Décisions de la Commission de révision agricole du Canada

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RTA no 60312

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LOI SUR LES SANCTIONS ADMINISTRATIVES PÉCUNIAIRES EN MATIÈRE DAGRICULTURE ET DAGROALIMENTAIRE

 

DÉCISION

 

 

Affaire intéressant une demande de révision des faits relatifs à une violation de la disposition 138(2)a) du Règlement sur la santé des animaux, alléguée par l’intimée, et à la demande de la requérante en vertu de l’alinéa 9(2)c) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière dagriculture et dagroalimentaire.

 

 

 

 

Neil T. Woodrow, requérant

 

- et -

 

Agence canadienne dinspection des aliments, intimée

 

 

 

 

 

 

LE PRÉSIDENT BARTON

 

 

Décision

 

À la suite dune audience et après avoir examiné toutes les observations écrites et orales des parties, la Commission statue, par ordonnance, que le requérant na pas commis la violation.

 

 

 

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MOTIFS

 

Le requérant a demandé la tenue d’une audience aux termes du paragraphe 15(1) du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière dagriculture et dagroalimentaire. L’audience a eu lieu à London (Ontario), les 11 et 12 juin 2008.

 

Il s’agit de trois affaires qui concernent le même événement, à savoir Denfield Livestock Sales Ltd. (procès‑verbal no 0607ON009602), Neil T.Woodrow (procès‑verbal no 0607ON009604) et John Drynan (procès‑verbal no 0607ON009603). Ces trois affaires ont été entendues ensemble, les requérants ayant préalablement compris et confirmé que leur preuve s’appliquerait dans les trois affaires.

 

Denfield Livestock Sales Ltd. (Denfield) était représentée par M. Bruce Coulter.

 

MM. Neil T. Woodrow et John Drynan se sont représentés eux-mêmes, bien que tout au long de l’instance, ils aient obtenu l’aide de M. Bruce Coulter et de Mme Janet Drynan.

 

MM. Bruce Coulter, Brett Coulter, Neil T. Woodrow et John Drynan ont présenté une preuve pour les requérants.

 

L’intimée était représentée par son avocat, Me Samson Wong.

 

Le Dr Reg Clinton, M. Michael Cole, M. José Evangelho, le Dr Yves Robinson, le Dr Lucien Gross et M. Peter Luyten ont présenté une preuve pour l’intimée.

 

Après confirmation que les parties en avaient des copies, les documents suivants ont été versés en preuve au dossier aux fins de l’audience :

 

        Procès-verbal no 0607ON009604 en date du 2 mai 2007.

 

        Lettre du requérant en date du 9 mai 2007, demandant une révision.

 

        Lettre de l’intimée en date du 28 mai 2007, à laquelle sont jointes ses observations dans le dossier (rapport de l’intimée).

 

        Lettre du requérant en date du 19 juin 2007 en réponse au rapport de l’intimée.

 

        Chronologie des événements admise par toutes les parties à London (Ontario), le 20 février 2008, ainsi qu’il est indiqué dans la lettre de la Commission en date du 22 février 2008.

 

        Lettre de M. Bruce Coulter en date du 27 février 2008, à laquelle sont joints des extraits du guide des politiques et procédures pour la vente à l’encan du bétail en Ontario.

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        Lettre de l’avocat de l’intimée en date du 18 avril 2008, concernant le témoignage de Mme Gwen Coulter et la question de savoir si la densité du chargement était en cause.

 

        Lettre du requérant en date du 12 mai 2008, confirmant l’absence d’un différend sur les faits énoncés dans la lettre du 18 avril 2008 concernant le témoignage de Mme Gwen Coulter.

 

        Lettre de l’avocat de l’intimée en date du 26 mai 2008, à laquelle est joint le curriculum vitae des Drs Lucien Gross et Yves Robinson.

 

        Lettre de M. Bruce Coulter reçue par la Commission le 2 juin 2008, énonçant le contexte et la nature de la preuve que M. Doug O’Neil avait l’intention de présenter.

 

Au cours de l’audience, les pièces suivantes ont été soumises et admises en preuve :

 

                           Req. no 1 : Quatre rapports d’inspection de vente à l’encan par un vétérinaire chez Denfield (1 page).

 

                           Req. no 2 : Article 12 du Règlement de l’Ontario 729/90 pris en application de la Loi sur la vente à lencan du bétail de lOntario (2 pages).

 

                           Req. no 3 : Extrait du guide des politiques, procédures, formation et ressources sur le programme de vente à l’encan du bétail - « abattage urgent » (1 page).

 

                           Req. no 4 : Accréditation de M. Brett Coulter en qualité d’inspecteur sous le régime de la Loi sur la vente à lencan du bétail (1 page).

 

                           Req. no 5 : Lettre en date du 10 juin 2008 de M. Steven Spratt, président, Ontario Livestock Markets Association (1 page).

 

                           Int. no 1 : Photographies assorties de descriptions (56 pages).

 

                           Int. no 2 : Décision de la Commission de révision, Encan Sawyerville Inc. c. ACIA, en anglais et en français (4 pages chacune).

 

                           Int. no 3 : Cour suprême du Canada, affaire R. c. Jorgensen (29 pages).

 

 

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Le procès‑verbal en date du 2 mai 2007, allègue que le requérant , le 8 novembre 2006, à Denfield, dans la province de l’Ontario, a commis une violation, à savoir  « Load, transport, or cause to be loaded or transported an animal that cannot be transported without suffering; to wit - one Holstein cow », en contravention de la disposition 138(2)a) du Règlement sur la santé des animaux, qui prévoit ce qui suit :

 

138.(2) Sous réserve du paragraphe (3), il est interdit de charger ou de faire charger, ou de transporter ou de faire transporter, à bord d’un wagon de chemin de fer, d’un véhicule à moteur, d’un aéronef ou d’un navire un animal :

a) qui, pour des raisons d’infirmité, de maladie, de blessure, de fatigue ou pour toute autre cause, ne peut être transporté sans souffrances indues au cours du voyage prévu.

 

Dans ce contexte, la Cour d’appel fédérale a déterminé dans l’affaire Procureur général du Canada c. Porcherie des Cèdres Inc., [2005] C.A.F. 59, que le terme « indues » signifiait « injustifiées » ou « inappropriées ». La Cour a statué que le chargement et le transport d’un animal souffrant causeraient à celui‑ci des souffrances injustifiées ou inappropriées, ce qui serait contraire à l’objet du Règlement.

 

Subséquemment, dans l’affaire Agence canadienne dinspection des aliments c. Samson, [2005] C.A.F. 235, la Cour a résumé son point de vue dans les termes suivants :

 

Selon l'intention qui ressort de la disposition, aucun animal ne doit être transporté de telle manière que, eu égard à son état, des souffrances indues lui soient infligées au cours du voyage prévu. Autrement dit, les animaux blessés ne devraient pas être soumis à des souffrances plus grandes en étant transportés. Si l'on interprète la disposition de la sorte, toute souffrance supplémentaire résultant du transport est indue. Cette interprétation est compatible avec la loi habilitante dont l'objectif vise à empêcher les mauvais traitements infligés aux animaux.

 

La Commission est d’avis que la Cour n’avait pas l’intention d’éliminer un critère permettant de déterminer ce qui constitue des souffrances indues, mais qu’elle avait l’intention d’élargir la portée des situations où les souffrances sont considérées comme étant indues.

 

 

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Cette conclusion est appuyée par le fait qu’il ressort clairement du libellé de l’alinéa que ce ne sont pas tous les cas « d’infirmité, de maladie, de blessure, de fatigue ou toute autre cause » qui constituent une souffrance entraînant une violation. Si cela avait été le cas, il n’y aurait eu aucune nécessité d’utiliser le terme « indues ».

 

Elle est renforcée également par le fait que ce type de violation a été qualifié de violation « grave », aux termes du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière dagriculture et dagroalimentaire.

 

Finalement, cette conclusion est conforme à la position adoptée par le Conseil de recherches agro‑alimentaires du Canada dans son Guide de manipulation du bétail à risque qui figure à la page 15 de son ouvrage intitulé « Code de pratiques recommandées pour le soin et la manipulation danimaux délevage : transport », [Conseil de recherches agro‑alimentaires du Canada : 2001], lequel document est fréquemment invoqué par l’intimée aux fins d’établir qu’une violation a été commise.

 

La question de savoir si un animal souffrait et ne pouvait donc être chargé ou transporté sans des souffrances indues pendant le trajet prévu est une question de fait qu’il faut trancher dans chaque cas compte tenu de l’état de l’animal au moment du trajet prévu et des circonstances de celui‑ci.

 

Chronologie des événements admise par les parties

 

      7 novembre 2006, en matinée - Peter Luyten transporte une vache portant l’étiquette no 1689 à destination de Denfield Livestock.

 

      11 h 30 - Le Dr Reg Clinton étiquette une vache « pour abattage seulement » et indique « 48 heures » sur le certificat.

 

      La vache n’est pas vendue à l’encan.

 

      La vache passe la nuit chez Denfield.

 

 

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      John Drynan arrive chez Denfield le 7 novembre en soirée, et il passe la nuit dans son camion.

 

      La vache est chargée dans le compartiment ventral, tôt le matin du 8 novembre 2006.

 

      John Drynan transporte la vache chez Ontario Stockyards Inc. (OSI), à destination de Levinoff Meat Packers (Levinoff), au Québec.

 

      8 h 30 (approximativement) - En route, John Drynan s’arrête pour faire le plein d’essence et découvre la vache morte dans la partie avant du compartiment ventral de la remorque.

 

      9 h 40 - L’inspecteur Michael Cole entreprend son inspection du camion à l’arrivée chez OSI.

 

      12 h 15 - Le Dr Lucian Gross arrive sur les lieux pour effectuer son examen post mortem de la vache, qu’il termine à 14 h 15.

 

État de la vache avant le chargement et le transport à partir de Denfield

 

La question primordiale dans la présente affaire est de savoir si la vache était en mesure d’être chargée et transportée à destination de Levinoff.

 

La vache en question était une vache réformée de deux ou trois ans — une vache laitière qui n’est plus apte à la production laitière. Les vaches laitières sont plus minces que les bovins de boucherie. Les vaches réformées ont une note d’état corporel normale de 2, sur une échelle de 1 à 5. La note d’état corporel est la quantité de graisse sous‑cutanée.

 

Approximativement 80 % des bovins qui quittent Denfield à destination de Levinoff sont des vaches réformées.

 

 

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Témoignage de M. Peter Luyten

 

Peter Luyten a exploité une ferme laitière toute sa vie, et il envoie ses vaches réformées chez Denfield, convaincu qu’il en tire ainsi le meilleur rendement.

 

Il nie avoir dit à l’inspecteur Cole, après le fait, que la vache était chancelante et qu’elle n’était pas solide sur ses jambes, et il nie également avoir déclaré qu’il ne comptait pas en tirer beaucoup.

 

Il a témoigné avoir amené la vache chez Denfield parce qu’elle perdait du poids. Il a indiqué qu’elle pouvait alors se tenir fermement sur ses jambes.

 

Il a cependant reconnu avoir traité la vache, qui avait récemment mis bas, au moyen d’un produit appelé Excenel, au cas où elle aurait eu une pneumonie ou une infection, car ce produit n’a aucun effet sur le lait ou sur la viande, et permettrait donc de prévenir les retards dans l’envoi de l’animal.

 

Peter Luyten a reconnu avoir reçu un procès‑verbal pour avoir transporté l’animal en question le 7 novembre 2006, de sa ferme jusque chez Denfield. Il a témoigné qu’il considère avoir été contraint par les inspecteurs de l’intimée de payer la sanction réduite pour « en finir avec cette histoire‑là ».

 

Témoignage du Dr Reg Clinton

 

Le Dr Clinton est docteur en médecine vétérinaire et pratique à ce titre depuis huit ans au sein de la Clinique vétérinaire Kirkton (Kirkton). Il détient le titre d’inspecteur aux termes de la Loi sur la vente à lencan du bétail de l’Ontario, et c’est la clinique Kirkton qui inspecte les ventes de Denfield depuis un certain temps.

 

Le Dr Clinton a déclaré au cours de son témoignage qu’il est arrivé chez Denfield le 8 novembre 2006, dans le but d’inspecter les animaux qui avaient été mis aux enchères. La vente devait s’ouvrir à 12 h 30. Il a trouvé la vache en question dans un enclos en compagnie de deux autres bêtes (auparavant placées en isolement parce qu’elles étaient petites ou qu’il y avait une raison quelconque pour laquelle Denfield souhaitait qu’un vétérinaire les examine).

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Il a déclaré dans son témoignage qu’il avait effectué un examen rapide de chacune des bêtes, d’une durée de trois à cinq minutes, et conclu que l’animal en question ne paraissait pas boiter, qu’il ne faisait pas de fièvre, mais qu’il avait une note d’état corporel peu élevée. Il a constaté que la vache ne présentait aucun signe extérieur évident de douleur et qu’elle n’avait pas une fréquence respiratoire très élevée. Lorsqu’il s’est approché de la vache, celle‑ci s’est levée et s’est éloignée. Le Dr Clinton a remarqué que la vache n’avait aucune difficulté à se tourner ou à faire les quelques pas qu’elle avait franchis.

 

Le docteur a remarqué également que la vache avait les yeux enfoncés, ce qui est un signe de déshydratation, et qu’elle avait le dos quelque peu voûté et l’abdomen rentré. Il a conclu de cette observation et de la mauvaise apparence de la tête de l’animal qu’elle « paraissait éprouver de la douleur ». Il a admis cependant que c’était là une constatation subjective, car il n’y avait aucun signe extérieur de douleur. Il a admis que, pour un profane, rien ne permettait de constater que l’animal souffrait.

 

Conformément au Règlement pris en application de la Loi sur la vente à lencan du bétail de l’Ontario, il a attaché à la vache une étiquette du ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario (MAAARO) indiquant « abattage seulement », ce qui signifie que la vache ne devait être livrée et vendue qu’à un abattoir ayant été soumis à une inspection. L’unique restriction consistait à exiger que l’abattage soit effectué dans un délai de 48 heures.

 

Dans le rapport d’inspection de la vente à l’encan par un vétérinaire, à l’onglet 8 du rapport de l’intimée, le Dr Clinton a précisé les raisons pour lesquelles il avait indiqué que la vache « était émaciée, qu’elle souffrait et qu’elle était déshydratée ». Après réflexion, il a témoigné qu’il aurait dû indiquer que la vache avait une note d’état corporel peu élevée et qu’il n’aurait pas dû utiliser le terme « émaciée ». Il a indiqué également qu’au moment où il a étiqueté l’animal, il estimait que celui‑ci était en mesure d’être transporté vers un abattoir.

 

La preuve a révélé qu’il avait alors supposé que l’abattoir serait celui de London Meats, ignorant que cette entreprise avait fermé ses portes temporairement. À l’audience, il a témoigné qu’il n’était « probablement pas dans l’intérêt de l’animal » d’être transporté au Québec. Aucune preuve ne démontre qu’une indication différente aurait été inscrite sur l’étiquette du MAAARO si le médecin avait su que la destination était le Québec.

 

 

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Le Dr Clinton a témoigné également qu’il n’avait pas ausculté l’abdomen, les poumons ou le cour, et il a admis qu’il est rarement possible de constater l’existence des signes extérieurs d’une grave pneumonie.

 

Il a reconnu également qu’il serait même difficile pour un producteur qui connaît ses animaux d’affirmer qu’une vache souffre, si elle ne boite pas et qu’elle ne présente aucune caractéristique extérieure évidente susceptible de causer des douleurs.

 

La pièce no 1 de la requérante est une copie de quatre rapports d’inspection de la vente à l’encan par un vétérinaire, remis à Denfield. Le Dr Clinton a témoigné que ceux‑ci avaient été remis par M. Littlejohn, un collègue à Kirkton. Dans tous ces cas, on a ordonné l’euthanasie des animaux en question au motif qu’ils étaient étiquetés dans le rapport comme étant « inaptes à l’abattage » ou « inaptes au transport ».

 

Denfield n’aurait pu provoquer le décès par euthanasie de cet animal sur place sans obtenir l’autorisation d’un inspecteur de l’Ontario, comme le Dr Clinton, ou du propriétaire.

 

Témoignage du Dr Lucien Gross

 

Le Dr Gross est docteur en médecine vétérinaire et il a travaillé avec l’intimée dans les domaines des maladies animales déclarables et du transport. Les requérants ont concédé qu’il possédait de telles compétences.

 

Le Dr Gross a effectué un examen post mortem de l’animal en question le 8 novembre 2006; il a entrepris l’examen à 12 h 45 et l’a terminé vers 14 h 15. Il ne connaissait pas les antécédents de l’animal, mais il a déterminé à partir de sa dentition que la vache était âgée de deux ou trois ans.

 

Le Dr Gross a passé en revue les termes de son rapport figurant à l’onglet 13 du rapport de l’intimée. Il a conclu que le trou sous la peau et la fracture du pelvis s’étaient produits après le décès de la vache, probablement lorsqu’elle avait été traînée à partir du compartiment ventral du camion ou lorsqu’elle avait été élevée au moyen du lève‑palette pendant l’examen post mortem. Il a indiqué que la légère lacération du foie s’était probablement produite lorsque la vache était en vie, sans cependant être en mesure de préciser à quel moment exactement.

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Il a reconnu que l’examen d’un animal en vie (ante mortem) et d’un animal mort (post mortem) sont deux types d’examen complètement différents, et qu’il ne pouvait contredire les conclusions du Dr Clinton.

 

Il a déclaré sans qu’on lui pose la question qu’il ne pouvait voir aucune indication que l’animal s’était fait piétiner par d’autres animaux pendant le transport.

Il a conclu que la vache, qui était affaiblie en raison d’une grave pneumonie, s’était probablement effondrée en raison du stress causé par des facteurs externes.

 

Le Dr Gross a témoigné également qu’à son avis, en raison de l’absence de signes extérieurs évidents, la pneumonie n’aurait pu être décelée chez la vache en vie au moyen d’un examen superficiel ou d’une brève inspection, de la nature de celle que le Dr Clinton avait menée.

 

Témoignage du Dr Yves Robinson

 

Le Dr Robinson est un pathologiste vétérinaire dont les antécédents et les titres de compétence impressionnants ont été reconnus par les requérants.

 

Le Dr Robinson a reçu des échantillons de tissus pulmonaires de l’animal décédé, et il a déterminé que la vache avait souffert d’une pleuropneumonie fibrinonécrotique aiguë.

 

Il a conclu que la vache aurait eu de la difficulté à respirer lorsqu’elle était en vie et que la pneumonie était le principal facteur ayant contribué à son décès, probablement provoqué par le stress.

 

Il a déclaré également que cette maladie chronique avait été présente depuis quelques semaines.

 

Le Dr Robinson s’est dit d’avis également que le témoignage du Dr Clinton dans le domaine devrait être retenu, et qu’il ne pouvait réfuter ce témoignage compte tenu des résultats de sa propre analyse.

 

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Témoignage de M. Bruce Coulter

 

Denfield appartient à Bruce Coulter, à son fils Brett et à son épouse Gwendelyn, qui en assurent l’exploitation depuis 1986. Bruce Coulter est un inspecteur non vétérinaire qualifié, un négociant d’animaux et un vendeur à l’encan de bétail pour la province de l’Ontario, et il compte 45 années d’expérience dans le domaine de la sélection, de la vente et du transport du bétail.

 

Dans ses observations écrites, Bruce Coulter a indiqué que Neil Woodrow était l’unique acheteur présent à l’encan du 8 novembre 2006 qui aurait pu acheter la vache en question munie d’une étiquette « abattage seulement ». Il est celui qui a suggéré que la vache soit retirée de la vente pour être ensuite évaluée pour envoi à Levinoff en tant que vache « sujette à l’abattage ».

 

Ainsi que l’audience a permis de le confirmer, les expressions « sur conjectures », « sur les rails » et « selon le sujet » sont plus ou moins équivalentes à l’expression « sujet à l’abattage ». Ces termes signifient que l’animal sera envoyé à l’abattoir et que l’agriculteur ne sera pas payé, à moins qu’à la suite de l’abattage, la carcasse de l’animal franchisse avec succès l’étape de l’inspection et soit jugée propre à la consommation humaine.

 

Dans ses observations écrites, Bruce Coulter a déclaré que la vache avait été évaluée séparément par lui‑même et Brett et Neil Woodrow, et que tous les trois avaient confirmé d’un commun accord « qu’elle ne boitait pas, qu’elle n’était pas enflée, qu’elle avait les yeux brillants, et qu’après avoir été nourrie et abreuvée, elle pourrait être chargée et transportée aussi bien que la majorité des vaches réformées le sont  ».

 

Pendant l’évaluation de la vache en question, la porte de son enclos a été laissée ouverte et M. Coulter a dit que la vache avait en fait franchi l’allée à la course, après quoi on l’avait placée dans un enclos d’alimentation avec le reste du chargement, où elle s’était rendue immédiatement à la mangeoire et avait commencé à manger du foin.

 

Ce témoignage a été confirmé à l’audience.

 

 

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Témoignage de M. Brett Coulter

 

Brett Coulter est lui aussi un inspecteur non vétérinaire qualifié, un négociant de bétail et un vendeur à l’encan de bétail, et il compte 25 années d’expérience dans le domaine de la sélection, de la vente et du transport du bétail.

 

Il a témoigné que 80 % des vaches transportées chez Levinoff sont maigres, ce qui est normal pour les vaches réformées.

 

En plus de son autre témoignage, il a déclaré qu’il avait mis la vache en question dans un enclos isolé après son arrivée chez Denfield, et que la vache avait mangé une bouchée de foin et avait bu de l’eau. À son avis, une vache éprouvant des douleurs n’aurait pas agi ainsi.

 

Témoignage de M. John Drynan

 

John Drynan a tracé les grandes lignes des connaissances qu’il a acquises pendant toute sa vie sur les vaches et les chevaux; il a travaillé à son propre compte dans le domaine du transport du bétail au cours des sept ou huit années qui ont précédé l’incident en cause.

 

Dans ses observations écrites et orales, il a témoigné qu’il avait commencé à charger le bétail chez Denfield vers 5 h 30. Il a alors remarqué que la vache en question se tenait debout et qu’elle marchait avec le reste des animaux. Il a constaté qu’elle paraissait un peu mince, mais qu’elle ne présentait aucun signe de boitement ni de maladie visible.

 

Il a déclaré également que « cette vache avait franchi à la marche/à la course la distance de 280 pieds séparant l’enclos de la rampe de chargement et qu’elle avait monté la marche menant à la remorque. Elle a ensuite été en mesure de descendre la rampe pour entrer dans la remorque et se rendre jusque dans la partie avant du compartiment ventral de celle‑ci. Elle n’a jamais éprouvé de difficulté à tenir le rythme des autres vaches, ni paru avoir de la difficulté à entrer dans la remorque ou à en sortir  ». Il a ajouté que « je ne l’ai jamais aidée à monter à bord  ».

 

 

 

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Témoignage de M. Neil T. Woodrow

 

Neil Woodrow achète des vaches depuis 23 ans et, à l’époque, il était acheteur de bétail pour Levinoff.

 

Il achète entre 250 et 300 vaches par semaine pour envoi à Levinoff.

 

Dans ses observations écrites, Neil Woodrow a témoigné que, lorsque l’animal en question a été amené dans l’aire de vente à l’encan, il était maigre et avait une étiquette du MAAARO sur le dos. Il a fait remarquer que rien n’indiquait que l’animal n’était pas apte au transport vers Levinoff, ce qu’il a confirmé encore dans son témoignage à l’audience.

 

Il a expliqué que les étiquettes du MAAARO avaient été données au départ pour empêcher les négociants d’amener une vache de vente en vente et pour empêcher les agriculteurs de faire une offre sur leurs propres vaches à une vente. Il a indiqué que les étiquettes du MAAARO pouvaient être apposées sur des vaches en parfaite santé mais sauvages pour prévenir leur envoi chez un autre agriculteur.

 

Il a expliqué également que l’agriculteur dont la vache porte une étiquette du MAAARO et dont la carcasse franchit avec succès l’étape de l’inspection touche le prix du marché courant au moment de l’abattage. Dans ce cas‑ci, M. Woodrow a estimé que M. Luyten aurait touché approximativement 20 cents la livre si la vache avait franchi l’inspection avec succès, soit bien plus que le montant de 10 cents obtenu au moment où l’enchère a été interrompue. Il a estimé qu’il était dans l’intérêt de Levinoff et de l’agriculteur de faire transporter la vache en tant que vache « sujette à l’abattage ».

 

Il a indiqué être incapable de dire ce qui se trouve dans le corps d’une vache et ne connaître personne qui puisse le faire. En conséquence, il ne serait pas en mesure de prédire si une vache franchirait avec succès l’inspection après l’abattage. Il a déclaré qu’une vache pouvait échouer à l’inspection pour un certain nombre de raisons, notamment pour cause de cancer, d’arthrite, de cancer de l’oil, de pneumonie ou d’émaciation.

 

 

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Charge de la preuve

 

L’article 19 de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière dagriculture et dagroalimentaire prescrit que le ministre (représenté par l’intimée) doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que la personne désignée dans le procès‑verbal a commis la violation énoncée dans le procès‑verbal.

 

Pour s’acquitter de cette charge, l’intimée doit établir, dans les faits, qu’au moment du chargement et du transport, l’animal ne pouvait, pour des raisons d’infirmité, de maladie, de blessure, de fatigue ou pour toute autre cause, être transporté sans souffrances indues au cours du voyage prévu.

 

Il ne fait aucun doute que les requérants se sont appuyés fortement sur le jugement du Dr Clinton, qui a sanctionné le transport de la vache vers un abattoir dans un délai de 48 heures, en raison de la présence de l’étiquette du MAAARO.

 

En revanche, je considère tout aussi convaincants les témoignages de Bruce Coulter, Brett Coulter et Neil Woodrow, qui tous possèdent une vaste expérience dans le domaine de l’élevage bovin et qui ont chacun indépendamment déterminé que la vache était apte au transport vers Levinoff. Je suis convaincu également que les requérants connaissaient leurs obligations sous le régime des lois provinciales et fédérales à cet égard.

 

Les témoignages des Drs Gross et Robinson sont révélateurs, mais ils reposaient tous deux sur les examens effectués post mortem. Leurs témoignages n’ajoutent rien à la preuve de l’état de l’animal en question avant qu’il ne soit chargé et transporté, ni ne contredisent celle‑ci.

 

À mon avis, le témoignage du Dr Clinton à cet égard est des plus révélateurs.

 

Dans son témoignage, le Dr Clinton n’a pas indiqué que la vache présentait des signes visibles d’infirmité, de maladie, de blessure ou de fatigue. Dans sa déclaration, ne portant aucune date, déposée à l’onglet 9 dans le rapport de l’intimée, il a déclaré que l’animal en question « paraissait souffrir beaucoup », tandis qu’à l’onglet 8, il a énoncé les raisons pour lesquelles l’étiquette du MAAARO indiquait qu’elle était « émaciée, qu’elle souffrait et qu’elle était déshydratée ».

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Il a témoigné à l’audience qu’il aurait dû inscrire « note d’état corporel peu élevée » plutôt qu’« émaciée » sur le formulaire en question.

 

En ce qui concerne les symptômes de souffrances, cependant, il a admis à l’audience qu’il s’agissait d’une évaluation subjective qui reposait sur la mauvaise apparence de la tête de la vache et sur le fait qu’elle avait le dos quelque peu voûté et l’abdomen rentré. Bien qu’il n’y ait aucune preuve dans un sens ou dans l’autre, il est possible que le dos voûté ait été héréditaire.

 

J’en arrive à la conclusion également, compte tenu de la preuve, qu’aucun signe extérieur n’indiquait que l’animal en question souffrait d’emphysème ou de pneumonie aiguë, et que les trois requérants n’avaient aucune raison d’établir que l’animal ne pouvait être transporté sans souffrances indues pendant le trajet prévu vers Levinoff.

 

La note d’état corporel de l’animal était peu élevée, mais cela est normal pour les vaches

réformées, et particulièrement pour cette vache, qui aurait eu l’air abattue parce qu’elle ne s’était pas complètement remise de sa récente mise bas.

 

Il n’y a aucune preuve que l’animal avait la tête penchée ou qu’il beuglait, ce qui indique normalement la présence de douleurs.

 

L’évaluation subjective effectuée par le Dr Clinton, selon laquelle l’animal paraissait souffrir (gravement ou autrement), ne constitue pas, à mon avis, une preuve suffisante sur le fondement de laquelle je pourrais conclure dans les faits que l’animal n’aurait pu être transporté sans souffrances indues pendant le trajet prévu. La preuve dans cette affaire ne satisfait pas au critère de la prépondérance des probabilités requis pour appuyer une conclusion selon laquelle la requérante a commis la violation.

 

En conséquence, il n’est pas nécessaire d’aborder les autres questions en litige indiquées, comme celle de savoir si Denfield a « fait » charger et transporter ou si le degré de gravité de ces violations a été bien évalué.

Fait à Ottawa le 24 juillet 2008.

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Thomas S. Barton, c.r., président

 

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