Contenu de la décision
LOI SUR LES SANCTIONS ADMINISTRATIVES PÉCUNIAIRES
EN MATIÈRE D’AGRICULTURE ET D’AGROALIMENTAIRE
DÉCISION
Affaire intéressant une demande de révision des faits relatifs à une violation en vertu de la disposition 138(2)a) du Règlement sur la santé des animaux, alléguée par l’intimée, et à la demande de la requérante conformément à l’alinéa 9(2)c) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire.
Les Fermes C. Girard Inc., requérante
-et-
Agence canadienne d’inspection des aliments, intimée
LE MEMBRE H. LAMED
Décision
À la suite d’une audience et après avoir examiné toutes les observations écrites et orales, la Commission statue, par ordonnance, que la requérante n’a pas commis la violation.
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MOTIFS
La requérante a demandé une audience conformément au paragraphe 15(1) du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire.
L’audience a eu lieu à Sherbrooke le 28 mai 2008.
La requérante était représentée par son procureur Me Michèle Gérin.
L’intimée était représentée par son procureur, Me Louise Panet-Raymond.
L’Avis de violation # 0708QC0141 en date du 8 novembre 2007, allègue que la requérante, le 6 août 2007 à St-Alexandre, dans la province du Québec, a commis une violation, notamment: « Avoir fait transporter des animaux dans un véhicule à moteur qui, pour des raisons d’infirmité, de maladie, de blessure, de fatigue ou pour toute autre cause, ne peut être transporté sans souffrances indues au cours du voyage prévu », contrairement à la disposition 138(2)a) du Règlement sur la santé des animaux, dont voici le texte:
138.(2) Sous réserve du paragraphe (3), il est interdit de charger ou de faire charger, ou de transporter ou de faire transporter, à bord d'un wagon de chemin de fer, d'un véhicule à moteur, d'un aéronef ou d'un navire un animal :
a) qui, pour des raisons d'infirmité, de maladie, de blessure, de fatigue ou pour toute autre cause, ne peut être transporté sans souffrances indues au cours du voyage prévu;
Ce dossier concerne trois porcs livrés à l’abattoir Aliments Asta Inc. (« l’établissement ») le 6 août 2007. Il n’est pas contesté par les parties que ces trois porcs n’auraient pas dû être transportés. Ce qui est contesté, par contre, est l’identité et la provenance desdits porcs, et c’est sur cette question que la Commission doit se pencher.
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Lors de sa preuve, l’intimée a produit le document intitulé « Bon de réception » (onglet 2), reçu officiel de réception émis par l’établissement lors d’une livraison. Ce document indique que cinq lots de porcs provenant de trois producteurs différents ont été livrés le 6 août 2007. Le numéro de tatouage afférent à chaque lot est indiqué à l’onglet 2. Il appert toujours à l’onglet 2 que les porcs provenant de la requérante pouvaient porter le numéro 08883 ou 08893, ceux de 2418-7064 Québec Inc., le numéro 08683, et ceux de Le Gîte Porcin Inc., le numéro 15390 ou 05931.
Les parties s’accordent à dire que ces tatouages émanent des producteurs et dans le cas de la requérante, sont apposés quelques jours avant le transport, selon le témoignage de Jonathan Girard. L’on retrouve en bas de l’onglet 2 une inscription à l’effet que les trois porcs retenus portaient le tatouage # 08893, indiquant ainsi leur provenance comme étant la requérante.
Pourtant, le Rapport de non-conformité (onglet 8) rédigé par Dr. Yves Lamothe, médecin-vétérinaire de garde à l’établissement au moment de la livraison en question, et auteur de l’examen ante mortem des trois porcs retenus, dit à son dernier paragraphe, reproduit ici en entier :
Noter que les porcs ne portaient pas de numéros de tatouage normalement retrouvés sur la peau des porcs. Par contre, l’information données (sic) par le camionneu (sic) M. Bryan Fontaine et celle transcrite sur la (sic) bon de réception de livraison des porcs et sur le rapport CFIA/ACIA 1438 corroborent avec le tatouage # 08893. Sur la compilation informatique de l’abattage du 6 août 2007 on peut aussi visualiser le nombre de carcasse (sic) par tatouage, et les numéros 08883 et 08893 sont les deux tatouages possibles pour les porcs retenus 1, 2, 3. Ces numéros sont tous les deux ceux qu’utilise Les Fermes C. Girard d’Ayers Cliff pour identifier leurs animaux.
La Commission souligne tout de suite qu’aucun autre document n’a été produit concernant les carcasses et le tatouage, et aucun autre document à ce sujet ne se trouve au dossier de l’Agence soumis à la requérante et à la Commission. Il est à noter que le dossier renfermant le rapport de l’Agence dans ce dossier porte le numéro 1436, tandis que le Rapport (onglet 8) réfère au rapport de l’Agence 1438. Cette divergence n’a pas été élucidée non plus.
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Dans son témoignage, Dr. Lamothe a réitéré que le grattement de la peau des trois porcs n’a révélé aucun tatouage dans les trois cas. Il dit s’être fié aux « documents » de l’établissement, sans préciser lequel en particulier autre que le bon de réception (onglet 2), pour conclure qu’il s’agissait des porcs provenant de la requérante. En contre-interrogatoire, Dr. Lamothe a dit qu’il savait que le camion qui a déchargé les trois porcs transportait plusieurs lots de plusieurs producteurs, mais il ne pouvait pas dire si les porcs provenant de la requérante avaient été chargés et transportés séparés des autres.
Le témoignage non contredit et très crédible de M. Jonathan Girard, fils du propriétaire de la requérante, qui travaille auprès de l’entreprise, a éclairé la Commission sur ce point important dans l’histoire. M. Girard a expliqué qu’il s’occupe du triage de porcs pour envoi à l’abattoir. Il pèse les porcs environ une semaine avant le transport, et il a dit qu’au moins en ce qui concerne le porc #2, il aurait remarqué son piètre état lors du pesage, et l’aurait euthanasié immédiatement. Il dit avoir fait lui-même le tatouage des 42 porcs avec le numéro 08893 le samedi matin avant le transport, et affirme qu’aucun des porcs n’était souffrant. Il dit aussi qu’il s’était occupé du chargement de ce lot. Le camion avait trois étages, et la requérante était le deuxième producteur sur la route du transporteur. Ce dernier avait réparti le chargement du premier producteur sur les trois étages de son camion, alors il y avait déjà des porcs sur les trois étages lors du chargement du lot de la requérante portant le tatouage 08893. Le transporteur a aussi chargé le lot de la requérante sur les trois étages du camion. Après, les porcs des deux autres producteurs ont été repartis de la même manière sur les trois étages.
La Commission retient que les porcs des quatre producteurs ont été ainsi mélangés dans le camion. Il n’y avait aucune façon d’identifier les porcs à part de leurs tatouages. Et les trois porcs retenus n’en avaient pas.
La Commission accepte l’argumentation de Me Gérin que le Bon de Réception à l’onglet 2, indiquant que les porcs retenus portaient le tatouage #08893, est un faux. Ceci est évident à la lumière du Rapport de non-conformité (onglet 8) qui constate que les trois porcs retenus n’avaient pas de tatouage. L’intimée n’a fourni aucune explication quant à cette contradiction flagrante.
La Commission en vient à la conclusion que l’intimée ne s’est pas déchargée du fardeau de la preuve en ce qui concerne l’identité et la provenance des porcs retenus, et encore pire, n’a pas effectué une vérification adéquate de son propre dossier avant d’émettre l’avis de violation.
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En conséquence, la Commission déclare qu’aucune violation n’a été commise par la requérante
Fait à Montréal ce 10 septembre 2008.
____________________________ Le Membre H. Lamed