Décisions de la Commission de révision agricole du Canada

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RTA no 60359

 

 

 

LOI SUR LES SANCTIONS ADMINISTRATIVES PÉCUNIAIRES

EN MATIÈRE D'AGRICULTURE ET D'AGROALIMENTAIRE

 

 

 

DÉCISION

 

 

 

Affaire intéressant une demande de révision des faits relatifs à une violation en vertu de l'article 39 du Règlement sur la protection des végétaux, allégué par l'intimée, et à la demande de la requérante conformément à l'alinéa 9(2)c) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire.

 

 

 

 

Fadumo Hassan Migil, requérante

 

 

- et -

 

 

Agence des services frontaliers du Canada, intimée

 

 

 

 

MEMBRE H. LAMED

 

 

Décision

 

[1] Suite à une audience et après avoir examiné toutes les observations écrites et orales, la Commission statue, par ordonnance, que la requérante n'a pas commis la violation.

 


MOTIFS

 

 

[2]               La requérante a demandé la tenue d'une audience conformément au paragraphe 15(1) du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire.

 

[3]               Une audience a eu lieu le 18 septembre 2009 à Ottawa.

 

[4]               La requérante, Mme Fadumo Hassan Migil, n'était pas présente à l'audience. Elle a été représentée par son époux, M. Didar.

 

[5]               L'intimée a été représentée par Mme Rosemary Copeland-Jones.

 

[6]               Les représentants des parties ont convenu de procéder même en l'absence de la requérante. La Commission a précisé qu'elle évaluerait la preuve présentée selon les règles ordinaires.

 

[7]               L'Avis de violation no YOW-08-0121 daté du 5 février 2008 allègue que la requérante, « à ou aux alentours de 18 h 30, le 5 février 2008, à Ottawa, dans la province de l'Ontario, a commis une violation, à savoir : The above named person, committed a violation, namely : fail to declare wood with bark as perscribed (sic) contrary to sec 39, Plant Protection Regulations » contrairement à l'article 39 du Règlement sur la protection des végétaux.

 

[8]               L'article 39 du Règlement sur la protection des végétaux se lit comme suit :

 

39. Quiconque importe au Canada une chose qui soit est un parasite, soit est parasitée ou susceptible de l'être, soit encore constitue ou peut constituer un obstacle biologique à la lutte antiparasitaire, déclare cette chose, au moment de l'importation, à l'inspecteur ou à l'agent des douanes à un point d'entrée énuméré au paragraphe 40(1).

 

 


LA PREUVE

 

 

La carte de déclaration des douanes E311

 

[9] La carte de déclaration des douanes E311 est produite à l'onglet 3 du Rapport de l'intimée. La carte de déclaration des douanes E311 indique que Mme Migil a coché « non » à toutes les rubriques, y compris celle concernant « Food (fruits, vegetables.. » Questionné au sujet de la carte de déclaration des douanes E311, M. Didar a dit que Mme Migil ne sait ni lire ni écrire. Il a dit qu'il reconnaissait le signe ou sigle de son épouse sur la ligne de signature, mais que la carte a dû être complétée par un tiers. M. Didar a confirmé que Mme Migil est entrée au Canada en provenance de Londres, RU, sur le vol Air Canada 889 le 5 février 2008.

L'inspection

 

[10] Le « Rapport de non conformité pour voyageurs aux points d'entrée » est produit à l'onglet 4 du Rapport de l'intimée. Le rapport de non conformité nomme Mme Annie Rochon (#17129) comme agent à l'inspection primaire et M. Liban Issa (#16285) comme agent à l'inspection secondaire. La Commission note que ce rapport n'est pas signé, et il n'y a aucune indication qui l'aurait rempli. Le Rapport de non conformité constate la découverte de trois bâtons de bois utilisés comme brosses à dents. Sous la rubrique « Produit caché de quelle manière? (veuillez préciser) », l'on a inscrit « Hidden in second suitcase, wrapped in a plastic bag in between clothing. »

 

[11] Par courriel daté le 4 mars 2008, produit à l'onglet 2, adressé à Mme Copeland-Jones, Mme Annie Rochon confirme avoir agi à titre d'agent d'inspection primaire à la date et à l'heure de l'arrivée de Mme Migil. Elle dit ne pas se souvenir spécifiquement de Mme Migil. Est produit également à l'onglet 2 une déclaration de M. Liban Issa, inspecteur secondaire. Il y affirme que Mme Migil s'est approchée du comptoir et lui a remis sa Carte de déclaration des douanes E311. M. Issa affirme que la fouille d'un premier bagage de Mme Migil a révélé la présence de bonbons, chocolat et biscuits de la RU, et la fouille d'un deuxième bagage a révélé la présence des morceaux de bois en question, par lui ainsi décrits : « wooden sticks, commonly used as « toothbrushes » in some parts of Africa and the Middle East. Note that the wood products did in fact originate in East Africa. »

 

[12] Au dernier paragraphe de sa déclaration, produite à l'onglet 2, M. Issa dit avoir remis l'Avis de violation à Mme Migil, et lui avoir demandé de le réviser. Une fois sa révision complétée, il dit qu'il a expliqué à Mme Migil ses options quant à l'Avis de violation, a réduit la pénalité et lui a fait signé le formulaire, indiquant qu'elle a accepté la violation. Puisqu'elle n'avait pas assez d'argent avec elle pour acquitter le montant de la violation, il lui aurait informé qu'elle avait 15 jours pour payer le montant réduit.

 


La preuve de la requérante

 

[13] Par lettre non datée, mais reçue par la Commission le 13 février 2008, la requérante a présenté son point de vue sur les circonstances entourant l'Avis de violation. M. Didar témoigne qu'il a rédigé cette lettre pour le compte de son épouse, selon ce qu'elle lui rapportait. Dans cette lettre, la requérante rapporte :

 

Je m'approche vers le douanier et je vois un douanier non de ma tribu (somalien) qui voudra recevoir ma valise.Celui-ci fouille toute ma valise, n'ayant pas trouver [sic] de quoi à me reprocher, il me demande mon sac à main et jette dehors tout le contenu, il trouve l'écorce sec que j'ai utilisé plus de mois pour faire sortir la viande qui rentre dans les dents, que j'avais pendant que j'étais au Canada. C'était un bout de branche que j'ai coupé devant ma maison d'Ottawa. J'ai essayé de le convaincre et lui dire la vérité mais ce n'était pas possible selon les mots et les phrases qu'il prononçait, il semblait que ces monsieurs (sic) transportait (sic) la guerre de notre pays au Canada.

 

[14] Lors de l'audience, M. Didar a dit que le bois en question venait de l'arbre devant la maison à Ottawa et qu'il l'avait coupé lui-même. Il a aussi dit que M. Issa et son épouse se sont reconnus comment venant du même pays. Il a dit que son épouse était en voie de sortir de la salle des arrivés, lorsqu'elle est allée aider une autre dame, et c'est à ce moment que M. Issa l'aurait convoquée à l'inspection secondaire. La Commission a expliqué que ces deux derniers éléments constituent du ouï-dire et bien qu'elle puisse en tenir compte, elle doit néanmoins leur accorder la valeur probante appropriée dans son analyse de la preuve.

 

Analyse

 

[15] La preuve tend à démontrer qu'il y avait une certaine « toile de fonds » colorant les circonstances de l'inspection secondaire dans le cas de la requérante, qui pourrait mener une personne y impliquée à questionner l'intégrité et l'impartialité de la procédure d'inspection. La Commission s'arrête particulièrement aux éléments suivants : les témoignages contradictoires quant à la place où se trouvaient les morceaux de bois, (valise ou sac à main); le fait que l'aspect clandestin (« cachés dans un sac en plastique entre les vêtements ») décrit au Rapport de non conformité n'est pas reconduit à la déclaration subséquente de l'inspecteur Issa; le fait que l'inspecteur affirme avec certitude que le bois vient de l'Afrique de l'Est, mais ne rapporte pas la version de la requérante quant à l'origine du bois, et le fait qu'il lui a fait signé l'Avis de violation alors que le montant réduit ne fut pas payé au point d'entrée.

 

[16] La Commission peut comprendre comment une personne dans la situation de la requérante aurait pu formuler l'impression d'avoir été ciblée par l'inspecteur, et même si cela n'était pas le cas en réalité, il est important de ne pas brimer la confiance dans le système d'inspection au point d'entrée.


[17] Cependant, la Commission estime que les irrégularités dans la procédure d'inspection ne sont pas suffisamment graves pour justifier le rejet de l'Avis de violation d'emblée.

 

[18] La Commission se réfère à l'article 2 de la Loi sur la protection des végétaux qui énonce ainsi le but de la réglementation de l'importation des produits végétaux qui se lit comme suit :

 

2. La présente loi vise à assurer la protection de la vie végétale et des secteurs agricole et forestier de l'économie canadienne en empêchant l'importation, l'exportation et la propagation de parasites au Canada et en y assurant la défense contre ceux-ci ou leur élimination. 

 

[19] La Commission a déjà décidé dans l'affaire Dhahira Ibrahim et l'Agence des services frontaliers du Canada (RTA no 60248) que l'importation de morceaux de bois utilisés comme brosses à dents en provenance de la Somalie constituait une violation de l'article 39 du Règlement sur la protection des végétaux. Dans cette décision, le président Barton a dit ce qui suit :

 

.

 

L'intimée a ajouté qu'un fait bien connu, et je suis d'accord avec elle, est que l'écorce des arbres puisse être porteuse d'insectes et d'oufs d'insectes et pourrait donc être parasitée par des espèces exotiques envahissantes.

 

.

 

[20] Qu'en est- il si le bois est originaire du Canada, et fait un voyage aller-retour en Angleterre, tel que maintient la requérante? La Commission opine que la réponse est renfermée dans les Exigences d'Importation de l'Agence canadienne d'inspection des aliments (dont un extrait est produit à l'onglet 9 du Rapport de l'intimée) qui indique sous la rubrique « Wood » que lorsque du bois est d'origine canadienne et revient au Canada, même en provenance du Royaume Uni, sans égard à la sorte d'arbre :

 

.

 

Dans le cas de matériel d'origine canadienne revenant au Canada, le renvoi doit demeurer dans son emballage original et être protégé contre les risques d'infestation. L'envoi doit donc.demeurer séparé de tout autre matériel.

 

.


[21] Il ressort de cette exigence que le bois d'origine canadienne qui voyage à l'étranger et qui est enveloppé peut être rapatrié. Dans ce cas, la preuve de l'intimée est à l'effet qu'il a trouvé les morceaux de bois enveloppés dans un sac en plastique dans le bagage de la requérante. La requérante dit que les morceaux de bois étaient dans son sac à main, mais ne nie pas qu'ils étaient dans un sac en plastique. De plus, l'intimée n'a fourni aucune preuve que les morceaux de bois ont été sortis du sac en plastique à l'étranger. Il n'y a rien dans le rapport de l'inspecteur qui indique qu'il aurait posé cette question à la requérante. On aurait peut-être eu plus de clarté sur ces questions si M. Issa avait été à l'audience pour présenter sa preuve. Elle est loin d'être complète ou claire, mais en balance, la preuve tend à démontrer que les morceaux de bois ont été enveloppés en plastique et donc à l'abri de risque d'infestation en vertu de la Loi sur la protection des végétaux. La Commission vient à la conclusion que l'intimée n'a pas établi, sur la balance des probabilités que la violation a été commise.

 

 

Fait à Ottawa, le 25 octobre 2009.

 

 

 

 

 

 

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H. Lamed, Membre

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