Décisions de la Commission de révision agricole du Canada

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Référence :     473629 Ontario Inc. c.  Canada (Agence canadienne d’inspection des aliments) 2014  CRAC 30

 

 

 

 

Date : 20141024

Dossier : CART/CRAC‑1735

 

 

 

 

Entre :

 

 

 

 

 

 

 

473629 Ontario Inc. (s/n Little Rock Farm Trucking), demanderesse

 

 

 

 

‑ et ‑

 

 

 

 

Agence canadienne d’inspection des aliments, intimée

 

[Traduction de la version officielle en anglais]

 

 

Devant :

Le président Donald Buckingham

 

 

 

 

Avec :

Edward Oldfield, avocat pour la demanderesse;

 

Jacqueline Wilson, avocate pour l’intimée.

 

 

 

 

Affaire intéressant une demande de révision des faits présentée par la demanderesse en vertu de l’alinéa 9(2)c) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture, relativement à une violation, alléguée par l’intimée, de l’alinéa 143(1)d) du Règlement sur la santé des animaux.

 

 

 

 

DÉCISION

 

 

 

 

Après avoir tenu une audience de vive voix et examiné les observations verbales et écrites des parties, la Commission de révision agricole du Canada statue, par ordonnance, que la demanderesse, 473629 Ontario Inc. (faisant affaire sous le nom de Little Rock Farm Trucking), a commis la violation énoncée dans l’avis de violation n° 1213ON0388, daté du 19 juin 2013, en ce qui a trait aux événements survenus le 29 octobre 2012, et qu’elle est tenue de payer à l’intimée, l’Agence canadienne d’inspection des aliments, la somme de 6 000 $ à titre de sanction pécuniaire dans les trente (30) jours suivant la notification de la présente décision.

 

 

 

 

L’audience a eu lieu à Kitchener, Ontario,

 

 

du lundi 5 mai au mercredi 7 mai 2014.


MOTIFS

 

1.                 Les incidents reprochés et les questions en litige

 

[1]              La présente affaire, l’une des trois affaires opposant les parties que la Commission a entendues en mai 2014, concerne la vie et la mort de poules de réforme pendant leur transport vers un abattoir canadien. En effet, 537 poulets morts ont été découverts le 30 octobre 2012 à bord d’une remorque conduite par des employés de 473629 Ontario Inc., société faisant affaire sous le nom de Little Rock Farm Trucking (LRFT). Les poulets morts ont été découverts par des employés de l’abattoir et transformateur de volaille Maple Lodge Farms (MLF) et par des représentants de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (Agence) au cours du déchargement de la remorque. En conséquence, le 19 juin 2013, l’Agence a délivré à l’encontre de LRFT l’avis de violation no 1213ON0388 dans lequel elle a allégué que LRFT avait transporté ou fait transporter des animaux d’une façon susceptible de les blesser ou de les faire souffrir indûment en raison d’une exposition indue aux intempéries.

 

[2]              L’alinéa 143(1)d) du Règlement sur la santé des animaux (ci-après appelé Règlement sur la SA) est ainsi libellé :

 

Il est interdit de transporter ou de faire transporter un animal dans un wagon de chemin de fer, un véhicule à moteur, un aéronef, un navire, un cageot ou un conteneur, si l’animal risque de se blesser ou de souffrir indûment en raison […] d) d’une exposition indue aux intempéries.

 

[3]              Le rôle de la Commission consiste à savoir si l’Agence a établi tous les éléments nécessaires au soutien de l’avis de violation susmentionné, plus précisément si LRFT, en qualité de transporteur de volaille :

 

    • a transporté ou fait transporter la volaille en question;

 

    • est responsable des blessures ou souffrances indues causées à la volaille en raison d’une exposition indue aux intempéries (réelle ou probable), eu égard à la façon dont elle s’est occupée de la volaille pendant qu’elle en avait la garde et le contrôle.

 

[4]              De plus, si la Commission conclut que l’Agence a établi tous les éléments exigés au soutien de l’avis de violation contesté, elle doit décider si celle-ci a prouvé que le montant de la sanction est autorisé en vertu de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (ci-après appelée Loi sur les SAP) et du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (ci-après appelé Règlement sur les SAP).

 

 

2.                 L’historique des procédures

 

[5]              La Commission a entendu trois affaires opposant les parties en mai 2014. Même si chaque affaire découle d’une demande de révision qui lui est propre et donnera lieu à une décision séparée la concernant, la Commission a ordonné, avec le consentement des parties, que les affaires soient entendues ensemble. L’historique des procédures des trois affaires est reproduit ci-dessous séparément et, dans les cas opportuns, pour les trois ensemble.

 

 

2.1            Affaire n° 1 – L’incident de septembre (CART/CRAC-1734)

 

[6]              La première affaire « connexe » découle de l’avis de violation n° 1213ON0370, daté du 19 juin 2013, selon lequel le 30 septembre 2012, entre Lacolle (Québec) et Brampton (Ontario), LRFT [traduction] « a commis une violation, à savoir, a transporté ou fait transporter des animaux en les exposant indûment aux intempéries, soit 6720 poulets transportés vers l’établissement de Maple Lodge Farms à bord de la remorque D‑73, y compris 425 oiseaux trouvés morts à l’arrivée, contrairement à l’alinéa 143.(1)d) du Règlement sur la santé des animaux, ce qui constitue une violation de l’article 7 de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire et de l’article 2 du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire ». Tout au long des présents motifs, cette affaire est appelée l’« incident de septembre ».

 

 

2.2            Affaire n° 2 – L’incident d’octobre (CART/CRAC‑1735)

 

[7]              La présente affaire découle de l’avis de violation n° 1213ON0388, daté du 19 juin 2013, selon lequel le 29 octobre 2012, entre Fort Erie et Brampton (Ontario), LRFT [traduction] « a commis une violation, à savoir, a transporté ou fait transporter des animaux en les exposant indûment aux intempéries, soit 7 680 poulets transportés vers l’établissement de Maple Lodge Farms à bord de la remorque DEL‑64, y compris 537 oiseaux trouvés morts à l’arrivée, contrairement à l’alinéa 143(1)d) du Règlement sur la santé des animaux, ce qui constitue une violation de l’article 7 de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire et de l’article 2 du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire ». Tout au long des présents motifs, cette affaire est appelée l’« incident d’octobre ».

 

 

2.3            Affaire n° 3 – L’incident de janvier (CART/CRAC‑1737)

 

[8]              La troisième affaire « connexe » découle de l’avis de violation n° 1314ON0509, daté du 19 juin 2013, selon lequel le 30 janvier 2013, entre Lacolle (Québec) et Brampton (Ontario), LRFT [traduction] « a commis une violation, à savoir, a transporté ou fait transporter des animaux sans ventilation adéquate, soit 7 680 poulets transportés vers l’établissement de Maple Lodge Farms à bord de la remorque DEL‑62, y compris 583 oiseaux trouvés morts à l’arrivée, contrairement à l’alinéa 143(1)e) du Règlement sur la santé des animaux, ce qui constitue une violation de l’article 7 de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire et de l’article 2 du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire ». Tout au long des présents motifs, cette affaire est appelée l’« incident de janvier ».

 

 

2.4            Historique des procédures commun aux trois affaires

 

[9]              Chacun des trois avis de violation a été réputé avoir été notifié à LRFT par l’Agence le 19 juin 2013. Conformément à l’article 4 du Règlement sur les SAP, chaque violation a été considérée comme une « violation grave » donnant lieu chacune à une sanction de 7 800 $.

 

[10]         Dans trois lettres datées du 21 juin 2013 et envoyées par télécopieur et par courrier recommandé à la Commission, LRFT, par l’entremise de son propriétaire et secrétaire trésorier, Mark Reuber (M. Reuber), a demandé à la Commission de réviser les faits de chacune des trois violations conformément à l’alinéa 9(2)c) de la Loi sur les SAP.

 

[11]         Dans une lettre datée du 2 août 2013, Edward Oldfield (Me Oldfield), conseiller juridique de LRFT, a exposé les motifs des demandes de révision de sa cliente. Le personnel de la Commission a confirmé auprès de Me Oldfield que LRFT souhaitait que ladite Commission révise ses dossiers en anglais dans le cadre d’une audience de vive voix qui se tiendrait dans un endroit du Sud-Ouest de l’Ontario. Le 19 août 2013, l’Agence a fait parvenir une copie du rapport relatif à chaque avis de violation à LRFT et à la Commission. La Commission a reçu les rapports en question le 20 août 2013.

 

[12]         Dans une lettre datée du 20 août 2013, la Commission a proposé à LRFT et à l’Agence de déposer leurs observations supplémentaires, le cas échéant, d’ici le 19 septembre 2013. Dans une lettre datée du 18 septembre 2013, Jacqueline Wilson (Me Wilson), conseillère juridique de l’Agence, a déposé un document (soit une version générique du rapport sur les conditions de chargement de Maple Lodge Farms) à titre d’élément de preuve à prendre en compte dans chaque affaire. L’audience de vive voix a eu lieu les 5, 6 et 7 mai 2014 à Kitchener (Ontario).

 

 

3.                 La preuve

 

[13]         Au début de l’audience, la Commission a ordonné (avec le consentement de toutes les parties) que les trois affaires soient entendues ensemble, pourvu que les parties précisent, au besoin, l’affaire ou les affaires auxquelles la preuve s’appliquait.

 

[14]         Dans chaque affaire, le dossier écrit de l’Agence comprenait l’avis de violation pertinent, une version générique du rapport sur les conditions de chargement de Maple Lodge Farms et le rapport pertinent de l’Agence daté du 19 août 2013. Le dossier écrit de LRFT comprenait pour chaque affaire la demande de révision pertinente datée du 21 juin 2013 ainsi que les explications supplémentaires des faits et arguments se rapportant à chaque incident.

 

[15]         La Commission a entendu le témoignage des personnes nommées dans le tableau qui suit :

 

Tableau 1

T É M O I N S

Nom du témoin

Titre du poste

Domaine d’expertise

Incident visé par la preuve

Partie ayant convoqué le témoin

Dr  Anco Farenhorst

Docteur en médecine vétérinaire

Pathologie des poulets

Tous les incidents

l’Agence

Dr  Andrew Gomulka

Incidents de septembre et de janvier

Dr  Gurcharan Sandhu

Incident d’octobre

M. Bruce Freiburger

Inspecteur de l’Agence

-

Incident de septembre

M. Johnny Vavala

Incident d’octobre

M. Peter Devellis

Incident de janvier

M. Mark Reuber

Propriétaire et secrétaire-trésorier de LRFT

-

Tous les incidents

LRFT

 

 

[16]         Les pièces mentionnées au tableau 2 ci-dessous ont été déposées à titre d’éléments de preuve au cours de l’audience :

 

Tableau 2

P I È C E S

Numéro de la pièce

Titre de la pièce

[traduction]

Incident visé par la preuve

Partie ayant présenté la pièce

1

Copie lisible du document de l’onglet 4 du rapport de l’Agence

Incident d’octobre

l’Agence

3

Conseil de recherches agroalimentaires du Canada

« Code de pratiques recommandées pour le soin et la manipulation des animaux de ferme – Transport »

Tous les incidents

4

Configuration des cageots d’une remorque destinée au transport de volailles

Incidents de septembre et de janvier

2

Rapport sur les conditions de chargement de MLF

Incident d’octobre

LRFT

 

3.1            Preuve commune aux trois incidents – Généralités

 

[17]         La preuve relative au type d’animal et à la procédure générale suivie pour le transport des poulets était commune aux trois incidents. Chaque témoin a présenté des éléments de preuve au sujet du transport des poules depuis des fermes américaines jusqu’à l’abattoir de MLF au cours de la période pertinente.

 

[18]         M. Reuber, de LRFT, a expliqué de manière générale comment le processus se déroule du début à la fin. Le Dr Farenhorst, qui a témoigné pour l’Agence, a expliqué comment le transport sans cruauté des animaux devait être effectué conformément à certaines normes et à certains critères élaborés par le gouvernement et l’industrie. Les cinq autres témoins ont expliqué le processus à suivre depuis le point de déchargement jusqu’à la transformation des poulets à l’abattoir. Les règles énoncées à la partie XII du Règlement sur la SA exigent que le processus entier se déroule sans cruauté.

 

[19]         Tous les poulets transportés lors de l’incident de septembre, de l’incident d’octobre et de l’incident de janvier (les incidents) étaient des poules de réforme, soit des femelles âgées d’environ 17 mois qui avaient atteint la fin de leur cycle de production à titre de pondeuses. Lors de chaque incident, les pondeuses avaient été utilisées dans des fermes du Nord-Est des États-Unis et étaient transportées au Canada pour être abattues.

 

[20]         Selon les données générales de l’industrie, les producteurs américains conservent les pondeuses à des fins de production un peu plus longtemps que les producteurs canadiens. Étant donné qu’elles sont affectées à une production constante d’œufs, les poules de réforme ont souvent un plumage minime et des réserves de calcium moindres et pèsent habituellement autour de quatre livres. Les propriétaires de poules de réforme sont fréquemment à la recherche d’acheteurs qui abattront et utiliseront les poules en contrepartie de montants peu élevés.

 

[21]         Les poules de réforme visées par chaque incident étaient des poules que les producteurs américains vendaient à MLF à un prix d’un cent la livre. MLF a retenu les services de LRFT pour transporter les volailles à l’aide de remorques appartenant à MLF. Tous les témoins ont reconnu qu’il était normal de s’attendre à ce que des poules meurent pendant le transport au cours de chaque incident en raison de leur stade de vie, de leur état général et des distances du transport. Les témoignages ont révélé qu’un taux de mortalité de plus de quatre pour cent des poules déclenchait habituellement une enquête de la part du personnel de l’Agence au sujet des circonstances de la mort.

 

[22]         Au cours de chacun des incidents, le pourcentage de poulets décédés a dépassé quatre pour cent. Voici le total de poulets trouvés morts au cours du déchargement lors de chaque incident :

 

         Incident de septembre : 425 poulets décédés sur 6 720 (6,3 %);

 

         Incident d’octobre : 537 poulets décédés sur 7 680 (7,0 %);

 

         Incident de janvier :  583 poulets décédés sur 7 680 (7,6 %).

 

[23]         La preuve a également révélé que le processus suivi pour le transport des poulets depuis leur ferme d’origine jusqu’à un abattoir en vue de leur transformation, qu’il s’agisse de poules de réforme ou non, est généralement le suivant :

 

1.      Le transformateur et le producteur engagent des négociations au sujet de la vente et de la livraison des oiseaux depuis les granges du producteur jusqu’à l’abattoir du transformateur.

 

2.      Les poulets sont rassemblés, attrapés, placés dans des cages et embarqués dans des camions, puis transportés vers leur destination.

 

3.      À l’arrivée à l’abattoir, la cargaison est pesée et placée en file d’attente en vue de la transformation.

 

4.      Lorsque vient le moment de la transformation, les poulets sont retirés de la remorque, puis transportés au poste d’abattage de l’abattoir.

 

[24]         De nombreux intervenants participent aux différentes étapes de ce processus et en surveillent le déroulement. Au début du processus, le producteur est habituellement présent à l’arrivée d’une équipe de ramasseurs et de responsables de l’embarquement des poulets. Les ramasseurs capturent les poulets et les placent dans des cageots. Au fur et à mesure que les cageots sont remplis et chargés sur une remorque, le chauffeur avance son camion jusqu’à ce que sa remorque soit pleine. Une fois l’embarquement terminé, le chauffeur sécurise le chargement (habituellement au moyen de bâches), puis conduit les poulets à l’usine de transformation située à quelques kilomètres plus loin, voire plusieurs centaines de kilomètres plus loin.

 

[25]         Une fois là-bas, les poulets attendent leur tour en vue de la transformation (un délai de jusqu’à 12 heures, parfois davantage, peut s’écouler dans certains cas). Les cageots sont ensuite débarqués du camion et apportés à l’intérieur de l’abattoir, où ils sont sortis des cageots, puis abattus et transformés. On procède à une inspection ante mortem et post mortem des poulets pour vérifier leur état de santé et s’assurer que le transport s’est déroulé sans cruauté. Si des poulets morts ou malades sont trouvés, ils sont comptés et un rapport standard est préparé à ce sujet. Le cas échéant, l’Agence prend des mesures coercitives contre l’entité qui a violé les dispositions réglementaires sur la santé ou sur le transport sans cruauté des animaux à une étape ou l’autre du processus.

 

 

3.2            Preuve commune aux trois incidents – Témoignage d’expert du Dr Farenhorst

 

[26]         Le DAnco Farenhorst (Dr Farenhorst), vétérinaire de l’ACIA, a été reconnu en qualité d’expert en matière d’application des politiques relatives au transport sans cruauté des animaux et d’interprétation des données scientifiques concernant le transport des volailles. Il a présenté un témoignage pertinent quant aux trois incidents.

 

[27]         Le DFarenhorst a fait savoir à la Commission qu’il n’était sur place lors d’aucun des trois incidents, mais qu’il avait examiné tous les documents établis dans chaque cas afin de se préparer à témoigner. Il a mentionné l’existence de codes sur la manutention et le transport des animaux, qui ont été élaborés par plusieurs parties prenantes, y compris des organismes de réglementation, des associations provinciales, des transporteurs, des organisations de l’industrie, des chercheurs scientifiques et des éducateurs.

 

[28]         Les codes visent à fournir des normes à l’intention des intervenants participant au soin, à la manipulation et au transport d’animaux. Bien qu’ils ne constituent pas des lois, les codes énoncent des normes communes à toutes les parties. Les documents suivants du Conseil de recherches agroalimentaires du Canada constituent deux codes pertinents en l’espèce :

 

         Code de pratiques recommandées pour le soin et la manipulation des poulettes, pondeuses et poules de réforme (code sur la volaille);

 

         Code de pratiques recommandées pour le soin et la manipulation des animaux de ferme – Transport (code sur le transport).

 

[29]         Le DFarenhorst a expliqué qu’une poule de réforme est un poulet qui a terminé sa production d’œufs. Le processus de production des poules pondeuses débute lorsque celles‑ci sont âgées d’environ 19 semaines et se poursuit pendant une année complète au Canada (cette période est un peu plus longue aux États-Unis).

 

[30]         Dans l’Est du Canada et des États-Unis, une fois cette période de production terminée, les poules de réforme sont envoyées pour être abattues, tandis que dans l’Ouest canadien, elles sont simplement éliminées. Le Dr Farenhorst a souligné que plus les poules sont utilisées longtemps en production, plus elles sont usées.

 

[31]         À la fin de la ponte, les oiseaux canadiens sont très fragiles et les oiseaux américains le sont davantage, parce qu’ils emploient habituellement une plus grande partie de leurs ressources corporelles, perdent leurs plumes par suite de la mue et doivent être manipulés avec soin. Le Dr  Farenhorst a expliqué à la Commission que les oiseaux plus âgés ont généralement des os plus fragiles, parce que leurs réserves de calcium ont été transférées aux coquilles d’œufs tout au long de leur cycle de production.

 

[32]         En qualité d’expert, le DFarenhorst a affirmé que ces oiseaux sont particulièrement susceptibles de subir un stress du transport découlant :

 

         de bâches manquantes;

 

         d’une exposition à du temps pluvieux (notamment lorsque la température extérieure ambiante est fraîche ou froide, c’est-à-dire qu’elle se situe au niveau inférieur de la zone de confort des oiseaux en question);

 

         d’un plumage déficient.

 

[33]         De l’avis de cet expert, le transport des poules dans ces conditions irait à l’encontre des normes énoncées au paragraphe 7.2.2 du code sur la volaille et au paragraphe 2.2.1 du code sur le transport, dont voici le texte :

 

7.2.2  Le chauffeur du véhicule est responsable du soin et du bien-être de toutes les volailles au cours du transport. Il devrait prendre en considération les conditions météorologiques et ajuster les dispositifs de couverture pour permettre aux oiseaux de se réchauffer ou de se rafraîchir au besoin.

 

2.2.1 Les facteurs suivants présentent de plus grands dangers pour les animaux en transit : a) le transport sur de longues distances, du chargement au lieu d’origine, y compris la capture des volailles, jusqu’au point de destination final; b) la faible valeur économique des animaux transportés; c) les intempéries et d) les autres facteurs qui peuvent ajouter à l’inconfort des animaux pendant le transport – p.  ex. l’état gravide, le jeune âge ou l’âge avancé.

 

[34]         Le D Farenhorst a reconnu ce qui suit :

 

         MLF était un transformateur important de poules de réforme;

 

         les deux codes susmentionnés autorisaient le transport de poules de réforme et d’oiseaux pendant une période maximale de 36 heures consécutives;

 

         il faut s’attendre à ce que le taux de décès des oiseaux en transit augmente en fonction de la durée du transport ou de l’âge des oiseaux;

 

         il y a toujours des oiseaux qui meurent pendant ce transport;

 

         malgré le fait que la perte de plus de 4 % d’une cargaison donnerait automatiquement lieu à une inspection de la part de l’Agence, le taux de 4 % n’est pas acceptable et toute perte pourrait inciter le vétérinaire responsable à déclencher une inspection.

 

[35]         Lorsqu’il s’est fait demander pourquoi les oiseaux pouvaient mourir pendant le transport, le DFarenhorst a répondu que le décès peut être imputable à différentes causes, dont la maladie, des facteurs liés au transport, des blessures, la chaleur excessive, le gel ou un ensemble de ces éléments.

 

[36]         Le DFarenhorst a ajouté que la manipulation des poulets par les ramasseurs pouvait occasionner des blessures aux oiseaux, voire contribuer à leur décès pendant le transport. Il a affirmé que cette cause est mentionnée dans le code sur le transport :

 

8.7.2  La capture négligente des volatiles constitue une source commune de blessure. Les oiseaux blessés sont particulièrement vulnérables au stress dû au transport. Cette pratique est cruelle et augmente les pertes de produits commercialisables.

 

[37]         Le D Farenhorst a convenu que, même si un transformateur peut être tenu responsable de l’état des oiseaux à l’arrivée de la cargaison, conformément au code sur le transport, le chauffeur qui conduit la cargaison est responsable des animaux pendant le transport :

 

8.7.23  Le chauffeur du véhicule est responsable du soin et du bien-être de tous les volatiles au cours du transport. Il devrait prendre en considération les conditions météorologiques et ajuster les dispositifs de couverture pour permettre aux oiseaux de se réchauffer ou de se rafraîchir au besoin.

 

 

3.3            Éléments de preuve propres à l’incident d’octobre (CART/CRAC‑1735)

 

3.3.1       Les faits non contestés

 

[38]         Le producteur en cause lors de l’incident d’octobre était Hillandale Farms situé à Gettysburg, dans l’État de la Pennsylvanie. L’équipe qui s’est occupée de la capture des oiseaux provenait de Brian’s Poultry Services Ltd., de Mildmay (Ontario) et a été engagée directement par MLF. Le poids moyen de chaque poule transportée était de 3,15 lb et la densité de chargement était de 16 oiseaux par cageot. La remorque DEL‑64 comportait 480 cageots contenant au total 7 680 poules. LRFT était le transporteur des oiseaux et son employé, Tim Francis (M. Francis), le chauffeur chargé d’assurer la livraison de la cargaison à MLF, le transformateur.

 

[39]         La capture des poules et le chargement de la remorque ont débuté le 29 octobre 2012 à 11 h 30. Une heure après le début du chargement, M. Francis est parti avec la remorque DEL‑64 à 12 h 30; il est arrivé à destination au lieu de transformation plus tard le même jour, à 23 h 15, après avoir parcouru environ 678 km.

 

[40]         Le processus de transformation des poulets transportés dans la remorque DEL‑64 devait débuter le lendemain matin, le 1er octobre 2012, et il a commencé à 6 h 33. Un délai d’attente de sept heures et 18 minutes s’est écoulé avant le début du déchargement des oiseaux à l’établissement de MLF. Le déchargement de tous les oiseaux a pris fin à 7 h 12 et une période totale de 19 heures et 42 minutes s’est écoulée entre le début du chargement et la fin du déchargement.

 

[41]         Au total, 537 poules mortes ont été trouvées lors du déchargement de la remorque DEL‑64 à l’usine de transformation. Selon ce qui est allégué, le 30 octobre 2012, le personnel de l’Agence qui a procédé à des inspections ante mortem à l’usine de transformation incluait Johnny Vavala, inspecteur de l’Agence et le Dr Dalbir Malik, vétérinaire de l’Agence. Le même jour, le Dr Gurcharan Sandu de l’Agence a procédé à une inspection post mortem de 10 oiseaux morts provenant de cette cargaison. L’enquêteur de l’Agence, Michael Cole, a mené l’enquête concernant l’incident d’octobre.

 

 

3.3.2       La preuve concernant le mode de chargement et le transport vers l’établissement de MLF

 

3.3.2.1               Onglet 1 du rapport de l’Agence – Compte rendu du chargement des oiseaux vivants de LRFT à l’égard de la remorque DEL‑64

 

[42]         Le chauffeur de LRFT a rempli le compte rendu du chargement des oiseaux vivants de Little Rock Farm Trucking à l’égard de la remorque DEL‑64 (compte rendu du chargement de LRFT), lequel document constitue un registre des conditions de chargement et de transport de la remorque DEL‑64, entre 11 h 30 (chargement à Gettysburg, en  Pennsylvanie) et 23 h 15 (arrivée de la remorque à l’établissement de MLF) le 29 octobre 2012.

 

[43]         Il appert du compte rendu du chargement de LRFT que le chargement a duré une heure et le transport proprement dit, 10 heures et 45 minutes. Du début de la période de chargement et pendant toute cette période, les conditions météorologiques ont été inscrites comme étant de la « pluie ». Les conditions météorologiques se sont détériorées et la température a baissé de façon constante, passant de dix degrés Celsius en début de chargement à seulement trois degrés Celsius à l’heure de l’arrivée à l’établissement de MLF. Également, le temps est passé de « pluvieux » à « horrible » à 15 h 30 et est redevenu « pluvieux » à 21 h 30 et est demeuré ainsi jusqu’à l’arrivée de la remorque à l’établissement de MLF. En dépit de telles conditions météorologiques, la remorque est arrivée un peu avant 23 h 45, l’heure d’arrivée prévue, le 29 octobre 2012.

 

[44]         Il appert également du compte rendu du chargement de LRFT que du début du voyage jusqu’à l’arrivée, le chauffeur avait placé les bâches du côté gauche et du côté droit, et qu’à partir de 15 h 30, il avait fermé les portes du côté gauche, du côté droit et du centre sur la remorque DEL‑64. Le chauffeur indique également sur le compte rendu qu’au moment de laisser la remorque à l’établissement de MLF, il avait retiré les bâches du côté gauche et du côté droit, et avait ouvert le dispositif de ventilation supérieur, mais qu’il avait laissé les portes du côté gauche, du côté droit et du centre fermées sur la remorque DEL‑64.

 

[45]         Le chauffeur a répondu [traduction] « correct » à la question concernant l’état des oiseaux lors du chargement, et il a ensuite répondu [traduction] « non » à la question de savoir s’il y avait eu des problèmes liés au chargement des oiseaux et au transport vers l’usine de transformation. Il ajoute dans ce rapport qu’il s’est arrêté cinq fois en cours de route pour vérifier les oiseaux et rajuster les bâches et que lors de ces arrêts il n’a remarqué aucun changement dans l’état des oiseaux. Le chauffeur a toutefois inscrit la mention suivante [traduction] : « J’ai dû traverser une forte tempête de pluie et composer avec des vents violents ».

 

 

3.3.2.2               Onglet 11 du rapport de l’Agence – Rapport du chauffeur de LRFT sur le nombre élevé d’oiseaux morts à l’arrivée

 

[46]         Le rapport du chauffeur de Little Rock Farm Trucking, conduisant la remorque  D64 (rapport de LRFT sur le nombre d’oiseaux morts à l’arrivée), rempli par le personnel de LRFT et consigné le 12 novembre 2012, comporte plusieurs questions révélatrices au sujet des conditions concernant le chargement et le transport des poules à bord de la remorque DEL‑64 le 29 octobre et le 30 octobre 2012 [traduction] :

 

[Question] 1.  Description des conditions observées chez le producteur (accessibilité, bon entretien, propreté, aménagement de la grange) [Réponse] Aucune préoccupation.

 

[Question] 2.  Dans quel état se trouvaient les oiseaux selon vous avant le chargement? (soyez le plus précis possible) [Réponse] En bon état.

 

[Question] 3.  Pendant le chargement, quel temps faisait-il et quelle température? [Réponse] Venteux et pluvieux.

 

[Question] 4.  Si le temps était venteux et/ou pluvieux lors du chargement, y avait‑il à la ferme des dispositifs quelconques pour se mettre à l’abri ou se protéger de ces éléments? [Réponse] Bâches sur la remorque et toit.

 

[Question] 5.  Décrivez comment la remorque a été contrôlée pendant le chargement (mise en place d’une bâche latérale, d’une bâche du côté chargement, d’une bâche supérieure, etc.) [Réponse] Des bâches sont restées en place pendant toute la durée du chargement, et les volets d’aération ouverts pour assurer la circulation d’air.

 

[Question] 6. Selon vous, comment les ramasseurs de volailles ont-ils manipulé les oiseaux? [Réponse] Aucune préoccupation.

 

...

 

[Question] 9.  Décrivez la façon dont la remorque a été contrôlée tout au long du voyage. (Bâche supérieure,  côtés, configuration des bâches, panneaux, etc.) [Réponse] Les bâches sont demeurées en place et le volet d’aération à l’avant ouvert pendant tout le voyage.

 

...

 

[Question] 11.  Y a-t-il eu des changements majeurs touchant la température/les conditions météorologiques durant le trajet? [Réponse] La température a changé d’environ six degrés Celsius de la ferme à Lodge.

 

[Question] 12.  Y a-t-il eu d’autres événements au cours de votre voyage qui pourraient avoir affecté l’état de santé des oiseaux? [Réponse] L’ouragan Sandy. Des vents très violents et de la pluie. Le chauffeur a dit qu’il était impossible de protéger les oiseaux de la pluie. Il a aussi mentionné qu’il y a un espace au-dessus des bâches où la pluie pourrait s’introduire.

 

[Question] 13.  Avez-vous fait des arrêts pendant le trajet? Dans l’affirmative, pendant combien de temps ... et pour quelle raison? [Réponse] Plusieurs arrêts pour vérifier la température et tenter d’assurer une circulation d’air. Les bâches étaient très difficiles à gérer à cause du vent.

 

[Question] 14.  À l’arrivée à l’usine de transformation, y a-t-il eu des problèmes concernant l’état de la cargaison? Dans l’affirmative, veuillez préciser. [Réponse] Des poules ont été trouvées mortes à l’arrivée. Le chauffeur a fait observer aujourd’hui que la plupart des oiseaux étaient probablement mouillés en raison des conditions météorologiques.

 

[47]         L’Agence n’a présenté aucun témoignage verbal direct au sujet des conditions de chargement et de transport de la remorque DEL‑64 avant l’arrivée de celle-ci à l’établissement de MLF tard en soirée le 29 octobre 2012.

 

 

3.3.2.3                  Le témoignage de M. Reuber

 

[48]         Au cours de son témoignage, Mark Reuber (M. Reuber), propriétaire et secrétaire trésorier de LRFT, a déclaré que, le 29 octobre 2012, LRFT a suivi la même procédure que celle qu’elle utilisait depuis une dizaine d’années, au cours de laquelle elle a transporté 16 203 cargaisons de poules de réforme.

 

[49]         Il a expliqué comme suit le rôle joué par LRFT relativement à la cargaison transportée lors de l’incident d’octobre (ainsi que d’autres cargaisons similaires) :

 

      MLF envoie par télécopieur à LRFT une liste des ramassages de volailles à effectuer;

 

      MLF informe LRFT du nombre de cargaisons à prendre à chaque site de ramassage, de la date fixée pour l’arrivée au site de ramassage et de la date fixée pour le retour de la volaille chez MLF en vue de l’abattage;

 

      LRFT attribue les cargaisons aux camions en fonction des capacités requises;

 

      Le chauffeur de LRFT va chercher les remorques requises chez MLF, qui est propriétaire des remorques en question et les nettoie;

 

      Le chauffeur de LRFT prend le camion de celle-ci et la remorque de MLF et se rend à chaque site de ramassage;

 

      Des ramasseurs qui sont des tierces parties et qui se trouvent au site de ramassage, donnent des directives précises au chauffeur de LRFT quant au moment et à l’endroit où la capture doit avoir lieu;

 

      Les ramasseurs capturent les volailles et les placent dans des cageots disposés sur des chariots;

 

      Le chauffeur de LRFT transfère la cargaison dans la remorque;

 

      Une fois que le chauffeur a terminé le chargement de la remorque, il doit sécuriser la cargaison à l’aide de bâches, conformément aux conditions en vigueur;

 

      LRFT est responsable des volailles depuis le chargement au site de ramassage jusqu’à l’arrivée à l’établissement de MLF.

 

[50]         M. Reuber a convenu que les volailles de réforme doivent être manipulées avec soin, parce qu’elles sont plus âgées, que leur plumage est déficient et que leurs réserves d’énergie sont presque épuisées. Malgré ces problèmes, il a expliqué qu’il n’est pas nécessairement plus difficile de garder les oiseaux au chaud pendant le transport. À son avis, une utilisation appropriée de bâches permet d’assurer un contrôle adéquat de la température de la cargaison.

 

[51]         M. Reuber a souligné qu’il connaissait bien le code sur la volaille du Conseil de recherches agroalimentaires du Canada, mais non le code sur le transport du même organisme. Cependant, il a expliqué que tous les chauffeurs de LRFT reçoivent une formation sur la façon de prendre soin de leurs cargaisons et de préparer les rapports sur le chargement. M. Reuber a précisé que la formation donnée aux chauffeurs de LRFT au sujet du transport sans cruauté des animaux comprenait une séance de formation d’une journée couvrant différents aspects de ce transport. Le reste de la formation portait sur les pratiques relatives au bâchage, sur l’apprentissage par observation d’un autre chauffeur pendant deux ou trois semaines et sur la possibilité de communiquer avec un répartiteur en cas de problème au cours du trajet une fois la formation initiale terminée.

 

[52]         M. Reuber a convenu que le rapport de LRFT sur le nombre d’oiseaux morts à l’arrivée (onglet 11 du rapport de l’Agence) avait été rempli par le personnel de celle-ci et qu’il était mentionné dans le rapport que le chauffeur avait signalé qu’il avait dû conduire dans l’ouragan Sandy, qu’il y avait des vents très violents et de très fortes pluies et qu’il était impossible de protéger les oiseaux de la pluie. M. Reuber a convenu que le chauffeur a bel et bien signalé que lors du voyage, la température ambiante extérieure avait chuté d’environ six degrés Celsius et que ladite température ce jour-là était de trois à six degrés Celsius durant le trajet, ce qui est définitivement plus frais que la zone de confort recommandée pour les poules de réforme.

 

[53]         M. Reuber a cependant ajouté qu’il ne peut être tenu pour acquis que la température ambiante extérieure est la même que celle à l’intérieur de la remorque en raison des bâches. Même si le camion est en mouvement, la température à l’intérieur de la remorque deviendra plus élevée que la température extérieure ambiante, parce que les remorques appartenant à LRFT et utilisées par celle-ci (avant d’utiliser les remorques de MLF) étaient munies de thermomètres installés à l’intérieur des remorques qui ont permis de démontrer que tel est le cas. M. Reuber a également déclaré à la Commission que même dans le cas d’un camion traversant l’ouragan Sandy, s’il y avait eu un problème touchant les bâches ou tout autre problème, le chauffeur aurait téléphoné à MLF pour le signaler et/ou demander conseil.

 

[54]         M. Reuber a affirmé que la photo versée à la pièce 4 correspondait au type de remorque utilisée par MLF et LRFT pour la cargaison DEL-64. Ce type de remorque comporte un espace d’au plus un pouce et demi à deux pouces entre les bâches supérieures et latérales et la cargaison pourrait donc difficilement être exposée à la pluie. La remorque est munie d’une plateforme solide en métal sur le dessus, le dessous, à l’avant et à l’arrière, ainsi que de dispositifs de ventilation dans la partie supérieure avant et arrière qu’il est possible d’ouvrir ou de fermer. En se fondant sur sa propre expérience lorsqu’il transportait des cargaisons, M. Reuber a affirmé que la température à l’intérieur de la remorque serait plus élevée que la température extérieure ambiante, même pour des oiseaux sans plumes, en raison de la plateforme solide dont la remorque est munie à l’avant, à l’arrière, au-dessus et en dessous.

 

 

3.3.3       Preuve concernant l’état dans lequel se trouvaient les poules à l’établissement de MLF avant la transformation

 

[55]         La Commission n’a été saisie d’aucun élément de preuve montrant que le chauffeur de LRFT ou un autre membre du personnel de celle-ci est resté à l’établissement de MLF après la livraison de la cargaison de la remorque DEL‑64 à 23 h 15 le 29 octobre 2012.

 

 

3.3.3.1            Onglet 1 du rapport de l’Agence – Compte rendu du chargement des oiseaux vivants de LRFT à l’égard de la remorque DEL‑64

 

[56]         Selon le compte rendu du chargement de LRFT, à son arrivée à l’établissement de MLF, le chauffeur de la remorque DEL-64 de LRFT a estimé à environ « 20 » le nombre d’oiseaux morts à l’arrivée.

 

 

3.3.3.2            Onglet 11 du rapport de l’Agence – Rapport du chauffeur de Little Rock Farm Trucking sur le nombre élevé d’oiseaux morts à l’arrivée en ce qui concerne la remorque nDEL‑64

 

[57]         Le rapport de LRFT sur le nombre d’oiseaux morts à l’arrivée, rempli par le personnel de LRFT, fournit des détails au sujet de la condition de la remorque et de certains des oiseaux lors de l’arrivée à l’établissement de MLF en soirée le 29 octobre 2012 [traduction] :

 

[Question] 15.  Si un réceptionnaire a vérifié la cargaison, y a-t-il formulé des commentaires ou remarques soulevant des préoccupations? [Réponse] Il a consigné un certain nombre d’oiseaux morts à l’arrivée.

 

[Question] 16. Décrivez les configurations des bâches dans l’aire d’attente de l’établissement et précisez si les ventilateurs fonctionnaient ou non. [Réponse] Les bâches étaient ouvertes et les portes fermées.

 

 

3.3.3.3            Onglet 3 du rapport de l’Agence – Relevé d’abattage de l’ACIA pour le 30 octobre 2012

 

[58]         Le relevé d’abattage de l’ACIA pour le 30 octobre 2012 (relevé d’abattage de l’ACIA), un document signé par M. Johnny Vavala (M. Vavala), inspecteur de l’Agence, montre qu’une inspection ante mortem a été effectuée à l’égard de la remorque DEL-64 à 4 h 40 le 30 octobre 2012, laquelle a indiqué que les oiseaux étaient alertes, que les ventilateurs étaient fermés, que la remorque était sèche, que les oiseaux étaient en bon état, le nombre d’oiseaux morts étant peu élevé, et que la température de la cargaison s’élevait à 15,4 °C.

 

 

3.3.3.4            Onglet 4 du rapport de l’Agence – Relevé de Maple Lodge Farms du nombre de volailles à abattre/relevé ante mortem

 

[59]         Il appert du relevé de Maple Lodge Farms du nombre de volailles à abattre/relevé ante mortem, un document qui a été rempli par le personnel de MLF et portant les initiales du personnel de l’Agence, qu’une seconde inspection ante mortem a été réalisée à 5 h 35 par le personnel de l’Agence à l’égard de la remorque DEL‑64, mais aucun détail de cette inspection n’est consigné.

 

 

3.3.3.5            Onglet 5 – Relevé d’abattage de Maple Lodge Farms pour le 30 octobre 2012

 

[60]         Le relevé d’abattage de Maple Lodge Farms pour le 30 octobre 2012, un document qui a été rempli par le personnel de MLF, montre que la transformation de la cargaison de la remorque DEL‑64 a débuté à 6 h 33 et que la cargaison comportait 537 oiseaux morts à l’arrivée et 807 autres oiseaux condamnés à la transformation.

 

 

3.3.3.6            Onglet 8 du rapport de l’Agence – Compte rendu de Maple Lodge Farms concernant la réception de la cargaison D‑64

 

[61]         Le compte rendu de Maple Lodge Farms concernant la réception des cargaisons, et plus précisément la cargaison D‑64, qui a été rempli par M. Vargas, employé de MLF, indique ce qui suit à l’égard de la cargaison DEL‑64 le 30 octobre 2012 [traduction] : « il y avait 537 oiseaux morts dont un nombre plus élevé plus loin à l’intérieur de la remorque et quelques-uns dans le bas. J’ai séparé une pile d’oiseaux morts pour l’inspecteur ». Le compte rendu renferme également des illustrations indiquant où les oiseaux morts ont été trouvés des deux côtés de la cargaison, répartis plus ou moins également dans le bas de la remorque.

 

 

3.3.3.7            Onglet 7 du rapport de l’Agence – Notes de l’inspecteur Vavala

 

[62]         M. Vavala, témoin pour l’Agence, a présenté à titre de preuve écrite des notes en qualité d’inspecteur selon lesquelles l’Agence a reçu un appel à 6 h 50 le 30 octobre 2012, avisant qu’il y avait un nombre élevé d’oiseaux morts à l’arrivée dans la remorque DEL‑64; en réponse à cet appel, il est allé inspecter la remorque. Il est arrivé à 6 h 55 et la remorque avait déjà été déchargée, il a donc seulement pris des photos d’oiseaux morts et a étiqueté un échantillon d’oiseaux à des fins de nécropsie.

 

 

3.3.3.8            Onglet 12 du rapport de l’Agence – Rapport de l’inspecteur Vavala relatif au transport des volailles

 

[63]         Dans son rapport d’inspection relatif au transport des volailles, M. Vavala déclare également ceci [traduction] :

 

Le 30 octobre 2012, le service chargé de la réception des cargaisons a téléphoné au bureau de l’ACIA à 6 h 50 au sujet d’un nombre élevé d’oiseaux morts à l’arrivée. À mon arrivée à la baie no 3 de la réception des cargaisons à 6 h 55, la remorque D-64 était déjà déchargée. J’ai pris des photos de la remorque et d’oiseaux morts à l’arrivée. J’ai également étiqueté les oiseaux aux fins d’une nécropsie vétérinaire. La nécropsie a été effectuée par le Dr Sandhu. Le propriétaire de cette cargaison était Hillandale, Gettys, situé à Gettysburg (Pennsylvanie). Le chauffeur pour cette cargaison était Timothy Francis. La compagnie de transport était Little Rock Farms. Il y avait 507 oiseaux morts à l’arrivée à bord de cette remorque.

Dans le compte rendu du chargement des oiseaux vivants, le chauffeur a mentionné qu’il avait traversé une forte tempête de pluie et de vents violents.

Dans le rapport du chauffeur de Little Rock Farms sur le nombre élevé d’oiseaux morts à l’arrivée, le chauffeur a mentionné que les conditions météorologiques durant le chargement étaient un temps venteux et pluvieux.  À la question 12, à savoir si d’autres événements étaient survenus au cours du voyage, le chauffeur a signalé l’ouragan Sandy. Des vents très violents et de la pluie. Il a dit qu’il était impossible de protéger les oiseaux de la pluie. Le chauffeur a aussi mentionné qu’il y a un espace au-dessus des bâches où la pluie pourrait s’introduire.

 

 

3.3.3.9            Pièce 2 – Rapports sur les conditions de chargement de MLF à l’égard de la remorque DEL-64

 

[64]         Une copie du rapport sur les conditions de chargement de MLF à l’égard de la remorque DEL‑64 (rapport sur le chargement de MLF) a été présentée à l’audience des trois affaires à titre de pièce 2, mais elle s’appliquait seulement à l’incident d’octobre. Le rapport sur le chargement de MLF a été rempli par du personnel de MLF, et indique que la cargaison a fait l’objet de cinq inspections entre 1 h 15 et 5 h 04 pendant que la cargaison était en attente en vue de la transformation à l’établissement de MLF. Les heures où les inspections ont été réalisées sont difficiles à lire, mais semblent être 1 h 15, 2 h 36, 3 h 04, 4 h 05 et 5 h 04.

 

[65]         Durant ces inspections la température dans l’aire d’attente a varié de cinq à six degrés Celsius. La température interne de la cargaison a varié comme suit :

 

         Avant de la cargaison – de 4,6 à 15,8 °C;

 

         Milieu de la cargaison – de 4,8 à 14,2 °C;

 

         Arrière de la cargaison – de 6,3 à 10,8 °C.

 

[66]         Selon le rapport sur le chargement de MLF, les ventilateurs à l’avant et à l’arrière de l’aire d’attente étaient fermés, mais les ventilateurs d’extraction ont fonctionné de l’arrivée jusqu’au moment de la transformation. Selon ce même rapport, seules les bâches du côté du chauffeur recouvraient la cargaison et ce, pendant toute la période durant laquelle la cargaison est demeurée dans l’aire d’attente.

 

[67]         En ce qui concerne l’état des oiseaux, le rapport sur le chargement de MFL montre que ceux-ci étaient [traduction] « alertes/vigoureux », qu’ils avaient un plumage de bonne qualité, et qu’ils ne montraient aucun signe de maladie évidente lors de l’une ou l’autre des inspections.

 

[68]         Le rapport sur le chargement de MLF comportait une rangée de données concernant les oiseaux morts à l’arrivée. Les données inscrites dans cette rangée incluent une mention « 40 » lors de l’inspection réalisée à 4 h 05 ainsi qu’une mention à 4 h 38 selon laquelle « Hasan » a communiqué ce résultat au répartiteur.

 

 

3.3.3.10        Témoignage de Johnny Vavala

 

[69]         M. Vavala a également présenté un témoignage de vive voix. Lors de l’interrogatoire principal, M. Vavala a dit à la Commission qu’il travaillait comme inspecteur du gouvernement chez MLF depuis 14 ans. Il effectue des inspections hebdomadaires des cargaisons entrantes pour vérifier si des violations ont été commises, et il était en poste depuis 4 h le matin du 30 octobre 2012. À un certain moment lors de son témoignage, il a déclaré qu’il n’a jamais vu les oiseaux de la cargaison DEL-64 à bord de la remorque, car à son arrivée à 6 h 55, la cargaison entière avait déjà été déchargée. Il avait reçu à 6 h 50 un appel de M. Vargas, employé de MLF, l’invitant à descendre et venir voir une cargaison comportant un nombre élevé d’oiseaux morts à l’arrivée. M. Vavala a commencé par prendre des photos d’oiseaux morts, puis il a ramassé l’échantillon d’oiseaux morts mis de côté par le personnel de MLF aux fins d’une nécropsie par le vétérinaire de l’Agence. Il a déclaré que les oiseaux faisant partie de l’échantillon étaient mouillés et froids au toucher.

 

[70]         Toutefois, à un autre moment lors de son témoignage, M. Vavala a déclaré à la Commission qu’il avait complété une inspection ante mortem de la cargaison à 4 h 40 (onglet 3 du rapport de l’Agence) et qu’il n’avait rien vu d’anormal de l’extérieur de la remorque. En ce qui a trait à la pièce 2, le « rapport sur le chargement de MLF », M. Vavala a déclaré qu’il avait indiqué à 4 h 40 qu’il y avait deux ou trois oiseaux morts dans la cargaison, tandis que quelqu’un d’autre a inscrit qu’il y avait 40 oiseaux morts à 4 h 05 ou à 4 h 38.

 

[71]         En contre-interrogatoire, M. Vavala a déclaré avoir quelques souvenirs personnels au sujet de la cargaison DEF‑64 et des souvenirs fondés sur ses notes. Il s’est rappelé avoir effectué une inspection ante mortem à 4 h 40 et avoir inscrit ses conclusions sur le relevé d’abattage de l’ACIA. Dans ce document, il a indiqué que l’intérieur de la remorque était sec et que la température au milieu de celle-ci s’élevait à 15,4 °C. Il a affirmé ne pas se souvenir personnellement si les oiseaux étaient mouillés à ce moment-là, mais il a souligné que le nombre d’oiseaux morts à l’arrivée était peu élevé. Selon ses conclusions, la cargaison semblait normale.

 

[72]         M. Vavala a ensuite déclaré se souvenir personnellement du moment où il est revenu pour inspecter la cargaison à 6 h 55. En se fondant sur ses notes, il a dit qu’à ce moment-là, la cargaison avait déjà été déchargée et qu’un membre du personnel de MLF lui avait téléphoné en raison du nombre élevé d’oiseaux trouvés morts à l’arrivée, c’est-à-dire, un nombre supérieur au seuil de quatre pour cent pour les volailles (poules de réforme). Il a déclaré avoir donné des directives aux fins de la préparation d’un échantillon de 10 oiseaux morts devant être placés dans deux sacs qu’il a ensuite apportés à pied à la salle de nécropsie de l’Agence. Il a dit ignorer de quelle partie de la remorque provenaient les oiseaux morts.

 

 

3.3.3.11        Preuve écrite présentée par le Dr Sandhu, témoin pour l’Agence

 

[73]         Le Dr Gurcharan Sandhu (Dr Sandhu) de l’Agence signale dans son rapport d’inspection (onglet 10 du rapport de l’Agence) qu’il a effectué une nécropsie post mortem à l’égard de 10 des volailles trouvées mortes dans la cargaison DEL-64 le 30 octobre 2012. Il a constaté que les volailles mortes de l’échantillon présentaient une chair convenable, d’un aspect cyanosé [de couleur bleuâtre en raison d’un manque d’oxygène] et que leur plumage variait de bonne à mauvaise qualité. Dans le cas des 10 volailles examinées, il a expressément annoté que chacune était mouillée. Voici les conclusions que le Dr Sandhu a tirées et consignées dans son rapport concernant la nécropsie [traduction] :

 

...

 

Remarques : Les volailles mortes de l’échantillon présentent une chair convenable et cyanosée. Elles sont encore au cycle de production active d’œufs.  Les oiseaux étaient mouillés et le temps était pluvieux et venteux. Selon mon avis professionnel, rien n’a indiqué la présence de quelque maladie infectieuse chez les oiseaux morts. Le décès des oiseaux pourrait être imputable aux conditions pluvieuses et orageuses.

 

 

3.3.3.12        Témoignage d’expert du Dr Sandhu, témoin de l’Agence

 

[74]         Aux fins de la présente audience, le Dr Sandhu a été reconnu, compte tenu de son éducation et de son expérience, en qualité d’expert en matière de pathologie des poulets. Lors de l’interrogatoire principal, il a déclaré qu’il était l’officier vétérinaire chez MLF depuis neuf ans et qu’il effectue des inspections ante mortem et post mortem sur les cargaisons qui arrivent à l’établissement de MLF. Des inspections ante mortem sont réalisées sur chaque camion, tandis que les inspections post mortem sont réalisées seulement quand le nombre d’oiseaux morts à l’arrivée est élevé. En ce qui concerne la cargaison DEL‑64, le Dr Sandhu a confirmé qu’il n’avait pas réalisé d’inspection ante mortem de la cargaison mais qu’il avait effectué une nécropsie post mortem sur 10 poulets de cette cargaison mais il a ajouté qu’il ignorait où ces 10 oiseaux se trouvaient dans la cargaison.

 

[75]         En contre-interrogatoire, le Dr Sandhu a convenu que, lors de la préparation de son rapport, il a passé en revue les notes d’un autre vétérinaire de l’Agence qui avait effectué une inspection ante mortem de la cargaison et qui n’avait rien remarqué d’anormal avec la cargaison plus tôt ce matin-là. Le Dr Sandhu a déclaré que selon sa nécropsie réalisée sur les 10 oiseaux, certains sont peut-être morts dans la remorque ou pendant la période d’attente à l’établissement de MLF en vue de la transformation. D’après la quantité de nourriture présente dans les intestins des oiseaux, le Dr Sandhu s’est dit d’avis qu’au moins cinq des oiseaux sont probablement morts pendant la période d’attente à l’établissement de MLF et quatre probablement durant le transport.

 

[76]         Le Dr Sandhu a expliqué que l’Agence intervient habituellement quand le taux de décès dépasse quatre pour cent. Lorsqu’il est question du transport et de la transformation de volailles de réforme, a-t-il dit, l’Agence et MLF trouvent toujours des oiseaux morts. Il a convenu que les poules de réforme sont exposées à de nombreux facteurs de stress lors du transport vers l’établissement de transformation, notamment des pattes fracturées, leur déplacement de la grange au camion, le retrait de leur nourriture, les longs trajets, la mauvaise qualité du plumage et la maladie parmi le groupe de volailles.

 

[77]         Toutefois, lorsque l’avocat de LRFT lui a demandé d’admettre que les poules de réforme meurent parce qu’elles sont âgées et sont des oiseaux stressés, le Dr Sandhu a répondu qu’elles meurent habituellement quand les conditions météorologiques sont difficiles. Il a dit que le décès des oiseaux pourrait être imputable au temps pluvieux et orageux, puisqu’il a conclu lors de la nécropsie effectuée que les 10 oiseaux étaient tous mouillés, ce qui donne à penser qu’ils ont été exposés à la pluie.

 

 

3.3.3.13        Témoignage d’expert du Dr Farenhorst, témoin de l’Agence, au sujet de l’incident d’octobre

 

[78]         Le troisième témoin de l’Agence, le Dr Anco Farenhorst (Dr Farenhorst) a déclaré que, à son avis, les oiseaux de la cargaison DEL‑64 étaient particulièrement susceptibles d’être exposés à un stress pendant le transport notamment du fait d’être exposés à un temps très pluvieux, à une température extérieure variant de trois à dix degrés Celsius, une température nettement inférieure à la zone de confort des animaux, et du fait de leur plumage déficient.

 

[79]         Selon l’avis du Dr Farenhorst, le transport dans ces conditions irait à l’encontre des normes énoncées au paragraphe 7.2.2 du code sur la volaille et au paragraphe 2.2.1 du code sur le transport.

 

[80]         Lors du contre-interrogatoire, le Dr Farenhorst a convenu que, plus le transport est long et/ou plus les oiseaux sont âgés, plus il faut s’attendre à ce que le taux de décès des oiseaux transportés augmente. Il a convenu que, le jour où les oiseaux de la cargaison DEL‑64 ont été abattus, le relevé d’abattage de MLF (onglet 5 du rapport de l’Agence) indiquait qu’il y avait des oiseaux morts à l’arrivée dans toutes les cargaisons envoyées à l’abattoir de MLF, et que par ailleurs, il y aurait toujours des oiseaux morts dans de telles cargaisons. Questionné à savoir pourquoi les oiseaux d’une cargaison peuvent mourir, le DFarenhorst a répondu que cela peut être imputable à différentes causes, dont des maladies, des facteurs liés au transport, des blessures, le réchauffement excessif, le gel ou un ensemble de ces éléments. Le Dr Farenhorst a convenu que la manipulation des poulets par les ramasseurs pouvait contribuer aux blessures et à leur décès pendant le transport.

 

 

4.                 Analyse et principes de droit applicables

 

[81]         Le rôle de la Commission est de déterminer la validité des sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire infligées sous le régime de la Loi sur les SAP, dont l’objet est ainsi énoncé à l’article 3 :

 

3.  La présente loi a pour objet d’établir, comme solution de rechange au régime pénal et complément aux autres mesures d’application des lois agroalimentaires déjà en vigueur, un régime juste et efficace de sanctions administratives pécuniaires.

 

[82]         L’article 2 de la Loi sur les SAP définit la « loi agroalimentaire » en ces termes :

 

 

2.  […] « Loi agroalimentaire » la Loi sur les produits agricoles au Canada, la Loi sur la médiation en matière d’endettement agricole, la Loi relative aux aliments du bétail, la Loi sur les engrais, la Loi sur la santé des animaux, la Loi sur l’inspection des viandes, la Loi sur les produits antiparasitaires, la Loi sur la protection des végétaux ou la Loi sur les semences.

 

[83]         Aux termes de l’article 4 de la Loi sur les SAP, le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, ou le ministre de la Santé, selon les circonstances, peut prendre un règlement pour désigner des violations punissables :

 

 

4. (1)  Le ministre peut, par règlement :

 

a)  désigner comme violation punissable au titre de la présente loi la contravention — si elle constitue une infraction à une loi agroalimentaire :

 

(i)  aux dispositions spécifiées d’une loi agroalimentaire ou de ses règlements [...]

 

[84]         Le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire a pris un tel règlement, soit le Règlement sur les SAP, qui définit comme violations plusieurs actes énoncés dans des dispositions précises de la Loi sur la santé des animaux, du Règlement sur la SA, de la Loi sur la protection des végétaux et du Règlement sur la protection des végétaux. Ces violations sont énumérées à l’annexe 1 du Règlement sur les SAP, qui renvoie à l’alinéa 143(1)d) du Règlement sur la SA.

 

[85]         Les tribunaux ont examiné le présent régime avec passablement de soin, étant donné, surtout, que les violations sont de responsabilité absolue. Dans l’arrêt Doyon c. Procureur général du Canada, 2009 CAF 152, le juge Létourneau, qui s’exprimait au nom de la Cour d’appel fédérale, a décrit le régime comme suit :

 

[27]  En somme, le régime de sanctions administratives pécuniaires a importé les éléments les plus punitifs du droit pénal en prenant soin d’en écarter les moyens de défense utiles et de diminuer le fardeau de preuve du poursuivant. Une responsabilité absolue, découlant d’un actus reus que le poursuivant n’a pas à établir hors de tout doute raisonnable, laisse au contrevenant bien peu de moyens de disculpation.

 

[86]         En outre, dans l’arrêt Doyon, la Cour d’appel fédérale souligne que la Loi impose un lourd fardeau à l’Agence :

 

[20]  Enfin, et il s’agit là d’un élément important de toute poursuite, la charge de la preuve d’une violation appartient au ministre ainsi que le fardeau de persuasion. Il doit établir selon la prépondérance des [probabilités] la responsabilité du contrevenant : voir l’article 19 de la Loi.

 

[87]         L’article 19 de la Loi est ainsi libellé :

 

19.  En cas de contestation devant le ministre ou de révision par la Commission, portant sur les faits, il appartient au ministre d’établir, selon la prépondérance des probabilités, la responsabilité du contrevenant.

 

[88]         Dans Doyon, afin de déterminer si un demandeur avait violé le Règlement sur la SA, la Cour d'appel fédérale devait interpréter le sens des mots « il est interdit […] de transporter […] un animal qui, pour des raisons d’infirmité, de maladie, de blessure, de fatigue ou pour toute autre cause, ne peut être transporté sans souffrances indues au cours du voyage prévu » figurant à l’alinéa 138(2)a) de ce Règlement. À cette fin, elle a disséqué et analysé les différents « éléments » d’une violation que l’Agence doit établir au soutien d’un avis de violation, soit sept éléments dans le cas d’une violation de cette disposition précise. Cette approche va de pair avec les plus récentes observations que la Cour d'appel fédérale a formulées dans Canada (ACG) c. Stanford, 2014 CAF 234 (Stanford), où, aux paragraphes 41 à 44, Mme la juge Dawson explique la façon d’interpréter les textes législatifs, encore là dans le contexte de l’interprétation à donner à la Loi sur les SAP et à son règlement d’application [traduction] :

 

[41] L’approche privilégiée en matière d’interprétation des lois a été exposée de la façon suivante par la Cour suprême du Canada dans Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, 1998 CanLII 837 au paragraphe 21 :

 

Aujourd’hui il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur. Voir également R. c. Ulybel Enterprises Ltd., 2001 CSC 56, [2001] 2 R.C.S. 867, au paragraphe 29.

 

[42]  La Cour suprême a énoncé de nouveau ce principe de la façon suivante au paragraphe 10 de l’arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54,  [2005] 2 R.C.S. 601 :

 

Il est depuis longtemps établi en matière d’interprétation des lois qu’« il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » : voir 65302 British Columbia Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 804, par. 50. L’interprétation d’une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la Loi dans son ensemble. Lorsque le libellé d’une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d’interprétation. Par contre, lorsque les mots utilisés peuvent avoir plus d’un sens raisonnable, leur sens ordinaire joue un rôle moins important. L’incidence relative du sens ordinaire, du contexte et de l’objet sur le processus d’interprétation peut varier, mais les tribunaux doivent, dans tous les cas, chercher à interpréter les dispositions d’une loi comme formant un tout harmonieux. [non souligné dans l’original]

 

[43]  Cette formulation de l’approche applicable en matière d’interprétation des lois a récemment été reprise dans les arrêts Celgene Corp. c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 1, [2011] 1 R.C.S. 3, paragraphe 21, et Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale), 2011 CSC 25, [2011] 2 R.C.S. 306, paragraphe 27.

 

[44]  Il est implicite dans la méthode contextuelle d’interprétation des lois que le sens ordinaire et grammatical des mots employés dans une disposition n’est pas le seul élément porteur de sens. Le tribunal doit tenir compte de l’ensemble du contexte de la disposition qu’il doit interpréter, et ce, « même si, à première vue, le sens de son libellé peut paraître évident » (ATCO Gas and Pipelines Ltd. c. Alberta (Energy and Utilities Board), 2006 CSC 4, [2006] 1 R.C.S. 140, paragraphe 48). Le tribunal qui interprète une disposition tente d’établir l’intention du législateur grâce au texte et à l’ensemble du contexte. L’intention du législateur est « [l’]élément le plus important de cette analyse »
(R. c. Monney, [1999] 1 R.C.S. 652, 1999 CanLII 678, paragraphe 26).

 

[89]         Par conséquent, conformément à une interprétation selon laquelle la violation reprochée est « lue dans [son] contexte et dans [son] sens grammatical et ordinaire, en harmonie avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur », comment faut‑il interpréter la violation énoncée à l’alinéa 143(1)d) du Règlement sur la SA? En voici le texte : « il est interdit de transporter […] un animal dans […] un véhicule à moteur […], si l’animal risque de se blesser ou de souffrir indûment en raison […] d’une exposition indue aux intempéries ».

 

[90]         Au cours de sa plaidoirie finale, l’avocate de l’Agence a cité à la Commission plusieurs décisions visant à l’aider à interpréter cette disposition, notamment : Les Fermes G. Godbout & Fils Inc. c. Canada (ACIA), 2006 CAF 408 (Godbout); R. c. Maple Lodge Farms (2013), dossier de la CJO, (Brampton 10‑1160) (Maple Lodge Farms); Poirier‑Bérard c. Canada (ACIA), 2012 CRAC 23 (Poirier‑Bérard), Exceldor Coopérative c. Canada (ACIA), 2013 CRAC 9 (Exceldor, 2013 CRAC 9); 0830079 B.C. Ltd. c. Canada (ACIA), 2013 CRAC 34 (S&S Transport); Finley Transport Ltd. c. Canada (ACIA), 2013 CRAC 42, et E. Grof Livestock Ltd. c. Canada (ACIA), 2014 CRAC 11.

 

[91]         De plus, comme l’avocate de l’Agence l’a souligné au cours de sa plaidoirie finale, la Commission a déjà, dans le passé, appliqué la méthode d’interprétation énoncée dans Doyon en disséquant les éléments d’une violation visée à l’alinéa 143(1)d), au paragraphe 24 de la décision qu’elle a rendue dans Exceldor, 2013 CRAC 9. Dans cette décision-là, la Commission énumère les cinq éléments que l’Agence doit établir pour étayer la validité d’une violation de l’alinéa 143(1) d) du Règlement sur la SA. Ces cinq éléments, également énumérés au paragraphe 28 de la décision que la Commission a rendue dans Exceldor Coopérative c. Canada (ACIA), 2014 CRAC 8, sont les suivants :

 

1.      Un  animal a été transporté;

 

2.      L’animal a été transporté dans un wagon de chemin de fer, un véhicule à moteur, un aéronef, un navire, un cageot ou un conteneur;

 

3.      L’animal transporté risquait de se blesser ou de souffrir indûment en raison d’une exposition indue aux intempéries;

 

4.      L’auteur de l’acte reproché a transporté, ou a fait transporter, l’animal en question;

 

5.   Il existait un lien de causalité entre le transport effectué par le contrevenant, ou en son nom, dans lequel l’animal risquait de se blesser ou de souffrir indûment en raison d’une exposition indue aux intempéries et l’exposition aux intempéries.

 

 

4.1            Conclusions concernant les éléments 1 et 2

 

[92]         Les éléments 1 et 2 n’exigent aucune interprétation plus poussée. Soit un animal a été transporté dans un véhicule à moteur en l’espèce, soit il ne l’a pas été. La Commission conclut que l’Agence a établi les éléments  1 et 2. Il appert de la preuve que les poulets ont été transportés dans la remorque DEL‑64 le 29 octobre 2012.

 

 

4.2            Conclusion concernant l’élément 4

 

[93]         Dans la même veine, la question de savoir si l’auteur de la violation reprochée a transporté les oiseaux à la date en question ne nécessite pas une interprétation plus poussée. La Commission et la Cour d'appel fédérale se sont déjà prononcées au sujet d’une interprétation téléologique de ce qui constitue un « transport » dans le contexte du Règlement sur la SA. Au paragraphe 45 de la décision S&S Transport, la Commission s’exprime comme suit :

 

L’avocat de l’Agence a cité plusieurs décisions de la Commission dans le cadre desquelles on s’est penché sur la définition de « transport » au sens du Règlement sur la santé des animaux, y compris Sure Fresh Foods c. Canada (ACIA), 2010 CRAC 16; F. Ménard Inc. c. Canada (ACIA), RTA 60126, et Glenview Livestock Ltd. c. Canada (ACIA), RTA 60162. La Commission se fonde également sur l’arrêt de la Cour d’appel fédérale Canada (Procureur général) c. Ouellet, 2010 CAF 268, portant sur le contrôle judiciaire d’une décision de la Commission relative à une violation du paragraphe 141(1) du Règlement sur la santé des animaux, selon lequel « […] il est interdit à quiconque de charger dans un wagon de chemin de fer, un véhicule à moteur, un aéronef ou un navire, ou à un transporteur de transporter, des animaux d’espèces différentes ou de poids ou d’âge sensiblement différents sans les avoir séparés ». Dans cet arrêt, la Cour d’appel fédérale a précisément rejeté une conclusion de la Commission selon laquelle le « transport » prend fin lorsque les animaux se trouvent dans leur moyen de transport en attente d’un déchargement imminent à l’abattoir. Il semble donc que la définition de « transport » au sens du Règlement sur la santé des animaux soit maintenant un principe juridique bien établi. Bien que le « transport » englobe évidemment le temps effectivement passé « sur la route », il comporte plusieurs étapes, y compris les gestes physiques de charger, transporter et décharger les animaux. Il ne fait aucun doute que le lien de causalité dans l’affaire Ouellet était très direct et limité dans le temps. En effet, dans cette affaire, c’est le transporteur qui avait posé un geste interdit puisque c’était lui qui avait permis à la vache et aux veaux qui avaient été séparés de se retrouver ensemble en attendant le déchargement à l’abattoir, ce qui contrevient au paragraphe 141(1). Dans cette affaire, le temps d’attente avant le déchargement n’était que de 10 minutes. Cependant, il existe, même dans le cas présent où chacun des acteurs a participé activement à l’une ou à plusieurs des étapes de chargement, de transport et de déchargement des animaux, un lien de causalité, quoique moins direct que celui qui a été présenté dans l’affaire Ouellet. […]

 

[94]         L’affaire S&S Transport portait sur une violation du paragraphe 140(2) du Règlement sur la SA, selon lequel l’Agence devait prouver que les oiseaux dans cette affaire‑là étaient entassés pendant leur transport au point de risquer de se blesser ou de souffrir indûment. La Commission a conclu que les oiseaux avaient été disposés de manière entassée par les personnes chargées de la capture et qu’ils sont demeurés entassés à chaque étape du processus, y compris (1) le chargement, (2) le trajet, (3) l’arrivée et le déchargement de la remorque à l’établissement de transformation et (4) la période d’attente précédant l’abattage à l’établissement de transformation. Au cours de chaque étape du « transport », l’entassement reproché s’est poursuivi de telle sorte que les oiseaux risquaient de se blesser ou de souffrir indûment.

 

[95]         Dans la présente affaire, une définition similaire de la portée du transport s’appliquerait, même si la violation reprochée concerne l’alinéa 143(1)d) plutôt que le paragraphe 140(2) du Règlement sur la SA. Compte tenu de cette définition, le transport des oiseaux a débuté par leur chargement par l’équipe de ramasseurs employée par MLF (Brian’s Poultry Services Ltd.), s’est poursuivi par le voyage au cours duquel les poulets ont été transportés par LRFT dans une remorque de MLF entre la Pennsylvanie et le Sud de l’Ontario, puis par la livraison de la remorque par le chauffeur de LRFT dans l’abri d’attente de MLF, et n’a pris fin que lorsque les oiseaux ont finalement été déchargés pour être abattus par le personnel de MLF. En ce qui a trait à l’élément 4, il appert clairement de la preuve que LRFT a transporté 7 680 poules de réforme de l’État de la Pennsylvanie jusqu’au Sud de l’Ontario le 29 octobre 2012.

 

[96]         Une preuve abondante a été présentée au sujet de chacune des étapes du transport des poulets à bord de la remorque DEL‑64. La preuve a révélé que le transport de la cargaison a été très long : il a débuté à 11 h 30 le 29 octobre 2012, dans l’État de la Pennsylvanie, et a pris fin à 7 h 12 le 30 octobre 2012, à Brampton (Ontario) ce qui représente une période d’à peine un peu moins de 20 heures. Il ressort clairement de la preuve que LRFT n’a jamais été propriétaire des poulets. De plus, eu égard à la preuve, il est raisonnable d’affirmer qu’il est peu probable que LRFT ait eu la garde et la maîtrise des poulets lors du chargement (la première étape du transport) ou de l’attente à l’établissement de MLF (la dernière étape du transport) en ce qui concerne les 7 680 poulets transportés à bord de la remorque DEL-64. Ce qui est indéniable, c’est que LRFT était le transporteur des oiseaux au cours des deuxième et troisième étapes du transport, soit le trajet et la remise de la remorque chargée à l’établissement de MLF. En conséquence, en ce qui concerne l’élément 4, la Commission conclut que LRFT a effectué le transport des poulets.

 

[97]         Dans le cadre de cette conclusion, il importe de souligner que la preuve montre sans l’ombre d’un doute qu’aucun membre du personnel de LRFT n’était présent à l’établissement de MLF pendant la période de mise en attente de la cargaison DEL‑64 en vue de la transformation en soirée le 29 octobre et le matin du 30 octobre 2012. Il est également indéniable que cette façon de procéder correspondait à la pratique acceptée par l’industrie. M. Reuber a déclaré lors de son témoignage que MLF déterminait les cargaisons à ramasser, fournissait à LRFT les remorques devant servir à ramasser les cargaisons de poulets et attendait le retour de ces remorques à son établissement à un moment précis. En réalité, d’après la preuve présentée, LRFT n’a exercé aucun contrôle, sinon un contrôle très minime, sur les poulets au cours de leur capture et de leur chargement à bord de la remorque de MLF ou après le dépôt de ladite remorque à l’établissement de transformation de celle-ci.

 

[98]         En conséquence, une différence importante existe entre la présente affaire et les litiges que la Cour de justice de l’Ontario a récemment tranchés dans les affaires de Maple Lodge Farms. Dans ces affaires‑là, MLF était liée de façon claire et continue à la garde et au contrôle des oiseaux lors de chaque aspect du transport : elle avait embauché les personnes chargées de capturer les oiseaux, puis avait demandé à ses employés de conduire ses remorques à ses établissements de transformation, où ses employés ont déchargé la cargaison. De plus, les poulets lui appartenaient. En conséquence, dans ces affaires‑là, il n’était pas nécessaire d’analyser les rôles et responsabilités des différentes personnes ayant participé au transport des oiseaux, car toutes celles-ci semblaient relever du contrôle de LMF.

 

[99]         Dans la présente affaire, aucun élément de preuve ne donne à penser que MLF s’attendait à ce que LRFT participe au processus après avoir laissé la remorque de MLF à l’établissement de celle-ci. En conséquence, la Commission arrive à la conclusion que la participation de LRFT au transport des poulets a pris fin à 23 h 15 le 29 octobre 2012, quand LRFT a laissé la remorque qu’elle transportait à l’établissement de transformation de MLF. Elle convient qu’il est possible d’établir que l’action ou l’inaction du personnel de LRFT avant la remise de la remorque à l’établissement de transformation de MLF ait eu des séquelles après ce moment. Cependant, si aucune séquelle ne peut être attribuée à un moment où LRFT avait la garde et le contrôle des poulets, il serait contraire à la logique d’affirmer que LRFT a continué à transporter les oiseaux ou était responsable du transport de ceux-ci alors qu’aucun des membres de son personnel n’est resté avec la remorque et que cette présence n’aurait pas été exigée ni même tolérée après que MLF eut pris en main la surveillance et le contrôle de la remorque DEL‑64 à compter de 23 h 15 le 29 octobre 2012.

 

 

4.3            Conclusion concernant l’élément 3

 

[100]     En ce qui concerne l’élément 3, la Commission a présenté un examen détaillé, quant à la façon dont cet élément doit être interprété, aux paragraphes [108] à [123] de la décision suivante rendue relativement à l’incident de septembre : 473629 Ontario Inc. (LRFT) c. Canada (ACIA), 2014 CRAC 29. La Commission adopte également cette interprétation en l’espèce.

 

 

4.3.1       « En raison d’une exposition indue aux intempéries »

 

[101]     Dans le cadre de l’analyse énoncée dans 473629 Ontario Inc. (LRFT) c. Canada (ACIA), 2014 CRAC 29, la Commission établit trois types de circonstances où une personne serait susceptible d’être responsable de gestes causant une souffrance indue (réelle ou probable) à un animal en raison d’une exposition indue aux intempéries. Si la Commission démontre, selon la prépondérance des probabilités, l’existence de l’un de ces trois types de circonstances, l’Agence aura alors démontré cet élément de la violation.

 

[102]     Après un examen de la preuve détaillée en l’espèce et en s’appuyant sur les éléments de preuve suivants, la Commission est convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que les oiseaux à bord de la remorque DEL‑64 ont bel et bien souffert indûment en raison d’une exposition indue aux intempéries :

 

 

         le chargement des oiseaux s’est fait par temps frais, venteux et pluvieux;

 

         la température a continué de baisser pendant le chargement et le transport, de l’État de la Pennsylvanie à Brampton, passant de 10 à 3 °C, des températures bien au-dessous de la zone de confort des poules de réforme;

 

         selon le propre rapport du chauffeur de LRFT, il a dû composer avec des conditions météorologiques « horribles » et de la pluie continue le jour du trajet, et il lui a parfois été impossible de protéger les oiseaux de la pluie en raison des répercussions dues à l’ouragan Sandy;

 

         le chauffeur de LRFT et le répartiteur de MLF ont découvert 20 oiseaux morts ou davantage à l’arrivée de la remorque DEL‑64 à l’établissement de MLF le soir du 29 octobre 2012;

 

         finalement, 537 oiseaux ont été trouvés morts à bord de la remorque DEL‑64 lors du déchargement de celle-ci à des fins de transformation le matin du 30 octobre 2012;

 

         lorsqu’il a effectué une nécropsie, le Dr Sandhu a fait remarquer que les 10 oiseaux examinés étaient tous mouillés;

 

         à la lumière de la nécropsie qu’il a effectuée sur 10 oiseaux provenant de la remorque DEL‑64, le Dr Sandhu a conclu ceci [traduction] : « Selon mon avis professionnel, rien n’a indiqué la présence de quelque maladie infectieuse chez les oiseaux morts. Ainsi, le décès des oiseaux pourrait être imputable aux conditions pluvieuses et orageuses. »

 

[103]     Le Dr Sandhu était un témoin expert crédible, qui s’est exprimé clairement et était bien renseigné. Ses observations l’ont amené à conclure que [traduction] « le décès des oiseaux pourrait être imputable aux conditions pluvieuses et orageuses », une conclusion qui était honnête et crédible, particulièrement lorsqu’il en est venu à cette conclusion selon une norme moindre que la certitude absolue.  De plus, ses conclusions étaient fondées sur des inférences logiques qui étaient conformes à d’autres éléments de preuve présentés en l’espèce.

 

[104]     Les événements survenus le 29 octobre 2012 font en sorte que la conduite de LRFT s’inscrit dans le cadre du premier ou du second type de circonstances établis dans 473629 Ontario Inc. (LRFT) c. Canada (ACIA), 2014 CRAC 29, en tant que circonstances particulières où des animaux peuvent être blessés ou souffrir indûment en raison d’une exposition indue aux intempéries. Il est possible d’imaginer que les conditions météorologiques extrêmes le 29 octobre 2012 cadrent avec le premier type de circonstances et qu’elles auraient dû être prévisibles pour LRFT puisque l’ouragan Sandy et ses répercussions auraient été prédits dans le cadre des prévisions météorologiques quotidiennes.

 

[105]     Cependant, il se pourrait que les conditions météorologiques du 29 octobre 2012 cadrent avec le second type de circonstances. Bien qu’il ait été pratiquement impossible de prédire les conditions météorologiques extrêmes associées à l’ouragan Sandy (pluie violente, chute soudaine de température et vents violents), les conditions étaient telles que même les meilleurs efforts du chauffeur de LRFT ne pouvaient protéger les oiseaux d’une souffrance indue en raison de leur exposition indue aux intempéries. La Commission reconnaît que le chauffeur de la remorque DEL‑64 a recouvert la cargaison à l’aide de bâches des deux côtés et qu’il a fermé les dispositifs de ventilation sans aucun doute afin de protéger les oiseaux des intempéries. Cependant, compte tenu des conditions météorologiques ce jour-là, même cela n’était pas suffisant pour protéger les oiseaux d’une exposition indue aux intempéries. Bien que M. Reuber ait déclaré lors de son témoignage que la pratique adoptée ce jour-là par le chauffeur, soit d’avoir mis en place des bâches, constituait une étape adéquate et prudente qui a permis de protéger les oiseaux de la pluie, une telle démarche s’est avérée insuffisante le 29 octobre 2012.

 

[106]     D’une façon ou d’une autre, la meilleure approche aurait consisté à annuler le ramassage, même si cela aurait pu s’avérer difficile à mettre en pratique dans l’industrie du transport des poules de réforme. Au lieu de cela, LRFT a choisi, par l’entremise de son chauffeur, d’effectuer le ramassage en Pennsylvanie, de conduire dans des conditions météorologiques [traduction] « horribles » et de livrer les poules de réforme à MLF. Des poulets ont souffert et sont morts lors du transport. Des poulets semblaient déjà morts dans la cargaison à l’arrivée à l’établissement de MLF.

 

[107]     En conséquence, la Commission conclut que les oiseaux ont été indûment exposés aux intempéries le 29 octobre 2012 et que l’Agence a donc établi l’élément 3 de la violation reprochée.

 

 

4.3.1.1            Les oiseaux ont souffert indûment en raison d’une exposition indue aux intempéries ou pour d’autres raisons

 

[108]     L’avocat de LRTF donne à penser que selon les éléments de preuve présentés en l’espèce, il pourrait y avoir eu bon nombre d’autres facteurs, autres qu’une exposition indue aux intempéries, susceptibles d’avoir causé la mort des poulets, notamment l’âge des oiseaux, le fait qu’ils aient terminé leur cycle de vie utile comme poules pondeuses, les conditions de la capture, le long trajet, le long temps d’attente précédant la transformation, ainsi que les conditions météorologiques au cours du transport.

 

[109]     Contrairement aux éléments de preuve présentés dans le cadre de l’affaire concernant l’incident de septembre, la décision 473629 Ontario Inc. (LRFT) c. Canada (ACIA), 2014 CRAC 29, il y a peu d’éléments de preuve donnant à penser que, selon la prépondérance des probabilités, la mort des oiseaux a été causée par autre chose qu’une exposition indue aux intempéries. En l’espèce, aucune preuve n’a été présentée par le producteur initial relativement au « taux de mortalité » des oiseaux à leur départ de la ferme du producteur. L’avocat de LRFT fait valoir que selon la prépondérance des probabilités, il ne peut être démontré que la cause de décès des volailles est imputable au temps pluvieux et orageux. Plusieurs autres facteurs, notamment des pattes fracturées, leur déplacement de la grange au camion, le retrait de leur nourriture, les longs trajets, le plumage insuffisant, et la maladie au sein du groupe de volailles, auraient pu causer la mort des poulets de cette cargaison. Bien que la Commission ait examiné et évalué le poids de ces éléments de preuve, elle demeure convaincue que la cause la plus évidente de la souffrance indue et de la mort des poulets dans la cargaison DEL‑64 était une exposition indue aux intempéries.

 

[110]     Par conséquent, la Commission est convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que l’Agence a établi que les oiseaux avaient souffert indûment en raison d’une exposition indue aux intempéries.

 

 

4.4            Élément 5

 

[111]     En ce qui concerne l’élément 5, selon lequel il existait un lien de causalité entre LRFT, le transport et la blessure ou souffrance indue, réelle ou probable, causée à l’animal en raison d’une exposition indue aux intempéries, à la lumière des éléments de preuve présentés, la Commission conclut, selon la prépondérance des probabilités, que LRFT a, pendant sa partie du transport des poulets en question, commis des gestes qui ont fait en sorte que certains poulets de la cargaison DEL‑64 ont souffert indûment en raison d’une exposition indue aux intempéries.

 

[112]     Les conditions météorologiques lors du transport le 29 octobre 2012, étaient extrêmes. De telles conditions démontrent clairement l’existence d’un lien de cause à effet entre le fait d’avoir déplacé un grand nombre d’oiseaux au plumage déficient par temps très frais, pluvieux et venteux et leur décès lors du trajet vers l’établissement de MLF situé à des centaines de kilomètres. Quand les conditions météorologiques sont susceptibles d’entraver la livraison sécuritaire des animaux à destination, un chauffeur courra certainement le risque d’entraîner une exposition indue de ses animaux aux intempéries. Les éléments de preuve du 29 octobre 2012, démontrent indéniablement un lien de cause à effet. La Commission est consciente de la preuve conflictuelle présentée en l’espèce quant au moment précis où les oiseaux sont morts et à la façon dont ils sont morts. Cependant, le fait demeure qu’il existe une prépondérance de preuve qui amène à conclure, selon la prépondérance des probabilités, que les poulets ont souffert indûment en raison d’une exposition indue aux intempéries par suite de la conduite de LRFT.

 

[113]     Me Oldfield, avocat de LRFT, a fait valoir que la cargaison en question [traduction] : « a été affectée par des conditions météorologiques épouvantables dues à l’ouragan Sandy. Bien que le chauffeur se soit arrêté de temps en temps pour inspecter les oiseaux, il n’a pu faire autrement que de conduire dans des conditions météorologiques difficiles. Toutefois, la cargaison est quand même arrivée à l’usine de Maple Lodge Farms dans un état raisonnable, mais à cause d’une erreur de communication avec Maple Lodge Farms, la cargaison n’est pas passée à l’abattage en priorité, ce qui aurait dû se produire en raison des conditions météorologiques dans lesquelles le transport des oiseaux s’était fait. »

 

[114]     Ces arguments ne font que souligner la conclusion de la Commission selon laquelle les oiseaux ont été exposés de façon continue, durant le transport de l’État de la Pennsylvanie à Brampton, à de fortes pluies et de forts vents. Bien que les solutions de rechange à la portée du chauffeur pour éviter ces conditions météorologiques extrêmes, à part le fait de refuser d’effectuer le chargement des 7 680 poules ce matin-là, fussent limitées, la violation reprochée en est une de responsabilité absolue.  Une fois que l’Agence a établi les éléments nécessaires de l’infraction, selon la prépondérance des probabilités, l’auteur de l’acte reproché dispose de peu de moyens de défense à l’encontre de l’accusation.

 

[115]     Enfin, conformément aux pratiques de l’industrie telles qu’elles sont énoncées au paragraphe 7.2.2 du code sur la volaille et au paragraphe 2.2.1 du code sur le transport et telles que décrites par le témoin, le D Farenhorst, le chauffeur est responsable du soin et du bien-être de toutes les volailles au cours du transport et particulièrement dans des conditions météorologiques difficiles. Bien qu’elles ne constituent pas des lois, ces normes de l’industrie fournissent à la Commission une base pour comprendre les obligations juridiques énoncées dans le cadre du Règlement sur la SA.

 

 

5.                 Les moyens de défense disponibles en droit

 

[116]     Le régime de sanctions administratives pécuniaires prévu par le Parlement est très rigoureux dans son application. La Loi sur les SAP crée un régime de responsabilité très peu tolérant, puisqu’elle ne permet pas de moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable ou l’erreur de fait. L’article 18 de la Loi sur les SAP est ainsi libellé :

 

18. (1)  Le contrevenant ne peut invoquer en défense le fait qu’il a pris les mesures nécessaires pour empêcher la violation ou qu’il croyait raisonnablement et en toute honnêteté à l’existence de faits qui, avérés, l’exonéreraient.

 

(2)  Les règles et principes de la common law qui font d’une circonstance une justification ou une excuse dans le cadre d’une poursuite pour infraction à une loi agroalimentaire s’appliquent à l’égard d’une violation sauf dans la mesure où ils sont incompatibles avec la présente loi.

 

[117]     Si une disposition prévoyant des sanctions administratives pécuniaires a été édictée pour une violation particulière, comme c’est le cas pour l’alinéa 143(1)d) du Règlement sur la SA, LRFT ne dispose que de très peu de moyens de défense. En l’espèce, l’article 18 exclut, en quelque sorte, la possibilité pour LRFT d’invoquer toute excuse, y compris l’impression qu’avait LRFT d’agir correctement en exerçant une diligence raisonnable et en respectant le code sur la volaille. L’argument soulevé par Me Oldfield au nom de son client selon lequel [traduction] « De l’avis de Little Rock Farm Trucking, cette dernière et ses chauffeurs ont agi conformément aux normes professionnelles en tout temps et ont exercé une diligence raisonnable afin d’assurer le transport sécuritaire des oiseaux » bien qu’il soit peut‑être vrai, n’est pas un moyen de défense autorisé en vertu de la Loi sur les SAP. Compte tenu de la volonté clairement exprimée par le Parlement sur cette question, la Commission reconnaît que des arguments de ce genre formulés par LRFT et son avocat ne constituent pas des moyens de défense valides en application de l’article 18.

 

[118]     Par conséquent, la Commission conclut que, selon la prépondérance des probabilités, l’Agence a établi tous les éléments essentiels de la violation et que l’avis de violation avec sanction est maintenu.

 

 

6.                 Conclusions

 

[119]     La seule question qu’il reste à déterminer par la Commission est celle de savoir si l’Agence a prouvé que le montant de 7 800 $ se justifie aux termes de la Loi sur les SAP et du Règlement sur les SAP. La Commission estime que ce montant n’est pas justifié en application de la Loi sur les SAP et du Règlement sur les SAP pour les raisons suivantes. Le montant approprié s’élève plutôt à 6 000 $.

 

[120]     Le calcul du montant adéquat de la sanction varie d’abord selon qu’il s’agit d’une violation mineure, grave ou très grave au sens de l’annexe 1 du Règlement sur les SAP. Une violation décrite à l’alinéa 143(1)d) du Règlement sur la SA appartient à la catégorie des violations graves. Plus particulièrement, la violation en question énoncée dans le Règlement sur les SAP à l’article 252 de la section 2 de la partie 1 de l’annexe 1, à savoir, « [t]ransporter ou faire transporter un animal en l’exposant indûment aux intempéries », est qualifiée de violation grave. Le jour où la violation a été commise, l’article 5 du Règlement sur les SAP fixait le montant d’une sanction grave à 6 000 $. En l’espèce, le montant de base de 6 000 $ peut être rajusté à la hausse ou à la baisse en fonction de trois facteurs : le nombre de violations antérieures, le niveau d’intention de l’auteur de l’infraction et la gravité du tort. Des cotes allant de 0 à 5 ont été données par l’Agence pour chacun des trois facteurs, puis elles sont additionnées afin d’établir le montant final de la sanction. Si le total se situe de 6 à 10, le montant de base de la sanction n’est pas rajusté. Si le total est inférieur à 6, le montant de base est rajusté à la baisse; s’il est supérieur à 10, le rajustement se fait à la hausse.

 

 

6.1            Violations antérieures

 

[121]     Selon la partie 1 de l’annexe 3 du Règlement sur les SAP, si l’auteur de la violation reprochée a commis plus d’une violation mineure ou grave au cours des cinq ans précédant la date de la violation, une cote de gravité de 5 est attribuée. En l’espèce, l’Agence a allégué, mais n’a présenté aucun élément formel pour l’établir, que LRFT a commis au moins deux violations au cours des cinq ans précédant la date de la violation. Dans des affaires précédentes instruites devant la Commission, telle que l’affaire Exceldor c. Canada (ACIA), 2014 CRAC 8, l’Agence a présenté des éléments de preuve sous la forme de copies authentiques de données saisies dans sa base de données relatives à des violations qui ont été reconnues ou maintenues à l’encontre de l’auteur de la violation reprochée. Puisque la Loi sur les SAP constitue un régime de responsabilité absolue, il incombe à l’Agence d’établir les éléments de la violation et le fondement du calcul de la sanction.

 

[122]     En l’espèce, la seule preuve de violations antérieures présentée à l’encontre de LRFT ne fait pas partie des documents versés aux onglets du rapport de l’Agence mais plutôt d’une page non numérotée insérée entre les pages 13 et 14 du sommaire de cas figurant dans le rapport de l’Agence. Si M. Reuber, témoin de LRFT, et l’avocat de LRFT, n’avaient pas reconnu ces violations antérieures, la Commission aurait été fort réticente à reconnaître comme étant suffisante la preuve que l’Agence a présentée sous forme de sommaire plutôt que sous forme plus officielle de l’existence de chacune de ces violations. Compte tenu de la preuve de nature plutôt informelle présentée par l’Agence et de la reconnaissance de ces violations par LRFT et son avocat, la Commission conclut qu’il y a une preuve suffisante sur ce point pour conclure qu’il existe plus d’une violation antérieure reprochée à LRFT au cours des cinq dernières années. Par conséquent, la Commission reconnaît la cote 5 à titre de facteur de calcul.

 

 

6.2            Intention ou négligence

 

[123]     Selon la partie 2 de l’annexe 3 du Règlement sur les SAP, l’Agence doit évaluer si la violation a été commise sciemment ou par négligence. L’Agence aurait dû donner une cote de gravité 0, laquelle correspond à une situation où « [l]a violation n’est commise ni sciemment ni par négligence » (article 1). Conformément au Règlement sur les SAP, une cote de 0 peut également être donnée quand « [l]e contrevenant divulgue volontairement la violation et prend les mesures voulues pour se conformer à l’avenir » (article 2); une cote de 3 est donnée quand « [l]a violation est commise par négligence » (article 3); et une cote de 5 est donnée quand « [l]a violation est commise sciemment » (article 4). L’Agence a établi que la violation a été commise par négligence (page 14 du rapport de l’Agence).

 

[124]     Les éléments de preuve présentés en l’espèce n’indiquent aucune négligence de la part du chauffeur de LRFT. En fait, la preuve a établi assez clairement qu’il a fait tout ce qu’il pouvait lors du transport des poulets dans des conditions de pluie et de vent causées par un ouragan. Ses gestes n’étaient pas négligents, mais malgré ses meilleurs efforts, la Commission est parvenue à une conclusion de fait selon laquelle les poulets ont subi des blessures ou sont morts en raison de leur exposition indue aux conditions météorologiques causées par l’ouragan Sandy. En qualité d’infraction de responsabilité absolue, cela suffisait pour prouver la violation.

 

[125]     Cependant, la compagnie de transport, ou son employé le chauffeur, ne devraient pas être à nouveau punis en raison des conditions météorologiques exceptionnelles. Il serait possible de soutenir que LRFT n’aurait jamais dû envoyer le camion pour effectuer le ramassage des poulets ce jour-là. Il ressort de la preuve que LRFT était très limitée dans le choix des jours, des cargaisons et des destinations à partir desquelles elle doit transporter les poulets. Il est plus probable que MLF soit dirigeant de ces aspects. Selon la preuve, l’intention de LRFT le jour en question était de tirer le meilleur parti d’une situation où le temps était très mauvais, de faire preuve de la prudence et de l’attention nécessaires pour livrer les poulets à MLF sans blessures. À la fin, et d’un point de vue factuel, elle n’y est pas parvenue, mais de l’avis de la Commission, ce n’est pas parce qu’elle a fait preuve d’insouciance ou de négligence. Par conséquent, la Commission évalue à 0 la cote de gravité, ce qui est conforme avec ce qui s’est produit en l’espèce, alors que la violation n’a été commise ni sciemment ni par négligence par LRFT.

 

 

6.3            Préjudice

 

[126]     En ce qui a trait au troisième facteur, l’Agence a attribué une cote de gravité 5, parce qu’un tort grave a été causé à la santé des animaux. Tel qu’il est mentionné plus haut, LRFT était responsable de s’assurer que les oiseaux ne souffrent pas indûment en raison d’une exposition indue aux intempéries le 29 octobre 2012. La Commission a tiré la conclusion de fait que LRFT a failli à ce chapitre. Selon l’article 3, partie 3, annexe 3 (« Gravité du tort »), une cote de gravité 5 est attribuée quand « [l]a violation cause a) soit un tort grave ou étendu à la santé humaine, animale ou végétale ou à l’environnement ». La Commission souscrit à l’avis de l’Agence selon lequel cette violation a causé un tort grave à la santé animale le 29 octobre 2012.

 

 

6.4            Montant de la sanction, ordonnance et possibilité d’une mesure de renvoi dans cinq ans

 

[127]     Eu égard aux éléments de preuve présentés, la Commission estime donc qu’une cote de gravité globale pour le rajustement de la sanction en l’espèce n’est pas la cote 13 telle que proposée par l’Agence, mais plutôt 10. Cette valeur est calculée comme suit : 1) la cote 5 pour les violations antérieures; 2) la cote 0 pour le niveau d’intention, étant donné que la violation n’a été commise ni sciemment ni par négligence; et 3) la cote 5 pour la gravité du tort. Puisque la Commission évalue à 10 la cote de gravité globale pour la présente violation, il ne devrait y avoir aucun rajustement à la baisse ou à la hausse du montant de base de la sanction, tel qu’il est exigé à l’annexe 2 du Règlement sur les SAP.  Le montant approprié de la sanction devrait s’élever à 6 000 $ au lieu du montant de 7 800 $ énoncé dans l’avis de violation.

 

[128]     La Commission statue donc, par ordonnance, que LRFT a commis la violation et elle lui ordonne de payer à l’Agence la somme de 6 000 $ à titre de sanction pécuniaire dans les trente (30) jours suivant la notification de la présente décision.

 

[129]     La Commission informe LRFT que cette violation n’est pas un acte criminel. Dans cinq (5) ans, LRFT pourra demander au ministre que cette violation soit rayée de son dossier, conformément au paragraphe 23(1) de la Loi sur les SAP, ainsi libellé :

 

23. (1)  Sur demande du contrevenant, toute mention relative à une violation est rayée du dossier que le ministre tient à son égard cinq ans après la date soit du paiement de toute créance visée au paragraphe 15(1), soit de la notification d’un procès-verbal comportant un avertissement, à moins que celui-ci estime que ce serait contraire à l’intérêt public ou qu’une autre mention ait été portée au dossier au sujet de l’intéressé par la suite, mais n’ait pas été rayée.

 

 

Fait à Ottawa (Ontario), ce 24e jour du mois d’octobre 2014.

 

 

 

 

 

 

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Donald Buckingham, président

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