Contenu de la décision
LOI SUR LES SANCTIONS ADMINISTRATIVES PÉCUNIAIRES EN MATIÈRE D’AGRICULTURE ET D’AGROALIMENTAIRE
DÉCISION
Affaire intéressant une demande de révision des faits relatifs à une violation de la disposition 139(2) de la Loi sur la santé des animaux, allégué par l’intimée et à la demande du requérant conformément à l’alinéa 9(2)c) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire.
Maple Lodge Farms Ltd., requérant
- et -
Agence canadienne d’inspection des aliments, intimée
LE PRÉSIDENT BARTON
Décision
À la suite d’une audience et après avoir examiné toutes les observations écrites et orales, la Commission statue, par ordonnance, que le requérant a commis la violation et doit verser à l’intimée la somme de 2 000 $ à titre de sanction pécuniaire, dans les 30 jours suivant la date de signification de la présente décision.
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MOTIFS
Le requérant a demandé une audience en vertu du paragraphe 15(1) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire.
L’audience a eu lieu le 9 février 2009 à Brampton, en Ontario.
Le requérant était représenté par son avocat, Me Ron E. Folkes.
La preuve du requérant a été présentée par M. John Hilario, M. Carlos Moreira et M. BillVanHeeswky, ainsi que par MmeRosaVieira.
L’intimée était représentée par son avocat, Me Samson Wong.
La preuve de l’intimée a été présentée par M. Gilbert Asmus par téléconférence.
Après avoir confirmé que les deux parties avaient en main un exemplaire des documents suivants reçus par la Commission, je les ai inscrits au dossier à titre d’éléments de preuve aux fins de l’audience :
• l’avis de violation daté du 7 juin 2007;
• la demande de révision datée du 26 juin 2007, envoyée par l’avocat du requérant;
• le rapport de l’intimée reçu par la Commission le 31 juillet 2007;
• la lettre datée du 29 août 2007, envoyée par l’avocat du requérant, en réponse au rapport de l’intimée;
• la lettre datée du 13 septembre 2007, envoyée par l’avocat du requérant, comprenant le préavis relatif à la production des registres commerciaux de ce dernier;
• la lettre datée du 16 janvier 2009, envoyée par l’avocat du requérant, avec en pièce jointe le registre des oiseaux vivants bénéficiant du programme de bien-être animal et celui de la formation.
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Pendant l’audience, j’ai permis l’ajout des éléments de preuve suivants au dossier :
• la pièce 1, présentée par le requérant, soit deux cageots pour le transport des poulets du même type que ceux utilisés dans l’affaire;
• la pièce 2, présentée par le requérant, soit deux CD intitulés « Nadeau Live Receiving » et « Maple Lodge Live Receiving ».
L’avis de violation 0708ON0006 en date du 7 juin 2007, allègue que le requérant a, à environ 4h53, le 8e jour du mois de mai 2007, à Brampton, dans la province de l’Ontario, commis une violation à savoir : Load, unload or cause to be loaded or unloaded an animal, to wit: chickens, in a way likely to cause suffering , en violation de la disposition 139(2) de la Loi sur la santé des animaux, qui se lit comme suit :
139. (2) Il est interdit d’embarquer ou de débarquer, ou de faire embarquer ou débarquer, un animal d’une façon susceptible de le blesser ou de le faire souffrir indûment.
Faits généraux
Le débarquement des poulets en question a eu lieu le matin du 8 mai 2007 aux installations de débarquement du requérant situées à Brampton, en Ontario.
Il existe deux zones de débarquement : une zone supérieure appelée « broiler bay » [baie du poulet à griller], et une zone inférieure appelée « fowl bay » [baie des poules de réforme]. Les oiseaux de meilleure qualité sont débarqués dans la baie du poulet à griller, et les oiseaux plus vieux et les poules de réforme sont débarqués dans la baie des poules de réforme.
Les cageots contenus dans les remorques stationnées sont déchargés à la main et transférés sur des convoyeurs automatiques qui transportent les poulets de la zone de débarquement vers la zone d’accrochage et l’abattoir.
Pendant que les cageots sont débarqués, les cageots vides sont embarqués de nouveau dans la même remorque.
Au cours du processus de débarquement, l’intensité du bruit dans les différentes zones dépasse 80 décibels et les employés du requérant doivent porter des bouchons d’oreilles.
Selon les documents à l’appui, l’embarquement en question comprenait 8 832 oiseaux légers provenant d’un camion dont le numéro de plaque était DEL-62D (ce camion n’appartenait pas au requérant).
Chaque cageot d’oiseaux légers pesait entre 22 et 25 kilogrammes.
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Preuve directe
La seule preuve directe de l’incident a été fournie par M. Gilbert Asmus, qui était l’inspecteur de l’intimée en poste le matin du 8 mai 2007.
Il a déclaré qu’il était entré dans la mezzanine de la baie du poulet à griller à 4 h 53. Selon la preuve au dossier, le processus d’abattage de la cargaison a eu lieu entre 4 h 37 et 5 h 32, ce qui fait que l’abattage en tant que tel avait commencé et que le débarquement était avancé.
L’inspecteur a affirmé que lorsqu’il était entré dans la mezzanine de la baie du poulet à griller, il a entendu les cageots être débarqués brusquement. Ensuite, il a assuré avoir vu un employé du requérant lancer trois cageots depuis la remorque directement sur le convoyeur à bande. Deux des cageots ont été lancés environ à hauteur d’épaule de la personne qui débarquait la cargaison, et le troisième, à hauteur de poitrine.
M. Asmus se rappelle avoir vu des oiseaux s’échapper du cageot après que celui-ci eût frappé le convoyeur et un oiseau est tombé dans la fente située entre la remorque et la passerelle. Il a également dit avoir vu des oiseaux sur le sol, sous le convoyeur à bande.
Après être allé voir la baie du poulet à griller, il affirme s’être rendu à la baie des poules de réforme, où il a vu d’autres cageots être déchargés brusquement. Il a déclaré y avoir vu plusieurs oiseaux sur la passerelle et sur le convoyeur à bande.
En outre, il a précisé qu’il a pris des photos, présentées à l’onglet 1 du rapport de l’intimée et montrant un des oiseaux piégé dans la bande roulante.
Il n’a toutefois pas été prouvé que les oiseaux en liberté dans la baie des poules de réforme provenaient de la cargaison en question.
Procédure de débarquement
La procédure de débarquement des cageots et de manipulation des oiseaux du requérant est présentée à la page 29 de l’onglet 6 du document de réponse à la défense du requérant. L’objectif de cette procédure est de s’assurer que tous les cageots sont débarqués des remorques et que tous les oiseaux sont débarqués des cageots avec le plus grand soin afin d’éviter les blessures. Il est notamment indiqué dans la procédure que les « convoyeurs contenant des oiseaux doivent être déplacés le plus à l’horizontale possible. Les cageots contenant des oiseaux doivent être déplacés doucement et ne doivent jamais être lancés ou échappés ».
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M. Asmus a soutenu que les cageots sont perforés et que le fait de les échapper peut entraîner des cassures de pattes ou d’ailes ou des meurtrissures, ou encore causer un état de choc. En outre, échapper ou lancer les cageots peut faire en sorte que ces derniers s’ouvrent et que les oiseaux s’échappent et se blessent dans le convoyeur ou sur le sol, ou encore qu’ils se fassent écraser par les camions.
M. Moreira a certifié qu’un cageot lancé ou échappé peut entraîner un déplacement brusque des oiseaux dans le cageot, ce qui occasionne des meurtrissures près du bréchet. Il a également confirmé que lancer ou échapper des cageots pouvait entraîner un risque que les oiseaux s’échappent et se blessent par la suite.
La preuve présentée par le requérant a permis de démontrer que même si les cageots ne sont ni échappés ni lancés, il arrive souvent que leur porte s’ouvre et que les poulets s’échappent au cours du processus de débarquement. Cet incident peut se produire si un cageot est mal fabriqué ou si les poulets poussent sur les portes avec leur tête, ou parfois même simplement en raison du mouvement des convoyeurs à bande. À l’heure actuelle, le requérant a en tout temps des employés en place dont la tâche est d’attraper les poulets qui s’échappent dans les zones de débarquement.
Les programmes de Maple Lodge Farms Ltd.
Le requérant a mis en place de nombreux programmes afin de réduire au minimum les blessures et les pertes au cours de ses activités d’exploitation, y compris un programme de manipulation et de bien-être des oiseaux et un registre des oiseaux vivants bénéficiant du programme de bien-être animal et de formation.
À la lumière de la preuve présentée par le requérant, j’ai la certitude qu’il révise de façon régulière ses procédures afin de réduire constamment le nombre de pertes, même s’il a laissé savoir qu’il est pratiquement impossible d’éviter totalement les pertes au cours des activités de débarquement en raison de l’équipement et de la technologie en place dans ses installations. En outre, il a également donné la preuve qu’il améliore ses installations pour réduire davantage les risques dans cette zone.
La norme générale en termes de mortalité selon la taille de la cargaison dont il est question dans la présente affaire est de 4 %, mais le taux de mortalité de ladite cargaison a été grandement inférieure à ce pourcentage.
Le requérant a affirmé qu’il avait pris toutes les mesures raisonnables nécessaires en ce qui a trait à la gestion, à la manipulation et au contrôle pour réduire au maximum la souffrance des poulets vivants et le taux de mortalité dans la zone de débarquement.
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En fait, le principal élément de confiance lié à la preuve présentée par le requérant a trait à ses procédures de formation et d’exploitation, de même qu’à ses plans d’améliorations prochaines de ses installations, ces points touchant tous la question de la diligence raisonnable.
Bien que les mesures prises pour réduire les blessures sont louables, la diligence raisonnable ne peut pas constituer un élément de défense contre une violation en raison du paragraphe18(1) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, qui stipule ce qui suit :
18. (1) Le contrevenant ne peut invoquer en défense le fait :
a) qu’il a pris les mesures nécessaires pour empêcher la violation ou
b) qu’il croyait raisonnablement et en toute honnêteté à l’existence de faits qui, avérés, l’exonéreraient.
Blessure ou souffrance indues
Je suis d’accord avec l’avocat du requérant lorsqu’il dit qu’il n’existe aucun élément prouvant directement que les oiseaux en liberté ou blessés dans la baie des poules de réforme provenaient des remorques dont M. Asmus a été témoin du débarquement.
Toutefois, pour établir qu’il y a violation aux termes du paragraphe 139(2) du Règlement, il n’est pas nécessaire de démontrer la présence de blessures ou de souffrances réelles. L’intimée n’a qu’à démontrer que la manière de débarquer les animaux pouvait les blesser ou les faire souffrir indûment.
Je suis convaincu qu’un employé du requérant qui laisse tomber des cageots remplis d’oiseaux à hauteur d’épaule ou de poitrine sur un convoyeur à bande en mouvement risque fortement de blesser ou de faire souffrir les animaux indûment. Par conséquent, je suis d’avis que l’intimée s’est acquitté du fardeau de la preuve en se fondant sur la prépondérance des probabilités.
Degré de gravité
La possibilité de blesser ou de faire souffrir indûment des animaux en raison d’actes de négligence de la part d’employés du requérant a été démontrée par la preuve présentée et j’approuve l’évaluation du degré de gravité établie par l’intimée et présentée à la page 8 de son recueil.
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Conclusion
L’avocat du requérant a fait valoir qu’une entreprise ne pouvait pas débarquer des poulets.
Toutefois, je déclare que le requérant a commis ladite violation en raison de son statut d’employeur.
L’employeur est responsable du fait d’autrui, donc des violations commises par ses employés, en vertu du paragraphe 20(2) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, qui se lit comme suit :
20. (2) L’employeur ou le mandant est responsable de la violation commise, dans le cadre de son emploi ou du mandat, par un employé ou un mandataire, que l’auteur de la contravention soit ou non connu ou poursuivi aux termes de la présente loi.
Ottawa, le 4 mars 2009.
_________________________________ Thomas S. Barton, c. r., président