veau était à sa suite. S’il était séparé d’elle, la vache se montrait anxieuse et même s’il ne pouvait pas affirmer sans le moindre doute qu’il s’agissait d’une mère et de son veau, c’était probablement le cas. Le Dr Coulibaly a indiqué qu’il a pris des photos de la vache et du veau, qui figurent à l’onglet 9 des Rapports de l’Agence.

[70]         Le Dr Coulibaly a déclaré, durant le contre-interrogatoire, qu’il n’avait pas fait subir de test de grossesse à la vache en question durant sa première visite et qu’il aurait fallu le faire à ce moment-là pour confirmer qu’elle était gestante. Le Dr Coulibaly a précisé qu’il n’a pas vérifié spécifiquement si l’étiquette IRF de la vache avait récemment été retirée. Il a ajouté que, dans son expérience professionnelle, il n’avait jamais vu d’étiquette retirée ou remplacée sur une même vache ou un autre bovin.

3.5.8.     Déposition écrite par d’autres employés de l’Agence et témoignage de M. Weber

[71]         D’autres employés de l’Agence ont rassemblé des éléments de preuve et soumis des rapports, tels qu’ils figurent dans les Rapports de l’Agence. Il s’agit notamment des notes manuscrites d’Andrew Armstrong et de Mike Kozak versées à l’onglet 1 des Rapports de l’Agence (concernant les renseignements obtenus du personnel de l’OLEX, en particulier Mme Hackbart), des rapports d’inspecteur de Dylan Ryan et de Jeffrey Medel versés à l’onglet 6 (concernant les renseignements obtenus de M. Unholzer), des notes manuscrites de M. Weber versées aux onglets 10, 11, 12 et 13 (concernant les renseignements obtenus de MM. Hasson, Unholzer et Boys). À l’exception des souvenirs embrouillés de M. Unholzer, les témoignages par ouï-dire recueillis dans ces documents concordent avec d’autres éléments de preuve similaires fournis par l’Agence, par le biais des témoins appelés à l’audience.

[72]         Cependant, en plus de ses notes manuscrites contenues dans les Rapports de l’Agence, M. Weber a livré un témoignage à l’audience. Il a déclaré qu’il a été chargé d’enquêter sur les incidents, qu’il a interrogé les personnes concernées, qu’il a décidé de délivrer des avis de violation et qu’il a rempli les Rapports de l’Agence. M. Weber a déclaré à la Commission qu’il avait retracé l’étiquette IRF 636 jusqu’à sa délivrance à M. Hasson, et qu’il avait interrogé M. Unholzer sur son rôle dans les incidents.

[73]         M. Weber a également déclaré qu’il avait mené, de son propre chef, plusieurs tests pour voir comment des étiquettes IRF approuvées par l’ACIB pouvaient être altérées, afin d’être échangées d’un animal à l’autre. L’Agence n’a jamais demandé à ce que M. Weber soit reconnu comme expert à l’égard de ces questions, si bien que les avocats de R.Clare et J. Clare se sont opposés aux conclusions de sa recherche. M. Weber a admis durant le contre -interrogatoire que l’Agence n’a jamais mené de tests officiels pour savoir si les étiquettes IRF approuvées par l’ACIB pouvaient être altérées. M. Weber a précisé à la Commission qu’il n’avait jamais demandé aux témoins potentiels dans le cours de son enquête si les étiquettes IRF avaient été ou auraient pu être altérées.

3.5.9.     Témoignage de M. Wideman

[74]         Durant son témoignage, M. Wideman a déclaré qu’il travaillait pour Metzger comme technicien vétérinaire. Il a affirmé à la Commission qu’il ne gardait aucun souvenir précis de la journée de vente du 24 mars 2011, mais que si c’était un jeudi, il était occupé à vérifier l’âge des bovins destinés à la vente à l’OLEX, sous la supervision du Dr Chahal. Voici la procédure à laquelle il obéit : la vache entre par la porte principale et son étiquette IRF est scannée, ce qui crée un dossier dans une base de données informatique.

[75]         M. Wideman a indiqué que, d’après les résultats informatiques transcrits sur le certificat d’exportation signé par le Dr Chahal, le 24 mars 2011, il a été établi dans la cage de vérification de l’âge que la vache portant l’étiquette IRF 636 avait trois ans. M. Wideman a déclaré à la Commission qu’il était improbable que cet âge fût incorrect. Il suppose que l’OLEX a quelques difficultés à apparier vendeurs et acheteurs. Il a également déclaré qu’il était chargé d’installer les étiquettes IRF approuvées par l’ACIB et qu’il le faisait fréquemment. Il n’a jamais vu ces étiquettes être retirées ou réapposées sur une autre vache.

[76]         Durant le contre-interrogatoire, M. Wideman a déclaré à la Commission qu’à l’étape de la vérification de l’âge préalable à la vente, il s’assurait que l’animal porte une étiquette IRF approuvée par l’ACIB et qu’il en apposait une nouvelle s’il n’en avait pas. Si une vache n’est pas marquée, mais qu’elle porte une étiquette de hanche ou qu’un camionneur ou un fermier en particulier l’exige, il appose une étiquette non délivrée par l’OLEX; si elle ne porte pas d’étiquette de hanche, il appose une étiquette délivrée par l’OLEX. Il scanne ensuite la nouvelle étiquette et enregistre les données de vérification de l’âge. M. Wideman a reconnu que la vache qui portait l’étiquette de hanche 1022 n’était pas admissible à l’exportation, d’après les dossiers de vente de l’OLEX. Cependant, il affirme qu’au moment du [traduction] « retraçage » (c’est-à-dire de la préparation du certificat d’exportation) en vue de l’exportation vers les États-Unis, l’exportateur indique au vérificateur les lots qu’il aimerait voir certifier, et les vaches faisant partie de ces lots qui sont admissibles seront alors identifiées sur un certificat d’exportation. L’employeur de M. Wideman, Metzger, doit revérifier chaque animal au moment du retraçage avant l’exportation, et jumeler les données d’exportation avec les vérifications de l’âge effectuées par l’OLEX avant la vente.

3.5.10.      Témoignage de M. Davis

[77]         M. Davis a déclaré durant son témoignage qu’il se rappelait avoir transporté, le matin du dimanche 27 mars 2011, un chargement de bétail appartenant à Clare de l’OLEX vers un abattoir au Michigan. Il a affirmé à la Commission qu’il ne charge pas le bétail, mais que ce sont plutôt R. Clare  ou J. Clare qui le font à l’OLEX. Lorsqu’il est arrivé à la frontière américaine l’après-midi du dimanche 27 mars 2011, l’entrée lui a été refusée. Descendu de son camion pour compléter les formalités d’inspection, il a remarqué qu’une des vaches était couchée. Il l’a relevée, mais à son retour, elle était de nouveau au sol. Un agent des douanes américaines a remarqué la vache couchée dans la remorque. C’est à cause d’elle que M. Davis n’a pas été autorisé à entrer aux États-Unis; un agent des douanes américaines l’a informé que le chargement pourrait traverser la frontière une fois que la vache couchée soit retirée de la remorque. M. Davis a déclaré à la Commission que cette vache n’a jamais été identifiée par une étiquette d’oreille IRF à la frontière américaine.

[78]         M. Davis a donc regagné le Canada et pris des mesures pour faire descendre la vache couchée de la remorque. Il a découvert que la ferme Unholzer était autorisée à recevoir des bêtes blessées ou malades et y a déchargé la vache en question. M. Davis a affirmé à la Commission qu’après que les vaches qui entouraient la bête couchée eurent été déchargées, celle-ci s’est relevée sur ses pattes et est sortie de la remorque, mais elle était en colère. M. Davis a alors appelé R. Clare, qui lui aurait dit de recharger la remorque, mais de laisser la vache problématique à la ferme Unholzer. M. Davis a déclaré que la vache déchargée était jeune, qu’elle avait de petites cornes, une face rousse et blanche et qu’elle était très agitée et en colère. D’après son témoignage, c’est la dernière fois que M. Davis a vu cette vache; il a ensuite ramené les autres animaux à la frontière puis les a transportés à l’abattoir au Michigan.

[79]         Davis a précisé durant le contre-interrogatoire que depuis trois ou quatre ans qu’il transporte du bétail, c’est la seule fois qu’il a été refoulé à la frontière américaine. La majorité des chargements de bétail qu’il transportait appartenaient à R. Clare. S’agissant de ce chargement précis, l’agent des douanes américaines, le Dr Caston, lui a dit de retourner au Canada et de s’occuper de la vache couchée, ce que M. Davis a fait, déclarant aux agents canadiens que ses papiers n’étaient pas en ordre, comme le Dr Caston lui avait dit de le faire. Questionné à ce sujet, M. Davis a répété qu’à son arrivée à la ferme Unholzer, la bête couchée a réussi à descendre du camion en marchant, et que si M. Unholzer avait dit aux enquêteurs de l’Agence qu’il avait fallu la traîner hors de la remorque, c’était un mensonge.

3.5.11.      Témoignage de J. Clare

[80]         J. Clare a déclaré qu’il avait entendu parler de la vache couchée pour la première fois par son père, R. Clare. Le 28 mars 2011, il est arrivé au travail vers 6 h 30 et plus tard ce matin‑là, alors qu’il bavardait avec son père, celui-ci lui a parlé de cet animal. Il l’a informé que des vétérinaires de l’Agence viendraient de Woodstock pour voir la vache, qui se trouvait à présent au parc d’engraissement Clare, dans un enclos à elle toute seule. C’est la première fois que J. Clare a vu la vache. Il a déclaré à la Commission que le Dr Coulibaly est arrivé de l’Agence le 29 mars 2011 et qu’il lui a montré l’animal. Il ne se souvient pas de la conversation qu’ils ont eue, mais le Dr Coulibaly a photographié la vache. J. Clare se souvient que celle-ci était en bonne santé, et qu’il s’agissait d’une Simmental cornue portant une étiquette IRF. J. Clare a déclaré qu’ensuite la vache a vêlé, et donc plutôt que de l’expédier avant qu’elle ne mette bas, ils l’ont gardée à la ferme. Après le vêlage, les Clare ont appelé l’Agence et ont invité ses représentants à venir réexaminer la vache. J. Clare a déclaré à la Commission qu’il n’aurait pas pu dire que la vache était gestante en mars, car cela est plus difficile à déterminer pour les vaches plus jeunes. En avril, le Dr Coulibaly est revenu à la ferme pour examiner la vache et le veau et prendre d’autres photographies.

[81]         Durant le contre-interrogatoire, J. Clare a affirmé à la Commission que la vache et le veau ont fini par être vendus aux « Carson » après le 21 avril 2011, mais que l’étiquette IRF n’a jamais été retirée, probablement parce qu’ils avaient été vendus comme une paire vache-veau. J. Clare a déclaré que la vache était un peu nerveuse le 29 mars 2011 lorsque le Dr Coulibaly est venu vérifier son état de santé et son numéro d’étiquette.

3.5.12.      Témoignage de R. Clare

[82]         D’après son témoignage, R. Clare élève près de 30 000 bovins par année et en expédie annuellement près de 60 000 aux États-Unis pour abattage. Il va à l’OLEX tous les jeudis pour acheter du bétail à ces deux fins. Les jeudis, R. Clare achète en moyenne entre 370 et 650 vaches, dont 85 % sont destinées à l’exportation et le reste au marché canadien. R. Clare est le plus grand acheteur de bétail à l’OLEX et effectue ses achats sous au moins huit numéros de lots, ce qui permet à l’OLEX de rassembler le bétail qu’il achète et de les trier à différentes fins, comme l’exportation vers les États-Unis ou l’acheminement vers son parc d’engraissement. Si le nombre de bêtes du lot destiné à l’exportation est insuffisant, R. Clare le complétera par le nombre nécessaire de vaches d’un autre lot.

[83]         R. Clare a décrit ainsi la manière habituelle de procéder à l’OLEX : a) plusieurs vendeurs apportent du bétail le mercredi soir ou tôt le jeudi matin, et les bêtes sont déchargées dans les enclos de l’enceinte; b) les bovins sont alors disposés dans des enclos d’attente par le vendeur ou les groupes de vendeurs, et identifiés par des étiquettes de vente apposées sur la hanche et des étiquettes IRF approuvées par l’ACIB; c) l’âge des bêtes qui se trouvent dans les enclos d’attente est vérifié avant la vente, habituellement par M. Wideman, de Metzger, qui appose une étiquette rouge, bleue ou verte pour signaler que l’âge d’une vache a été vérifié et qu’elle est admissible à l’exportation vers les États-Unis; d) des lots de bétail pénètrent dans l’arène et sont vendus au plus offrant; e) le bétail acheté par un acheteur particulier sera mis dans un ou des enclos qui lui sont réservés; f) l’acheteur charge ou fait charger son bétail dans une remorque pour qu’il soit livré à un parc d’engraissement canadien, ou à un transformateur canadien ou américain; h) si le chargement s’en va aux États-Unis, l’admissibilité des bovins aux fins d’exportation sera vérifiée une fois de plus, et un certificat d’exportation sera délivré par un vérificateur tiers, en l’occurrence Metzger, puis approuvé par un vétérinaire de l’Agence avant que le bétail puisse être chargé des enclos de l’OLEX dans la remorque de l’acheteur.

[84]         R. Clare a déclaré qu’il avait acheté de nombreuses vaches à la vente d’OLEX le 24 mars 2011, mais qu’il ne se souvenait pas spécifiquement de la vache portant l’étiquette IRF 636 entrant dans l’arène, bien qu’il reconnaisse l’avoir achetée ce jour-là. Il a expliqué à la Commission que les bêtes achetées cette journée‑là avaient probablement été rassemblées dans plusieurs parcs selon leur admissibilité à l’exportation vers les États-Unis pour former un chargement à livrer à un abattoir américain, ou qu’elles étaient autrement destinées à des abattoirs canadiens, ou encore qu’elles devaient être engraissées dans le parc d’engraissement Clare. R. Clare a expliqué à la Commission qu’il y avait peu d’avantages réels à expédier des vaches aux États-Unis, car la différence du prix de vente n’était de toute façon que d’un ou deux cents la livre.

[85]         R. Clare a déclaré à la Commission que l’admissibilité à l’exportation vers les États- Unis des vaches qu’il a achetées le jeudi 24 mars 2011 avait été confirmée par une vérification officielle, et que les bêtes en question avaient été rassemblées dans un enclos de l’OLEX en attendant d’être acheminées par des représentants de R. Clare le  dimanche  27 mars 2011. Ce jour-là, R. Clare s’est rendu à l’OLEX pour charger les bêtes destinées aux États-Unis, l’abattoir américain souhaitant que le bétail arrive sur les lieux le dimanche soir. R. Clare se souvient d’avoir fait monter le chargement et la vache en question, puisqu’il en a mis cinq dans le [traduction] « nez » de la remorque et que cette vache était [traduction] « une femelle gauche, de couleur roux foncé et orange avec un “X” en rouge sur sa tête parce qu’elle était difficile ». R. Clare a précisé qu’il l’avait mise dans le nez afin [traduction] « [qu’]elle n’encorne aucune des autres vaches ». Il a également fait remarquer que le « X » rouge peint sur la tête de la vache pouvait y rester pendant quatre ou cinq jours, ou peut-être moins, s’il faisait humide, avant de s’effacer.

[86]         R. Clare a déclaré que M. Davis conduisait la remorque dans laquelle il a chargé le bétail à destination des États-Unis le 27 mars 2011. M. Davis est donc parti avec le chargement. L’intervention suivante de R. Clare concernant le chargement a eu lieu lorsque M. Davis ou l’agent des frontières américaines, le Dr Caston, l’a contacté pour l’informer qu’il y avait une vache couchée dans la remorque. R. Clare a affirmé à la Commission qu’il a demandé à M. Davis d’aller à la ferme Unholzer pour y décharger la vache en question. Celui-ci l’a ensuite appelé pour lui dire que la vache était debout et pour savoir s’il devait essayer de repasser la frontière américaine. R. Clare lui a répondu de laisser la vache chez Unholzer puis de retourner à la frontière. R. Clare déclare que M. Davis lui aurait dit que la vache était sortie toute seule de la remorque et que ni lui ni M. Unholzer n’ont précisé qu’il avait fallu utiliser une chargeuse à godet pour la faire descendre à la ferme Unholzer.

[87]         R. Clare affirme avoir envoyé une remorque pour aller chercher l’animal le lundi matin 28 mars 2011, et il se souvient d’avoir dit à son fils, J. Clare, qu’un animal arriverait au parc d’engraissement. R. Clare se souvient d’avoir parlé ce jour-là à la Dre Small et de l’avoir informée qu’elle pouvait venir examiner la vache. R. Clare se rappelle aussi qu’il s’est entretenu avec le Dr De Wit du bureau de l’Agence à Woodstock, et que celui-ci lui a fait savoir qu’un vétérinaire de l’Agence viendrait examiner la vache.

[88]         R. Clare affirme à la Commission que la vache est arrivée avant 15 h au parc d’engraissement de Burford. Il précise qu’il s’agissait de la même vache qui avait été chargée à l’OLEX et qu’à son arrivée à la ferme, il a fait couper le bout de ses cornes parce qu’elle était encore « gauche », et que ça allait la calmer. D’après lui, cette vache pesait environ 1 200 à 1 300 livres, et non pas plus que 1 500. Il n’a pas remarqué qu’elle était gestante, car il n’est possible de le confirmer visuellement qu’au tout dernier stade de la grossesse. Il a ajouté qu’il n’aurait pas expédié une vache gestante s’il avait eu connaissance de son état, pour des raisons financières et de sécurité – une vache gravide vaut 300 $ de plus qu’une génisse d’abattage.

[89]         R. Clare a déclaré qu’il ne faisait aucun doute dans son esprit que la vache qu’il avait chargée à Kitchener à l’OLEX était la même que celle qu’il a récupérée au parc d’engraissement de Burford. Il a demandé à son fils J. Clare de montrer la vache au personnel de l’Agence, celle-ci a fini par vêler et la paire vache-veau a été envoyée aux « Carson » pour être vendue en consignation. R. Clare a dit qu’il comprenait que toutes les vaches devaient porter à l’oreille des étiquettes IRF bien avant le stade de vérification de l’âge à l’OLEX, mais que si elles n’en ont pas encore, ces étiquettes seront apposées sur place, et qu’il pouvait y avoir 70 à 80 étiquettes à apposer à OLEX les jours de vente. Les personnes chargées de vérifier l’âge des vaches enregistrent alors cette information dans la base de données informatique. Enfin, R. Clare a déclaré à la Commission qu’il n’avait jamais retiré d’étiquette IRF approuvée par l’ACIB, ni demandé à un employé de le faire. Il est d’avis que ces étiquettes ne sont pas censées être retirables.

[90]         Durant le contre-interrogatoire, R. Clare a affirmé qu’il ne sait jamais à l’avance combien de bovins il achètera un jour donné. Une fois les bovins achetés, cependant, c’est lui qui décide des chargements et donne des instructions au personnel de l’OLEX pour mettre les différents bovins dans différents enclos. S’il manque quelques animaux à un lot destiné à l’exportation aux États-Unis, il ira en chercher dans un autre lot. En ce qui concerne le lot expédié aux États-Unis le 27 mars 2011, R. Clare a reconnu que 35 animaux provenaient du lot 51 et que les six autres ont été ajoutés pour compléter le chargement de  41 animaux, comme l’indique le certificat d’exportation.

[91]         Durant le contre-interrogatoire, R. Clare a également affirmé, qu’il y avait déjà eu des vaches couchées dans d’autres chargements, et que l’Agence vient effectuer des inspections lorsque cela se produit. Il savait que l’Agence voulait voir la vache après avoir parlé à la Dre Small, mais ajoute que celle-ci ne lui a jamais dit qu’il ne pouvait pas la récupérer à la ferme Unholzer. Il avait accepté que l’Agence vienne examiner l’animal. R. Clare a déclaré qu’il ne se rappelait pas s’il a contacté la Dre Small ou si elle l’a appelé dans l’après-midi du lundi 28 mars 2011. Il reconnaît que la vache qui portait l’étiquette de hanche no 1022 pesait 1 525 livres, mais sait aussi que celle qu’il a récupérée à la ferme Clare ne pesait pas autant, c’est pourquoi il ne croit pas que la vache qui portait l’étiquette de hanche no 1022 était la même que celle qui portait l’étiquette IRF 636.

[92]         R. Clare a indiqué durant le réinterrogatoire que M. Unholzer l’avait probablement informé que le personnel de l’Agence irait dans sa ferme pour inspecter la vache couchée, mais qu’entre-temps, il avait contacté un chauffeur qui se trouvait dans les parages le matin du 28 mars 2011 pour lui dire d’aller la chercher et de la ramener au parc d’engraissement Clare à Burford. C’est ensuite que R. Clare a invité la Dre Small, ou d’autres employés de l’Agence, à venir examiner la vache au parc d’engraissement Clare.

4.                  Les conclusions factuelles et l’analyse juridique

[93]         L’Agence, par l’entremise de ses témoins, a présenté des éléments visant à prouver une dissimulation et une fraude de la part des Clare. D’après la théorie de l’Agence, ces derniers ont essayé d’expédier la vache Hasson de 13 ans aux États-Unis pour abattage; arrivée à la frontière, elle a été renvoyée au Canada puis débarquée de force de la remorque, son étiquette a ensuite été retirée et placée par les Clare sur une vache de trois ans que le Dr Coulibaly a trouvée dans le parc d’engraissement Clare.

[94]         Les Clare, de leur côté, ont présenté, par le biais de leurs témoins, des éléments de preuve faisant apparaître une série d’événements différents façonnés par l’inadvertance et certaines erreurs, mais pas de la dissimulation. Leur argument central est que l’étiquette IRF 636 n’a jamais été apposée sur la vache Hasson, qu’elle s’est plutôt retrouvée par inadvertance le 24 mars 2011, à l’OLEX, sur une vache de trois ans achetée par R. Clare, dont l’âge a été officiellement vérifié aux fins du certificat d’exportation vers les États-Unis, et qui a été chargée à l’OLEX le dimanche matin pour y être expédiée. Cette vache Clare, dont les documents officiels attestent qu’elle portait l’étiquette IRF 636, est partie dans la remorque qui a pris la route vers les États-Unis, avant d’être refoulée  et  déchargée à la ferme Unholzer et de regagner le parc d’engraissement Clare le  lundi  après-midi 28 mars 2011.

[95]         Pour que la Commission conclue que R. Clare et J. Clare ont fait des déclarations fausses ou trompeuses aux représentants de l’Agence, il faut donc prouver, selon la prépondérance des probabilités :

a.       que la vache Hasson de 13 ans a effectivement reçu l’étiquette IRF 636, et que celle-ci a été apposée sur son oreille;

b.       que les Clare, ou des personnes relevant de leur contrôle, ont retiré l’étiquette IRF 636 de la vache Hasson de 13 ans pour l’apposer sur la vache Clare de trois ans.

[96]         Si ces faits ne sont pas prouvés, les déclarations de R. Clare par lesquelles il a invité les représentants de l’Agence à venir examiner « la vache », ou celles de J. Clare, qui assurait à ces derniers qu’il s’agissait de « la vache », n’auront pas été fausses ou trompeuses puisque la preuve établit clairement que la vache examinée par le Dr Coulibaly portait l’étiquette IRF 636. Il ne sera possible de conclure que l’invitation de R. Clare à visiter la vache, ou que les présentations de l’animal portant l’étiquette IRF 636 par J. Clare, étaient fausses ou trompeuses que si la vache Hasson a réellement reçu l’étiquette et que les Clare l’ont ensuite retirée pour l’apposer sur la vache Clare.

[97]         Ces contraventions alléguées à la Loi SA par les Clare sont qualifiées de « très graves » par la Loi SAP. D’ailleurs, une amende de 10 000 $ n’est pas une mince affaire et démontre la gravité de ce type de violation. La Loi SAP et le Règlement SAP indiquent clairement qu’il n’est pas anodin de faire des déclarations fausses ou trompeuses à des représentants du gouvernement. D’autre part, être accusé d’avoir fait de telles déclarations n’est pas non plus une affaire négligeable. Ces accusations, si elles ne sont pas prouvées, peuvent à elles seules entacher injustement la réputation de l’individu visé dans la collectivité ainsi que son honneur et intégrité.

[98]         Les cours ont examiné le régime des SAP avec une certaine minutie, d’autant plus que ces violations supposent une responsabilité absolue. Dans l’arrêt Doyon c. Procureur général du Canada, 2009 CAF 152 (Doyon), le juge Létourneau, s’exprimant au nom de la Cour d’appel fédérale, décrit le régime en ces termes :

[27] En somme, le régime de sanctions administratives pécuniaires a importé les éléments les plus punitifs du droit pénal en prenant soin d’en écarter les moyens de défense utiles et de diminuer le fardeau de preuve du poursuivant. Une responsabilité absolue, découlant d’un actus reus que le poursuivant n’a pas à établir hors de tout doute raisonnable, laisse au contrevenant bien peu de moyens de disculpation.

[99]         Dans l’arrêt Doyon, la Cour d’appel fédérale souligne également que la Loi SAP impose un lourd fardeau à l’Agence :

[20] Enfin, et il s’agit là d’un élément important de toute poursuite, la charge de la preuve d’une violation appartient au ministre ainsi que le fardeau de persuasion. Il doit établir selon la prépondérance des … [probabilités] la responsabilité du contrevenant : voir l’article 19 de la Loi.

[100]     L’article 19 de la Loi SAP dispose :

19. En cas de contestation devant le ministre ou de révision par la Commission, portant sur les faits, il appartient au ministre d’établir, selon la prépondérance des probabilités, la responsabilité du contrevenant.

[101]     Au moment d’analyser et de soupeser comme il convient la preuve présentée par l’Agence, la Commission se laisse guider par les observations incidentes de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Doyon, qui, dans le cadre du contrôle judiciaire d’une décision de la Commission concernant la prétendue violation d’une disposition différente, mais connexe, du Règlement sur la santé des animaux (Règlement SA), déclarait ceci :

[28] Aussi, le décideur se doit-il d’être circonspect dans l’administration et l’analyse de la preuve de même que dans l’analyse des éléments constitutifs de l’infraction et du lien de causalité. Cette circonspection doit se refléter dans les motifs de sa décision, laquelle doit s’appuyer sur une preuve qui repose sur des assises factuelles et non sur de simples conjectures, encore moins de la spéculation, des intuitions, des impressions ou du ouï-dire.

[…]

b)           L’analyse et l’administration de la preuve

[54] La principale fonction d’un tribunal de première instance consiste à recevoir et à analyser la preuve. Dans l’exercice de cette importante fonction, il peut rejeter une preuve pertinente, mais il ne peut omettre de la considérer, surtout si elle en contredit une autre sur un élément essentiel du litige : voir Oberde Bellefleur OP, Clinique dentaire O. Bellefleur c. Canada (Procureur général), 2008 CAF 13; Parks c. Canada (Procureur général), [1998] A.C.F. no. 770 (QL); Canada (Attorney General) v. Renaud, 2007 FCA 328; et Maher c. Canada (Procureur général), 2006 CAF 223. S’il décide de la rejeter, il doit fournir une explication : ibidem.

4.1.           Conclusion factuelle no 1 – L’étiquette IRF 636 a-t-elle été apposée sur l’oreille de la vache Hasson de 13 ans?

[102]     Aucune preuve directe présentée à la Commission n’établit que l’étiquette IRF 636 ait jamais été placée dans l’oreille de la vache Hasson de 13 ans. Il ne fait aucun doute que si elle l’avait été alors qu’elle se trouvait sur la ferme Hasson, les présentes affaires n’auraient pas lieu d’être. Hélas, ce n’est pas le cas. Même si cette étiquette et cette vache semblent avoir été transportées dans le même véhicule à l’OLEX la nuit du mercredi  23 mars 2011, ni le propriétaire, ni le chauffeur, ni aucun employé de l’OLEX n’ont pu établir que l’étiquette ait jamais été mise à son oreille. Le meilleur témoignage offert à cet égard est le ouï-dire rapporté par M. Boys, selon lequel l’employé de l’OLEX, à qui il a remis l’étiquette IRF 636, allait s’en occuper, probablement le lendemain matin. À partir de là, déterminer quelle vache a reçu l’étiquette revient à examiner une preuve circonstancielle, à reconstituer ce qui a pu se passer à l’aide de dossiers produits et de notes manuscrites et en recoupant des documents avec des opinions de vive voix et des hypothèses. Passons en revue ces éléments de preuve.

[103]     Le document figurant à la page 8 de l’onglet 1 des Rapports de l’Agence révèle que l’étiquette de hanche no 1022 a été attribuée au vendeur Hasson et que la vache de race croisée de 1 535 livres dont il est question a été achetée par l’acheteur 33 (dont les parties ont convenu qu’il s’agissait de R. Clare). Le document à la page 9 de l’onglet 1 des mêmes rapports comporte des notes manuscrites additionnelles ajoutées par Mme Hackbart le  8 juillet 2011, durant la visite de deux enquêteurs de l’Agence, et indiquant le numéro de lot de l’acheteur (11) et un numéro d’étiquette IRF (239 638 636) recoupé. Le document figurant à la page 10 de l’onglet 1 des Rapports de l’Agence montre que l’âge des animaux portant les étiquettes de hanche 1023 et 1024 a été vérifié et que ceux‑ci ont été jugés admissibles à l’exportation vers les États-Unis, mais il n’y a aucune trace de la bête portant l’étiquette de hanche 1022, ce qui implique qu’elle n’était pas exportable. Le document figurant à la page 13 de l’onglet 1 des Rapports de l’Agence, et rédigé par Mme Hackbart le 15 juillet 2011, presque quatre mois après l’incident, confirme que [traduction] « Étiquette de hanche/de vente no 1022 vendue par Ed Hasson le 24 mars 2011, portait l’étiquette IRF no 239 638 636 ». Cependant, la confirmation ne contient ni description de la vache vendue ni le nom de l’acheteur.

[104]     Aucune partie n’a soumis de registre commercial de l’OLEX, produit manuellement ou par ordinateur, au moment de la vente et qui rattache définitivement l’étiquette de hanche no 1022 et l’étiquette IRF 636 à une seule vache.

[105]     Il est clair, d’après le témoignage de MM. Hasson et Boys, que la vache Hasson ne portait aucune étiquette lorsqu’elle a été déchargée à l’OLEX. À partir de là, les périples de l’étiquette IRF deviennent obscurs. Bien que les registres commerciaux de l’OLEX concernant les résultats de vente du 24 mars 2011 paraissent confirmer que les deux étiquettes ont pu se retrouver sur une vache de 13 ans, le certificat d’exportation établi le 24 mars 2011 par un vérificateur tiers travaillant sous contrat pour l’Agence (et approuvé par un vétérinaire de l’Agence le 25 mars 2011) indique que l’animal portant l’étiquette IRF 636 était une femelle de trois ans, de couleur rousse et blanche, autorisée à être exportée vers les États-Unis.

[106]     R. Clare ne se souvient de l’achat d’aucune de ces vaches – il en achète beaucoup tous les jeudis à l’OLEX. Il a déclaré qu’il se souvenait avoir chargé une jeune vache le dimanche 27 mars 2011, celle-là même qui a finalement été ramenée à sa ferme le lendemain et dont le Dr Coulibaly a vérifié qu’elle portait l’étiquette IRF 636.

[107]     M. Wideman et R. Clare ont déclaré que les étiquettes IRF sont apposées à l’OLEX, étant donné que les bovins peuvent perdre leur étiquette ou arriver dans l’enceinte sans en porter, comme en l’espèce. Comme plusieurs centaines de bovins passent par l’OLEX tous les jours de vente, des erreurs d’étiquetage sont possibles en pareilles circonstances. Bien que ce témoignage puisse être considéré comme intéressé, la Commission a jugé que M. Wideman et R. Clare étaient des témoins crédibles.

[108]     Le fait que l’animal qui se trouvait dans le chargement, en direction des États-Unis, était jeune est d’ailleurs confirmé dans le document figurant à la page 1 de l’onglet 3 du  Rapport  de  l’Agence, tel que rédigé par l’agent des frontières américain, le Dr Caston, qui a refusé de laisser entrer le chargement et déclaré que les animaux qui s’y trouvaient étaient des femelles âgées de deux à sept ans. D’après les notes de la Dre Small figurant à la page 2 de l’onglet 4, [traduction] « À 11 h 40, le Dr Caston m’a contactée et donné le numéro d’étiquette de l’animal couché que lui a fourni Nancy du bureau de Butch Clare – CAN 000239 638 636 – une femelle Simmental rousse et blanche. Il s’agissait de l’animal no 37 inscrit sur le document HA2183 #TWOK‑2011‑03144 télécopié par le Dr Caston. À 15 h 10, Butch Clare m’a appelée pour me dire que la vache s’était relevée, qu’il l’avait récupérée et ramenée à sa ferme à Burford. Il m’a dit que nous pouvions venir l’examiner si nous le souhaitions […] »

[109]     La dernière entrée de la pièce 9, le registre du destinataire de MRS des Fermes Malden Valley, censé avoir été établi par Unholzer, fait état de la réception, le 27 mars 2011, d’un animal transporté par Brad, d’Oxford Transport, et portant l’étiquette IRF no CAN000239638636, et contient l’inscription finale « 1300# ». Bien que la preuve ne démontre pas clairement que cela signifiait 1 300 livres, cela concorderait, le cas échéant, avec le poids de la vache de trois ans.

[110]     Enfin, la déposition écrite et orale du Dr Coulibaly établit de manière convaincante qu’il a constaté, visuellement et électroniquement, qu’une génisse cornue de trois ans, rousse et blanche, pesant 1 300 livres, que lui a montrée J. Clare le 29 mars et le 21 avril 2011, portait à son oreille l’étiquette IRF 636.

[111]     La Commission a également examiné le témoignage par ouï-dire de M. Unholzer concernant les incidents, et plus exactement l’identité de la vache qu’il a observée et la manière dont elle a été déchargée à sa ferme, tel que l’ont recueilli plusieurs représentants de l’Agence. Malheureusement, la preuve de M. Unholzer est très désordonnée et contradictoire. Comme il s’agit entièrement de ouï-dire et compte tenu de ses incohérences intrinsèques, la Commission considère que le prétendu témoignage fourni par M. Unholzer n’a aucune valeur probante et ne lui attribuera que peu de poids. De plus, les parties ayant informé la Commission que ce dernier est décédé depuis, aucune d’elles n’a pu l’appeler comme témoin à l’audience relative aux présentes affaires.

[112]     La Commission a également examiné la preuve que l’Agence a présentée pour contester la validité du certificat d’exportation et démontrer que la vache Hasson de 13 ans avait sans doute été certifiée à tort comme admissible à l’exportation vers les États - Unis. D’après le certificat d’exportation, l’animal portant l’étiquette IRF 636 était âgé de trois ans. Ce certificat a été vérifié par un agent de l’Agence puis approuvé par l’un de ses représentants. Cependant, l’Agence a soumis des éléments de preuve visant à établir que cette certification était irrégulière. Pour étayer cet argument, elle a appelé un témoin, le Dr Talwar, pour discréditer la preuve d’un autre vétérinaire, le Dr Chahal, qui travaillait sous contrat pour l’Agence durant la période pertinente. Ce témoignage peut démontrer que le Dr Chahal n’a pas pu justifier matériellement comment il avait conclu que  l’animal en question était âgé de trois ans, mais il ne prouve pas qu’il en avait 13. Durant  le contre-interrogatoire, le Dr Talwar a convenu que l’animal pouvait bien avoir trois ans, mais  aucun  document ne le confirme.

[113]     Par conséquent, compte tenu de l’ensemble de la preuve présentée, la Commission n’est pas convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que l’étiquette IRF 636 était réellement attachée à l’oreille de la vache Hasson de 13 ans, rousse et blanche, décornée, pesant 1 500 livres, le 24 mars 2011, plutôt qu’elle n’a abouti sur l’oreille d’une autre vache qui ne portait pas d’étiquette IRF ce jour-là à l’OLEX.

[114]     Compte tenu de la preuve, ce serait se fonder sur « de simples conjectures, […] de la spéculation, des intuitions, des impressions ou du ouï-dire » que de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que l’étiquette IRF 636 s’est effectivement retrouvée sur la vache Hasson de treize ans plutôt que sur une autre bête, par exemple la vache Clare de trois ans.

4.2.           Conclusion factuelle no 2 – Les Clare ont-ils transféré l’étiquette IR 636?

[115]     L’Agence n’a fourni aucune preuve directe établissant que les Clare ont fait passer l’étiquette IRF 636 d’une vache de 13 ans, décornée et pesant 1 500 livres, à une vache cornue de trois ans et pesant 1 300 livres. Il ne fait aucun doute qu’une telle preuve serait difficile à obtenir, mais le Dr Coulibaly a inspecté à deux reprises, visuellement et de très près, la vache cornue de trois ans, pesant 1 300 livres, et portant l’étiquette IRF 636. L’examen de cette vache ne lui a fait noter ni de préoccupation ni même de soupçon d’après lequel l’étiquette IRF 636 aurait été intervertie.

[116]     De plus, les nombreux rapports rédigés par l’Agence entre mars et juillet 2011 et produits en preuve ne font état d’aucune préoccupation concernant l’échange d’étiquettes par les Clare.

[117]     Seul M. Weber, le témoin de l’Agence, qui a établi les Rapports liés aux trois incidents, a expliqué durant son témoignage qu’il avait effectué, de son propre chef, plusieurs tests en août 2014 pour déterminer comment des étiquettes IRF approuvées par l’ACIB pouvaient être altérées de manière à les intervertir d’un animal à l’autre. M. Weber n’a pas été reconnu comme expert en ce qui touche les tests concernant ces étiquettes. Même s’il établit qu’il est possible d’altérer une étiquette pour la transférer illégalement d’un animal à un autre, son témoignage sur ce point dément de manière flagrante les objectifs de l’industrie et du gouvernement suivant lesquels ces étiquettes sont spécifiquement conçues pour être permanentes et non transférables, afin de conserver l’identité de tous les animaux étiquetés dans le système agroalimentaire canadien.

[118]     M. Weber a également déclaré à la Commission n’avoir jamais demandé à l’un des témoins potentiels, dans le cours de son enquête, si les étiquettes IRF avaient été ou pouvaient être altérées, et nul ne l’a renseigné en cette matière.

[119]     Enfin, l’Agence n’a pas produit l’ombre d’une preuve qui montre que les Clare ont bel et bien échangé les étiquettes. Si tel avait été le cas, on aurait pu soumettre des éléments de preuve indiquant que l’étiquette sur la nouvelle vache ou le trou de son oreille présentait des signes d’altération. L’Agence n’a rien fait de tel. Si cette théorie devait l’emporter, se pose aussi le problème de l’« ancienne » vache sans étiquette qu’un échange supposerait. Pour changer les étiquettes, il faut qu’une vache portant une étiquette IRF la perde et se retrouve sans étiquette. La découverte de cette vache – morte ou vive – pourrait effectivement constituer la preuve convaincante d’un échange. L’Agence n’a présenté aucun élément de preuve suggérant qu’une telle combine ait eu lieu en l’espèce.

[120]     Par conséquent, la Commission conclut, selon la prépondérance des probabilités, que l’Agence n’a pas prouvé que les Clare, ou que des individus relevant de leur contrôle ou liés à eux par contrat, ont échangé des étiquettes IRF. Pour conclure le contraire, encore une fois, la Commission devrait se livrer, compte tenu de la preuve, à « de simples conjectures, […] de la spéculation, des intuitions, des impressions ou du ouï-dire ».

[121]     Il ne fait aucun doute que les incidents de mars et d’avril auxquels ont été mêlés R. Clare et J. Clare révèlent certaines pratiques étranges et douteuses survenues entre le 23  et   le  29 mars 2011 – le fait que M. Hasson n’a pas apposé l’étiquette IRF sur sa vache avant qu’elle ne quitte sa ferme; l’absence de documents qui établissent comment l’étiquette IRF a effectivement abouti sur une vache à l’OLEX, et par l’intervention de qui; le fait qu’un agent des douanes américain ou canadien n’ait pas vérifié l’identité de l’animal couché; l’échec presque complet des communications entre les responsables américains et canadiens de la santé des animaux le soir où le chargement a été refoulé; les versions tout à fait embrouillées et presque inintelligibles de ce qui est arrivé à la vache couchée dans sa ferme attribuées à M. Unholzer; et enfin la décision douteuse de R. Clare d’organiser le transfert rapide de l’animal de la ferme Unholzer au parc d’engraissement Clare le matin du  28 mars 2011, avant que les représentants de l’Agence ne puissent l’inspecter sur place. Malgré ces événements étranges, l’Agence doit soumettre plus de preuves et moins de conjectures pour démontrer l’allégation grave selon laquelle les Clare ont délibérément altéré des étiquettes approuvées par l’ACIB.

4.3.           L’analyse juridique fondée sur les conclusions factuelles

[122]     En adoptant l’approche de l’arrêt Doyon qui consiste à décomposer les éléments de la violation prévue au paragraphe 35(1), la Commission reconnaît que l’Agence doit établir quatre éléments pour établir validement une violation de cette disposition de la Loi SA :

1.       une personne;

2.       entrave ou fait une déclaration fausse ou trompeuse;

3.       oralement ou par écrit;

4.       à un inspecteur dans l’exercice de ses fonctions.

4.3.1.     Les éléments 1, 3 et 4 ne sont pas contestés

[123]     Les éléments 1, 3 et 4 ne sont pas contestés. La Commission conclut que R. Clare  et J. Clare ont fait des déclarations orales à des vétérinaires de l’Agence dans l’exercice de leurs fonctions.

[124]     Quant à l’élément 3, la déclaration orale en cause de R. Clare a été faite le 28 mars 2011 à la Dre Small et portait que l’Agence pouvait venir examiner la vache couchée (celle qui portait l’étiquette IRF 636, la même vache qu’il avait chargée à l’OLEX avec cette étiquette le 27 mars 2011) au parc d’engraissement Clare.

[125]     S’agissant encore de l’élément 3, la déclaration orale en cause de J. Clare intéressant l’incident de mars a été faite le 29 mars 2011 au Dr Coulibaly et portait que le vétérinaire pouvait examiner un animal dans le parc d’engraissement Clare, qu’il a présenté comme la vache couchée (celle qui portait l’étiquette IRF 636, la même vache que R. Clare avait chargée à l’OLEX avec cette étiquette le 27 mars 2011).

[126]     S’agissant toujours de l’élément 3, la déclaration orale en cause de J. Clare intéressant l’incident d’avril a été faite le 21 avril 2011 au Dr Coulibaly et portait que le vétérinaire pouvait de nouveau examiner un animal dans le parc d’engraissement Clare, qu’il a présenté comme la vache couchée (celle qui portait l’étiquette IRF 636, la même vache que R. Clare avait chargée à l’OLEX avec cette étiquette le 27 mars 2011).

4.3.2.     L’élément 2 – Faire une déclaration fausse ou trompeuse

[127]     Étant parvenu aux conclusions factuelles suivantes :

a.       un représentant de l’Agence a trouvé une vache Clare de trois ans au parc d’engraissement Clare dont il a été établi qu’elle portait l’étiquette IRF 636 à l’oreille le 29 mars 2011;

b.       la vache Clare de trois ans qui se trouvait au parc d’engraissement Clare était celle que R. Clare avait invité la Dre Small à venir examiner le 28 mars 2011;

c.       la vache Clare de trois ans qui se trouvait au parc d’engraissement Clare était celle que J. Clare a montrée au Dr Coulibaly les 29 mars et 21 avril 2011;

d.       l’Agence n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que la vache Hasson avait reçu l’étiquette IRF 636, plutôt que la vache de trois ans appartenant à Clare certifiée aux fins d’exportation aux États-Unis, chargée pour y être exportée le  27 mars 2011, retournée à la ferme Unholzer le jour même puis ramenée au parc d’engraissement Clare à Burford le 28 mars 2011;

e.       l’Agence n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que les Clare ont échangé, altéré ou apposé illégalement de quelque autre façon l’étiquette IRF 636 d’une autre vache sur la vache Clare de trois ans;

la Commission conclut qu’aucune des trois déclarations faites par R. Clare ou J. Clare n’était fausse ou trompeuse.

[128]     On s’attendrait par ailleurs à ce que les Clare, qui sont des marchands de bovins respectés au Canada, s’astreignent au plus haut degré d’intégrité dans leurs rapports avec les clients, les collègues de l’industrie et les représentants du gouvernement sous peine de compromettre leur réputation dans l’industrie bovine canadienne, de devenir la risée de leurs pairs et de s’exposer à de sévères sanctions de la part des autorités canadiennes.

[129]     La Commission voit bien que les éléments de preuve en l’espèce se contredisent sur la question de savoir quand et de quelle manière l’étiquette IRF 636 a réellement été apposée, et sur quelle vache. Cependant, le fait est que la preuve est tout simplement insuffisante pour conclure, selon la prépondérance des probabilités, que les Clare ont fait des déclarations fausses ou trompeuses aux représentants de l’Agence les 28 et 29 mars ou le 21 avril 2011.

5.                  Moyens de défense acceptés par la loi

[130]     La Commission est également consciente que la Loi SAP crée un régime de responsabilité permettant peu d’écarts puisqu’il n’autorise aucune défense de diligence raisonnable ou d’erreur de fait. Le paragraphe 18(1) de la Loi prévoit :

18. (1) Le contrevenant ne peut invoquer en défense le fait qu’il a pris les mesures nécessaires pour empêcher la violation ou qu’il croyait raisonnablement et en toute honnêteté à l’existence de faits qui, avérés, l’exonéreraient.

[131]     Les précédentes conclusions de la Commission ne concernent pas de pareils moyens de défense opposés par R. Clare ou J. Clare. Si ces derniers avaient soulevé des arguments de ce type, la position sans équivoque du législateur énoncée au paragraphe 18(1) de la Loi  SAP aurait clairement permis de les rejeter.

6.                  Conclusion

[132]     Par conséquent, la Commission conclut, selon la prépondérance des probabilités, que l’Agence n’a pas réussi à prouver tous les éléments essentiels de la violation, et que R. Clare et J. Clare n’ont pas commis les violations alléguées. Du coup, ces derniers ne sont pas tenus de verser de sanctions pécuniaires en l’espèce. Compte tenu de cette conclusion, il n’est pas nécessaire que la Commission se demande si l’Agence a démontré que le montant de la sanction était justifié au titre de la Loi SAP et du Règlement SAP.

 

 

Fait à Ottawa (Ontario), ce 15e jour de décembre 2014.

 

 

 

 

 

 

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Don Buckingham, président

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