Contenu de la décision
LOI SUR LES SANCTIONS ADMINISTRATIVES PÉCUNIAIRES
EN MATIÈRE D’AGRICULTURE ET D’AGROALIMENTAIRE
DÉCISION
Affaire intéressant une demande de révision des faits relatifs à une violation en vertu de la disposition 138(2)a) du Règlement sur la santé des animaux, alléguée par l’intimée, et à la demande de la requérante conformément à l’alinéa 9(2)c) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire.
Ferme Grenier Pouliot Inc., requérante
-et-
Agence canadienne d’inspection des aliments, intimée
LE MEMBRE H. LAMED
Décision
Après avoir tenu une audience et examiné tous les éléments au dossier, la Commission statue, par ordonnance, que la requérante a commis la violation et doit verser à l’intimée la somme de 2 000 $ à titre de sanction pécuniaire, dans les 30 jours suivant la date de la signification de la présente décision.
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MOTIFS
La requérante a demandé une audience conformément au paragraphe 15(1) du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire.
L’audience a eu lieu à Sherbrooke le 27 mai 2008. Il est à noter qu’un Avis de violation a été émis également à M. Michel Doyon (SAP no 0506QC0183) et au transporteur, 9048‑7539 Québec Inc. (SAP no 0506QC0182) concernant le même lot.
La requérante est représentée par M. Jacques Pouliot.
L’intimée est représentée par son procureur, Me Anne-Marie Lalonde.
L’Avis de violation # 0506QC0198 en date du 27 avril 2006, allègue que la requérante,
le 16 janvier 2006 à Yamachiche, dans la province du Québec a commis une violation
notamment: « a fait transporter un porc par véhicule moteur qui, pour des raisons
d’infirmité, de maladie, de blessure, de fatigue ou pour toute autre cause, ne pouvait pas être transporté sans souffrance indue au cours du voyage prévu », contrairement à la
disposition 138(2)a) du Règlement sur la santé des animaux, dont voici le texte:
138.(2) Sous réserve du paragraphe (3), il est interdit de charger ou de faire charger, ou de transporter ou de faire transporter, à bord d'un wagon de chemin de fer, d'un véhicule à moteur, d'un aéronef ou d'un navire un animal :
a) qui, pour des raisons d'infirmité, de maladie, de blessure, de fatigue ou pour toute autre cause, ne peut être transporté sans souffrances indues au cours du voyage prévu;
La preuve révèle qu’en date du 16 janvier 2006, la requérante a fait transporter un lot de 36 porcs par la compagnie 9048-7539 Québec Inc. à l’abattoir A. Trahan Transformation Inc. (« l’établissement »), le tout tel qu’il appert au Bon de réception de l’établissement (onglet 2). L’onglet 2 indique qu’un porc portant le tatouage de la requérante, soit le numéro 24205, a été retenu pour non-conformité, et identifié par l’établissement sous le numéro S14. La Commission est satisfaite que l’identité et la provenance du porc ont été établies, surtout que celles-ci n’ont pas été contestées par la requérante.
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Lors de son arrivée à l’abattoir, le porc S14 a été retenu par M.Gomez, employé de l’établissement. Selon le témoignage de M. Gomez, le porc S14 était debout sur le quai de déchargement, mais non-ambulatoire. Le porc n’arrivait pas à se déplacer tout seul pour se rendre au parc de réception. M. Gomez a constaté que le porc S14 avait une masse à une hanche et la queue noircie.
Le médecin-vétérinaire de garde à l’établissement, Dre Yvonne Dolbec, a procédé à une inspection ante mortem du porc S14. Les observations de Dre Dolbec sont consignées au Rapport de non-conformité (onglet 6) et ont été reprises lors de son témoignage à l’audition. Elle dit que le porc S14 était petit – en bas de 65 kilos- alors que la norme était de 90 kilos. La respiration de l’animal était plus rapide que normale, probablement signe de pneumonie. De toute évidence, le porc S14 était anémique, et il présentait un abcès à son membre postérieur gauche, au dessus du genou, probablement comme suite d’une fracture. Le porc ne s’appuyait pas sur ce membre et boitait. De plus, il avait un abcès au carpe et au jarret droit et un abcès à la queue. Dre Dolbec a témoigné que ces blessures ne pouvaient pas s’être produites en cours du transport, mais dataient de plusieurs semaines. Elle était d’avis que le porc S14 était souffrant, vu qu’il était réticent au déplacement.
Il est à noter qu’à la lumière de la condition du porc S14, Dre Dolbec a jugé nécessaire de procéder immédiatement à l’euthanasier, avant même que l’on puisse le photographier vivant, ce qui explique l’état ensanglanté du porc sur les photos au dossier.
M. Pouliot a témoigné que le porc S14 s’était toujours fait manger la queue par les autres porcs, mais il nie qu’il s’agissait d’un abcès à la queue. Vers le 16 décembre, le porc avait développé une bosse au membre postérieur gauche, et on lui avait traité avec la pénicilline. M. Pouliot dit avoir doublé le temps de retrait après le médicament, de 14 à 28 jours. Il dit que le porc s’était toujours alimenté seul, et qu’il est monté seul dans le camion de transport la journée en question, moyennant l’utilisation d’un balai mais sans guidon électrique. Il est à noter que le porc S14 a été transporté en isolement avec un autre porc fragilisé.
Dans chaque cas, la Commission doit évaluer si, sur la balance des probabilités, l’animal était déjà souffrant au point où le transport lui aurait occasionné une souffrance accrue. Augmenter la souffrance d’un animal par le fait de le transporter équivaut à lui infliger une souffrance indue. Sur ce point, la Commission se considère liée par la position de la Cour fédérale d’appel dans les arrêts Agence canadienne d’inspection des aliments c. Samson [2005] C.A.F. 235, qui énonce au paragraphe 12:
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Selon l'intention qui ressort de la disposition, aucun animal ne doit être transporté de telle manière que, eu égard à son état, des souffrances indues lui soient infligées au cours du voyage prévu. En d'autres mots, les animaux blessés ne devraient pas être soumis à des souffrances plus grandes en étant transportés. Si l'on interprète la disposition de la sorte, toute souffrance supplémentaire résultant du transport est indue. Cette interprétation est compatible avec la loi habilitante dont l'objectif vise à empêcher les mauvais traitements infligés aux animaux.
En ce qui concerne le porc S14, la Commission se fait aider par les informations et recommandations sur le transport des animaux fragilisés publiées par le Conseil de recherches agroalimentaires du Canada (onglet 7) ainsi que par celles publiées par la Fédération des producteurs de porcs du Québec (dont copie la plus récente ‑ janvier 2007‑ est annexée au présent). À la page 4 de celui-ci, intitulée « Arbre de décision », sous la rubrique « Euthanasie à la ferme » sont énumérées les conditions exigeant l’euthanasie à la ferme, reproduites ci-dessous :
- Animal non ambulatoire:
- animal incapable de se tenir sur ses pattes sans assistance ou de se déplacer sans être traîné ou porté, y compris les animaux qui, après écartèlement, ne peuvent pas marcher;
- Animal malade, blessé et mourant;
- Émaciation et faiblesse (porc d’une extrême maigreur/radet);
- Boiterie catégorie 4 ou 5 (animal couché ou à terre );
- Arthrite (articulation infectées) ou abcès (3 ou plus);
- Prolapsus utérin;
- Sténose rectale avec ballonnement et émaciation;
- Hernie répondant à au moins UN des critères suivants:
- gêne le mouvement;
- douloureuse à la palpation;
- touche le sol lorsque l’animal est debout dans sa posture habituelle;
- présente une plaie à vif, un ulcère ou une infection apparente.
La Commission constate qu’une seule des ces conditions suffit pour imposer l’obligation d’euthanasier l’animal à la ferme. Le porc S14 en présentait au moins deux, soit l’émaciation et des abcès au nombre de 3 ou plus. Ces deux conditions étaient incluses au document dans la version en vigueur au moment de l’événement. Bien que ces informations et recommandations n’ont pas force de loi, elles servent à aider les producteurs à prendre des décisions censées quant au transport des porcs. À la lumière de la preuve présentée lors de
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l’audition, évaluée à la lumière des recommandations ci-haut décrites, la Commission vient à la conclusion que le porc S14 a subi une souffrance indue en étant transporté. La Commission conclut que l’intimée a établi que la violation reprochée à la requérante a été commise, et ordonne à la requérante de verser la somme de 2 000 $ à l’intimée, à titre de sanction pécuniaire, dans les 30 jours suivant la date de la signification de la présente.
Fait à Montréal ce 11 septembre 2008.
____________________________ Le Membre H. Lamed