Décisions de la Commission de révision agricole du Canada

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Référence :     473629 Ontario Inc. c. Canada (Agence canadienne d’inspection des aliments) 2014 CRAC  31

Date :  20141029

Dossier :  CART/CRAC‑1737

 

 

 

 

 

 

 

 

Entre :

 

 

 

 

 

 

 

473629 Ontario Inc. (s/n Little Rock Farm Trucking), demanderesse

 

 

 

 

‑ et ‑

 

 

 

 

Agence canadienne d’inspection des aliments, intimée

 

[Traduction de la version officielle en anglais]

 

 

 

 

 

 

 

 

Devant :

Le président Donald Buckingham

 

 

 

 

 

 

 

 

Avec :

Edward Oldfield, avocat de la demanderesse,

 

Jacqueline Wilson, avocate de l’intimée.

 

 

 

 

 

 

 

 

Affaire intéressant une demande de révision des faits présentée par la demanderesse en vertu de l’alinéa 9(2)c) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, relativement à une violation, alléguée par l’intimée, de l’alinéa 143(1)e) du Règlement sur la santé des animaux.

 

 

 

 

 


DÉCISION

 

 

 

 

Après avoir tenu une audience de vive voix et examiné les observations verbales et écrites des parties, la Commission de révision agricole du Canada statue, par ordonnance, que la demanderesse, 473629 Ontario Inc. (faisant affaire sous le nom de Little Rock Farm Trucking), n’a pas commis la violation énoncée dans l’avis de violation n° 1314ON0509, daté du 19 juin 2013, en ce qui a trait aux événements survenus le 30 janvier 2013, et n’est pas tenue de verser une sanction pécuniaire à l’intimée, l’Agence canadienne d’inspection des aliments.

 

 

 

 

L’audience a eu lieu à Kitchener, Ontario,

 

 

du lundi 5 mai au mercredi 7 mai 2014.


MOTIFS

 

1.                 Les incidents reprochés et les questions en litige

 

[1]              La présente affaire, l’une des trois affaires opposant les parties que la Commission a entendues en mai 2014, concerne la vie et la mort de poules de réforme pendant leur transport vers un abattoir canadien. En l’espèce, 583 poulets morts ont été découverts le 31 janvier 2013 à bord d’une remorque conduite par des employés de 473629 Ontario Inc., société faisant affaire sous le nom de Little Rock Farm Trucking (LRFT). Les poulets morts ont été découverts par des employés de Maple Lodge Farms (MLF), un abattoir et transformateur de volaille, et par des représentants de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (Agence) au cours du déchargement de la remorque. En conséquence, le 19 juin 2013, l’Agence a délivré à l’encontre de LRFT l’avis de violation n° 1314ON0509 dans lequel elle a allégué que LRFT avait transporté ou fait transporter des animaux d’une façon susceptible de les blesser ou de les faire souffrir indûment en raison d’une ventilation insuffisante.

 

[2]              L’alinéa 143(1)e) du Règlement sur la santé des animaux (ci-après appelé Règlement sur la SA) est ainsi libellé :

 

Il est interdit de transporter ou de faire transporter un animal dans un wagon de chemin de fer, un véhicule à moteur, un aéronef, un navire, un cageot ou un conteneur, si l’animal risque de se blesser ou de souffrir indûment en raison […] e) d’une ventilation insuffisante.

 

[3]              Le rôle de la Commission consiste à savoir si l’Agence a établi tous les éléments nécessaires au soutien de l’avis de violation susmentionné, plus précisément si LRFT, en qualité de transporteur de volaille :

 

  a transporté ou fait transporter la volaille en question;

  est responsable des blessures ou souffrances indues causées à la volaille en raison d’une ventilation insuffisante (réelle ou probable), eu égard à la façon dont elle s’est occupée de la volaille pendant qu’elle en avait la garde et le contrôle.

 

[4]              De plus, si la Commission conclut que l’Agence a établi tous les éléments exigés au soutien de l’avis de violation contesté, elle doit décider si celle-ci a prouvé que le montant de la sanction est autorisé en vertu de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (ci-après appelée Loi sur les SAP) et du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (ci-après appelé Règlement sur les SAP).

 

 

2.                 L’historique des procédures

 

[5]              La Commission a entendu trois affaires opposant les parties en mai 2014. Même si chaque affaire découle d’une demande de révision qui lui est propre et donnera lieu à une décision séparée la concernant, la Commission a ordonné, avec le consentement des parties, que les affaires soient entendues ensemble. L’historique des procédures des trois affaires est reproduit ci-dessous séparément et, dans les cas opportuns, pour les trois ensemble.

 

 

2.1            Affaire n° 1 – L’incident de septembre (CART/CRAC‑1734)

 

[6]              La première affaire découle de l’avis de violation n° 1213ON0370, daté du 19 juin 2013, selon lequel le 30 septembre 2012, entre Lacolle (Québec) et Brampton (Ontario), LRFT [traduction] « a commis une violation, à savoir, a transporté ou fait transporter des animaux en les exposant indûment aux intempéries, soit 6 720 poulets transportés vers l’établissement de Maple Lodge Farms à bord de la remorque D‑73, y compris 425 oiseaux trouvés morts à l’arrivée, contrairement à l’alinéa 143.(1)d) du Règlement sur la santé des animaux, ce qui constitue une violation de l’article 7 de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire et de l’article 2 du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire ». Tout au long des présents motifs, cette affaire est appelée l’« incident de septembre ».

 

 

2.2            Affaire n° 2 – L’incident d’octobre (CART/CRAC‑1735)

 

[7]              La deuxième affaire « connexe » découle de l’avis de violation n° 1213ON0388, daté du 19 juin 2013, selon lequel le 29 octobre 2012, entre Fort Erie et Brampton (Ontario), LRFT [traduction] « a commis une violation, à savoir, a transporté ou fait transporter des animaux en les exposant indûment aux intempéries, soit 7 680 poulets transportés vers l’établissement de Maple Lodge Farms à bord de la remorque DEL‑64, y compris 537 oiseaux trouvés morts à l’arrivée, contrairement à l’alinéa 143(1)d) du Règlement sur la santé des animaux, ce qui constitue une violation de l’article 7 de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire et de l’article 2 du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire ». Tout au long des présents motifs, cette affaire est appelée l’« incident d’octobre ».

 

 

2.3            Affaire n° 3 – L’incident de janvier (CART/CRAC‑1737)

 

[8]              Cette troisième affaire « connexe » découle de l’avis de violation n° 1314ON0509, daté du 19 juin 2013, selon lequel le 30 janvier 2013, entre Lacolle (Québec) et Brampton (Ontario), LRFT [traduction] « a commis une violation, à savoir, a transporté ou fait transporter des animaux sans ventilation adéquate, soit 7 680 poulets transportés vers l’établissement de Maple Lodge Farms à bord de la remorque DEL‑62, y compris 583 oiseaux trouvés morts à l’arrivée, contrairement à l’alinéa 143(1)e) du Règlement sur la santé des animaux, ce qui constitue une violation de l’article 7 de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire et de l’article 2 du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire ». Tout au long des présents motifs, cette affaire est appelée l’« incident de janvier ».

 

 

2.4            Historique des procédures commun aux trois affaires

 

[9]              Chacun des trois avis de violation a été réputé avoir été notifié à LRFT par l’Agence le 19 juin 2013. Conformément à l’article 4 du Règlement sur les SAP, chaque violation a été considérée comme une « violation grave » donnant lieu à une sanction de 7 800 $.

 

[10]         Dans trois lettres datées du 21 juin 2013 et envoyées par télécopieur et par courrier recommandé à la Commission, LRFT, par l’entremise de son propriétaire et secrétaire trésorier, Mark Reuber (M. Reuber), a demandé à la Commission de réviser les faits de chacune des trois violations conformément à l’alinéa 9(2)c) de la Loi sur les SAP.

 

[11]         Dans une lettre datée du 2 août 2013, Edward Oldfield (Me Oldfield), conseiller juridique de LRFT, a exposé les motifs des demandes de révision de sa cliente. Le personnel de la Commission a confirmé auprès de Me Oldfield que LRFT souhaitait que ladite Commission révise ses dossiers en anglais dans le cadre d’une audience de vive voix qui se tiendrait dans un endroit du Sud-Ouest de l’Ontario. Le 19 août 2013, l’Agence a fait parvenir une copie du rapport relatif à chaque avis de violation à LRFT et à la Commission. La Commission a reçu les rapports en question le 20 août 2013.

 

[12]         Dans une lettre datée du 20 août 2013, la Commission a proposé à LRFT et à l’Agence de déposer leurs observations supplémentaires, le cas échéant, d’ici le 19 septembre 2013. Dans une lettre datée du 18 septembre 2013, Jacqueline Wilson (Me Wilson), conseillère juridique de l’Agence, a déposé un document (soit une version générique du rapport sur les conditions de chargement de Maple Lodge Farms) à titre d’élément de preuve à prendre en compte dans chaque affaire. L’audience de vive voix a eu lieu les 5, 6 et 7 mai 2014 à Kitchener (Ontario).

 

 

3.                 La preuve

 

[13]         Au début de l’audience, la Commission a ordonné (avec le consentement de toutes les parties) que les trois affaires soient entendues ensemble, pourvu que les parties précisent, au besoin, l’affaire ou les affaires auxquelles la preuve s’appliquait.

 

[14]         Dans chaque affaire, le dossier écrit de l’Agence comprenait l’avis de violation pertinent, une version générique du rapport sur les conditions de chargement de Maple Lodge Farms et le rapport pertinent de l’Agence daté du 19 août 2013. Le dossier écrit de LRFT comprenait pour chaque affaire la demande de révision pertinente datée du 21 juin 2013 ainsi que les explications supplémentaires exposées dans la lettre du 2 août 2013 que Me Oldfield a fait parvenir à l’Agence au sujet des faits et arguments se rapportant à chaque incident.

 

[15]         La Commission a entendu le témoignage des personnes nommées dans le tableau qui suit :

 

Tableau 1

T É M O I N S

Nom du témoin

Titre du poste

Domaine d’expertise

Incident visé par la preuve

Partie ayant convoqué le témoin

Dr Anco Farenhorst

Docteur en médecine vétérinaire

Pathologie des poulets

Tous les incidents

l’Agence

Dr Andrew Gomulka

Incidents de septembre et de janvier

Dr Gurcharan Sandhu

Incident d’octobre

M. Bruce Freiburger

Inspecteur de l’Agence

-

Incident de septembre

M. Johnny Vavala

Incident d’octobre

M. Peter Devellis

Incident de janvier

M. Mark Reuber

Propriétaire et secrétaire-trésorier de LRFT

-

Tous les incidents

LRFT

 

[16]         Les pièces mentionnées au tableau 2 ci-dessous ont été déposées à titre d’éléments de preuve au cours de l’audience :

 

Tableau 2

P I È C E S

Numéro de la pièce

Titre de la pièce

[traduction]

Incident visé par la preuve

Partie ayant présenté la pièce

1

Copie lisible du document de l’onglet 4 du rapport de l’Agence

Incident d’octobre

l’Agence

3

Conseil de recherches agroalimentaires du Canada

« Code de pratiques recommandées pour le soin et la manipulation des animaux de ferme – Transport »

Tous les incidents

4

Configuration des cageots d’une remorque destinée au transport de volailles

Incidents de septembre et de janvier

2

Rapport de MLF sur les conditions de chargement

Incident d’octobre

LRFT

 

 

3.1            Preuve commune aux trois incidents – Généralités

 

[17]         La preuve relative au type d’animal et à la procédure générale suivie pour le transport des poulets était commune aux trois incidents. Chaque témoin a présenté des éléments de preuve au sujet du transport des poules depuis des fermes américaines jusqu’à l’abattoir de MLF au cours de la période pertinente.

 

[18]         M. Reuber, de LRFT, a expliqué de manière générale comment le processus se déroule du début à la fin. Le DFarenhorst, qui a témoigné pour l’Agence, a expliqué comment le transport sans cruauté des animaux doit être effectué conformément à certaines normes et à certains critères élaborés par le gouvernement et par l’industrie. Les cinq autres témoins ont expliqué le processus à suivre depuis le point de déchargement jusqu’à la transformation des poulets à l’abattoir. Les règles énoncées à la partie XII du Règlement sur la SA exigent que le processus entier se déroule sans cruauté.

 

[19]         Tous les poulets transportés lors de l’incident de septembre, de l’incident d’octobre et de l’incident de janvier étaient des poules de réforme, soit des femelles âgées d’environ 17 mois qui avaient atteint la fin de leur cycle de production à titre de pondeuses. Lors de chaque incident, les pondeuses avaient été utilisées dans des fermes du Nord-Est des États‑Unis et étaient transportées au Canada pour être abattues.

 

[20]         Selon les données générales de l’industrie, les producteurs des États-Unis conservent les pondeuses à des fins de production un peu plus longtemps que les producteurs canadiens. Étant donné qu’elles sont affectées à une production constante d’œufs, les poules de réforme ont souvent un plumage minime et des réserves de calcium moindres et pèsent habituellement autour de quatre livres. Les propriétaires de poules de réforme sont fréquemment à la recherche d’acheteurs qui abattront et utiliseront les poules en contrepartie de montants peu élevés.

 

[21]         Les poules de réforme visées par chaque incident étaient des poules que les producteurs américains vendaient à MLF à un prix d’un cent la livre. MLF a retenu les services de LRFT pour transporter les volailles à l’aide de remorques appartenant à MLF. Tous les témoins ont reconnu qu’il était normal de s’attendre à ce que des poules meurent pendant le transport au cours de chaque incident en raison de leur stade de vie, de leur état général et des distances du transport. Les témoignages ont révélé qu’un taux de mortalité de plus de quatre pour cent des poules déclenchait habituellement une enquête de la part du personnel de l’Agence au sujet des circonstances de la mort.

 

[22]         Au cours de chacun des incidents, le pourcentage de poulets décédés a dépassé quatre pour cent. Voici le total de poulets trouvés morts au cours du déchargement lors de chaque incident :

 

         Incident de septembre : 425 poulets décédés sur 6 720 (6,3 %);

 

         Incident d’octobre : 537 poulets décédés sur 7 680 (7,0 %);

 

         Incident de janvier : 583 poulets décédés sur 7 680 (7,6 %).

 

[23]         La preuve a également révélé que le processus suivi pour le transport des poulets depuis leur ferme d’origine jusqu’à un abattoir en vue de leur transformation, qu’il s’agisse de poules de réforme ou non, est généralement le suivant :

 

1.      Le transformateur et le producteur engagent des négociations au sujet de la vente et de la livraison des oiseaux depuis les granges du producteur jusqu’à l’abattoir du transformateur.

 

2.      Les poulets sont rassemblés, attrapés, placés dans des cages et embarqués dans des camions, puis transportés vers leur destination.

 

3.      À l’arrivée à l’abattoir, la cargaison est pesée et placée en file d’attente en vue de la transformation.

 

4.      Lorsque vient le moment de la transformation, les poulets sont retirés de la remorque, puis transportés au poste d’abattage de l’abattoir.

 

[24]         De nombreux intervenants participent aux différentes étapes de ce processus et en surveillent le déroulement. Au début du processus, le producteur est habituellement présent à l’arrivée d’une équipe de ramasseurs et de responsables de l’embarquement des poulets. Les ramasseurs capturent les poulets et les placent dans des cageots. Au fur et à mesure que les cageots sont remplis et chargés sur une remorque, le chauffeur avance son camion jusqu’à ce que sa remorque soit pleine. Une fois l’embarquement terminé, le chauffeur sécurise le chargement (habituellement au moyen de bâches), puis conduit les poulets à l’usine de transformation située à quelques kilomètres plus loin, voire plusieurs centaines de kilomètres plus loin.

 

[25]         Une fois là-bas, les poulets attendent leur tour en vue de la transformation (un délai de jusqu’à 12 heures, parfois davantage, peut s’écouler dans certains cas). Les cageots sont ensuite débarqués du camion et apportés à l’intérieur de l’abattoir, où ils sont sortis des cageots, puis abattus et transformés. On procède à une inspection ante mortem et post mortem des poulets pour vérifier leur état de santé et s’assurer que le transport s’est déroulé sans cruauté. Si des poulets morts ou malades sont trouvés, ils sont comptés et un rapport standard est préparé à ce sujet. Le cas échéant, l’Agence prend des mesures coercitives contre l’entité qui a violé les dispositions réglementaires sur la santé ou sur le transport sans cruauté des animaux à une étape ou l’autre du processus.

 

 

3.2            Preuve commune aux trois incidents – Témoignage d’expert du Dr Farenhorst

 

[26]         Le DAnco Farenhorst (Dr Farenhorst), vétérinaire de l’Agence, a été reconnu en qualité d’expert en matière d’application des politiques relatives au transport sans cruauté des animaux et d’interprétation des données scientifiques concernant le transport des volailles. Il a présenté un témoignage pertinent quant aux trois incidents.

 

[27]         Le DFarenhorst a fait savoir à la Commission qu’il n’était sur place lors d’aucun des trois incidents, mais qu’il avait examiné tous les documents établis dans chaque cas afin de se préparer à témoigner. Il a mentionné l’existence de codes sur la manutention et le transport des animaux, qui ont été élaborés par plusieurs parties prenantes, y compris des organismes de réglementation, des associations provinciales, des transporteurs, des organisations de l’industrie, des chercheurs scientifiques et des éducateurs.

 

[28]         Les codes visent à fournir des normes à l’intention des intervenants participant au soin, à la manipulation et au transport d’animaux. Bien qu’ils ne constituent pas des lois, les codes énoncent des normes communes à toutes les parties. Les documents suivants du Conseil de recherches agroalimentaires du Canada constituent deux codes pertinents quant aux trois incidents :

 

         Code de pratiques recommandées pour le soin et la manipulation des poulettes, pondeuses et poules de réforme (code sur la volaille);

 

         Code de pratiques recommandées pour le soin et la manipulation des animaux de ferme – Transport (code sur le transport).

 

[29]         Le DFarenhorst a expliqué qu’une poule de réforme est un poulet qui a terminé sa production d’œufs. Le processus de production des poules pondeuses débute lorsque celles-ci sont âgées d’environ 19 semaines et se poursuit pendant une année complète au Canada (cette période est un peu plus longue aux États-Unis).

 

[30]         Dans l’Est du Canada et des États-Unis, une fois cette période de production terminée, les poules de réforme sont envoyées pour être abattues, tandis que dans l’Ouest canadien, elles sont simplement éliminées. Le Dr Farenhorst a souligné que plus les poules sont utilisées longtemps en production, plus elles sont usées.

 

[31]         À la fin de la ponte, les oiseaux canadiens sont très fragiles et les oiseaux américains le sont davantage, parce qu’ils emploient habituellement une plus grande partie de leurs ressources corporelles, perdent leurs plumes par suite de la mue et doivent être manipulés avec soin. Le Dr Farenhorst a expliqué à la Commission que les oiseaux plus âgés ont généralement des os plus fragiles, parce que leurs réserves de calcium ont été transférées aux coquilles d’œufs tout au long de leur cycle de production.

 

[32]         En qualité d’expert, Le DFarenhorst a affirmé que ces oiseaux sont particulièrement susceptibles de subir un stress du transport découlant :

 

         de bâches manquantes;

 

         d’une exposition à du temps pluvieux (notamment lorsque la température extérieure ambiante est fraîche ou froide, c’est-à-dire qu’elle ne dépasse pas le niveau inférieur de la zone de confort des poulets, qui se situe entre 13 et 28 oC);

 

         d’un plumage déficient.

 

[33]         De l’avis de cet expert, le transport des poules dans ces conditions irait à l’encontre des normes énoncées au paragraphe 7.2.2 du code sur la volaille et au paragraphe 2.2.1 du code sur le transport, dont voici le texte :

 

7.2.2  Le chauffeur du véhicule est responsable du soin et du bien-être de toutes les volailles au cours du transport. Il devrait prendre en considération les conditions météorologiques et ajuster les dispositifs de couverture pour permettre aux oiseaux de se réchauffer ou de se rafraîchir au besoin.

 

2.2.1  Les facteurs suivants présentent de plus grands dangers pour les animaux en transit : a) le transport sur de longues distances, du chargement au lieu d’origine, y compris la capture des volailles, jusqu’au point de destination final; b) la faible valeur économique des animaux transportés; c) les intempéries et d) les autres facteurs qui peuvent ajouter à l’inconfort des animaux pendant le transport – p. ex. l’état gravide, le jeune âge ou l’âge avancé.

 

[34]         Le Dr Farenhorst a reconnu ce qui suit :

 

         MLF était un transformateur important de poules de réforme;

 

         les deux codes susmentionnés autorisaient le transport de poules de réforme et d’oiseaux pendant une période maximale de 36 heures consécutives;

 

         il faut s’attendre à ce que le taux de décès des oiseaux en transit augmente en fonction de la durée du transport ou de l’âge des oiseaux;

 

         il y a toujours des oiseaux qui meurent pendant ce transport;

 

         malgré le fait que la perte de plus de 4 % d’une cargaison donnerait automatiquement lieu à une inspection de la part de l’Agence, le taux de 4 % n’est pas acceptable et toute perte pourrait inciter le vétérinaire responsable à déclencher une inspection.

 

[35]         Lorsqu’il s’est fait demander pourquoi les oiseaux pouvaient mourir pendant le transport, Le DFarenhorst a répondu que le décès peut être imputable à différentes causes, dont la maladie, des facteurs liés au transport, des blessures, la chaleur excessive, le gel ou un ensemble de ces éléments.

 

[36]         Le DFarenhorst a ajouté que la manipulation des poulets par les ramasseurs pouvait occasionner des blessures aux oiseaux, voire contribuer à leur décès pendant le transport. Il a affirmé que cette cause est mentionnée dans le code sur le transport :

 

8.7.2  La capture négligente des volatiles constitue une source commune de blessure. Les oiseaux blessés sont particulièrement vulnérables au stress dû au transport. Cette pratique est cruelle et augmente les pertes de produits commercialisables.

 

[37]         Le Dr Farenhorst a convenu que, même si un transformateur peut être tenu responsable de l’état des oiseaux à l’arrivée du chargement, conformément au code sur le transport, le chauffeur qui conduit la cargaison est responsable des animaux pendant le transport :

 

8.7.23  Le chauffeur du véhicule est responsable du soin et du bien-être de tous les volatiles au cours du transport. Il devrait prendre en considération les conditions météorologiques et ajuster les dispositifs de couverture pour permettre aux oiseaux de se réchauffer ou de se rafraîchir au besoin.

 

 

3.3            Éléments de preuve propres à l’incident de janvier (CART/CRAC‑1737)

 

3.3.1       Les faits non contestés

 

[38]         Le producteur en cause lors de l’incident de janvier était Maple Meadow Farm, situé à Salisbury, au Vermont. L’équipe qui s’est occupée de la capture des oiseaux provenait de Brian’s Poultry Services Ltd., de Mildmay, en Ontario, et a été engagée directement par MLF. Le poids moyen de chaque poule transportée était de 3,85 lb et la densité de chargement était de 16 oiseaux par cageot. La remorque DEL‑62 comportait 480 cageots contenant au total 7 680 poules. LRFT était le transporteur des oiseaux et son employé, Kevin Hollinger [M. Holliger], le chauffeur chargé d’assurer la livraison de la cargaison à MLF, le transformateur.

 

[39]         La capture des poules et le chargement de la remorque ont débuté le 30 janvier 2013, à 8 h. M. Hollinger est parti avec la remorque DEL‑62, le 30 janvier 2013, à 11 h; il est arrivé au lieu de transformation plus tard le même jour, à 22 h 30, après avoir parcouru une distance d’environ 789 km.

 

[40]         À la suite de la livraison, il était prévu que le processus de transformation des poulets transportés dans la remorque D‑62 débuterait à 4 h 24 le 31 janvier 2013; en fait, il a débuté à 4 h 22. Un délai d’attente de 5 heures et 52 minutes s’est écoulé avant le début du déchargement des oiseaux à l’établissement de MLF. Le déchargement de tous les oiseaux s’est achevé à 4 h 59, si bien qu’une période totale de 20 heures et 59 minutes s’est écoulée entre le début du chargement et la fin du déchargement.

 

[41]         Au total, 583 volailles mortes ont été trouvées au moment du déchargement de la remorque DEL‑62 à l’usine de transformation. Le 31 janvier 2013, le personnel de l’Agence qui a procédé aux inspections ante mortem et post mortem de la cargaison à l’usine de transformation incluait l’inspecteur Devellis [M. Devillis] (ante mortem à 4 h 41) et le Dr Gomulka, un vétérinaire de l’Agence (ante mortem à 4 h 28 et post mortem à 5 h 57). L’enquêteur de l’Agence, Michael Cole, a mené l’enquête concernant l’incident de janvier.

 

 

3.3.2       La preuve concernant le mode de chargement et le transport vers l’établissement de MLF

 

3.3.2.1            Onglet 1 du rapport de l’Agence – compte rendu du chargement des oiseaux vivants de LRFT à l’égard de la remorque DEL-62

 

[42]         Le compte rendu du chargement des oiseaux vivants de LRFT à l’égard de la remorque DEL‑62 (compte rendu du chargement de LRFT) est un registre, tenu par le chauffeur de LRFT, des conditions de chargement et de déplacement de la remorque DEL‑62 de 8 h0 (début du chargement à Salisbury, au Vermont) à 22 h 30 (arrivée de la remorque à l’établissement de MLF) le 30 janvier 2013.

 

[43]         D’après le compte rendu du chargement de LRFT, le chargement a duré trois heures et le transport proprement dit, 11 heures et 30 minutes. Pendant cette période, la température extérieure a oscillé entre 10 et 3 oC (50 et 38 degrés Fahrenheit). Les conditions météorologiques ont varié, passant de [traduction] « dégagé » à [traduction] « pluvieux » – ce dernier descripteur n’étant consigné qu’au moment de l’arrivée à l’établissement de MLF ce jour-là. Le chargement est arrivé à 22 h 30, soit légèrement après l’heure d’arrivée prévue de 22 h le 30 janvier 2013.

 

[44]         Le compte rendu du chargement de LRFT ne contient aucune indication au sujet des configurations des bâches, des panneaux ou des dispositifs de ventilation utilisées par le chauffeur pour protéger les oiseaux ou contrôler la température à l’intérieur de la remorque durant le transit. De plus, il n’y a aucune indication au sujet de l’utilisation par le chauffeur de la ventilation au moyen des portes avant de la remorque DEL‑62 durant son trajet le 30 janvier 2013. À la question sur l’état des oiseaux avant le chargement, le chauffeur a répondu : [traduction] « Bon ». À la question de savoir s’il y avait eu des problèmes en route vers l’usine de transformation, le chauffeur a écrit : [traduction] « Oui, j’ai dû m’immobiliser pendant une demi-heure »; toutefois, il n’a fourni aucune explication pour cette immobilisation. Il a également noté qu’il s’était arrêté trois fois en route pour vérifier l’état des oiseaux ou rajuster les bâches, et que durant ces arrêts il avait remarqué que la pluie nuisait aux oiseaux. Quant aux cases réservées à l’[traduction] « Estimation du nombre d’oiseaux morts à l’arrivée » et aux [traduction] « Observations additionnelles », elles sont demeurées vierges.

 

 

3.3.2.2            Onglet 10 du rapport de l’Agence – rapport d’enquête de MLF sur le transport d’animaux vivants à l’égard de la remorque D62

 

[45]         D’après le rapport d’enquête de MLF sur le transport d’animaux vivants à l’égard de la remorque D62 (rapport d’enquête de MLF sur le transport), qui a été rempli par le personnel de MLF et consigné le 31 janvier 2013, les conditions au moment du chargement et en transit étaient les suivantes : [traduction] « Début du chargement : 8 h; Fin du chargement : 11 h; Départ de la ferme : 11 h 10; Arrivée à l’établissement de MLF : 23 h 39; Heure de l’abattage : 4 h 22; Durée du trajet : 11 heures et 30 minutes; Température durant le chargement : 8 degrés; Température en route : de 3 à 9 degrés; Température à l’établissement de MLF : 10 degrés; Période en cageot : 20 heures et 22 minutes; nombre d’oiseaux dans la remorque : 2 680; % d’oiseaux morts à l’arrivée : 7,59 %; Poulets condamnés par le producteur : 1,00 %.

 

[46]         Le rapport d’enquête de MLF sur le transport se termine par deux sections additionnelles. La première est intitulée [traduction] « Conclusions de l’enquête » et renferme les observations suivantes : [traduction] « Huit degrés et temps dégagé durant le chargement. Les oiseaux semblaient corrects, selon le chauffeur. Les ramasseurs ont chargé la remorque D62 en 3 heures et les volailles ont été manipulées sans cruauté pendant le chargement. Il n’y a aucune inscription au sujet de la configuration des bâches. Le chauffeur a dû s’arrêter pendant 30 minutes en route pour rajuster les bâches à cause de la pluie. Il n’a pas noté l’heure de cet arrêt ou de quelle façon il a rajusté les bâches. Le chauffeur a signalé cinq oiseaux morts à l’arrivée. Le personnel de l’établissement a signalé le même nombre. » La deuxième section, intitulée : [traduction] « Mesures correctives », renferme l’observation suivante : [traduction] « Aucune pour le moment. »

 

 

3.3.2.3            Onglet 12 du rapport de l’Agence – Fiche de troupeau

 

[47]         La fiche de troupeau, remplie par le producteur Maple Meadow Farm, renferme également des renseignements pertinents sur l’état des poulets au moment du chargement. Selon cette fiche, le taux de mortalité estimatif des volailles lors du chargement des oiseaux s’élevait déjà à 3 %.

 

[48]         L’Agence n’a présenté aucun témoignage verbal direct au sujet des conditions de chargement et de transport de la remorque DEL‑62 avant l’arrivée de celle-ci à l’établissement de MLF le 30 janvier 2013.

 

 

3.3.2.4            Témoignage de M. Reuber

 

[49]         Au cours de son témoignage, Mark Reuber (M. Reuber), propriétaire et secrétaire trésorier de LRFT, a déclaré que, le 30 janvier 2013, LRFT a suivi la même procédure que celle qu’elle utilisait depuis une dizaine d’années, au cours de laquelle elle a transporté 16 203 cargaisons de poules de réforme.

 

[50]         Il a expliqué comme suit le rôle joué par LRFT relativement à la cargaison transportée lors de l’incident de janvier (ainsi que d’autres cargaisons similaires) :

 

      MLF envoie par télécopieur à LRFT une liste des ramassages de volailles à effectuer;

 

      MLF informe LRFT du nombre de cargaisons à prendre à chaque site de ramassage, de la date fixée pour l’arrivée au site de ramassage et de la date fixée pour le retour de la volaille chez MLF en vue de l’abattage;

 

      LRFT attribue les cargaisons aux camions en fonction des capacités requises;

 

      Le chauffeur de LRFT va chercher les remorques requises chez MLF, qui est propriétaire des remorques en question et les nettoie;

 

      Le chauffeur de LRFT prend le camion de celle-ci et la remorque de MLF et se rend à chaque site de ramassage;

 

      Des ramasseurs qui sont des tierces parties et qui se trouvent au site de ramassage donnent des directives précises au chauffeur de LRFT quant au moment et à l’endroit où la capture doit avoir lieu;

 

      Les ramasseurs capturent les volailles et les placent dans des cageots disposés sur des chariots;

 

      Le chauffeur de LRFT transfère la cargaison dans la remorque;

 

      Une fois que le chauffeur a terminé le chargement de la remorque, il doit sécuriser la cargaison à l’aide de bâches, conformément aux conditions en vigueur;

 

      LRFT est responsable des volailles depuis le chargement au site de ramassage jusqu’à l’arrivée à l’établissement de MLF.

 

[51]         M. Reuber a convenu que les volailles de réforme doivent être manipulées avec soin, parce qu’elles sont plus âgées, que leur plumage est déficient et que leurs réserves d’énergie sont presque épuisées. Malgré ces problèmes, M. Reuber a expliqué qu’il n’est pas nécessairement plus difficile de garder les oiseaux au chaud pendant le transport. À son avis, l’utilisation appropriée de bâches permet d’assurer un contrôle adéquat de la température de la cargaison.

 

[52]         M. Reuber a souligné qu’il connaissait bien le code sur la volaille du Conseil de recherches agroalimentaires du Canada, mais non le code sur le transport du même organisme. Cependant, il a expliqué que tous les chauffeurs de LRFT recevaient une formation sur la façon de prendre soin de leurs cargaisons et de préparer les rapports sur le chargement. M. Reuber a précisé que la formation donnée aux chauffeurs de LRFT au sujet du transport sans cruauté des animaux comprenait une séance de formation d’orientation d’une journée qui couvrait différents aspects de ce transport. Le reste de la formation portait sur les pratiques relatives au bâchage, sur l’apprentissage par observation d’un autre chauffeur pendant deux ou trois semaines et sur la possibilité de communiquer avec un répartiteur en cas de problème au cours du trajet une fois la formation initiale terminée.

 

[53]         M. Reuber a convenu que le compte rendu du chargement de LRFT (onglet 1 du rapport de l’Agence) avait été rempli par le personnel de LRFT et qu’il ne renferme aucune indication au sujet de la configuration des bâches durant le transport. M. Reuber a convenu que le chauffeur avait noté que, durant le transit, la température extérieure ce jour-là se situait entre 3 et 10 degrés Celsius, ce qui est plus froid que la zone de confort recommandée pour les poulets de réforme.

 

[54]         M. Reuber a indiqué à la Commission que la photo à la pièce 4 correspondait au type de remorque utilisée par MLF et LRFT pour la cargaison D‑62. Dans ce type de remorque, il y a un espace d’au plus un pouce et demi à deux pouces entre les bâches supérieures et latérales, si bien qu’il serait difficile pour la pluie de s’y infiltrer. De plus, la remorque est munie d’une plateforme solide à l’avant, à l’arrière, sur le dessus et sur le dessous, ainsi que d’un dispositif de ventilation à l’arrière et à l’avant, qu’il est possible d’ouvrir et de fermer. En se fondant sur sa propre expérience lorsqu’il transportait des cargaisons, M. Reuber a affirmé que la température à l’intérieur de la remorque est normalement plus élevée que la température extérieure ambiante, même pour des oiseaux sans plumes, en raison de la plateforme solide dont la remorque est munie à l’avant, à l’arrière, au-dessus et en dessous. M. Reuber a également indiqué à la Commission que si un chauffeur se trouvait dans une situation où il avait des difficultés avec la configuration des bâches ou tout autre problème, il aurait téléphoné à MLF pour le signaler ou demander conseil.

 

 

3.3.3       Preuve concernant l’état dans lequel les poules se trouvaient à l’établissement de MLF avant la transformation

 

[55]         La Commission n’a été saisie d’aucun élément de preuve par l’Agence ou LRFT attestant que le chauffeur de LRFT ou tout autre membre du personnel de LRFT est resté à l’établissement de MLF après la livraison de la cargaison de la remorque DEL-62 par le chauffeur de LRFT, M. Hollinger, à 22 h 30 le 30 janvier 2013.

 

 

3.3.3.1            Onglet 5 du rapport de l’Agence – Rapport de Maple Lodge Farms sur les conditions de chargement à l’égard de la remorque D‑62

 

[56]         Le rapport de MLF sur les conditions de chargement à l’égard de la remorque D‑62 (rapport de MLF sur les conditions de chargement), un document rempli par le personnel de MLF, consigne les conditions dans lesquelles se trouvait la cargaison dans l’attente de sa transformation par MLF. Bien que le document soit difficile à lire en raison de la mauvaise qualité de la copie, il semble indiquer que, pendant l’attente précédant la transformation à l’établissement de MLF, la cargaison a été inspectée cinq fois entre 22 h 48 et 3 h 04 (soit à 22 h 48, à 0 h 01, à 1 h 11, à 2 h et à 3 h 04).

 

[57]         Au cours de ces inspections, la température dans l’aire d’attente est passée de 14 à 8 degrés Celsius. La température interne de la cargaison a varié comme suit, chutant au bas de l’échelle pendant que la cargaison attendait à l’établissement de MLF :

 

         Avant de la cargaison – de 13,1 °C à 4,5 °C;

 

         Milieu de la cargaison – de 12,6 °C à 4,2 °C;

 

         Arrière de la cargaison – de 12,5 °C à 4,2 °C.

 

[58]         Selon le rapport de MLF sur les conditions de chargement, les ventilateurs latéraux de l’aire d’attente étaient ouverts tout au long de la période d’attente à l’établissement de MLF. Le rapport indique aussi que, tout au long de cette période d’attente, il n’y avait pas de bâche sur la cargaison. Pour ce qui est de l’état des oiseaux, le rapport signale que ces derniers étaient [traduction] « alertes/vigoureux », que leur [traduction] « plumage [était] de bonne qualité » et qu’aucun signe de maladie évidente n’avait été observé.

 

 

3.3.3.2            Onglet 4 du rapport de l’Agence – Relevé ante mortem de Maple Lodge Farms

 

[59]         D’après le relevé du nombre de volailles à abattre/relevé ante mortem (relevé ante mortem de MLF), rempli par le personnel de MLF et le personnel de l’Agence, il y avait [traduction] « quelques volailles mortes » dans la cargaison de la remorque DEL‑62 à 4 h 28; les initiales « AG » étaient apposées à côté de cette inscription.

 

 

3.3.3.3            Onglet 6 du rapport de l’Agence – Relevé d’abattage de Maple Lodge Farms

 

[60]         Selon le relevé d’abattage de MLF pour le 31 janvier 2013 (relevé d’abattage de MLF), un document rempli par le personnel de MLF, la transformation de la cargaison DEL‑62 a débuté à 4 h 22; il y avait 583 oiseaux morts à l’arrivée et 1 007 autres oiseaux condamnés par le producteur.

 

 

3.3.3.4            Onglet 7 du rapport de l’Agence – Rapport sur les arrivages vivants de Maple Lodge Farms

 

[61]         D’après le rapport sur les arrivages vivants de MLF à l’égard de la remorque D‑62, rempli par l’employé Vargas le 31 janvier 2013, la remorque [traduction] : « […] comptait 583 oiseaux morts à l’échelle de la remorque, un plus grand nombre à l’intérieur de la remorque. J’ai mis à l’écart une pile de volailles mortes pour l’inspecteur. » Le rapport contient également des schémas indiquant où les volailles mortes ont été trouvées dans la remorque.

 

 

3.3.3.5            Onglet 8 du rapport de l’Agence – Notes de l’inspecteur Devellis

 

[62]         Les notes de l’inspecteur Peter Devellis [M. Devellis] de l’Agence rendent compte de son inspection de la remorque DEL‑62 [traduction] :

 

Le 31 janvier 2013, D62, 4 h 41. J’ai observé la remorque du côté du passager. – Volailles au plumage déficient – Volailles qui bougent peu. – Volailles qui semblent mouillées, serrées les unes sur les autres et en position assise – J’ai observé des volailles mortes dans les rangées du bas extérieures. – Volailles froides au toucher. – Cageots en bon état, remorque en bon état – Photos prises – Échantillon de 10 volailles prélevé pour le vétérinaire. – Heure d’achèvement du déchargement : 4 h 52. – Température ext. : 1° C. – Type de volaille : mixte – 583 volailles mortes à l’arrivée.

 

 

3.3.3.6            Onglet 13 du rapport de l’Agence – Rapport d’inspection du véhicule de transport des volailles

 

[63]         Dans son rapport d’inspection du véhicule de transport des volailles, M. Devellis a consigné les renseignements suivants [traduction] :

 

[Case]  41. Alinéa 143(1)d)

[Case] 42. Description de la non-conformité – Durant le transport, les animaux n’étaient pas suffisamment protégés contre une exposition indue aux intempéries, la chaleur ou le froid (p. ex., à l’aide de panneaux ou de bâches) et des animaux ont souffert, ont subi des blessures ou sont morts.

[Case] 43. Remarques – Le jeudi 31 janvier 2013, j’ai réalisé une inspection et observation de la remorque D-62. [...] Selon le compte rendu du chargement, la remorque est restée dans la grange pendant 5 heures et la température est passée de 8 à 14 degrés Celsius avant l’abattage. Le Dr Gomulka a pris des photos et prélevé un échantillon de 10 volailles et, d’après son avis professionnel, le taux de mortalité élevé de ce lot est attribuable à la chaleur excessive dans cette cargaison (voir le rapport d’autopsie). Dans le cadre de mon inspection, j’ai examiné la remorque D-62 du côté du passager. Les volailles bougeaient peu, leur plumage était déficient et elles étaient mouillées au toucher, serrées les unes sur les autres et en position assise. Les volailles mortes se trouvaient principalement dans les rangées du bas extérieures (voir les notes de l’inspecteur). Le déchargement a pris fin à 4 h 59 et il y avait 583 oiseaux morts à l’arrivée (7,59 %). Selon mon avis professionnel, le taux de mortalité élevé de la remorque D-62 est attribuable au manque de protection contre les intempéries. Veuillez trouver ci-joint le RNCI [rapport de non-conformité de l’inspecteur] pour la suite à donner. 

 

 

3.3.3.7            Onglet 14 du rapport de l’Agence – Rapport de non-conformité de l’inspecteur

 

[64]         M. Devellis, dans son rapport de non-conformité de l’inspecteur, affirme que la non-conformité en question a trait la présumée non-conformité de la part de MLF et de LRFT à l’alinéa 143(1)d) du Règlement sur la SA [traduction] : « Durant le transport, les animaux n’étaient pas suffisamment protégés contre une exposition indue aux intempéries, la chaleur ou le froid (p. ex., à l’aide de panneaux ou de bâches) et des animaux ont souffert, ont subi des blessures ou sont morts. »

 

 

3.3.3.8            Témoignage de M. Devellis pour le compte de l’Agence

 

[65]         M. Devellis a aussi témoigné de vive voix. Durant son interrogatoire principal, il a indiqué à la Commission qu’il travaille à titre d’inspecteur fédéral chez MLF depuis 17 ans. Il effectue des inspections hebdomadaires des cargaisons à leur arrivée et il était de service à compter de 4 h le 31 janvier 2013. Selon son témoignage, il a inspecté la cargaison DEL‑62 à 4 h 41 et, en examinant cette cargaison du côté du passager, il a noté que les volailles semblaient mouillées et étaient froides au toucher. Il a indiqué à la Commission que, de manière générale, le plumage des volailles était déficient et un peu mouillé. Il a recueilli 10 volailles mortes pour que le vétérinaire de l’Agence puisse les examiner, mais il ne sait pas exactement où dans la remorque ces 10 volailles avaient été situées. Interrogé par l’avocate de l’Agence au sujet de la discordance possible entre ses conclusions aux onglets 13 et 14, à savoir entre l’affirmation selon laquelle le taux de mortalité élevé était attribuable à l’exposition aux intempéries et l’accusation faisant état de [traduction] « blessures indues attribuables à une ventilation insuffisante », M. Devellis a indiqué à la Commission que ces deux énoncés concordaient avec les conditions météorologiques auxquelles les volailles étaient exposées.

 

[66]         Durant le contre-interrogatoire, M. Devellis a indiqué à la Commission qu’il n’avait aucun souvenir personnel de la cargaison DEL‑62 et que son témoignage reposait sur ses notes et les documents faisant partie du rapport de l’Agence. Selon son témoignage, il a pu voir le déchargement d’environ le tiers de la cargaison, le reste ayant déjà été déchargé lorsqu’il est arrivé à la remorque vers 4 h 41. Entre 4 h 41 et 4 h 51, il a constaté qu’il y avait des volailles mortes dans les rangées extérieures du bas, mais n’en a vu aucune dans les cageots provenant du milieu de la cargaison durant le déchargement. Il a indiqué à la Commission qu’il n’avait pas sélectionné les 10 volailles mortes en vue de l’autopsie, mais qu’un employé de MLF lui avait apporté ces volailles après les avoir récupérées du bac où étaient placées les poules mortes provenant de cette cargaison. D’après le témoignage de M. Devellis, il croyait que les volailles mortes avaient été recueillies vers 4 h 50 et que le vétérinaire Gomulka de l’Agence avait entrepris son autopsie de ces volailles environ une heure plus tard. M. Devellis a convenu que, même si le chauffeur n’avait pas consigné avoir placé des bâches sur sa cargaison, il était convaincu que le chauffeur avait fait usage de bâches dans une certaine mesure et il l’avait noté dans son rapport à l’onglet 13.

 

 

3.3.3.9      Onglet 9 du rapport de l’Agence – Rapport de l’inspecteur du DGomulka

 

[67]         Dans son rapport de l’inspecteur, le Dr Andrew Gomulka a indiqué avoir effectué une inspection ante mortem de la cargaison à 4 h 28, qui a révélé qu’il y avait des volailles mortes dans les cageots extérieurs au début du déchargement, qui a commencé à 4 h 22. Le rapport indique également qu’il a réalisé une autopsie de 10 volailles mortes provenant de la cargaison à 5 h 57 le même jour, soit le 31 janvier 2013. Il a constaté que les volailles mortes étaient toutes froides : les températures corporelles variaient de 22,3 à 29,1 degrés Celsius, alors que la température extérieure à cette heure-là était de 1 degré Celsius et que la température dans la salle d’autopsie était de 21,2 degrés Celsius. Le Dr Gomulka note dans son rapport que la température corporelle d’une volaille vivante se situe normalement entre 40,6 et 41,7 degrés Celsius. Il ajoute que les volailles mortes de l’échantillon présentaient une chair convenable, d’un aspect cyanosé prononcé [couleur bleuâtre en raison d’un manque d’oxygène] et que leur plumage était de mauvaise qualité. Voici quelques-unes des conclusions exposées par le Dr Gomulka dans son rapport d’autopsie [traduction] :

 

Remarques : Les volailles mortes de l’échantillon ont une chair convenable et d’un aspect cyanosé prononcé et leur plumage est déficient sur la partie ventrale du thoraco-abdomen. Ces volailles étaient dans un cycle de ponte actif.

 

1) Un aspect cyanotique prononcé suggère que les volailles sont mortes tôt durant le transport étant donné que l’épuisement d’oxygène se manifeste après les changements autolytiques (cataboliques) suivant le décès. De plus, la putréfaction/autolyse avancée constatée chez certaines volailles de l’échantillon (volailles nos 1, 4, 5, 8 et 9) indique également que les volailles sont mortes tôt durant le transport. D’après mon expérience, le degré de putréfaction indique que les volailles sont mortes il y a plus de 12 heures (températures corporelles de 20 °C/68 °F à 35 °C/95 °F à l’autopsie). Selon les données de MLF, la période totale en cageot (le chargement, le transport et l’entreposage chez MLF) des volailles de la remorque D-62 était de 19,5 heures, ce qui est suffisant pour qu’il y ait de la putréfaction.

 

2) La température observée chez les volailles mortes de l’échantillon dont le corps est plus chaud varie de 22,3 °C/72,14 °F à 29,1 °C/84,38 °F (voir le graphique no 1). Il s’agit d’une température trop élevée pour des volailles qui sont mortes tôt durant le transport en hiver. […] Toutefois, une température aussi élevée accompagnée de signes de putréfaction et de mort au début du transport suggère une chaleur excessive dans la cargaison. De plus, il ya l’emplacement des volailles mortes dans la remorque D-62 : la plupart des volailles mortes se trouvaient au milieu de la remorque (il s’agit de la partie la plus chaude) – voir le compte rendu du chargement des oiseaux vivants signé par le contremaître Miguel Vargas, qui concorde avec la thèse de la chaleur excessive et la température corporelle élevée des volailles mortes au moment de l’autopsie.

 

3) Aucune cause infectieuse de décès n’a été relevée durant l’autopsie.

 

4) L’éleveur n’a pas signalé de problème de santé ou de maladie chez les volailles (voir la fiche de troupeau).

 

5) Les conditions météorologiques durant le chargement à 8 h le 30 janvier étaient douces : +7,8 °C/46 °F (voir le compte rendu du chargement des oiseaux vivants, rempli par un chauffeur) et le temps était encore plus chaud à l’arrivée de la remorque D-62 chez MLF à 10 h 30, soit +10 °C/50 °F. Avec un temps aussi doux, une chaleur excessive est possible.

 

6) Neuf des 10 volailles de l’échantillon ont une patte brisée (les volailles nos 1, 2, 3, 5, 6, 7, 8, 9 et 10). Il s’agit de 90 % de l’échantillon. Ces fractures sont survenues lors de la capture des volailles quand elles étaient vivantes. Les ramasseurs empoignent les volailles par une de leurs pattes, près du fémur. J’ai examiné les données de MLF pour la remorque D62 en ce qui a trait aux volailles condamnées par le producteur et, sur les 7 097 volailles vivantes dans ce lot, un total de 44 volailles avaient une patte ou une aile meurtrie ou brisée, ce qui donne un taux de prévalence de 0,62 % (voir le rapport de rejet de volailles de MLF, ci-joint, pour la remorque D62). Quand j’ai comparé ce taux de prévalence chez les volailles vivantes avec le taux de prévalence des pattes brisées chez les volailles de l’échantillon, qui est de 90 %, il clair qu’il n’y a pas de corrélation positive entre ces chiffres. Il est très courant de constater cette absence de corrélation positive dans de nombreuses autopsies. Cela pourrait s’expliquer par le fait qu’une fracture ajoute un stress additionnel à une volaille et réduit ses chances de survivre au transport. Si un manque de calcium dans les os (similaire à l’ostéoporose) était un facteur sous-jacent, je m’attendrais à ce que davantage de volailles aient une aile ou une patte brisée (un taux de prévalence supérieur à 0,62 %) et à ce que l’emplacement des volailles mortes soit réparti de manière aléatoire un peu partout dans la remorque D-62.

 

Conclusion : Selon mon avis professionnel, le taux de mortalité élevé dans ce lot est attribuable à la chaleur excessive subie par les volailles dans cette cargaison.

 

 

3.3.3.10        Témoignage d’expert du Dr Gomulka, témoin de l’Agence

 

[68]         Aux fins de la présente audience, le Dr Gomulka a été reconnu en qualité de témoin expert sur la pathologie des poulets, à la lumière de sa formation et de son expérience. Durant son interrogatoire principal, il a souligné à la Commission qu’il est l’officier vétérinaire de l’Agence chez MLF depuis 2001 et qu’il effectue des inspections ante mortem et post mortem sur les cargaisons à leur arrivée à l’établissement de celle-ci. Des inspections ante mortem sont menées deux fois par quart de travail, tandis que le Dr Gomulka procède à une inspection post mortem uniquement lorsque le nombre d’oiseaux morts à l’arrivée de la cargaison dépasse 4 %.

 

[69]         En ce qui concerne la cargaison DEL‑62, le Dr Gomulka a confirmé à la Commission qu’il avait effectué une inspection ante mortem de la remorque une seule fois à 4 h 28 et qu’il avait vu des volailles mortes, mais pas un grand nombre, dans la remorque. Il a indiqué à la Commission qu’il ne pouvait pas voir le milieu de la remorque où se trouvaient, selon le personnel de MLF, la plupart des volailles mortes. Selon le Dr Gomulka, il a ensuite effectué l’inspection post mortem et, même s’il ne savait pas d’où à l’intérieur de la remorque les volailles mortes provenaient, il était convaincu que la cyanose avancée de plusieurs de ces volailles concordait avec leur décès tôt durant le transport. Selon lui, le fait que les volailles avaient subi des fractures — et il était arrivé à la conclusion que, en ce qui a trait aux volailles de l’échantillon, ces fractures étaient survenues à l’étape de la capture — produirait un stress et une douleur additionnels pour les volailles, même si les fractures n’étaient pas en elles-mêmes suffisantes pour tuer les volailles. Le Dr Gomulka a témoigné que les températures élevées des volailles mortes, ainsi que les indices de putréfaction qu’il a relevés durant l’autopsie, laissaient supposer que les volailles sont mortes tôt durant le transport en raison de la chaleur excessive dans la remorque.

 

[70]         En contre-interrogatoire, le Dr Gomulka a convenu que le stress subi par les poules de réforme en l’espèce pourrait être lié à de nombreux facteurs, dont les suivants : (1) la capture des poules; (2) le chargement des poules dans des cageots; (3) la période pendant laquelle les poules restent dans leurs cageots; (4) la durée du trajet; (5) le retrait des poules de leur moulée; (6) les conditions météorologiques pendant le chargement et le transport et pendant l’attente à l’usine avant la transformation; (7) la mauvaise qualité du plumage des oiseaux; et (8) les fractures d’os subies par les poules pendant l’ensemble du processus, du chargement au déchargement.

 

[71]         En ce qui a trait au relevé ante mortem de MLF (onglet 4 du rapport de l’Agence), le Dr Gomulka a indiqué à la Commission qu’il avait ajouté une note à ce document, soit [traduction] « quelques volailles mortes », mais qu’il n’était resté près de la remorque que pour deux ou trois minutes et qu’il n’avait vu rien de grave qui l’aurait poussé à demeurer sur place pour la durée entière du déchargement de la remorque.

 

[72]         Le Dr Gomulka a signalé à la Commission que, pour la préparation de son rapport, il disposait du rapport sur les arrivages vivants de MLF (onglet 7 du rapport de l’Agence) selon lequel la plupart des volailles mortes se trouvaient au milieu de la remorque; toutefois, le Dr Gomulka a témoigné qu’il ne savait pas de première main d’où à l’intérieur de la remorque provenaient les volailles mortes dont il a fait l’autopsie et qu’il n’avait pas lui-même vu de volailles mortes au milieu de la remorque. Il a convenu que sa thèse veut que les volailles soient mortes en raison de la chaleur excessive, mais que les volailles du côté extérieur de la cargaison n’étaient vraisemblablement pas mortes de chaleur excessive.

 

[73]         En ce qui a trait au rapport de MLF sur les conditions de chargement (onglet 5 du rapport de l’Agence), le Dr Gomulka a convenu que les températures de la cargaison étaient inférieures à la zone de confort minimale pour les volailles et qu’elles l’étaient restées jusqu’à l’étape de la transformation. Le Dr Gomulka a convenu que le nombre de volailles mortes à l’arrivée était élevé et que le nombre de volailles [traduction] « condamnées » par le producteur était très élevé. Selon le Dr Gomulka, les volailles sont condamnées par le producteur si, à leur arrivée à l’établissement, elles montrent : une cyanose avancée, un piètre état physique, des comptes d’œufs persistants, des pathologies décelables, des affectations malignes ou des défigurements causés par des techniques de transformation inappropriées. Il a avisé la Commission que des cargaisons ayant des taux de rejet élevés (volailles mortes à l’arrivée et condamnées par le producteur) sont des cargaisons assujetties à un stress.

 

[74]         Selon le témoignage du Dr Gomulka, même si les températures étaient inférieures à la normale lorsque la cargaison est arrivée à l’établissement de MLF, il est possible qu’il y ait une chaleur excessive dans la remorque si les bâches étaient en place et que le chauffeur s’est arrêté durant le trajet. Le Dr Gomulka a reconnu, après avoir été interrogé par l’avocat de LRFT, qu’il aurait dû préciser dans la conclusion de son rapport de l’inspecteur que [traduction] « le taux de mortalité élevé de ce lot est peut-être attribuable à une chaleur excessive dans cette cargaison » plutôt que [traduction] « le taux de mortalité élevé de ce lot est attribuable à la chaleur excessive dans cette cargaison », étant donné qu’il y avait des indices que certaines des volailles sont effectivement mortes de causes autres que la chaleur excessive. Le Dr Gomulka a indiqué à la Commission qu’il ne se souvenait pas s’il avait discuté de la présente affaire avec M. Devellis. Toutefois, il a convenu que la pratique de l’Agence consistait à réaliser une autopsie lorsque le taux de mortalité pour une cargaison atteint 4 %, ce qui appuie l’hypothèse selon laquelle personne n’est blâmé si un pourcentage inférieur à 4 % de la cargaison meurt.

 

[75]         Lors du réinterrogatoire, le Dr Gomulka a témoigné que son inspection ante mortem avait révélé seulement quelques volailles mortes sur le côté de la remorque et M. Vargas, un employé de MLF, aurait été mieux placé pour voir où se trouvaient les volailles mortes dans la remorque. Selon le Dr Gomulka, M. Vargas avait indiqué que les volailles provenaient du milieu de la remorque et ce renseignement concorde avec la thèse selon laquelle la chaleur excessive était la cause des décès. D’après le Dr Gomulka, le fait que des volailles de l’échantillon avaient le corps chaud et montraient des indices de putréfaction concorde avec la thèse selon laquelle des volailles ont été victimes d’une chaleur excessive dans la remorque DEL‑62.

 

 

3.3.3.11        Témoignage d’expert du DFarenhorst, témoin de l’Agence, au sujet de l’incident de janvier

 

[76]         Le troisième témoin de l’Agence, le Dr Anco Farenhorst, a affirmé que les volailles de la cargaison DEL-62 étaient particulièrement exposées à des éléments stressants pendant le transport, en raison : de l’absence d’une ventilation adéquate (faisant en sorte que les volailles au centre de la remorque ont éprouvé de la difficulté à dissiper la chaleur même si la température extérieure était entre 3 et 10 degrés Celsius); de leur exposition aux effets du vent et de la pluie (selon le placement des bâches, car il n’y a pas de renseignements précis sur la façon dont elles étaient disposées dans cette affaire); et de leur plumage déficient.

 

[77]         En contre-interrogatoire, le Dr Farenhorst a indiqué à la Commission qu’il convenait que, plus la durée du trajet est longue et/ou plus les volailles sont vieilles, plus on peut s’attendre à ce que le taux de mortalité des volailles soit élevé. Il a convenu que, le jour de l’abattage de la cargaison DEL‑62, le rapport de MLF sur les conditions de chargement (onglet 5 du rapport de l’Agence) signale que la température de la cargaison était d’un froid alarmant et que, pendant toute la période où la cargaison était à l’établissement de MLF, la température était inférieure à 13 degrés Celsius. Selon le Dr Farenhorst, bien que de telles températures froides puissent sembler incompatibles avec la thèse selon laquelle les volailles ont été victimes d’une chaleur excessive, il est possible que, dans une même cargaison, certaines volailles gèlent et d’autres soient victimes d’une chaleur excessive.

 

[78]         Le Dr Farenhorst a convenu que toutes les cargaisons abattues par MLF comptaient des volailles mortes à l’arrivée et que, de plus, il y aura toujours des volailles mortes dans de telles cargaisons. Toutefois, il a signalé que même si un taux de mortalité de 4 % ou plus déclenche automatiquement une inspection de l’Agence, un taux de mortalité de 4 % ne constitue pas un taux acceptable, et que le vétérinaire responsable de l’inspection peut lancer une inspection quelque soit le taux de mortalité. À la question de savoir ce qui pouvait causer la mort de volailles dans une cargaison, le Dr Farenhorst a affirmé à la Commission qu’il pouvait y avoir plusieurs causes, dont les maladies, des facteurs liés au transport, les blessures, la chaleur excessive ou le gel, ou encore une combinaison de ces facteurs. Il a convenu que la façon dont les ramasseurs manipulent les volailles peut contribuer aux blessures et au décès des volailles durant le transport.

 

 

4.                 Analyse et principes de droit applicables

 

[79]         Le rôle de la Commission est de déterminer la validité des sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire infligées sous le régime de la Loi sur les SAP, dont l’objet est ainsi énoncé à l’article 3 :

 

3.  La présente loi a pour objet d’établir, comme solution de rechange au régime pénal et complément aux autres mesures d’application des lois agroalimentaires déjà en vigueur, un régime juste et efficace de sanctions administratives pécuniaires.

 

[80]         L’article 2 de la Loi sur les SAP définit « loi agroalimentaire » en ces termes :

 

2.  […] « Loi agroalimentaire » la Loi sur les produits agricoles au Canada, la Loi sur la médiation en matière d’endettement agricole, la Loi relative aux aliments du bétail, la Loi sur les engrais, la Loi sur la santé des animaux, la Loi sur l’inspection des viandes, la Loi sur les produits antiparasitaires, la Loi sur la protection des végétaux ou la Loi sur les semences.

 

[81]         Aux termes de l’article 4 de la Loi sur les SAP, le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, ou le ministre de la Santé, selon les circonstances, peut prendre un règlement pour désigner des violations punissables :

 

4. (1)  Le ministre peut, par règlement :

 

a)  désigner comme violation punissable au titre de la présente loi la contravention — si elle constitue une infraction à une loi agroalimentaire :

 

(i)  aux dispositions spécifiées d’une loi agroalimentaire ou de ses règlements  […]

 

[82]         Le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire a pris un tel règlement, soit le Règlement sur les SAP, qui définit comme des violations certaines infractions à des dispositions de la Loi sur la santé des animaux et du Règlement sur la SA, ainsi que certaines infractions à des dispositions de la Loi sur la protection des végétaux et de son règlement d’application. Ces violations sont énumérées à l’annexe 1 du Règlement sur les SAP, qui renvoie à l’alinéa 143(1)e) du Règlement sur la SA.

 

[83]         Les tribunaux ont examiné ce régime avec passablement de soin, étant donné, surtout, que les violations sont de responsabilité absolue. Dans Doyon c. Procureur général du Canada, 2009 CAF 152 (Doyon), le juge Létourneau, qui s’exprimait au nom de la Cour d'appel fédérale, a décrit le régime comme suit :

 

[27]  En somme, le régime de sanctions administratives pécuniaires a importé les éléments les plus punitifs du droit pénal en prenant soin d’en écarter les moyens de défense utiles et de diminuer le fardeau de preuve du poursuivant. Une responsabilité absolue, découlant d’un actus reus que le poursuivant n’a pas à établir hors de tout doute raisonnable, laisse au contrevenant bien peu de moyens de disculpation.

 

[84]         En outre, dans l’arrêt Doyon, la Cour d'appel fédérale souligne que la Loi sur les SAP impose un lourd fardeau à l’Agence :

 

[20]  Enfin, et il s’agit là d’un élément important de toute poursuite, la charge de la preuve d’une violation appartient au ministre ainsi que le fardeau de persuasion. Il doit établir selon la prépondérance des [probabilités] la responsabilité du contrevenant : voir l’article 19 de la Loi.

 

[85]         L’article 19 de la Loi sur les SAP est ainsi rédigé :

 

19.  En cas de contestation devant le ministre ou de révision par la Commission, portant sur les faits, il appartient au ministre d’établir, selon la prépondérance des probabilités, la responsabilité du contrevenant.

 

[86]         Dans Doyon, afin de déterminer si un demandeur avait violé le Règlement sur la SA, la Cour d'appel fédérale devait interpréter le sens des mots « il est interdit […] de transporter […] un animal qui, pour des raisons d’infirmité, de maladie, de blessure, de fatigue ou pour toute autre cause, ne peut être transporté sans souffrances indues au cours du voyage prévu » figurant à l’alinéa 138(2)a) de ce Règlement. À cette fin, elle a disséqué et analysé les différents « éléments » d’une violation que l’Agence doit établir au soutien d’un avis de violation, soit sept éléments dans le cas d’une violation de cette disposition précise. Cette approche va de pair avec les plus récentes observations que la Cour d'appel fédérale a formulées dans Canada (ACG) c. Stanford, 2014 CAF 234 (Stanford), où, aux paragraphes 41 à 44, Mme la juge Dawson explique la façon d’interpréter les textes législatifs, encore là dans le contexte de l’interprétation à donner à la Loi sur les SAP et à son règlement d’application [traduction] :

 

[41] L’approche privilégiée en matière d’interprétation des lois a été exposée de la façon suivante par la Cour suprême du Canada dans Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, 1998 CanLII 837 au paragraphe 21 :

 

Aujourd’hui il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur. Voir également R. c. Ulybel Enterprises Ltd., 2001 CSC 56, [2001] 2 R.C.S. 867, au paragraphe 29.

 

[42]  La Cour suprême a énoncé de nouveau ce principe de la façon suivante au paragraphe 10 de l’arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601 :

 

Il est depuis longtemps établi en matière d’interprétation des lois qu’« il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » : voir 65302 British Columbia Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 804, par. 50. L’interprétation d’une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la Loi dans son ensemble. Lorsque le libellé d’une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d’interprétation. Par contre, lorsque les mots utilisés peuvent avoir plus d’un sens raisonnable, leur sens ordinaire joue un rôle moins important. L’incidence relative du sens ordinaire, du contexte et de l’objet sur le processus d’interprétation peut varier, mais les tribunaux doivent, dans tous les cas, chercher à interpréter les dispositions d’une loi comme formant un tout harmonieux. [Non souligné dans l’original.]

 

[43]  Cette formulation de l’approche applicable en matière d’interprétation des lois a récemment été reprise dans les arrêts Celgene Corp. c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 1, [2011] 1 R.C.S. 3, paragraphe 21, et Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale), 2011 CSC 25, [2011] 2 R.C.S. 306, paragraphe 27.

 

[44]  Il est implicite dans la méthode contextuelle d’interprétation des lois que le sens ordinaire et grammatical des mots employés dans une disposition n’est pas le seul élément porteur de sens. Le tribunal doit tenir compte de l’ensemble du contexte de la disposition qu’il doit interpréter, et ce, « même si, à première vue, le sens de son libellé peut paraître évident » (ATCO Gas and Pipelines Ltd. c. Alberta (Energy and Utilities Board), 2006 CSC 4, [2006] 1 R.C.S. 140, paragraphe 48). Le tribunal qui interprète une disposition tente d’établir l’intention du législateur grâce au texte et à l’ensemble du contexte. L’intention du législateur est « [l’]élément le plus important de cette analyse »
(R. c. Monney, [1999] 1 R.C.S. 652, 1999 CanLII 678, paragraphe 26).

 

[87]         Par conséquent, conformément à une interprétation selon laquelle la violation reprochée est « lue dans [son] contexte et dans [son] sens grammatical et ordinaire, en harmonie avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur », comment faut-il interpréter la violation énoncée à l’alinéa 143(1)e) du Règlement sur la SA? En ce qui a trait à la présente affaire, le texte est rédigé comme suit : « il est interdit de transporter […] un animal dans […] un véhicule à moteur […], si l’animal risque de se blesser ou de souffrir indûment en raison […] d’une ventilation insuffisante ».

 

[88]         Au cours de sa plaidoirie finale, l’avocate de l’Agence a cité à la Commission plusieurs décisions visant à l’aider à interpréter cette disposition, notamment : Les Fermes G. Godbout & Fils Inc. c. Canada (ACIA), 2006 CAF 408 (Godbout); R. c. Maple Lodge Farms (2013), dossier de la CJO, (Brampton 10‑1160) (Maple Lodge Farms); Poirier‑Bérard c. Canada (ACIA), 2012 CRAC 23 (Poirier‑Bérard), Exceldor Coopérative c. Canada (ACIA), 2013 CRAC 9 (Exceldor, 2013 CRAC 9); 0830079 B.C. Ltd. c. Canada (ACIA), 2013 CRAC 34 (S&S Transport); Finley Transport Ltd. c. Canada (ACIA), 2013 CRAC 42, et E. Grof Livestock Ltd. c. Canada (ACIA), 2014 CRAC 11.

 

[89]         La Commission a déjà, dans le passé, appliqué la méthode d’interprétation énoncée dans Doyon en disséquant les éléments d’une violation visée à l’alinéa 143(1)e). Au paragraphe [26] de sa décision dans Exceldor Coopérative c. Canada (ACIA), 2013 CRAC 10 (Exceldor, 2013 CRAC 10), la Commission affirme que, pour étayer la validité d’une violation de l’alinéa 143(1)e) du Règlement sur la SA, l’Agence doit établir, selon la prépondérance des probabilités, chacun des éléments suivants :

 

1.                  un animal a été transporté;

 

2.                  l’animal a été transporté dans un wagon de chemin de fer, un véhicule à moteur, un aéronef, un navire, un cageot ou un conteneur;

 

3.                  l’animal transporté risquait de se blesser ou de souffrir indûment en raison d’une ventilation insuffisante;

 

4.                  l’auteur de l’acte reproché a transporté, ou a fait transporter, l’animal en question;

 

5.                  Il existait un lien de causalité entre le transport effectué par le contrevenant, ou en son nom, dans lequel l’animal risquait de se blesser ou de souffrir indûment en raison d’une ventilation insuffisante, et la ventilation insuffisante.

 

 

4.1            Conclusions concernant les éléments 1 et 2

 

[90]         La Commission conclut que l’Agence a établi les éléments 1 et 2. Il appert de la preuve que les poulets ont été transportés dans la remorque DEL-62 le 30 janvier 2013.

 

 

4.2            Conclusions concernant l’élément 4

 

[91]         Pour ce qui est de l’élément 4, il ressort clairement de la preuve que LRFT a transporté 7 680 poules de réforme du Vermont au sud de l’Ontario le 30 janvier 2013. Au paragraphe 45 de la décision S&S Transport, la Commission s’exprime comme suit : 

 

L’avocat de l’Agence a cité plusieurs décisions de la Commission dans le cadre desquelles on s’est penché sur la définition de « transport » au sens du Règlement sur la santé des animaux, y compris Sure Fresh Foods c. Canada (ACIA), 2010 CRAC 16; F. Ménard Inc. c. Canada (ACIA), RTA 60126, et Glenview Livestock Ltd. c. Canada (ACIA), RTA 60162. La Commission se fonde également sur l’arrêt de la Cour d’appel fédérale Canada (Procureur général) c. Ouellet, 2010 CAF 268, portant sur le contrôle judiciaire d’une décision de la Commission relative à une violation du paragraphe 141(1) du Règlement sur la santé des animaux, selon lequel « […] il est interdit à quiconque de charger dans un wagon de chemin de fer, un véhicule à moteur, un aéronef ou un navire, ou à un transporteur de transporter, des animaux d’espèces différentes ou de poids ou d’âge sensiblement différents sans les avoir séparés ». Dans cet arrêt, la Cour d’appel fédérale a précisément rejeté une conclusion de la Commission selon laquelle le « transport » prend fin lorsque les animaux se trouvent dans leur moyen de transport en attente d’un déchargement imminent à l’abattoir. Il semble donc que la définition de « transport » au sens du Règlement sur la santé des animaux soit maintenant un principe juridique bien établi. Bien que le « transport » englobe évidemment le temps effectivement passé « sur la route », il comporte plusieurs étapes, y compris les gestes physiques de charger, transporter et décharger les animaux. Il ne fait aucun doute que le lien de causalité dans l’affaire Ouellet était très direct et limité dans le temps. En effet, dans cette affaire, c’est le transporteur qui avait posé un geste interdit puisque c’était lui qui avait permis à la vache et aux veaux qui avaient été séparés de se retrouver ensemble en attendant le déchargement à l’abattoir, ce qui contrevient au paragraphe 141(1). Dans cette affaire, le temps d’attente avant le déchargement n’était que de 10 minutes. Cependant, il existe, même dans le cas présent où chacun des acteurs a participé activement à l’une ou à plusieurs des étapes de chargement, de transport et de déchargement des animaux, un lien de causalité, quoique moins direct que celui qui a été présenté dans l’affaire Ouellet. […]

 

[92]         L’affaire S&S Transport portait sur une violation du paragraphe 140(2) du Règlement sur la SA, selon lequel l’Agence devait prouver que les oiseaux dans cette affaire-là étaient entassés pendant leur transport au point de risquer de se blesser ou de souffrir indûment. La Commission a conclu que les oiseaux avaient été disposés de manière entassée par les personnes chargées de la capture et qu’ils sont demeurés entassés à chaque étape du processus, y compris (1) le chargement, (2) le trajet, (3) l’arrivée et le déchargement de la remorque à l’établissement de transformation et (4) la période d’attente précédant l’abattage à l’établissement de transformation. Au cours de chaque étape du « transport », l’entassement reproché s’est poursuivi de telle sorte que les oiseaux risquaient de se blesser ou de souffrir indûment.

 

[93]         Dans la présente affaire, une définition similaire de la portée du transport s’appliquerait, même si la violation reprochée concerne l’alinéa 143(1)e) plutôt que le paragraphe 140(2) du Règlement sur la SA. Compte tenu de cette définition, le transport des oiseaux a débuté par leur chargement par l’équipe employée par MLF (Brian’s Poultry Services Ltd.), s’est poursuivi par le voyage au cours duquel les poulets ont été transportés par LRFT dans une remorque de MLF entre le Vermont et le sud de l’Ontario, puis par la livraison de la remorque par le chauffeur de LRFT dans l’abri d’attente de MLF, et n’a pris fin qu’au terme de la période d’attente chez MLF avec le déchargement des oiseaux en vue de l’abattage par le personnel de MLF.

 

[94]         Une preuve abondante a été présentée au sujet de chacune des étapes du transport des poulets à bord de la remorque DEL-62. La preuve a révélé que le transport de la cargaison a été très long : il a débuté à 8 h le 30 janvier 2013 au Vermont et a pris fin à 4 h 59 le 31 janvier 2013 à Brampton (Ontario), ce qui représente une période d’à peine un peu moins de 21 heures. Il appert clairement de la preuve que LRFT n’a jamais été propriétaire des poulets. De plus, eu égard à la preuve, il est raisonnable d’affirmer qu’il est peu probable que LRFT ait eu la garde et la maîtrise des poulets lors du chargement (la première étape du transport) ou de l’attente à l’établissement de MLF (la dernière étape du transport) en ce qui concerne les 7 680 poulets transportés à bord de la remorque DEL-62. Ce qui est indéniable, c’est que LRFT était le transporteur des oiseaux au cours des deuxième et troisième étapes du transport, soit le trajet et la remise de la remorque chargée à l’établissement de MLF. En conséquence, en ce qui concerne l’élément 4, la Commission conclut que LRFT a effectué le transport des poulets.

 

[95]         En conséquence, une différence importante existe entre la présente affaire et les litiges que la Cour de justice de l’Ontario a récemment tranchés dans les affaires de Maple Lodge Farms. Dans ces affaires-là, MLF était liée de façon claire et continue à la garde et au contrôle des oiseaux lors de chaque aspect du transport : elle avait embauché les personnes chargées de capturer les oiseaux, puis avait demandé à ses employés de conduire ses remorques à ses établissements de transformation, où ses employés ont déchargé la cargaison. De plus, les poulets lui appartenaient. En conséquence, dans ces affaires-là, il n’était pas nécessaire d’analyser les rôles et responsabilités des différentes personnes ayant participé au transport des oiseaux, car toutes celles-ci semblaient relever du contrôle de LMF.

 

[96]         Dans la présente affaire, aucun élément de preuve ne donne à penser que MLF s’attendait à ce que LRFT participe au processus après avoir laissé la remorque de MLF à l’établissement de celle-ci. En fait, il ressort clairement de la preuve qu’aucun membre du personnel de LRFT n’était présent à l’établissement de MLF durant toute la période où la cargaison DEL‑62 était en attente avant la transformation, tard dans la soirée du 30 janvier et tôt le matin du 31 janvier 2013. Il est également clair qu’il s’agit de la pratique admise dans l’industrie.

 

[97]         En conséquence, la Commission en arrive à la conclusion que la participation de LRFT au transport des poulets a pris fin à 22 h 30 le 30 janvier 2013, lorsque LRFT a laissé la remorque qu’elle transportait à l’établissement de transformation de MLF. La Commission convient qu’il est possible d’établir que l’action ou l’inaction du personnel de LRFT avant la remise de la remorque à l’établissement de transformation de MLF ait eu des séquelles après ce moment. Cependant, si aucune séquelle ne peut être attribuée à un moment où LRFT avait la garde et le contrôle des poulets, il serait contraire à la logique d’affirmer que LRFT a continué à transporter les oiseaux ou était responsable du transport de ceux-ci alors qu’aucun des membres de son personnel n’est resté avec la remorque et que cette présence n’aurait pas été exigée ni même tolérée après que MLF eut pris en main la surveillance et le contrôle de la remorque DEL-62 à compter de 22 h 30 le 30 janvier 2013.

 

 

4.3            Conclusions concernant l’élément 3

 

[98]         La Commission a examiné attentivement sa propre jurisprudence dans des affaires où une violation de l’alinéa 143(1)e) du Règlement sur la SA constituait le fondement d’une allégation de violation du Règlement sur les SAP. Fait étonnant, elle n’a été appelée à se prononcer que deux fois sur la validité d’un avis de violation délivré en vertu de cet alinéa : elle a confirmé la violation dans la décision L. Bilodeau et Fils Ltée. c. Canada (ACIA), RTA 60290, rendue le 28 janvier 2008 (Bilodeau) et infirmé la violation dans la décision Exceldor, 2013 CRAC 10.

 

[99]         Dans Bilodeau, la preuve a établi que 50 des 306 porcs avaient été trouvés morts dans la partie inférieure de la remorque, appelée communément « la bédaine », à l’établissement de transformation un jour en juin. Le personnel du transformateur avait « immédiatement » constaté, dès l’arrivée de la remorque à l’établissement de transformation, que les porcs étaient morts. De plus, la preuve a établi qu’il faisait entre 27 et 29,5 °C pendant la période du trajet, avec un facteur humidex entre 36 et 38 ° C. Dans cette affaire, le vétérinaire de l’Agence a identifié la cause probable de la mort des porcs comme étant un coup de chaleur, aussi appelé un « thermostress ». De plus, le chauffeur du camion a témoigné que, après seulement trois heures de son trajet devant durer neuf heures, il avait constaté que trois porcs étaient déjà morts au milieu de la cargaison. À la lumière de cette preuve, la Commission a conclu que la demanderesse avait commis l’infraction de transporter des porcs dans des circonstances où il y avait risque de les faire souffrir indûment en raison d’une ventilation insuffisante.

 

[100]     Dans Exceldor, 2013 CRAC 10, il est ressorti clairement de la preuve, selon la prépondérance des probabilités, que l’omission par le camionneur à l’emploi du transporteur de retirer les bâches durant ses longues et fréquentes périodes de repos a fait en sorte que les dindes de la cargaison ont souffert et que plusieurs d’entre elles sont mortes en raison d’une ventilation insuffisante. En fin de compte, la Commission a conclu que la demanderesse, une entreprise de transformation, n’avait pas commis l’infraction, car elle n’avait pas causé la souffrance indue subie par les animaux en raison de la ventilation insuffisante — un autre acteur en était responsable.

 

[101]     Ces décisions démontrent que l’élément 3 comporte deux volets distincts. Le premier a trait à une question de fait : il faut décider si un animal a été transporté dans des circonstances où la ventilation était insuffisante; et le deuxième volet consiste à trancher si, à la lumière des faits, il est plus probable que le contraire que la ventilation insuffisante était la cause de la souffrance indue, réelle ou probable, des volailles.

 

 

4.3.1       La ventilation de la cargaison DEL‑62 était-elle suffisante?

 

[102]     Selon la prépondérance des probabilités, la preuve présentée et examinée ci-dessous ne démontre pas que la cargaison DEL‑62 a souffert en raison d’une ventilation insuffisante. Dans l’arrêt Doyon, la Cour d’appel fédérale a affirmé ce qui suit :

 

[28]  Aussi, le décideur se doit-il d’être circonspect dans l’administration et l’analyse de la preuve de même que dans l’analyse des éléments constitutifs de l’infraction et du lien de causalité. Cette circonspection doit se refléter dans les motifs de sa décision, laquelle doit s’appuyer sur une preuve qui repose sur des assises factuelles et non sur de simples conjectures, encore moins de la spéculation, des intuitions, des impressions ou du ouï-dire.

           

            […]

 

b)         L’analyse et l’administration de la preuve

 

[54]  La principale fonction d’un tribunal de première instance consiste à recevoir et à analyser la preuve. Dans l’exercice de cette importante fonction, il peut rejeter une preuve pertinente, mais il ne peut omettre de la considérer, surtout si elle en contredit une autre sur un élément essentiel du litige : voir Oberde Bellefleur OP, Clinique dentaire O. Bellefleur c. Canada (Procureur général), 2008 CAF 13; Parks c. Canada (Procureur général), [1998] A.C.F. n° 770 (QL); Canada (Attorney General) v. Renaud, 2007 FCA 328; et Maher c. Canada (Procureur général), 2006 CAF 223. S’il décide de la rejeter, il doit fournir une explication : ibidem.

 

[103]     D’après la preuve non contredite, il y avait 583 volailles mortes dans la cargaison DEL‑62 au moment où devait débuter la transformation, à 4 h 59 le 31 janvier 2013. Les témoins experts de l’Agence, soit le Dr Gomulka et le Dr Farenhorst, ont présenté leur avis professionnels selon lesquels ces décès étaient attribuables à la chaleur excessive subie par les volailles ou, à tout le moins, compatibles avec une telle chaleur excessive. Par contre, à la lumière de ses observations, M. Devellis a préparé ses rapports et son document en faisant valoir que la souffrance indue et la mort des volailles étaient attribuables à une exposition indue aux intempéries. Ces deux positions sont-elles conciliables?

 

[104]     D’après la preuve présentée en l’espèce concernant les conditions de transport le 30 janvier 2013, peu d’éléments laissent entendre que la cargaison DEL‑62 a souffert en raison d’une ventilation inadéquate. Contrairement à l’affaire Bilodeau, il ne faisait pas inhabituellement chaud le jour du trajet. De plus, le chauffeur n’a pas constaté d’animaux morts durant le transit. Aussi, le chauffeur et le personnel de MLF chargé de recevoir la cargaison n’ont pas constaté « immédiatement », dès l’arrivée de la cargaison, plus que quelques volailles mortes. Contrairement à l’affaire Exceldor, 2013 CRAC 10, il n’y avait pas en l’espèce de preuve attestant d’une erreur du chauffeur pour ce qui est de la disposition des bâches ou démontrant des retards inhabituels qui auraient pu entraîner une chaleur excessive dans la cargaison.

 

[105]     Selon la preuve présentée, la manipulation des volailles s’est déroulée sans cruauté tout au long du chargement. Il n’y a rien d’exceptionnel à signaler au sujet du trajet, à part le fait que le chauffeur a dû s’arrêter pour une demi-heure et qu’il a plu à un moment donné au cours des quatre dernières heures du trajet. En fait, étant donné que le temps était doux ce jour-là (entre 3 et 10 °C) pour le mois de janvier dans le sud de l’Ontario, il s’agissait d’une journée d’hiver idéale pour transporter des volailles fragiles des installations d’un éleveur à celles d’un transformateur.

 

[106]     À l’arrivée à l’établissement de MLF, le chauffeur et le personnel de réception des cargaisons ont noté cinq volailles mortes sur une cargaison de 7 680 volailles. Étant donné que l’éleveur avait estimé que le taux de mortalité de son troupeau était normalement de 3 %, il s’agissait en fait d’un faible nombre de volailles mortes. Par la suite, il incombait à MLF d’assurer la garde et la surveillance de la remorque DEL‑62. Si les conditions météorologiques sont devenues plus difficiles, c’est pendant les six heures d’attente où la cargaison était en attente avant la transformation alors que la température extérieure et la température de la cargaison ont continué de chuter. Toutefois, selon les renseignements consignés par le personnel de MLF avant 4 h, il n’y avait aucun problème à signaler relativement à la cargaison.

 

[107]     C’est seulement après 4 h que le Dr Gomulka, M. Devellis et M. Vargas (l’employé de MLF) ont signalé un nombre croissant de volailles mortes. À 4 h 28, le Dr Gomulka aperçoit [traduction] « quelques volailles mortes » dans les cageots extérieurs. À 4 h 41, M. Devellis note qu’il y a « des volailles mortes dans les rangées du bas extérieures ». C’est uniquement dans le rapport de M. Vargas, l’employé de MLF (rapport sur les arrivages vivants de MLF – onglet 7 du rapport de l’Agence), qui n’a pas été appelé à témoigner en l’espèce, qu’on trouve l’affirmation générale et péremptoire qu’il y avait 583 volailles mortes un peu partout dans la remorque. Aucun élément de preuve n’a été présenté pour établir à quel moment M. Vargas a fait ses observations. En réponse aux questions de l’avocat de LRFT, le Dr Gomulka a reconnu que les observations de M. Vargas étaient [traduction] « assez vagues ».  

 

[108]     Toutefois, c’est sur la base du témoignage du Dr Gomulka concernant ce qu’il a vu durant les deux ou trois minutes pendant lesquelles il a effectué un examen général ante mortem de l’ensemble de la cargaison au moment de son déchargement de la remorque à 4 h 28 (six heures après l’arrivée de la cargaison à l’établissement de MLF), et sur la base des notes qu’il a prises dans son rapport d’autopsie, que l’Agence veut prouver que la ventilation de la cargaison en question était insuffisante. La preuve recueillie par le Dr Gomulka au moyen de son examen général ante mortem très rapide ne révèle rien qui permette de conclure que la ventilation de la cargaison était insuffisante. Les conclusions du Dr Gomulka dans son rapport d’autopsie, comme il l’a expliqué dans son témoignage oral, prenaient appui sur le rapport d’un employé de MLF (rapport sur les arrivages vivants de MLF – onglet 7 du rapport de l’Agence) selon lequel les volailles mortes provenaient du milieu de la cargaison. Le Dr Gomulka a reconnu avoir vu des volailles mortes seulement dans les cageots extérieurs où, il l’a reconnu, la mort des volailles ne pouvait pas être attribué à une ventilation insuffisante. Et pourtant, son analyse des volailles mortes l’a mené à une autre conclusion. Le Dr Gomulka n’était pas un témoin convaincant.

 

[109]     Le Dr Gomulka et l’Agence semblent avoir échafaudé leur cause en s’appuyant presque exclusivement sur un avis professionnel formé après un bref examen ante mortem, jumelé à de vagues assertions de la part d’un employé de MLF dont les observations ont été faites à la fin du déchargement, plus de six heures après l’arrivée de la cargaison à l’établissement de MLF. Il convient de noter que, pressé par l’avocat de LRFT, le Dr Gomulka a affirmé qu’il avait formulé de manière trop catégorique sa conclusion selon laquelle le taux de mortalité élevé était attribuable à une chaleur excessive et qu’il aurait dû, au lieu, affirmer que le taux de mortalité élevé était [traduction] « peut-être » attribuable à une chaleur excessive. De plus, dans son témoignage, il n’a fait aucun renvoi aux actions de la part du transporteur ou du transformateur qui pourraient être à l’origine de la chaleur excessive ou de la ventilation insuffisante. Pour tous ces motifs, la Commission accorde très peu de poids à l’avis professionnel du Dr Gomulka. 

 

[110]     Le Dr Farenhorst, l’autre témoin expert, n’a pas vu la cargaison en question et se fonde sur le témoignage et l’avis du Dr Gomulka, dont l’avis a un poids restreint en l’espèce. Il a laissé entendre que le chauffeur de LRFT n’avait pas respecté les normes établies dans le code sur le transport et le code sur la volaille, en partie en raison du temps froid durant le transport. Le témoignage de M. Reuber suggère que, même si la température extérieure le jour en question se situait entre 3 et 10 °C, il est raisonnable de supposer que la température à l’intérieur de la remorque DEL‑62 aurait été plus élevée de plusieurs degrés, compte tenu de la chaleur générée par 7 680 poules, et qu’elle aurait facilement atteint la zone de confort pour les poules de réforme. Compte tenu de ce fait, il est difficile de conclure que la cargaison était exposée à une chaleur excessive et à des températures trop froides pour les poules. Les avis du Dr Farenhorst ajoutent peu de choses à la preuve insuffisante présentée pour convaincre la Commission que, le 30 janvier 2013, le chauffeur de LRFT n’a pas respecté les responsabilités exposées dans le code sur le transport et le code sur la volaille.

 

[111]     Le témoignage de M. Devellis était lui aussi d’une valeur restreinte parce que ses observations sont survenues vers la toute fin du déchargement de la remorque DEL‑62. Selon son témoignage, les volailles mortes se trouvaient dans les rangées du bas extérieures et elles étaient froides au toucher. L’emplacement et les caractéristiques de ces volailles mortes lui auraient permis de rédiger des documents alléguant une violation attribuable à une exposition indue aux intempéries, mais pas à une chaleur excessive.

 

[112]     En l’espèce, l’avis de violation signale que 583 volailles étaient mortes à l’arrivée. Cela ne concorde pas avec la preuve présentée. Selon la preuve, environ cinq volailles mortes ont été observées lorsque la remorque est arrivée à l’établissement de MLF à 22 h 30 le 30 janvier 2013. Bien que M. Hollinger, le chauffeur de LRFT, ait présenté peu d’éléments de preuve concernant les mesures qu’il a prises, d’une part, pour protéger les volailles de la pluie ou des intempéries en cours de route et, d’autre part, pour éviter de les exposer à une chaleur excessive, il n’y a pas de preuve convaincante démontrant qu’il ait omis de maintenir adéquatement un tel équilibre. Le chauffeur a noté qu’il s’était arrêté trois fois pour vérifier sa cargaison et, même si on ne sait pas exactement de quelles façons il a disposé les bâches ce jour-là, il est clair que son arrêt le plus long était d’une trentaine de minutes. Par une journée d’hiver agréable en janvier, la cargaison a parcouru son trajet dans des conditions modérées qui ne permettent pas de conclure facilement que la mort des volailles était attribuable à une chaleur excessive. La preuve indique que la température de la cargaison n’était pas élevée à son arrivée à l’établissement de MLF, que cette température est demeurée peu élevée et a même baissé davantage pendant la période d’attente en raison du retrait des bâches et de la chute de la température au cours de la nuit à environ 1 °C. Encore une fois, cela ne correspond pas à des circonstances propices à une chaleur excessive ou à une ventilation insuffisante.

 

[113]     Faute d’éléments de preuve suffisants pour démontrer que les volailles ont souffert en raison d’une ventilation insuffisante, la Commission conclut, selon la prépondérance des probabilités, que les poules transportées dans la remorque DEL‑62 n’ont pas souffert d’une ventilation insuffisante.

 

 

4.3.2       Les volailles ont-elles souffert indûment en raison d’une ventilation insuffisante ou d’autres causes?

 

[114]     Même en supposant que la Commission a tort de conclure que les volailles de la cargaison DEL-62 n’ont pas souffert en raison d’une ventilation inadéquate, la preuve donne également à penser que plusieurs éléments étaient susceptibles de causer des souffrances indues aux volailles ce jour-là. En conséquence, la Commission n’est pas convaincue que l’Agence a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que les volailles [traduction] « ont souffert indûment en raison d’une ventilation insuffisante », plutôt qu’en raison d’une quelque autre cause.

 

[115]     Quels sont les éléments de preuve montrant qu’une ou plusieurs autres causes pourraient expliquer le taux de mortalité élevé? Il y a le témoignage écrit du producteur, soit la fiche de troupeau (l’onglet 12 du rapport de l’Agence), qui estimait que le taux de mortalité des volailles à leur départ de la ferme du producteur s’établissait à 3 %. Même si les causes associées à ce taux de mortalité prévu n’étaient pas énumérées, il ne tenait pas compte d’une ventilation suffisante. À cet égard, le Dr Gomulka a convenu avec l’avocat de LRFT que le stress infligé aux poules de réforme dans les circonstances du présent incident pourrait être lié à de nombreux facteurs, dont (1) la capture des poules; (2) le chargement des poules dans des cageots; (3) la période pendant laquelle les poules sont restées dans leurs cageots; (4) la durée du trajet; (5) le retrait des poules de leur moulée; (6) les conditions météorologiques pendant le chargement et le transport et pendant l’attente à l’usine avant la transformation; (7) la mauvaise qualité du plumage des oiseaux et (8) les fractures d’os subies par les poules entre le chargement et le déchargement.

 

[116]     Par conséquent, la Commission n’est pas convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que l’Agence a démontré, selon la prépondérance des probabilités, que les volailles ont souffert indûment en raison d’une ventilation insuffisante.

 

 

4.4            Conclusions concernant l’élément 5

 

[117]     En ce qui a trait à l’élément 5 — soit l’existence d’un lien de causalité entre LRFT, le transport et la blessure ou souffrance indue, réelle ou probable, causée à l’animal en raison d’une ventilation insuffisante — la Commission ne peut conclure, selon la prépondérance des probabilités, que LRFT a commis des gestes durant sa partie du transport des volailles en question ayant causé des souffrances indues à des volailles en raison d’une ventilation insuffisante.

 

[118]     Étant donné que 583 poules mortes ont été trouvées durant le déchargement de la cargaison vers 5 h le 31 janvier 2013, il est évident que quelque chose a fait défaut relativement à la cargaison DEL-62. La séquence chronologique du transport de la cargaison DEL‑62 indique que LRFT avait la garde et le contrôle de la cargaison de 8 h (ou, plus vraisemblablement, 11 h) à 22 h 30 le 30 janvier 2013. La Commission a examiné la preuve décrivant les parties du transport correspondant au chargement et au transit, ainsi que les parties correspondant à l’attente avant la transformation et au déchargement; selon elle, la preuve est insuffisante pour démontrer que les actions de LRFT ont causé la mort ou la souffrance des volailles.

 

[119]     En raison des conditions météorologiques saisonnières au Canada, l’industrie fait face à des circonstances difficiles pour le transport du bétail. Le régime des SAP impose une responsabilité absolue lorsque les intervenants de l’industrie sont reconnus coupables, selon la prépondérance des probabilités, d’avoir enfreint une disposition de la Loi sur la santé des animaux ou de son règlement d’application. En particulier quand les conditions météorologiques deviennent extrêmes ou que les mesures de précaution pendant le transport sont ignorées, les animaux peuvent souffrir. Les poules à la fin de leur cycle productif sont vulnérables à une variété de dangers. Toutefois, en l’espèce, conclure selon la prépondérance des probabilités que la souffrance des volailles était attribuable à une ventilation insuffisante durant la période où elles étaient sous la garde et le contrôle de LRFT relèverait de l’hypothèse.

 

[120]     La Commission est consciente de la preuve contradictoire présentée en l’espèce sur les questions de savoir quand et comment les volailles sont mortes. En vertu des pratiques de l’industrie exposées au paragraphe 7.2.2. du code sur la volaille et au paragraphe 2.2.1 du code sur le transport, tels que décrites par le Dr Farenhorst, le chauffeur du véhicule est responsable du soin et du bien-être de toutes les volailles au cours du transport. Il y a peu de preuves indiquant que le chauffeur ne s’est pas acquitté de cette responsabilité en l’espèce. La preuve est insuffisante pour démontrer soit un manquement aux obligations morales et aux obligations de l’industrie exposées dans les deux codes, ou aux obligations exposées à l’alinéa 143(1)e) du Règlement sur la santé des animaux.

 

 

5.                 Les moyens de défense disponibles en droit

 

[121]     La Commission sait également que la Loi sur les SAP crée un régime de responsabilité très peu tolérant, puisqu’elle ne permet pas d’invoquer la diligence raisonnable ou l’erreur de fait comme moyen de défense. Le paragraphe 18(1) de la Loi sur les SAP est ainsi libellé :

 

18. (1)  Le contrevenant ne peut invoquer en défense le fait qu’il a pris les mesures nécessaires pour empêcher la violation ou qu’il croyait raisonnablement et en toute honnêteté à l’existence de faits qui, avérés, l’exonéreraient.

 

[122]     Toutefois, les conclusions que la Commission a formulées ci-dessus ne concernent pas une défense de diligence raisonnable ou d’erreur de fait de la part de LRFT. De toute évidence, si LRFT avait invoqué des arguments de cette nature, l’énoncé sans équivoque de l’intention du législateur au paragraphe 18(1) précité aurait entraîné leur rejet.

 

 

6.                 Conclusion

 

[123]     En conséquence, la Commission conclut que, selon la prépondérance des probabilités, l'Agence n’a pas réussi à établir tous les éléments essentiels de la violation et que, par conséquent, LRFT n’a pas commis la violation reprochée. Par conséquent, LRFT n’est pas tenue de payer une sanction pécuniaire en l’espèce. De plus, étant donné que la Commission conclut que l’Agence n’a pas établi tous les éléments nécessaires au soutien de l’avis de violation contesté, il n’est pas nécessaire que la Commission se penche sur la question de savoir si l’Agence a prouvé que le montant de la sanction est justifié au titre de la Loi sur les SAP et de son règlement d’application.

 

 

Fait à Ottawa (Ontario), le 29 octobre 2014.

 

 

 

 

 

 

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Dr Don Buckingham, président

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