Décisions de la Commission de révision agricole du Canada

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Référence :     Western Commercial Carriers Ltd. c.  Canada (Agence canadienne d'inspection des aliments) 2014  CRAC 33

Date :  20141117

Dossier :  CART/CRAC‑1741

 

 

 

 

 

 

 

 

Entre :

 

 

 

 

 

 

 

Western Commercial Carriers Ltd, demanderesse

 

 

 

 

‑ et ‑

 

 

 

 

Agence canadienne d'inspection des aliments, intimée

 

 

 

 

 

 

 

 

[Traduction de la version officielle en anglais]

 

 

 

 

 

 

 

 

Devant :

Donald Buckingham, président

 

 

 

 

 

 

 

 

Avec :

Mme Julie Stephenson, représentante pour la demanderesse

 

Maître Robert Drummond, procureur pour l'intimée

 

 

 

 

 

 

 

 

Affaire concernant une demande présentée par la demanderesse en vertu de l’alinéa 9(2)c) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, relativement à révision sur les faits concernant une violation alléguée par l’intimée du paragraphe 140(1) du Règlement sur la santé des animaux.

 

 

 

 

DÉCISION

 

 

 

 

À la suite d'une audience et après avoir examiné toutes les observations orales et écrites des parties, la Commission de révision agricole du Canada statue, par ordonnance, que la demanderesse, Western Commercial Carriers Ltd., a commis la violation dont il est fait état dans l'avis de violation no 1314BC0042 daté du 3 septembre 2013 concernant les événements du 1er juillet 2013 et qu'elle est donc tenue de payer à l'intimée, l'Agence canadienne d'inspection des aliments, une sanction de 6 000 $ dans les trente (30) jours suivant la date de notification de la présente décision.

Audience tenue à Grande Prairie, AB,

 

 

le mercredi 18 juin 2014.


MOTIFS

 

1.                 L'incident reproché et les questions en litige

 

[1]              En 2013, il a fait chaud à la fête du Canada dans l'Ouest canadien. M. Keith Stephenson (M. Stephenson), propriétaire, directeur et employé de Western Commercial Carriers Ltd. (WCC), n'avait pas pris congé ce jour‑là. Au contraire, il a travaillé dur au cours de cette journée, où, tôt le matin, il a procédé au chargement de 270 porcs dans son semi-remorque à Falher, en Alberta, qu'il a conduit jusqu'à Langley, en  Colombie-Britannique. Il est arrivé à Langley très tôt le 2 juillet 2013. À 7 h du matin, lors du déchargement des porcs à l'abattoir Britco Pork, au moins 30 porcs ont été trouvés morts dans la remorque de WCC.

 

[2]              Ce sont des employés de Britco Pork et des représentants de l'Agence canadienne d'inspection des aliments (Agence) qui ont découvert les porcs morts. Par suite de cet incident, l'Agence a délivré l'avis de violation n1314BC0042 à WCC le 3 septembre 2013, dans lequel il est allégué que WCC avait surchargé un véhicule, ce qui contrevient au paragraphe 140(1) du Règlement sur la santé des animaux (RSA).

 

[3]              Les paragraphes 140(1) et 140(2) du RSA, et le titre qui les précède, sont reproduits ci‑dessous.

 

Interdiction relative à l’entassement

140. (1)  Il est interdit de charger ou de faire charger un animal dans un wagon de chemin de fer, un véhicule à moteur, un aéronef, un navire, un cageot ou un conteneur qui est rempli à un point tel que l’animal ou tout autre qui s’y trouve risquerait de se blesser ou de souffrir indûment.

(2)  Il est interdit de transporter ou de faire transporter un animal dans un wagon de chemin de fer, un véhicule à moteur, un aéronef, un navire, un cageot ou un conteneur qui est rempli à un point tel que l’animal ou tout autre animal qui s’y trouve risque de se blesser ou de souffrir indûment.

 

[4]              L'élément central du litige en l'espèce consiste à déterminer si la remorque de WCC, au moment de son chargement le 1er juillet 2013, a été surchargée, trop remplie ou autrement « rempli[e] à un point tel que l’animal ou tout autre qui s’y trouve risquerait de se blesser ou de souffrir indûment ».

 

[5]              Si la Commission de révision agricole du Canada (Commission) conclut que l’Agence a établi tous les éléments exigés pour corroborer l’avis de violation contesté, elle doit décider si celle‑ci a prouvé que le montant de la sanction est autorisé en vertu de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (LSAP) et du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (RSAP).

 

 

2.                 Historique de la procédure

 

[6]              Selon l'avis de violation n1314BC0042 daté du 3 septembre 2013, le 1er juillet 2013, à Falher, en Alberta, WCC [traduction] « a commis une violation, à savoir a surchargé un véhicule en contravention du paragraphe 140(1) du Règlement sur la santé des animaux, ce qui constitue une violation de l’article 7 de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire et de l’article 2 du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire ».

 

[7]               L'avis de violation a été réputé avoir été motifié à WCC par l’Agence le 14 septembre 2013. Aux termes de l'article 4 du RSAP, la violation a été qualifiée de « grave » et le montant de la sanction a été évalué à 6 000 $.

 

[8]              Au moyen d'une lettre recommandée datée du 7 octobre 2013, WCC, par l'entremise de ses directeurs Mme Julie Stephenson (Mme Stephenson) et M. Stephenson, a demandé une révision par la Commission des faits reprochés, conformément à l’alinéa 9(2)c) de la LSAP. Le 23 octobre 2013, WCC a fourni à la Commission des observations additionnelles établissant les motifs de sa demande. Le personnel de la Commission a confirmé auprès de Mme Stephenson que WCC souhaitait que la Commission examine son dossier en anglais dans le cadre d’une audience qui serait tenue dans le Nord de l'Alberta.

 

[9]              Au moyen d'une lettre datée du 29 octobre 2013, l'Agence a transmis son rapport (le rapport de l'Agence) sur l'incident à WCC et à la Commission. La Commission a reçu son exemplaire du rapport le 31 octobre 2013.

 

[10]         Dans une lettre datée du 1er novembre 2013, la Commission a invité WCC et l’Agence à lui communiquer toute observation additionnelle au plus tard le 2 décembre 2013.

 

[11]         Dans une communication écrite datée et déposée entre le 29 novembre et le 2 décembre 2013 (retransmise par télécopieur le 4 décembre 2013), WCC a communiqué des observations additionnelles à la Commission, qui en a ensuite fait parvenir une copie à l'Agence. L'Agence n'a pas communiqué d'observation additionnelle avant le délai du 2 décembre 2013.

 

[12]         Le 17 mars 2014, la Commission a envoyé des avis d'audience aux parties les informant que l'audience demandée par WCC se tiendrait le 18 juin 2014 à Grande Prairie, en Alberta. La Commission a confirmé que les deux parties avaient bel et bien reçu les avis d’audience. L'audience demandée par WCC a eu lieu le jour prévu. WCC était représenté par sa représentante et directrice, Mme Stephenson, et l'Agence était représentée par le procureur, Maître Robert Drummond (Me Drummond).

 

 

3.                 La preuve

 

3.1             Les preuves documentaires et les témoignages livrés à l'audience

 

[13]         Le dossier relatif à cette affaire est constitué des éléments énumérés ci‑dessous.

 

Pour l'Agence

 

         Avis de violation no 1314BC0042 daté du 3 septembre 2013

         Rapport de l'Agence daté du 29 octobre 2013

 

Pour WCC

 

         Demande de révision de Mme Stephenson datée du 7 octobre 2013

         Autres observations de Mme Stephenson datées du 23 octobre 2013

         Observations additionnelles de Mme Stephenson datées du 29 novembre, du 1er décembre et du 4 décembre 2013

 

[14]         Les parties ont également livré des témoignages de vive voix pendant l'audience.

 

Pour l'Agence (un témoin)

 

         Dr Peter Brassel (Dr Brassel)

 

Pour WCC

 

         M. Stephenson

 

[15]         Les parties ont aussi présenté trois pièces au dossier à l'audience.

 

Par l'Agence

 

         Pièce 2 – Extraits du Code de pratiques recommandées pour le soin et la manipulation des animaux de ferme – Transport du Conseil de recherches agroalimentaires du Canada (Code du transport) (5 pages)

 

Par WCC

 

         Pièce 1 – Copie du dossier de l'Agence adressé à WCC datée du 4 septembre 2013 (11 pages)

 

         Pièce 3 – Copie d'une lettre de l'Agence et de pièces jointes datée du 25 septembre 2013 comprenant des extraits du Code du transport et de la publication 1898/F d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, soit le Code de pratiques recommandées pour les soins et la manipulation des animaux de ferme ‑ Porcs (Code de pratiques d'AAC) (18 pages)

 

 

3.2             Éléments de preuve pertinents non contestés

 

[16]         Tôt le matin de la fête du Canada 2013, M. Stephenson s'est rendu à deux étables de Peace Pork Company (Peace Pork) où il a chargé deux lots de porcs dans un semi-remorque de WCC. Entre 6 h et 7 h, M. Stephenson a effectué le chargement 60 porcs de l'étable Venture I de Peace Pork, puis s'est rendu à l'étable Venture II, environ 1,5 km plus loin, pour procéder au chargement de 210 autres porcs. Les deux étables se trouvent dans le Nord-Ouest de l'Alberta, près de Falher. Le chargement de tous les porcs était terminé à 8 h 15.

 

[17]         Au moment du chargement, la température se situait entre 20 et 22 oC. Compte tenu de cette chaleur, M. Stephenson a réduit la taille de son chargement le 1er juillet 2013, c'est‑à‑dire qu'il a laissé 10 ou 11 porcs dans les étables de Peace Pork, qu'il aurait pu livrer à Britco Pork si la température avait été moins élevée.

 

[18]         M. Stephenson conduit des camions depuis plus de 30 ans et il cumule au moins 25 ans d'expérience dans le transport d'animaux d'élevage. Il est formé pour assurer le transport sans cruauté des animaux, comme l'atteste son certificat de réussite du programme Transport canadien d’animaux d’élevage. Au moment de la présumée violation, M. Stephenson parcourait le trajet entre Peace Pork et Britco Pork une fois ou deux par semaine. M. Stephenson, qui utilise la même remorque pour effectuer ce trajet depuis six ans, a fait savoir à la Commission que la capacité habituelle de la remorque est d'environ 280 porcs, selon le poids des porcs de marché.

 

[19]         Le voyage du 1er juillet 2013 s'est avéré particulièrement difficile pour les porcs en question. La température était assez élevée lors du chargement, tôt le matin, et a atteint un sommet s'approchant de 40 oC au cours de la journée et en soirée, pendant le transport des porcs. Outre ces observations relatives à la température, voici un résumé chronologique approximatif des événements :

 

(a)              le 1er juillet 2013, de 6 h à 8 h 15 : M. Stephenson se rend aux étables Venture I et II pour effectuer le chargement des porcs;

 

(b)              de 8 h 15 à 9 h 45 : M. Stephenson conduit jusqu'à Valleyview, en Alberta, où il arrête prendre une pause et arroser les porcs pour les garder au frais;

 

(c)               de 9 h 15 à 19 h : M. Stephenson se dirige vers sa destination; la température atteint un sommet et l'air ne semble avoir aucun effet de refroidissement;

 

(d)              de 19 h à 23 h : M. Stephenson, qui poursuit sa route vers sa destination, arrive à Hunter Creek, en Colombie-Britannique, à 23 h, où il se repose une heure avant de reprendre la route, car les porcs étaient agités;

 

(e)              le 2 juillet 2013, de 0 h 1 à 2 h : M. Stephenson arrive à destination, à Britco Pork, à Langley, en Colombie-Britannique. Il ne décharge pas les porcs, car son chargement n'avait pas été désigné parmi ceux pouvant être débarqués dans les parcs d'attente. Il arrose donc les porcs de nouveau dans la remorque, ce qui les calme, puis attend son tour afin de décharger;

 

(f)                de 6 h à 7 h : la remorque de WCC est déchargée; on y trouve 30 porcs morts et un autre a dû être euthanasié à sa sortie de la remorque.

 

[20]         Les parties ont reconnu que les employés de Peace Pork avaient emmené 270 porcs, divisés en 2 lots, à la remorque de WCC en prévision du chargement le 1er juillet 2013, mais que M. Stephenson est celui qui a effectué le chargement des porcs et qui a déterminé le nombre de porcs à charger ainsi que le nombre de porcs à placer dans chaque compartiment de la remorque. Les parties ont également admis que M. Stephenson ne croyait pas que les porcs avaient des problèmes de santé ou des troubles liés à une maladie. De plus, les parties ont reconnu que M. Stephenson n'avait pas remarqué la présence de porcs morts dans son chargement au cours de son trajet entre Falher et Langley.

 

[21]         Les parties s'entendent également sur la configuration de la remorque et sur le nombre de porcs dans chaque compartiment. La remorque de WCC comporte 12 compartiments divisés en 4 sections : la section avant compte 3 compartiments superposés (par souci de commodité, celui du dessus est appelé F1, celui du centre F2 et celui du bas F3); la section du centre située vers l'avant compte 4 compartiments superposés (par souci de commodité, celui du dessus est MF1, le deuxième à partir du dessus est MF2, le troisième à partir du dessus est MF3 et celui du bas est MF4); la section du centre située vers l'arrière compte 3 compartiments superposés (par souci de commodité, celui du dessus est appelé MB1, celui du centre MB2 et celui du bas MB3); la section arrière compte 2 compartiments superposés (par souci de commodité, celui du dessus est appelé B1 et celui du dessous B2).

 

[22]         Pendant son témoignage, Dr Brassel a déclaré qu'il était le vétérinaire de l'Agence responsable de l'inspection des viandes à Britco Pork, un abattoir spécialisé exclusivement dans l'abattage du porc. Il a indiqué qu'on lui avait demandé d'examiner le chargement de WCC vers 6 h 30 le 2 juillet 2013. À son arrivée, il a remarqué la présence de porcs morts, mais le déchargement de la remorque était terminé et celle‑ci avait été éloignée du quai de déchargement. Il a ensuite compté 30 porcs morts qui provenaient du chargement, auxquels s'ajoute le porc ayant dû être euthanasié à sa sortie de la remorque. Compte tenu de ses observations selon lesquelles les porcs morts étaient légèrement ballonnés et de couleur rose foncé ou violet, il a conclu qu'ils étaient morts en route. Il a précisé à la Commission qu'il lui était impossible de déterminer avec exactitude le moment du décès des porcs, car le niveau de changement de couleur de ceux‑ci variait.

 

[23]         Selon les rapports de pathologie (onglet 8 du rapport de l'Agence) sur les trois porcs morts que Dr Brassel a envoyés au laboratoire de santé animale du ministère de l'Agriculture de la Colombie-Britannique (BCMAL – British Columbia Ministry of Agriculture Animal Health Care Laboratory), les porcs sont morts du « syndrome de stress chez le porc » ou des suites du « transport ». Dr Brassel, en accord avec les conclusions du BCMAL, a expliqué à la Commission que le « syndrome de stress chez le porc » ou les morts des suites du « transport » sont associés au transport sur de longue distance, à une température élevée, à une circulation inadéquate de l'air ainsi qu’à des facteurs de gestion avant et pendant le transport.

 

 

3.3             Éléments de preuve précis concernant la densité de chargement de la remorque de WCC

 

[24]         Bien des éléments de preuve ont été présentés pour déterminer la bonne densité de chargement pour les porcs transportés par WCC, dont les suivants :

 

(a)              un diagramme de l'Agence et de WCC représentant le taux de chargement maximal et réel de la remorque de WCC par compartiment (onglet 5 du rapport de l'Agence);

 

(b)              le Code du transport (partie des pièces 2 et 3);

 

(c)               le Code de pratiques d'AAC (partie de la pièce 3);

 

(d)              divers calculs et explications de représentants de l'Agence;

 

(e)              divers calculs et explications de M. Stephenson et de Mme Stephenson.

 

[25]         L'onglet 5 du rapport de l'Agence est un diagramme de la remorque de WCC préparé conjointement par M. Stephenson et Dr Brassel à 7 h 45 le 2 juillet 2013. Il représente la configuration des compartiments de la remorque servant au transport des porcs de marché, à savoir le taux de chargement maximal, le chargement réel et le nombre de porcs morts dans chaque compartiment. Le tableau ci‑dessous se veut un résumé, qui comprend le taux de chargement maximal de porcs par compartiment (M), le nombre réel de porcs dans chaque compartiment pendant le transport (A) et le nombre réel de porcs morts dans chaque compartiment (D).

 

F1       23M-21A-0D  MF1    26M-26A-0D  MB1    19M-18A-0D  B1       30M-28A-4D

F2       23M-21A-0D  MF2    26M-26A-1D  MB2    25M-24A-5D  B2       30M-25A-4D

F3       23M-21A-1D  MF3    19M-18A-5D  MB3    25M-24A-5D

                                    MF4    19M-18A-5D

 

Totaux : La capacité maximale de la remorque est de 288, le chargement réel est de 270 et le nombre de porcs morts est de 30+1.

 

[26]         Le Code du transport comporte plusieurs dispositions pertinentes en l'espèce.

 

[…]

 

8.6.6     Le stress et l'excitation associés aux manipulations et au transport peuvent entraîner de sérieux problèmes de santé et la mort. Les trois problèmes les plus communs et les plus importants touchant la santé sont :

 

      le thermostress ou l'hyperthermie; le taux de mortalité au cours du transport vers l'abattoir commence à s'élever lorsque les températures excèdent 16 °C (61 °F);

 

      l'arrêt cardiaque;

 

      le syndrome de stress chez le porc.

 

[...]

 

8.6.9     Le syndrome de stress chez le porc est un trouble héréditaire. Les animaux touchés par ce défaut génétique sont extrêmement sensibles au stress et doivent être manipulés avec un soin exceptionnel. Lorsque les porcs affectés par ce syndrome sont stressés, leur température corporelle monte soudainement, leur peau montre des taches rouges, ils s'effondrent, et leurs membres deviennent rigides. Il faut les traiter immédiatement de la même façon que l'on rafraîchit un porc en thermostress (voir ci-dessus).

 

[...]

 

Soin et protection durant le transport par temps chaud

 

8.6.24   Les porcs ont une faible tolérance aux températures chaudes et aux forts taux d'humidité.

 

[...]

 

8.6.26   Assurer une bonne circulation d'air dans tout le véhicule. Pour bien protéger les porcs du soleil dans les camions à toit ouvert, ne recouvrir d'une bâche que le dessus seulement. Assurer la ventilation par les côtés en ne plaçant pas de bâche ou un autre matériau sur les lattes ou les ouvertures.

 

8.6.27   Le chargement et le déchargement devraient se faire promptement. Les arrêts devraient être réduits au minimum. La chaleur s'accumule rapidement à l'intérieur d'un véhicule chargé et à l'arrêt. Si un retard inévitable survient, arroser le plancher, rechercher un lieu ombragé ou conduire le camion lentement jusqu'à ce que vous puissiez décharger les porcs.

 

8.6.28   Par temps chaud, prévoyez de transporter les porcs le soir afin d'éviter les heures les plus chaudes de la journée ou les heures de pointe.

 

[...]

 

8.6.44   Ne dépassez pas les exigences en matière d'espace décrites dans les diagrammes de l'annexe 2.

 

[27]         Le Code de pratiques d'AAC comprend les dispositions reproduites ci‑dessous.

 

[page 39] Espace nécessaire

 

Il faut éviter de trop entasser les porcs afin d'éviter des blessures ou des souffrances. Les animaux doivent pouvoir se tenir sur leurs pattes, dans une position naturelle, sans toucher le plateau ou le plafond. Le tableau 6 [page 40] indique l'espace nécessaire au transport des porcs. Ces valeurs varient en fonction de la température.

 

[...]

 

Soins des porcs en déplacement

 

Dans la première heure qui suit chaque départ, s'assurer que les porcs sont à l'aise et que l'aération est suffisante. Après cela, contrôler les porcs toutes les 2 ou 3 h, surtout si le temps change. Le conducteur doit être prêt à intervenir en cas de changement des conditions météorologiques. Il ne faut pas oublier que les animaux sont impuissants à modifier leur milieu. La responsabilité de leur bien-être et de leur confort incombe donc entièrement au conducteur.

 

[...]

 

[page 41] Précautions à prendre par temps chaud et humide

 

Les porcs supportent mal les températures élevées et une forte humidité.

 

[...]

 

Réduire la densité de chargement de 10 % environ si la température dépasse 16 oC (60 oF) et de 25 % s'il fait extrêmement chaud et humide.

 

[...]

 

Charger et décharger rapidement. Limiter le nombre d'arrêts. La température s'élève rapidement dans un véhicule chargé qui est à l'arrêt. Si un retard inévitable se produit, épandre de l'eau sur le plancher, trouver un endroit à l'ombre ou rouler lentement en circuit jusqu'à ce que les porcs puissent être déchargés.

 

Quand on transporte des porcs par temps chaud, il faut éviter de rouler pendant les heures les plus chaudes de la journée ou pendant les heures de pointe.

 

[28]         Le tableau 6 du Code de pratiques d'AAC (p. 40) comprend la mention « …éviter de transporter des porcs à des températures supérieures à 30 oC » et détermine le taux de chargement maximal des porcs dans différentes sortes de remorques à différentes températures. Les parties ont reconnu que la remorque utilisée par WCC le 1er juillet 2013 ne correspond à aucun type de remorque figurant dans le tableau. Elles ont également reconnu que le tableau établit un niveau de densité pour les véhicules non standards, soit 4,1 pi2 par porc de 210 à 230 lb lorsque la température se situe entre 16 et 23 oC, et 4,4 pi2 par porc lorsque la température est égale ou supérieure à 24 oC.

 

[29]         Au cours de son témoignage, DBrassel a indiqué à la Commission que le taux de chargement est important pour les porcs. Comme ils ne peuvent pas transpirer, ils halètent et évacuent la chaleur excessive par les oreilles. Plus le taux de chargement est élevé, moins l'air circule et moins il a un effet rafraîchissant, ce qui expose les porcs à davantage de chaleur et de stress. Le taux de chargement est calcul pour l'ensemble du chargement, mais aussi par compartiment de la remorque, car la mobilité des porcs est limitée au compartiment dans lequel ils se trouvent.

 

[30]         En ce qui a trait à ce chargement en particulier, Dr Brassel a déclaré à la Commission qu'il avait tenu un registre de la chaîne de possession (onglet 6 du rapport de l'Agence) des porcs morts entre le moment où ils ont été récupérés dans la remorque de WCC et leur arrivée au BCMAL, où les porcs ont fait l'objet d'un examen post mortem. Il était convaincu que les porcs examinés au BCMAL étaient ceux qui avaient été récupérés dans la remorque de WCC. Selon le rapport d'autopsie du BCMAL, [traduction] « les lésions correspondent à celles associées au syndrome de stress chez le porc ou des suites du transport. Il s'agit d'une maladie causée par différents facteurs, qui est souvent associée au transport sur de longues distances, au temps chaud, à la circulation inadéquate de l'air et à des facteurs de gestion avant et pendant le transport. La mort est attribuable au collapsus cardiovasculaire et pulmonaire [...] »

 

[31]         Selon ses calculs relatifs au taux de chargement approprié par compartiment, qui tiennent compte d'une réduction de 25 % du taux de chargement par temps chaud, Dr Brassel a déterminé le taux de chargement recommandé pour chaque compartiment de la remorque de WCC le 1er et le 2 juillet 2013 (le premier chiffre correspond à la capacité diminuée de 25 %, le deuxième correspond au nombre réel de porcs par compartiment et le troisième correspond au nombre de porcs morts dans chaque compartiment).

 

F1       20R-21A-0D   MF1    19R-26A-0D   MB1    16R-18A-0D   B1       24R-28A-4D

F2       20R-21A-0D   MF2    19R-26A-1D   MB2    19R-24A-5D   B2       24R-25A-4D

F3       20R-21A-1D   MF3    16R-18A-5D   MB3    19R-24A-5D

                                    MF4    16R-18A-5D

 

Totaux : La capacité maximale de la remorque à un taux de 75 % est de 232, le chargement réel est de 270 et le nombre de porcs morts est de 30+1.

 

[32]         Au cours de son témoignage, M. Stephenson a déclaré à la Commission qu'il avait établi le taux de chargement de sa remorque pour le trajet du 1er et du 2 juillet 2013 conformément à sa pratique habituelle, selon laquelle il réduit le taux de chargement de 10 % le printemps et l'été en raison de l'augmentation de la température pendant ces saisons. Il a également indiqué à la Commission que la remorque de WCC permet habituellement de transporter 280 porcs par temps frais. Il a aussi expliqué que lorsque la température est beaucoup plus élevée, il réduit le taux de chargement de 25 %, mais que dans la situation en question, il ignorait que la température serait si élevée, car il devait traverser une zone montagneuse pour se rendre à destination. Cependant, au cours de son contre-interrogatoire, M. Stephenson a déclaré qu'à 7 h le 1er juillet 2013, il avait effectué une recherche sur Google afin de connaître la température de l'intérieur de la Colombie-Britannique (Merritt et Kamloops), et il avait découvert que la température s'élevait déjà ou s'élèverait à environ 28 ou 29 oC ce jour-là.

 

[33]         Dans les observations additionnelles de WCC, soit la pièce G datée du 4 décembre 2013, Mme Stephenson fournit des calculs démontrant que le taux de chargement des porcs dans la remorque de WCC le 1er juillet 2013 respectaient les exigences du Code de pratiques d'AAC. Ce document établit que la remorque a une superficie de 1 309 pieds carrés, que le poids moyen des porcs de ce chargement était de 249,05 lb et que chaque porc disposait de 4,848 pieds carrés, soit plus que l'espace minimal recommandé dans le Code de pratiques d'AAC. Ces calculs sont ajustés en fonction du poids moyen des porcs et des deux plages de température. Ainsi, le Code de pratiques d'AAC recommande un espace minimal de 4,44 pieds carrés pour chaque porc lorsque la température se situe entre 16 et 23 oC, et un espace de 4,76 pieds carrés lorsque la température est supérieure à 23 oC. Selon ces calculs, Mme Stephenson a conclu [traduction] « que les porcs avaient suffisamment d'espace pendant ce trajet et que la remorque n'était pas trop remplie, contrairement aux allégations. L'espace était largement suffisant dans cette remorque de porcs pendant le trajet en question. »

 

 

4.                 Analyse de la preuve et application de la loi

 

[34]         Un conflit relatif aux faits et à l'interprétation est au cœur de cette affaire. Il s'agit de déterminer si le chargement en question était surchargé, trop rempli ou, aux termes de la loi, « rempli à un point tel que l’animal ou tout autre qui s’y trouve risque de se blesser ou de souffrir indûment ».

 

[35]         Le rôle de la Commission en l'espèce consiste à déterminer la validité de la sanction administrative pécuniaire en matière d’agriculture et d’agroalimentaire imposée sous le régime des sanctions administratives pécuniaires. Il ne consiste pas à évaluer le blâme ou la culpabilité, ni à tirer des conclusions sur la préméditation ou la responsabilité civile. L'objet de la LSAP est énoncé à l'article 3 :

 

3.  La présente loi a pour objet d’établir, comme solution de rechange au régime pénal et complément aux autres mesures d’application des lois agroalimentaires déjà en vigueur, un régime juste et efficace de sanctions administratives pécuniaires.

 

[36]         L'article 2 de la LSAP définit la « loi agroalimentaire » en ces termes :

 

2.  […] « loi agroalimentaire » La Loi sur les produits agricoles au Canada, la Loi sur la médiation en matière d’endettement agricole, la Loi relative aux aliments du bétail, la Loi sur les engrais, la Loi sur la santé des animaux, la Loi sur l’inspection des viandes, la Loi sur les produits antiparasitaires, la Loi sur la protection des végétaux ou la Loi sur les semences.

 

[37]         En vertu de l'article 4 de la LSAP, le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire ou le ministre de la Santé, selon les circonstances, peut prendre des règlements pour désigner les violations punissables.

 

4. (1)  Le ministre peut, par règlement :

 

a)  désigner comme violation punissable au titre de la présente loi la contravention — si elle constitue une infraction à une loi agroalimentaire :

 

(i)  aux dispositions spécifiées d’une loi agroalimentaire ou de ses règlements […]

 

[38]         Le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire a pris un règlement de ce genre, le RSAP, qui désigne comme violations plusieurs infractions à des dispositions particulières de la Loi sur la santé des animaux (LSA), du RSA, de la Loi sur la protection des végétaux et du Règlement sur la protection des végétaux. Ces violations sont énumérées à l'annexe 1 du RSAP, qui fait également référence au paragraphe 140(1) du RSA.

 

[39]         Les tribunaux ont examiné le régime des sanctions administratives pécuniaires de façon assez rigoureuse particulièrement en raison du fait que les violations comportent une responsabilité absolue. Dans l'arrêt Doyon c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 152 (Doyon), le juge Létourneau, qui s'exprimait au nom de la Cour d'appel fédérale, a décrit le régime de la façon suivante :

 

[27]  En somme, le régime de sanctions administratives pécuniaires a importé les éléments les plus punitifs du droit pénal en prenant soin d’en écarter les moyens de défense utiles et de diminuer le fardeau de preuve du poursuivant. Une responsabilité absolue, découlant d’un actus reus que le poursuivant n’a pas à établir hors de tout doute raisonnable, laisse au contrevenant bien peu de moyens de disculpation.

 

[28]  Aussi, le décideur se doit-il d’être circonspect dans l’administration et l’analyse de la preuve de même que dans l’analyse des éléments constitutifs de l’infraction et du lien de causalité. Cette circonspection doit se refléter dans les motifs de sa décision, laquelle doit s’appuyer sur une preuve qui repose sur des assises factuelles et non sur de simples conjectures, encore moins de la spéculation, des intuitions, des impressions ou du ouï-dire.

 

[…]

 

[54]  La principale fonction d’un tribunal de première instance consiste à recevoir et à analyser la preuve. Dans l’exercice de cette importante fonction, il peut rejeter une preuve pertinente, mais il ne peut omettre de la considérer, surtout si elle en contredit une autre sur un élément essentiel du litige : voir Oberde Bellefleur OP, Clinique dentaire O. Bellefleur c. Canada (Procureur général), 2008 CAF 13; Parks c. Canada (Procureur général), [1998] A.C.F. no 770 (QL); Canada (Attorney General) v. Renaud, 2007 FCA 328; et Maher c. Canada (Procureur général), 2006 CAF 223. S’il décide de la rejeter, il doit fournir une explication : ibidem.

 

[40]         En outre, dans l'arrêt Doyon, la Cour d'appel fédérale souligne que la LSAP impose un fardeau important à l'Agence :

 

[20]   Enfin, et il s’agit là d’un élément important de toute poursuite, la charge de la preuve d’une violation appartient au ministre ainsi que le fardeau de persuasion. Il doit établir selon la prépondérance des…probabilités la responsabilité du contrevenant : voir l’article 19 de la Loi.

 

[41]         L'article 19 de la LSAP est formulé en ces termes :

 

19.  En cas de contestation devant le ministre ou de révision par la Commission, portant sur les faits, il appartient au ministre d’établir, selon la prépondérance des probabilités, la responsabilité du contrevenant.

 

[42]         Dans l'arrêt Doyon, dans l'objectif de déterminer si un demandeur a commis une violation au RSA, la Cour d'appel fédérale a dû interpréter le sens du passage « il est interdit [...] de transporter [...] un animal qui, pour des raisons d’infirmité, de maladie, de blessure, de fatigue ou pour toute autre cause, ne peut être transporté sans souffrances indues au cours du voyage prévu », qui se trouve à l'alinéa 138(2)a) du RSA. Ainsi, elle a donné une interprétation de cet alinéa comprenant une analyse de divers « éléments » d'une violation que l'Agence doit prouver afin de maintenir un avis de violation, soit sept dans le cas d'une violation présumée de cet alinéa en particulier.

 

[43]         Dans les cas subséquents dont elle a été saisie, la Commission a appliqué la méthode proposée dans l'arrêt Doyon, qui consiste à analyser les éléments requis de plusieurs violations du RSA. Elle ne l'a pas encore fait pour les cas se rapportant au paragraphe 140(1) du RSA, car elle a été saisie des quatre cas se rapportant à cette disposition avant le prononcé de l'arrêt Doyon de la Cour d'appel fédérale. Cependant, dans deux affaires dont elle a été saisie après le prononcé de l'arrêt Doyon, la Commission a analysé quatre éléments que l'Agence doit prouver pour maintenir une violation présumée en application d'une disposition connexe, soit le paragraphe 140(2) du RSA.

 

[44]         Dans la décision 0830079 B.C. Ltd. c. Canada (Agence canadienne d'inspection des aliments), 2013 CRAC 34 (S&S Transport), au quatrième paragraphe, la Commission énonce les quatre éléments que l'Agence doit établir pour maintenir une violation du paragraphe 140(2) du RSA. Si l'affaire portait sur une violation présumée du paragraphe 140(1) du RSA, les éléments seraient semblables, mais seraient axés sur le chargement des animaux, et non sur d'autres parties du transport. Par conséquent, l'Agence doit prouver les éléments suivants pour maintenir une violation du paragraphe 140(1) :

 

         élément no 1 – un animal a été chargé dans un camion, une remorque ou un compartiment d'une remorque;

 

         élément no 2 – il y avait entassement dans le camion, la remorque ou le compartiment de la remorque;

 

         élément no 3 – l'espace était rempli à un point tel que l’animal ou tout autre animal qui s’y trouvait risquait de se blesser ou de souffrir indûment;

 

         élément no 4 – il y avait un lien de causalité entre, d'une part, WCC, et d'autre part, le transport, l’entassement, le risque que l’animal ou les animaux se blessent ou souffrent indûment en raison de l’entassement.

 

[45]         Compte tenu du raisonnement dans l'arrêt Doyon, la Commission doit analyser attentivement les pièces communiquées par l'Agence afin de prouver, selon la prépondérance des probabilités, tous les éléments de la violation avant de rendre sa décision.

 

 

4.1             Conclusion concernant l'élément no 1

 

[46]         L'élément no 1 (un animal a été chargé dans un camion, une remorque ou un compartiment d'une remorque) n'est pas contesté. WCC, par l'entremise de son employé, M. Stephenson, a chargé 270 porcs à Falher, en Alberta, le 1er juillet 2013, et a transporté ces porcs dans un abattoir de Langley, en Colombie-Britannique, le 2 juillet 2013 vers 7 h.

 

 

4.2             Conclusion concernant l'élément no 2

 

[47]         L'élément no 2 (il y avait entassement dans le camion, la remorque ou le compartiment de la remorque) est contesté et est au cœur de cette affaire. D'abord, il importe de souligner que le paragraphe 140(1) du RSA n'interdit pas le fait de « surcharger » ou de « trop remplir », mais plutôt le fait de remplir « à un point tel que l’animal ou tout autre qui s’y trouve risquerait de se blesser ou de souffrir indûment ».

 

[48]         La Commission a examiné attentivement les décisions qu'elle a déjà rendues dans les quatre cas où une violation du paragraphe 140(1) du RSA était à l'origine d'une violation présumée se rapportant aux sanctions administratives pécuniaires et dans les sept cas où une violation du paragraphe 140(2) du RSA était à l'origine d'une violation présumée se rapportant aux sanctions administratives pécuniaires. La Commission a aussi tenu compte des directives fournies par la Cour d'appel fédérale dans l'interprétation du RSA dans les arrêts Doyon, Canada (Procureur général) c. Porcherie des cèdres Inc., 2005 CAF 59 (Porcherie des cèdres), et récemment Canada (ACG) v. Stanford, 2014 FCA 234 (Stanford).

 

[49]         Dans l'arrêt Stanford, la juge Dawson a formulé un commentaire sur la façon d'interpréter la loi, là encore, afin de déterminer l'interprétation appropriée de la LSAP et du RSAP [traduction]:

 

 

[41]  L’approche privilégiée en matière d’interprétation des lois a été exposée de la façon suivante par la Cour suprême du Canada dans Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, 1998 CanLII 837 au paragraphe 21 :

 

Aujourd’hui il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur. Voir également R. c. Ulybel Enterprises Ltd., 2001 CSC 56, [2001] 2 R.C.S. 867, au paragraphe 29.

 

[...]

 

[44]  Il est implicite dans la méthode contextuelle d’interprétation des lois que le sens ordinaire et grammatical des mots employés dans une disposition n’est pas le seul élément porteur de sens. Le tribunal doit tenir compte de l’ensemble du contexte de la disposition qu’il doit interpréter, et ce, « même si, à première vue, le sens de son libellé peut paraître évident » (ATCO Gas and Pipelines Ltd. c. Alberta (Energy and Utilities Board), 2006 CSC 4, [2006] 1 R.C.S. 140, paragraphe 48). Le tribunal qui interprète une disposition tente d’établir l’intention du législateur grâce au texte et à l’ensemble du contexte. L’intention du législateur est « [l’]élément le plus important de cette analyse » (R. c. Monney, [1999] 1 R.C.S. 652, 1999 CanLII 678, paragraphe 26).

 

[50]         Par conséquent, conformément à l'interprétation selon laquelle la violation présumée est lue dans son « contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur », comment doit-on interpréter la violation du paragraphe 140(1) du RSA?

[51]         Bien que l'esprit et l'objet de la LSA et du RSA ne soient pas explicitement énoncés dans la loi, l'importance de réglementer le transport sans cruauté des animaux dans le système agroalimentaire canadien ressort de l'alinéa 64(1)i) de la LSA, qui est formulé en ces termes :

 

Le gouverneur en conseil peut, par règlement, prendre des mesures visant à protéger la santé des personnes et des animaux par la lutte contre les maladies et les substances toxiques ou leur élimination, ainsi que toute autre mesure d’application de la présente loi et, notamment : [...] i) empêcher que les animaux soient maltraités, notamment en : (i) régissant leur garde, y compris les soins à leur donner et les mesures concernant leur disposition, (ii) régissant leur transport tant à l’intérieur qu’à destination ou en provenance du Canada, (iii) prévoyant le traitement, la destruction ou toute autre forme de disposition des animaux gardés ou transportés dans des conditions inacceptables.

 

[52]         De plus, la partie XII du RSA, où figure la norme énoncée au paragraphe 140(1), est intitulée « Transport des animaux ». Eu égard à leur contenu, les dispositions du RSA qui apparaissent dans cette partie doivent également être considérées comme des dispositions établissant des normes qui visent à protéger la santé des animaux pendant que ceux-ci sont transportés de la ferme du producteur jusqu’à l’abattoir du transformateur.

 

[53]         Par conséquent, les dispositions relatives à la protection de la santé des animaux de la LSA et du RSA n’existent pas dans le vide. Le contexte du texte législatif réside dans la nécessité de protéger la santé des animaux à l’intérieur des systèmes de production agricole et agroalimentaire qui existent actuellement au Canada.

 

[54]         Bien que le législateur ait édicté une disposition précise afin de protéger la santé des animaux lors de leur chargement et de les protéger afin d'éviter ainsi qu'ils risquent de se blesser ou de souffrir indûment ou qu'ils se blessent ou souffrent indûment, il faut interpréter cette disposition de sorte à assurer l'atteinte d'un équilibre entre, d'une part, les activités commerciales habituelles des intervenants des systèmes de production agricole et alimentaire, et d'autre part, la protection des animaux dans ces systèmes. Par conséquent, l'interprétation des termes réellement employés au paragraphe 140(1) pour définir une violation doit tenir compte de cet équilibre en raison de l'esprit et de l'objet de la LSA et du RSA.

 

[55]         Dans l'évaluation de la preuve concernant l'élément n2, la Commission doit interpréter les termes « rempli à un point tel que l’animal ou tout autre qui s’y trouve risque de se blesser ou de souffrir indûment » dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.

 

[56]         Pour être chargés ou transportés, les animaux devront nécessairement être forcés ou contraints d'entrer dans un espace confiné. Les industries de l'agriculture et de l'agroalimentaire ainsi que les organismes de réglementation reconnaissent que ces mesures peuvent faire en sorte que les animaux se blessent ou souffrent indûment, ou risquent de le faire. Par conséquent, des codes de pratiques recommandés ont été élaborés. Ceux‑ci énoncent les taux de chargement généraux recommandés et la variation de ces taux en fonction de la taille des animaux transportés et des conditions météorologiques ambiantes. Les taux de chargement adéquats contribuent à assurer le bien-être des animaux transportés et à permettre aux industries de l'agriculture et de l'agroalimentaire de fonctionner dans les différentes conditions météorologiques que l'on trouve au Canada pendant une année. Lorsque le taux de chargement dépasse le taux recommandé, que les animaux chargés et transportés sont ainsi exposés à un risque et que ce risque entraîne ou est susceptible d'entraîner des blessures ou une souffrance indue aux animaux, l'exploitant pourrait être tenu responsable en application du RSA.

 

[57]         Compte tenu de cette interprétation contextuelle concernant la violation du paragraphe 140(1) du RSA, la Commission doit déterminer si le 1er juillet 2013, la remorque de WCC était « rempli[e] à un point tel que l’animal ou tout autre qui s’y trouve risquerait de se blesser ou de souffrir indûment ». La Commission conclut que c'était le cas. Les éléments de preuve portent à croire, selon la prépondérance des probabilités, que le jour en question, le nombre de porcs chargés aurait dû être inférieur à ce qu'il était réellement. La décision qu'a prise M. Stephenson le 1er juillet 2013, soit de charger 270 porcs au lieu de 280 porcs comme à l'habitude, ou de 288 porcs de marché, soit la capacité maximale de la remorque sur laquelle s'entendent les parties, a entraîné des conséquences malheureuses sur la santé de certains porcs du chargement pendant le trajet.

 

[58]         La Commission a examiné les codes de pratiques recommandés, qui établissent des critères relatifs au taux de chargement, ainsi que des éléments de preuve fournis par les parties sur le taux de chargement réel le jour en question. Trois méthodes ont été présentées dans l'objectif de déterminer le taux de chargement approprié en l'espèce. La première méthode était le calcul effectué par M. Stephenson en temps réel lors du chargement, qui visait à déterminer le nombre d'animaux dans le chargement en fonction des conditions météorologiques. La deuxième méthode était le calcul effectué par Dr Brassel en temps réel lors du déchargement, qui visait à déterminer le nombre d'animaux par compartiment, ainsi que l'application subséquente de l'annexe 2 du Code du transport. La troisième méthode était le calcul effectué par Mme Stephenson après coup, qui visait à déterminer l'espace par animal, à l'aide du tableau 6 du Code de pratiques d'AAC.

 

[59]         Le taux de chargement approprié variait d'une méthode à l'autre. Selon la méthode de calcul employée par M. Stephenson en temps réel lors du chargement, le taux de chargement devrait équivaloir à 90 %, soit 252 porcs, de la capacité habituelle de la remorque qui correspond à 280 porcs, car la température se situait entre 21 et 22 oC. Selon la méthode de calcul utilisée par Dr Brassel en temps réel lors du déchargement, qui visait à déterminer le nombre d'animaux par compartiment, ainsi que l'application subséquente de l'annexe 2 du Code du transport, le chargement était excessif dans tous les compartiments de la remorque de WCC et le chargement au complet n'aurait pas dû compter plus de 232 porcs. Dr Brassel a fondé son calcul sur le fait que le taux de chargement approprié devait équivaloir à 75 % de la capacité habituelle, car les porcs ont été exposés à une température largement supérieure à 23 oC pendant le trajet. Selon la méthode de calcul après coup, qui visait à déterminer l'espace par animal, à l'aide du tableau 6 du Code de pratiques d'AAC, Mme Stephenson était convaincue qu'en raison de la taille moyenne des porcs, à une température supérieure à 23 oC, l'espace dont disposait chaque porc en moyenne dépassait les exigences relatives au taux de chargement qui sont énoncées dans la section générale indiquant la « superficie par animal » dans un « véhicule non standard ». Elle n'a formulé aucun commentaire sur la façon dont la mention du Code « … éviter de transporter des porcs à des températures supérieures à 30 oC » aurait pu influer sur ses calculs concernant le bien-être des porcs chargés dans la remorque de WCC le 1er juillet 2013. Il est aussi possible de calculer que le taux de chargement approprié correspond à 90 % de la capacité maximale de la remorque de WCC, établie conjointement par M. Stephenson et Dr Brassel le 2 juillet 2013, qui se trouve dans l'onglet 5 du rapport de l'Agence. Si on réduit cette capacité de 10 % en raison des températures élevées lors du chargement, le taux de chargement approprié correspondrait à 90 % de 288 porcs, soit 259 porcs.

 

[60]         Dans d'autres affaires dont elle a été saisie en application du paragraphe connexe 140(2) du RSA, la Commission a indiqué que les densités recommandées, qui sont établies dans les codes de pratiques, ne sont que des lignes directrices et qu'elles ne peuvent servir à déterminer si une violation a été commise ou non (F. Ménard Inc. c. Canada (ACIA), (RTA no 60126), à la page 4; Finley Transport Limited  c. Canada (ACIA), 2013 CRAC 42 (Finley Transport)). Au paragraphe 50 de la décision Finley, la Commission a tiré la conclusion suivante : « L’entassement demeure une question de fait et, si les divers codes ou normes peuvent être cités à l'appui de tel ou tel argument, il convient en définitive de trancher au vu des circonstances particulières de l'affaire. » La Commission est encore de cet avis.

 

[61]         Compte tenu de toutes les circonstances particulières entourant la journée et le chargement en question, la Commission conclut que lors du chargement, la remorque de WCC était « remplie ». M. Stephenson a lui‑même affirmé qu'il faisait chaud ce jour-là, que la température s'élevait à environ 21 ou 22 oC, qu'il avait effectué une recherche sur Google afin de connaître la température à Merritt et à Kamloops, et qu'il avait découvert que la température s'élevait déjà ou s'élèverait à environ 28 ou 29 oC. À la lumière de ces renseignements, M. Stephenson a lui‑même décidé de réduire son chargement de porcs de 10 %. Il a dit à la Commission que son chargement habituel comptait 280 porcs et des éléments de preuve indiquent qu'il faisait ce trajet fréquemment. S'il avait réduit son chargement de 10 %, il aurait dû charger seulement 252 porcs le matin en question. S'il avait cru que la température dépasserait 23 oC et qu'il avait ainsi réduit son chargement de 25 %, il aurait dû charger seulement 210 porcs. Cependant, il a chargé 270 porcs et en a laissé 10 ou 11 sur place. Les calculs de Dr Brassel, qui tiennent compte des réductions, donnent des résultats semblables en ce qui concerne le nombre de porcs qui auraient dû être chargés. Par conséquent, la Commission conclut qu'à eux seuls, les calculs de Mme Stephenson, qui révèlent de façon purement mathématique que la densité d'espace recommandée par animal était respectée, ne sont pas suffisamment convaincants pour conclure que le chargement n'était pas « rempli », voire « trop rempli » compte tenu de tous les autres éléments de preuve.

 

 

4.3             Conclusion concernant l'élément no 3

 

[62]         La Commission conclut que l'élément no 3 (l'espace était rempli à un point tel que l’animal ou tout autre animal qui s’y trouvait risquait de se blesser ou de souffrir indûment) a aussi été prouvé, selon la prépondérance des probabilités.

 

[63]          Au paragraphe 26 de l'arrêt Porcherie des Cèdres (bien que ce soit dans le contexte d'une violation de l'alinéa 138(2)a) du RSA), la Cour d'appel fédérale s'est penchée sur la signification du terme « indu » et de son rapport avec l'expression « souffrances indues ». Elle a conclu que le terme « indu » signifie « inapproprié », « inopportun », « injustifié », « déraisonnable ». De plus, la Cour d'appel fédérale a cité ultérieurement cette interprétation et l'a approuvée dans l'arrêt Doyon, au paragraphe 30.

 

[64]         Ainsi, compte tenu du contexte du RSA, à savoir qu'il existe des règlements visant à protéger la santé des animaux au sein des systèmes de production agricole actuels, la Commission conclut, selon la prépondérance des probabilités, que la remorque était remplie à un point tel que les porcs qui s’y trouvaient risquaient de se blesser ou de souffrir indûment en raison de la température élevée pendant le trajet, de la façon dont la remorque était remplie et de données tirées du rapport d'autopsie révélant que les porcs examinés sont morts des suites du « transport ».

 

 

 

4.4             Conclusion concernant l'élément no 4

 

[65]         Enfin, la Commission conclut également que l'Agence a aussi prouvé l'élément no 4 (il y avait un lien de causalité entre, d'une part, WCC, et d'autre part, le transport, l’entassement, le risque que l’animal ou les animaux se blessent ou souffrent indûment en raison de l’entassement) selon la prépondérance des probabilités. Il convient de souligner que l'Agence a choisi de remettre à WCC un avis de violation aux termes du paragraphe 140(1) du RSA, qui se rapporte au chargement des porcs, et non aux termes du paragraphe 140(2) du RSA, qui se rapporte au transport des porcs, car M. Stephenson était responsable de ces deux volets. Cependant, les éléments de preuve en l'espèce ont révélé l'existence d'un lien de causalité entre le chargement, la façon dont la remorque était remplie (qui dépassait les limites acceptables en raison de la température déjà élevée qui a continué d'augmenter pendant le trajet) et le risque que les porcs se blessent ou souffrent indûment lorsqu'ils étaient sous la responsabilité de WCC et de ses employés.

 

[66]         Dans ses observations finales, Mme Stephenson a présenté une théorie selon laquelle toute l'affaire pourrait être attribuable à une erreur d'identité et les porcs morts découverts à Britco Pork ne provenaient pas de la remorque de WCC, mais d'une autre remorque qui avait été déchargée environ au même moment que la remorque de WCC. Cette théorie, si elle avait été prouvée, aurait bien pu innocenter WCC, mais les éléments de preuve à l'appui de cette théorie étaient insuffisants, voire inexistants. Par conséquent, la Commission conclut que le lien de causalité exigé par l'élément no 4 a été prouvé selon la prépondérance des probabilités.

 

[67]         La Commission reconnaît que les membres de l'industrie des viandes doivent poursuivre leurs activités toute l'année dans toutes les conditions météorologiques qu'on trouve au Canada. Lorsque des personnes et des sociétés prennent soin des animaux destinés à l'alimentation, du chargement jusqu'à l'abattage, bien que ces animaux soient exposés à toutes sortes de conditions, elles arrivent, dans la plupart des cas, à leur fournir des soins sans pouvoir être tenues responsables en application du RSA. Malheureusement, c'était le cas en l'espèce.

 

 

5.                 Moyens de défense acceptés par la loi

 

[68]         Le régime de sanctions administratives pécuniaires, prévu par le législateur, est très rigoureux dans son application. La LSAP crée un régime de responsabilité plutôt sévère, puisqu’il ne permet pas d’établir une défense fondée sur la diligence raisonnable ou l’erreur de fait. L'article 18 de la LSAP est formulé en ces termes :

 

18. (1)  Le contrevenant ne peut invoquer en défense le fait qu’il a pris les mesures nécessaires pour empêcher la violation ou qu’il croyait raisonnablement et en toute honnêteté à l’existence de faits qui, avérés, l’exonéreraient.

 

(2)  Les règles et principes de la common law qui font d’une circonstance une justification ou une excuse dans le cadre d’une poursuite pour infraction à une loi agroalimentaire s’appliquent à l’égard d’une violation sauf dans la mesure où ils sont incompatibles avec la présente loi.

 

[69]         Si une disposition prévoyant des sanctions administratives pécuniaires a été édictée pour une violation particulière, comme c’est le cas pour le paragraphe 140(1) du RSA, WCC ne dispose que de très peu de moyens de défense. Dans ce cas‑ci, l'article 18 exclut pratiquement toute excuse pouvant être invoquée par WCC, y compris le fait que M. Stephenson croyait en toute honnêteté qu'il n'avait pas trop rempli la remorque et qu'il avait fait tout en son pouvoir pour empêcher les porcs d'avoir trop chaud en raison de la chaleur extrême qu'il faisait lorsqu'il a parcouru le trajet entre Langley et Falher le 1er et le 2 juillet 2013. Les mesures qu'il a prises, à tout le moins en route, démontraient sa diligence raisonnable, mais ne constituent pas un moyen de défense accepté aux termes de la LSAP. Compte tenu de la clarté de l'énoncé du législateur à ce sujet, la Commission conclut que les arguments présentés par WCC et sa représentante, Mme Stephenson, ne constituent pas un moyen de défense valide aux termes de l'article 18.

 

[70]         Par conséquent, la Commission conclut que, selon la prépondérance des probabilités, l’Agence a prouvé tous les éléments essentiels de la violation et que l’avis de violation avec sanction est maintenu.

 

 

6.                 Conclusions

 

[71]         La dernière question que la Commission doit trancher est celle de savoir si l'Agence a démontré qu'une sanction de 6 000 $ est justifiée en application de la LSAP et du RSAP. La Commission estime que ce montant est justifié en application de la LSAP et du RSAP pour les motifs énoncés ci‑dessous.

 

[72]         Le calcul du montant adéquat de la sanction varie d’abord selon qu’il s’agit d’une violation mineure, grave ou très grave au sens de l’annexe 1 du RSAP. Une violation du paragraphe 140(1) du RSA appartient à la catégorie des violations graves. Plus précisément, la violation en question, qui est énoncée dans le RSA, à savoir « Surcharger ou faire surcharger un véhicule », est désignée comme une violation grave à l'article 244, section 2, partie 1, annexe 1 du RSAP. À la date où la violation a été commise, l’article 5 du RSAP fixait le montant d’une sanction grave à 6 000 $. En l’espèce, le montant de base de 6 000 $ peut être rajusté à la hausse ou à la baisse en fonction de trois facteurs : les violations antérieures, le niveau d’intention et la gravité du tort. Des cotes allant de 0 à 5 ont été données par l’Agence pour chacun des trois facteurs, puis elles sont additionnées afin d’établir le montant final de la sanction. Si le total se situe de 6 à 10, le montant de base de la sanction n’est pas rajusté. Si le total est inférieur à 6, le montant de base est rajusté à la baisse; s’il est supérieur à 10, le rajustement se fait à la hausse.

 

 

6.1             Violations antérieures

 

[73]         Selon la partie 1 de l'annexe 3 du RSAP, si l'auteur de la violation présumée n'a commis aucune violation au cours des cinq ans précédant la date de la violation, la cote de gravité 0 est attribuée. La Commission est d'accord avec l'Agence, qui a attribué 0 à ce facteur, car elle n'a présenté aucune preuve d'une violation antérieure de WCC.

 

 

6.2             Intention ou négligence

 

[74]         Selon la partie 2 de l'annexe 3 du RSAP, l'Agence doit déterminer si la violation a été commise sciemment ou par négligence. L'Agence peut attribuer une valeur de 0 si « la violation n’est commise ni sciemment ni par négligence » (article 1). Une valeur de 0 peut également être attribuée si « le contrevenant divulgue volontairement la violation et prend les mesures voulues pour se conformer à l'avenir » (article 2). Une valeur de 3 est attribuée lorsque « la violation est commise par négligence » (article 3), et une valeur de 5 est attribuée lorsque « la violation est commise sciemment » (article 4). L'Agence a déterminé que la violation avait été commise par négligence (rapport de l'Agence, page 17). Elle s'est exprimée en ces termes : [traduction] « L'entreprise et le camionneur doivent prendre des mesures afin de calculer le taux de chargement de chaque déplacement (selon les facteurs nécessaires, à savoir les conditions météorologiques, l'espace et le poids des porcs) et non se fier sur des données antérieures pour estimer le nombre acceptable de porcs pour ce trajet. »

 

[75]         Bien que cette évaluation effectuée par l'Agence puisse sembler sévère, compte tenu des nombreux facteurs dont doit tenir compte un camionneur lors du chargement de son véhicule, elle souligne le fait que le camionneur a admis qu'il aurait dû réduire son chargement de 10 % le jour en question, mais qu'il ne l'a pas fait. À cet égard, il a fait preuve de négligence. S'il avait chargé 252 porcs ou lieu de 270, il y aurait eu au moins un porc de moins dans chaque compartiment, ce qui aurait pu diminuer grandement la souffrance endurée par les autres porcs chargés et transportés ce jour‑là, ainsi que le nombre de porcs morts. Bien que les éléments de preuve indiquent clairement qu'en route, M. Stephenson a fait tout en son pouvoir pour éviter de causer du tort aux porcs, il a pris la décision de charger 270 porcs et a ainsi fait preuve de négligence.

 

[76]         Par conséquent, la Commission est d'accord avec l'Agence, qui a attribué une valeur de 3.

 

 

6.3             Gravité du tort

 

[77]         En ce qui concerne le troisième facteur, l'Agence a attribué une valeur de 5 à la gravité, car il y a eu un tort grave à la santé des animaux. Comme il l'a déjà été mentionné, WCC était responsable de veiller à ce que sa remorque ne soit pas remplie à un point tel que l’animal ou tout autre qui s’y trouve risquerait de se blesser ou de souffrir indûment. La Commission a conclu, en tant que fait, que WCC avait échoué à cet égard. Selon l'article 3 de la partie 3 de l'annexe 3 (« Gravité du tort »), la cote de gravité est de 5 lorsque « la violation cause a) soit un tort grave ou étendu à la santé humaine, animale ou végétale ou à l'environnement ». La Commission est d'accord avec l'Agence, qui a conclu que cette violation a causé un tort grave à la santé animale les 1er et 2 juillet 2013.

 

 

6.4             Montant de la sanction, ordonnance et possibilité d'une ordonnance visant à rayer cette violation du dossier dans cinq ans

 

[78]         Par conséquent, d'après les éléments de preuve qui lui ont été présentés, la Commission conclut que la cote de gravité globale juste pour le rajustement de la sanction en l'espèce est de 8, comme l'avait proposé l'Agence. Comme la Commission est d'accord avec l'évaluation de l'Agence concernant la cote de gravité globale pour la violation en question, soit 8, l'annexe 2 du RSAP prévoit qu’il ne faut pas modifier à la hausse ni à la baisse le montant de base de la sanction. La sanction s'élève réellement à 6 000 $, comme l'énonce l'avis de violation.

 

[79]         En conséquence, la Commission, par ordonnance, détermine que WCC a commis la violation et lui ordonne de verser à l'Agence une sanction pécuniaire de 6 000 $ dans les trente (30) jours suivant la date de notification de cette décision.

 

[80]         La Commission souhaite informer WCC ainsi que M. et Mme Stephenson que cette violation ne constitue pas une infraction criminelle. La Commission remercie M. et Mme Stephenson pour les références morales qu'ils lui ont fournies. Comme cette question est purement administrative, elle ne devrait aucunement être interprétée de façon à nuire à leur réputation ou à leur nom dans leur collectivité, ou à l'intégrité de leurs activités commerciales. En outre, dans cinq (5) ans, WCC pourra demander au ministre que cette violation soit rayée de son dossier conformément au paragraphe 23(1) de la LSAP, qui est formulé en ces termes :

 

23. (1)  Sur demande du contrevenant, toute mention relative à une violation est rayée du dossier que le ministre tient à son égard cinq ans après la date soit du paiement de toute créance visée au paragraphe 15(1), soit de la notification d’un procès-verbal comportant un avertissement, à moins que celui-ci estime que ce serait contraire à l’intérêt public ou qu’une autre mention ait été portée au dossier au sujet de l’intéressé par la suite, mais n’ait pas été rayée.

 

 

Fait à Ottawa, en Ontario, le 17ième jour du mois de novembre 2014.

 

 

 

 

 

 

_________________________________________________

Donald Buckingham, président

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.