Contenu de la décision
LOI SUR LES SANCTIONS ADMINISTRATIVES PÉCUNIAIRES EN MATIÈRE D'AGRICULTURE ET D'AGROALIMENTAIRE
DÉCISION
Affaire intéressant une demande de révision des faits relatifs à une violation de la disposition 139(2) du Règlement sur la santé des animaux, alléguée par l’intimée, et à la demande du requérant conformément au paragraphe 11(1) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire.
F. Ménard Inc., RT #1457, requérante
- et -
l'Agence canadienne d'inspection des aliments, intimée
LE MEMBRE H. LAMED
Décision
Suite à une audience et après avoir examiné tous les éléments au dossier, la Commission statue, par ordonnance, que la requérante a commis la violation et doit payer à l’intimée la somme de 2 600 $ à titre de sanction pécuniaire, dans les 30 (trente) jours suivant la date de la signification de la présente décision.
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MOTIFS
Il s’agit de cinq dossiers où l’on reproche à la requérante des violations distinctes du paragraphe 139(2) du Règlement sur la santé des animaux, qui se seraient survenues entre le 25 janvier et le 2 avril 2007.
Une audience en révision des faits a eu lieu à Granby le 28 novembre 2008, et de l’accord des parties, la preuve a été commune dans les cinq dossiers. Cette décision sera déposée dans chacun des dossiers.
La requérante est représentée par son procureur Me Madeleine Lemieux.
L’intimée est représentée par son procureur Me Réal Doutre.
Dans chaque dossier, l’avis de violation allègue que la requérante a commis une violation, soit:
a débarqué ou fait débarquer un animal d’une façon susceptible de le blesser ou de le faire souffrir indûment , contrairement à la disposition 139(2) qui se lit comme suit :
139. (2) Il est interdit d’embarquer ou de débarquer, ou de faire embarquer ou débarquer, un animal d’une façon susceptible de le blesser ou de le faire souffrir indûment.
L’intimée a fait témoigner le Dr. Patricio Diaz, qui est vétérinaire à l’emploi de l’intimée en poste chez Agromex Inc, abattoir appartenant à la requérante. Dr. Diaz a témoigné que dans chacun des cas, il a été appelé à examiner un ou des porcs se trouvant dans le parc des retenus au tout début de son quart de travail à 6h du matin. Le porc ou les porcs aurai (en) t été livré (s) pendant la nuit, et se trouvai (en) t retenus dans le parc pour inspection. Dans chaque cas, Dr. Diaz a trouvé que le ou les porcs ainsi retenu (s) souffraient de fractures des pattes arrières avec des os fragmentés qui avaient provoqué des hémorragies. Jugeant par la couleur du sang (encore relativement fraîche), Dr. Diaz estimait que les blessures avaient eu lieu entre 4 et 9 heures (plus ou moins 2 heures) avant l’examen. Dans chaque cas, Dr. Diaz a trouvé le porc ou les porcs non ambulatoires au moment de l’examen.
Les détails de la diagnostique afférente à chaque avis de violation sont énumérés ci-dessous :
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1. Date de l’événement : le 25 janvier 2007. Avis de violation #0607QC0197 - Dossier RT #1454.
Un porc qui ne se tenait pas debout et qui présentait des signes évidents de douleur (cris et tremblements musculaires). À l’examen post mortem on a constaté des fractures coxo fémorales doubles. (Voir Rapport de non-conformité de l’inspecteur à l’Onglet 8 du Rapport de l’intimée).
2. Date de l’événement : le 30 janvier 2007. Avis de violation # 0607QC0208 - Dossier RT #1455.
Un porc qui se traînait avec ses pattes en avant et qui démontrait des signes évidents de douleur (cris et tremblements musculaires). À l’examen post mortem on a constaté des fractures coxo fémorales doubles. (Voir Rapport de non-conformité de l’inspecteur à l’Onglet 8 du Rapport de l’intimée).
3. Date de l’événement : le 19 mars 2007. Avis de violation # 0607QC0242 - Dossier RT #1456.
Un porc qui avait une grosse fracture du membre postérieur gauche (patte déformée avec des gros bleus). L’animal était incapable de se mouvoir et avait l’air de souffrir à cause de sa blessure. (Voir Rapport de non-conformité de l’inspecteur à l’Onglet 8 du Rapport de l’intimée).
4. Date de l’événement : le 29 mars 2007. Avis de violation # 0708QC0009 - Dossier RT #1458.
Deux porcs qui n’étaient pas ambulatoires. De toute évidence, ils avaient une fracture au membre postérieur droit (patte déformée, dans une position anormale, des signes de contusion (peau bleuâtre)). Au post mortem on a observé que les os coxal et fémoral étaient brisés (il y avait des petits morceaux d’os et une grosse hémorragie). (Voir Rapport de non-conformité de l’inspecteur à l’Onglet 7 du Rapport de l’intimée).
5. Date de l’événement : le 2 avril 2007. Avis de violation # 0708QC0008 - Dossier RT #1457.
Un porc qui n’était pas ambulatoire. De toute évidence, il avait une fracture au membre postérieur droit (patte déformée, position anormale, des signes de contusion (peau bleuâtre).
Aucune preuve n’est fournie pour expliquer l’origine exacte des blessures. Pourtant Dr. Diaz explique que ça prend une certaine force pour produire de telles fractures, telle qu’une chute dans le camion ou à côté de la rampe du déchargement. Dr. Diaz émet l’opinion que dans chacun des cas, l’animal affligé aurait dû être assommé dans le camion, et n’aurait pas dû être déchargé.
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Le témoignage de Dr. Charles Surprenant, vétérinaire consultant auprès de la requérante et témoin appelé par cette dernière, concorde avec Dr. Diaz quant à la force considérable requise pour produire de telles blessures. Dr. Surprenant conclut aussi que des événements similaires se seraient produits dans chaque cas, et il émet l’opinion qu’ils sont survenus dans le transport ou lors du déchargement. Dr. Surprenant explique également qu’un animal blessé va continuer à se déplacer immédiatement après la blessure pour une très courte distance, en essayant de suivre le groupe et en tentant de camoufler sa douleur.
La requérante soutient qu’aucune violation n’a été commise parce que dans chaque cas l’animal s’est rendu dans le parc des retenus seul, et donc était ambulatoire au moment du déchargement. À l’appui de cette prétention, M. Bruno Girard, représentant de la requérante témoigne qu’il a visionné les films des déchargements des animaux ici concernés, captés par la caméra installée au quai de déchargement. Malheureusement, ces films ont été effacés. Mais, il propose à la Commission de visionner un film d’un déchargement de porcs survenu à un autre moment, qui, selon M. Girard, serait très semblable aux images des déchargements donnant lieu aux violations reprochées. La Commission accepte de regarder le film, sous réserve de sa valeur probante.
Ce film montre un porc couché à la sortie du camion en haut d’une rampe de déchargement. On voit une patte du porc en angulation à 90 degrés de son corps. Il se fait piétiner par les autres porcs qui passent, mais il ne se relève pas. Enfin, un employé soulève le porc pour le mettre debout sur ses pattes, et le porc se déplace en glissant le long de la rampe inclinée (une distance de quelques mètres) jusqu'à ce qu’il atteigne le parc des retenus se trouvant au bout de ladite rampe. Il s’y couche et ne se relève plus.
La Commission souligne que la valeur probante de ce film est minimale, car il ne s’agit d’aucun des événements dans les cinq dossiers. Mais, il a une certaine valeur probante vu qu’il émane de la requérante. Cette dernière entend démontrer que les animaux concernés par les violations reprochées ont atteint le parc des retenus par leurs propres moyens, comme le porc sur le film, et ainsi n’étaient pas non ambulatoires.
La Commission ne peut pas accepter que le législateur ait voulu appliquer le terme « ambulatoire » aux derniers mouvements pénibles et désespérés d’un animal comme celui sur le film. Cette interprétation ferait un non-sens de l’alinéa 139(2) du Règlement, parce qu’elle n’offrirait aucune protection à des animaux blessés pendant le transport qui réussissent malgré leurs blessures, coûte que coûte, à se rendre dans le parc. Ici, la Commission est instruite par le témoignage du Dr. Surprenant à l’effet que c’est dans la nature ou l’instinct de l’animal d’essayer de suivre le groupe et de camoufler sa faiblesse. La Commission est d’avis que ce phénomène ne rend pas l’animal ambulatoire au sens de la Loi. La Commission est d’avis qu’à la lumière des blessures aigus constatées par le Dr. Diaz dans chaque cas, ces manouvres pour faire descendre l’animal jusqu’au parc, ne peuvent que lui avoir occasionné une souffrance qui correspond à la notion de la souffrance indue, telle qu’interpréter par la Cour d’appel fédérale dans Canada (Attorney General) v. Porcherie des Cèdres 2005 FCA 59.
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La Commission vient à la conclusion, sur la balance des probabilités, que la violation a été commise dans chacun des dossiers ci-haut énumérés, et ordonne à la requérante de verser la pénalité de 2 600 $ afférente à chaque violation dans les trente jours suivant la signification de cette décision.
Fait à Montréal, le 4 février 2009.
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Le membre, H. Lamed