Décisions de la Commission de révision agricole du Canada

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RTA no 60355

 

 

 

 

LOI SUR LES SANCTIONS ADMINISTRATIVES PÉCUNIAIRES

EN MATIÈRE DAGRICULTURE ET DAGROALIMENTAIRE

 

 

 

 

DÉCISION

 

 

 

Affaire intéressant une demande de révision des faits relatifs à une violation de la disposition 138(2)a) du Règlement sur la santé des animaux, alléguée par l’intimée, et à la demande de la requérante conformément au paragraphe 8(1) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière dagriculture et dagroalimentaire.

 

 

 

 

Ferme Vermado Inc., requérante

 

 

-et-

 

 

LAgence canadienne dinspection des aliments, intimée

 

 

 

 

LE MEMBRE H. LAMED

 

Décision

 

Après avoir examiné toutes les observations écrites, la Commission statue, par ordonnance, que la requérante n’a pas commise la violation allèguée.

 

 

 

 

 

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MOTIFS

 

La requérante a demandé une révision des faits entourant la violation avec avertissement par voie de soumissions écrites.

 

Il s’agit d’un avis de violation avec avertissement en vertu de l’alinéa 138(2)a) du Règlement sur la santé des animaux C.R.C. c. 296.

 

L’avis de violation en date du 19 décembre 2008, allègue que la requérante, le 16 avril 2008 à Yamachiche, dans la province de Québec, a commis une violation, notamment: “a fait transporter un animal par véhicule moteur qui, pour des raisons d’infirmité, de maladie, de blessure, de fatigue ou pour toute autre cause, ne pouvait être transporté sans souffrances indues au cours du voyage prévu.”

 

La preuve de l’intimée concernant la violation est renfermée dans son Rapport en date du 3 mars 2009, transmis à la requérante.

 

La requérante a déposé deux déclarations écrites en date du 10 mars 2009, une signée par son président M. Michel Beauregard, et l’autre signée par M. Michael Brodeur, expert en production porcine auprès de Provimi Canada.

 

L’intimée a déposé des représentations écrites en date du 25 mars 2009.

 

LA PREUVE

 

Le 16 avril 2008, entre 11 h 36 et 12 h 40, le transporteur 9170-3884 Québec Inc. a livré 59 porcs à l’abattoir ATrahan Transformation Inc. (Bon de réception, Onglet 2, Rapport de l’intimée). D’après le bon de réception, 33 de ces porcs provenaient de la requérante et 26 provenaient de Hélène Brisebois et Robert Ares (« Brisebois et Ares »). Le numéro de tatouage afférent aux animaux de la requérante est 08553 et celui des animaux provenant de Brisebois et Ares est 62680.

 

Le Rapport de non-conformité signé par l’inspectrice Isabelle Fortier (Onglet 6, Rapport de l’intimée) dit que celle-ci a vérifié le déchargement d’un lot de 59 porcs provenant de la Ferme Vermado. Le déchargement était en cours lorsqu’elle s’était présentée pour faire l’inspection. Madame Fortier rapporte qu’un des porcs, désigné à l’abattoir comme S-20, a été retenu pour maigreur (un tel porc est appelé un « radet »).

 

 

 

 

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Madame Fortier indique que ce porc portait le tattoo (sic) 08553, avait un poids anormalement moindre, un abdomen distendu, et un poil hirsute. Le porc avait le dos rond et le souffle court. Le porc a été euthanasié à l’abattoir. Le rapport conclut : « cet animal aurait dû obtenir des soins vétérinaires avant d’être transporté. Le transport a causé des souffrances supplémentaires à un porc déjà malade ». Sur la question de la provenance du porc S-20, l’intimée réfère au bon de réception et aux photographies du porc S-20 produites à l’Onglet 3 de son Rapport, pour argumenter au paragraphe 4, page 2 de ses soumissions que les trois premiers chiffres 085, sont visibles sur deux des photos et qu’il s’agit donc du tatouage de la requérante.

 

M. Beauregard, président de la requérante affirme que les 34 porcs chargés chez la requérante le 16 avril 2008 étaient en bon état et aptes au transport. Il dit toujours respecter les normes d’élevage. Il questionne l’identité du porc S-20 dans les termes suivants : « Nous considérons que la photo du numéro de tatou du porc en question n’est pas acceptable puisque nous ne pouvons pas en déterminer le numéro exact et au complet ».

 

M. Michael Brodeur, technicien responsable de l’entreprise Vermado indique que ses visites sont rigoureuses, et qu’un contrôle méticuleux s’effectue systématiquement avant le tatouage des porcs précédant le chargement. Il soumet que « la photo du tatou n’est pas déterminante et manque largement d’assurance ».

 

ANALYSE

 

Il convient de reproduire ici l’alinéa 138 (2) a) du Règlement sur la santé des animaux C.R.C. c.296 (Règlement) :

 

138. (2) Sous réserve du paragraphe (3), il est interdit de charger ou de faire charger, ou de transporter ou de faire transporter, à bord d’un wagon de chemin de fer, d’un véhicule à moteur, d’un aéronef ou d’un navire un animal :

 

a) qui, pour des raisons d’infirmité, de maladie, de blessure, de fatigue ou pour toute autre cause, ne peut être transporté sans souffrances indues au cours du voyage prévu;

 

Pour qu’il existe une violation de l’alinéa 138(2) a), l’intimée doit établir les éléments suivants, tels que dressés au paragraphe 41 de l’arrêt récent de la Cour fédérale d’appel, Michel Doyon v. Procureur général du Canada, 2009 CAF 152 (Doyon):

 

 

 

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1. qu’il y a eu chargement (incluant le fait de charger) ou transport (incluant le fait de faire transporter;

 

2. que le chargement ou le transport s’est fait à bord d’un wagon de chemin de fer, d’un véhicule à moteur, d’un aéronef ou d’un navire;

 

3. que la cargaison chargée ou transportée était un animal;

 

4. que le transport ne pouvait se faire sans souffrances indues;

 

5. que ces souffrances indues ont été subies au cours du voyage prévu (en anglais "expected journey");

 

6. qu’un transport sans souffrances indues ne pouvait se faire à cause de l’infirmité, de la maladie, d’une blessure, ou de la fatigue de l’animal ou pour toute autre cause; et

 

7. qu’il existe un lien de causalité entre le transport, les souffrances indues et l’infirmité, la maladie, la blessure ou la fatigue de l’animal ou toute autre cause.

 

Mais même avant de procéder à l’analyse des éléments de la violation, il faut d’abord établir que le porc provenait de celui qui est nommé dans la violation, ou a été transporté par ce dernier. Le transporteur n’étant pas ici en cause, l’intimée doit établir que le porc provenait de chez Ferme Vermado Inc.

 

L’intimée se fie au bon de réception (Onglet 2, Rapport de l’intimée) et au Rapport d’inspection ante mortem (Onglet 4, Rapport de l’intimée) indiquant le tatouage utilisé par la requérante comme étant 08553, et argumente que les chiffres 085 sont lisibles aux photographies produites à l’Onglet 3 de son Rapport.

 

La Commission ne peut accepter que les chiffres du tatouage apparaissant aux photos produites à l’Onglet 3 établissent la provenance du porc S-20. Il n’y a que deux chiffres que l’on peut identifier sans équivoque : 08. Mais comme il n’y a aucune indication quant à l’orientation de la photo (ou du porc dans la photo), il est impossible de savoir s’il s’agit des deux premiers chiffres ou des deux derniers chiffres du tatouage. Bien que les deux premiers chiffres du tatouage de la requérante sont 08, les deux derniers chiffres du tatouage utilisé par Brisebois et Ares, qui avaient aussi des porcs dans le camion, sont 80. Le troisième chiffre sur le tatouage dans la photo pourrait être un 5 (troisième chiffre du tatouage de la requérante), mais vu en sens opposé, il pourrait être un 6 (le troisième chiffre du tatouage des autres producteurs). Dépendant dans quel sens on regarde la photo, le tatouage pourrait être tant l’un, tant l’autre.

 

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La Commission reconnait que l’inspectrice Fortier a consigné le numéro de tatouage de la requérante dans son Rapport de non-conformité. Mais elle y a aussi dit que tous les 59 porcs venaient de la ferme Vermado. Cette affirmation est erronée, puisque le bon de commande indique que 33 des 59 venaient de chez Vermado, et 26 de chez Brisebois et Ares. L’affirmation de Madame Fortier que le porc S-20 portait le tatouage n’a pas une très grande valeur probante, vu son erreur sur le fait essentiel qui est la provenance des porcs dans ce lot. De plus, l’affirmation de Madame Fortier qu’il s’agit du tatouage 08553 est loin d’être corroborée par les deux photos produites à l’Onglet 3. La Commission retient la soumission de M. Beauregard que le tatouage est loin d’être clair aux photos, et l’analyse ci-haut démontre que le tatouage est susceptible d’être lu dans les deux sens, donnant deux résultats différents. De plus, M. Beauregard affirme que les 34 porcs chargés étaient en bon état. Ces trois éléments de preuve mènent la Commission à la conclusion que la provenance du porc S-20 n’a pas été établie.

 

Le manque de preuve sur la provenance de l’animal suffit pour rejeter l’avis de violation avec avertissement. S’il s’avérait, cependant, que l’animal venait de chez la requérante, la Commission conclut néanmoins que l’intimée n’a pas établi les éléments numéros 4, 5, 6 et 7 requis par l’arrêt Doyon précité, pour les raisons ci-après exposées.

 

L’intimée base l’avis de violation sur les constats de l’inspectrice Fortier à l’effet que le porc S-20 était radet, c'est-à-dire d’un poids anormalement moindre. Le document intitulé « Le Transport des Animaux Fragilisés » (Onglet 8, Rapport de l’intimée) se veut des directives concernant les pratiques recommandées pour la manipulation des animaux de ferme, indique à la page 9, sous la rubrique « Émaciation » qu’un animal d’un extrême maigreur ne peut pas être transporté à l’abattoir, mais doit être euthanasié à la ferme.

 

Selon cette directive, il s’agirait d’un animal où « la longe de ces animaux est très étroite, leur flancs sont creux, et on distingue aisément leurs côtes et leur colonne à l’oil ou au toucher. De plus, la pointe de l’os iliaque arrière est facilement perceptible au toucher. Le pelage des porcs émaciés est souvent long et rugueux ».

 

 

 

 

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Bien que le porc S-20 ait beaucoup de poil, évident dans les photos (Onglet 3, Rapport de l’intimée), le Rapport de non-conformité ne contient aucun autre élément qui établirait la présence d’émaciation qui aurait interdit le transport en vertu de l’alinéa 138(2)a). En premier lieu, le Rapport de non-conformité ne contient même pas de constats d’un vétérinaire sur des questions qui sont essentiellement d’ordre médical. Le Rapport dit que le poids du porc S-20 était anormalement moindre, sans donner le moindre d’indice ni de la norme, ni de combien en dessus de la norme aurait été le porc S-20, ni du pourcentage inférieur à la norme qui constitue un état émacié. Les photos ne semblent pas démontrer de flancs creux, et un os iliaque visible. Il aurait fallu au moins une preuve qui indique la présence de ces symptômes. Bref, aucune donnée ne permet de conclure à une émaciation qui mènerait à la conclusion que le porc S-20 était inapte au transport. Bien que le porc ait le dos rond et le souffle court, ce qui indiquait qu’il n’allait pas bien, sans les autres éléments établissant son inaptitude au transport qui aurait mené à une souffrance indue à cause du transport, ces deux constats ne suffisent pas pour établir qu’il a subi des souffrances indues à cause du transport. Il manque le lien de causalité entre l’état de l’animal à son arrivée et le transport. En conséquence, il n’est pas possible de conclure que le porc S-20 a subi des souffrances indues à cause du transport.

 

Pour le motif du manque de preuve sur la provenance du porc, et pour le motif qu’il manque de la preuve quant à l’état de l’animal qui l’aurait rendu inapte au transport, la Commission conclut que l’intimée n’a pas établi qu’une violation a été commise.

 

 

Fait à Montréal, le 16 juin 2009.

 

 

 

 

 

 

________________________________ Le membre, H. Lamed

 

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