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RTA no 60307

 

 

 

 

 

 

 

LOI SUR LES SANCTIONS ADMINISTRATIVES PÉCUNIAIRES EN MATIÈRE DAGRICULTURE ET DAGROALIMENTAIRE

 

 

DÉCISION

 

Affaire intéressant une demande de révision des faits relatifs à une violation de la disposition 140(1) du Règlement sur la santé des animaux, alléguée par l’intimée et à la demande de la requérante en vertu de l’alinéa 9(2)c) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière dagriculture et dagroalimentaire.

 

 

 

Brians Poultry Services Ltd., requérante

 

 

- et -

 

 

Agence canadienne dinspection des aliments, intimée

 

 

 

 

 

LE PRÉSIDENT BARTON

 

 

Décision

 

À la suite dune audience et après avoir examiné toutes les observations écrites et orales des parties, la Commission statue, par ordonnance, que la requérante na pas commis la violation et quelle nest pas tenue de payer la sanction.

 

 

 

 

 


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MOTIFS

 

La requérante a demandé la tenue d’une audience aux termes du paragraphe 15(1) du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière dagriculture et dagroalimentaire.

 

L’audience a eu lieu à Kitchener (Ontario), le 1er avril 2008.

 

La requérante était représentée par son avocat, Me Ron E. Folkes.

 

M. Brian Herman, Mme Nancy Stauffer et M. Casey Scherders ont présenté une preuve pour la requérante.

 

L’intimée était représentée par son avocat, Me Derek Edwards.

 

Le Dr André Trempe a présenté une preuve pour l’intimée par voie de téléconférence, avec l’aide de Mme Estelle Lavoie, interprète.

 

Le procès‑verbal no 0506QC0141 en date du 5 janvier 2006, allègue que la requérante, le 4 octobre 2005, à Woodstock, dans la province de l’Ontario, a commis une violation, à savoir  « le chargement de volaille dans un cageot rempli à un point tel que la volaille a été blessée ou a souffert indûment  », en contravention de la disposition 140(1) du Règlement sur la santé des animaux, qui prévoit ce qui suit :

 

140. (1) Il est interdit de charger ou de faire charger un animal dans un wagon de chemin de fer, un véhicule à moteur, un aéronef, un navire, un cageot ou un conteneur qui est rempli à un point tel que l’animal ou tout autre qui s’y trouve risquerait de se blesser ou de souffrir indûment.

Après confirmation que les deux parties en avaient des copies, les documents suivants ont été versés en preuve au dossier aux fins de l’audience :

 

        Procès-verbal en date du 5 janvier 2006.

        Lettre du procureur de la requérante en date du 18 janvier 2006, demandant une révision.

        Lettre de l’intimée en date du 25 janvier 2006, à laquelle est joint son rapport.

        Lettre du procureur de la requérante en date du 15 mars 2006, à laquelle est joint un recueil des documents.

 

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        Lettre du procureur de l’intimée en date du 30 mars 2006 en réponse au mémoire de la requérante.

        Lettre de réponse du procureur de la requérante en date du 4 avril 2006.

        Lettre du procureur de la requérante en date du 26 avril 2006, renfermant de l’information sur la densité aviaire.

        Lettre du procureur de la requérante en date du 20 mars 2008, renfermant de la documentation supplémentaire et un résumé de la preuve de la requérante.

 

À la suite d’une brève rencontre entre les avocats, le procureur de la requérante a admis les faits énoncés aux onglets 2 et 3, à l’exception des heures de chargement, et les faits énoncés aux onglets 4, 5, 6 à 9, et 11.

 

La thèse de l’intimée repose principalement sur le fait que, compte tenu des conditions météorologiques et de la distance parcourue, la requérante a entassé un trop grand nombre de poulets dans chaque cageot, ce qui a provoqué leur asphyxie. Les poulets se trouvant dans les parties centrales des remorques ont éprouvé le plus de difficultés en raison de l’absence de ventilation.

 

La requérante soutient que la densité de chargement des cageots n’était pas excessive dans les circonstances et qu’elle satisfaisait aux directives recommandées. Elle a fait valoir que les souffrances indues, le cas échéant, avaient été causées par des facteurs qu’elle n’avait pu prévoir et qui échappaient à son contrôle, comme la longue durée du transport de l’un des chargements et le temps d’attente à l’abattoir de l’autre chargement.

Détails du chargement

 

Le 4 octobre 2005, la requérante a effectué quatre chargements de poulets à Woodstock (Ontario). Les deux chargements en question ont été transportés par deux compagnies de camionnage différentes et sont arrivés le 5 octobre 2005 au matin à un abattoir de Drummondville (Québec). Par souci de commodité, j’appellerai ces chargements le chargement d’Emery et le chargement de Raymond (les noms des chauffeurs).

Le chargement de Raymond contenait 4 532 poulets (80 cageots contenant chacun huit poulets et 556 cageots contenant chacun sept poulets). Le poids moyen d’un cageot était de 27,02 kg. Le temps de chargement a été d’approximativement deux heures et 15 minutes. Le camion a quitté Woodstock vers 20 h 45 et il est arrivé à Drummondville vers 5 h 45, le lendemain matin, ce qui représente un voyage de neuf heures.

 

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L’abattage a commencé environ trois heures plus tard, heure à laquelle on a trouvé 453 poulets morts (10 % du chargement).

Le chargement d’Emery contenait 5 460 poulets (780 cageots contenant chacun sept poulets). Le poids moyen d’un cageot était de 26,88 kg. Le temps de chargement a été d’approximativement une heure et 45 minutes; le camion a quitté Woodstock vers 20 h 45 et est arrivé à Drummondville vers 9 h 10 le lendemain matin. Le voyage a duré 12,5 heures au total. L’abattage a commencé environ une heure après l’arrivée, et l’on a alors découvert 590 poulets morts (10,8 % du chargement).

 

Conditions météorologiques

 

Selon les tableaux des conditions météorologiques reproduits aux onglets 6 à 9 du rapport de l’intimée (et admis par l’avocat de la requérante), les températures ont varié entre le moment du chargement — 20°C —, le déplacement jusqu’à l’abattoir — 17°C — et l’arrivée à l’abattoir — 18°C. L’humidité relative était élevée, atteignant son plus haut point vers 4 h, à Montréal, le 5 octobre 2005 au matin.

Densités de chargement

L’article 5.2.12 du Code de pratiques recommandées pour les soins et la manipulation des animaux délevage, reproduit à l’onglet 14 du rapport de l’intimée, recommande que les densités de chargement (poids vif maximum) par caisse par temps froid soient de 63 kg/m2. Il prévoit également que cette densité est recommandée pour les conditions hivernales et qu’elle devrait être réduite de 15 à 20 % pendant l’été.

 

Bien que le mois d’octobre ne soit officiellement ni un mois d’hiver ni un mois d’été, l’intimée a jugé que, les 4 et 5 octobre, les températures étaient inhabituellement élevées, et elle a fait valoir que les densités de chargement recommandées auraient dû être réduites de manière à correspondre aux températures des mois d’été.

 

Suivant la preuve de la requérante, la densité d’un cageot n’est normalement réduite dans des conditions estivales que lorsque les températures approchent les 30 degrés, et les densités de chargement pour les heures en question étaient normales dans les circonstances. Les densités des deux autres chargements effectués à partir de la même ferme le même jour étaient similaires, et l’on n’a pas dénoté un taux anormalement élevé de décès au moment de l’abattage.

 

 

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Selon les calculs de M. Casey produits à l’onglet 3 du recueil de documents de la requérante, la densité de chargement recommandée était de 30,738 kg par cageot. L’intimée a calculé que les cageots du chargement de Raymond pesaient 27,02 kg et que ceux du chargement d’Emery pesaient 26,88 kg, ainsi que l’indique son rapport aux onglets 12 et 13.

 

La preuve a permis d’établir que les cageots du chargement de Raymond qui contenaient chacun huit poulets avaient été chargés à l’arrière de la remorque, où l’on n’avait éprouvé aucun problème.

 

En conséquence, à des fins de comparaison, je ne parlerai que des densités de sept poulets par cageot. Si je me fonde sur les dimensions réelles des cageots, prises par M. Casey (l’intimée admet ne pas avoir mesuré les cageots) et sur le poids moyen des poulets indiqué aux onglets 12 et 13 du rapport de l’intimée, j’en arrive à la conclusion que la densité des cageots du chargement d’Emery était de 12,5 % inférieure au maximum recommandé et que la densité par cageot du chargement de Raymond était de 12,1 % inférieure au maximum recommandé.

 

D’après le témoignage de Mme Nancy Stauffer, le chargement a été effectué normalement et les poulets étaient en bon état lorsqu’ils ont quitté l’établissement du producteur. En outre, lorsque le Dr Trempe a examiné le chargement d’Emery vers 9 h 15 le matin et le chargement de Raymond vers 6 h 30, le 5 octobre 2005 au matin, il n’a rien remarqué d’anormal et les poulets qu’il pouvait voir dans les parties du chargement donnant sur l’extérieur paraissaient en bon état.

 

Retards

 

Bien que l’intimée ait soumis dans son rapport une preuve par ouï-dire suivant laquelle un temps de chargement idéal ne devrait pas excéder 1,75 heure, je suis convaincu, compte tenu du témoignage de Mme Stauffer, que le temps de chargement d’une heure et 45 minutes pour la cargaison d’Emery et de deux heures et 15 minutes pour la cargaison de Raymond n’étaient pas excessifs dans les circonstances.

 

La requérante souligne qu’il a fallu 12 heures et 40 minutes à la cargaison d’Emery pour se rendre du producteur jusqu’à l’abattoir, tandis que la cargaison de Raymond a pris neuf heures, ce qui représente une différence de trois heures et 40 minutes.

 

 

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On n’a produit aucune preuve pour expliquer cet écart. Les carnets de route des chauffeurs n’ont pas été versés en preuve non plus. Toutefois, l’intimée reconnaît que, si le transport est interrompu en cours de route, la chaleur s’élève dans la remorque, ce qui cause des problèmes.

 

La requérante allègue également que la cargaison d’Emery est restée à l’extérieur de l’abattoir, avant l’abattage, pendant une heure et 20 minutes, tandis que la cargaison de Raymond y est restée pendant trois heures et 15 minutes.

 

Le Dr Trempe a témoigné qu’il avait été mis au courant du problème concernant la cargaison de Raymond à 9 h et de celui concernant la cargaison d’Emery à 10 h 30, soit les heures qui sont inscrites dans son rapport de non‑conformité aux onglets 12 et 13 du dossier de l’intimée. Cela signifie que l’abattage était en cours à ce moment‑là, bien que les heures auxquelles l’abattage a effectivement commencé ne puissent être déterminées.

 

Bien que le Dr Trempe ait témoigné que ces délais n’étaient pas inhabituels, dans le cas de la remorque de Raymond, elle est restée à l’extérieur de l’établissement (plutôt qu’à l’intérieur, où elle aurait été à l’abri du soleil et aurait profité de brumisateurs) pendant une période considérable avant l’abattage, au cours de laquelle la température aurait grimpé dans la remorque.

 

Pièces à lappui

 

Au cours de l’audience, j’ai versé les pièces suivantes au dossier :

— la pièce no 1 de la requérante, soit un rapport de M. Casey Scherders;

— la pièce no 1 de l’intimée, soit l’affaire Canada (Agence canadienne dinspection des aliments) c. Porcherie des Cèdres Inc., 2005 CAF 59;

— la pièce no 2 de l’intimée, soit l’affaire Fermes G. Godbout et Fils Inc. c. Canada, 2006 CAF 408;

— la pièce no 3 de l’intimée, soit l’affaire Samson c. Canada (Agence canadienne dinspection des aliments), 2005 CAF 235.

 

Résumé

L’unique question en litige consiste à savoir si les actions de la requérante quant au chargement de sept ou huit poulets par cageot, ont provoqué l’entassement des poulets à un point tel qu’ils risquaient de se blesser ou de souffrir indûment.

 

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L’avocat de l’intimée a à juste titre souligné que la bonne foi et la diligence raisonnable ne constituent pas des moyens de défense. De même, le fait de suivre les pratiques ordinaires ne constitue pas une défense, puisque cela équivaut à une diligence raisonnable, ainsi qu’on l’a conclu dans l’affaire Godbout.

 

L’avocat de la requérante a indiqué qu’il ne faisait pas valoir le caractère raisonnable des actions de la requérante ni que celle‑ci avait agi de bonne foi ou en conformité avec la pratique ordinaire, mais simplement qu’en chargeant sept ou huit poulets par cageot, la requérante n’y a pas créé n entassement à un point tel que les poulets risquaient de se blesser ou de souffrir indûment. Ses trois témoins, qui comptent une longue expérience pratique dans le domaine du chargement et du transport des poulets, ont tous témoigné dans le sens de cette conclusion.

 

En revanche, le fait qu’au moment de l’abattage, un grand nombre de poulets morts ont été trouvés dans les chargements signifie que les poulets ont dû subir des blessures ou des souffrances indues à un moment donné. Aucune preuve ne permet d’établir l’heure des décès, et toutes les conditions paraissaient normales à compter du moment où ils ont quitté l’établissement du producteur jusqu’au moment où l’abattage a commencé. Dans ce cas‑ci, il est clair que les poulets se trouvant au centre des remorques ont souffert de suffocation. Il s’agit donc de déterminer la cause probable de leurs souffrances.

 

Le Code de pratiques recommandées pour le soin et la manipulation des animaux de ferme, reproduit à l’onglet 14 du rapport de l’intimée, a été élaboré pour servir de directives reconnaissant « le principe fondamental de non‑cruauté envers les animaux qui constitue l’élément essentiel à considérer au cours de leur transport. Les animaux qui sont bien traités et protégés du stress arrivent à destination en bien meilleur état ».

 

Dans ce cas‑ci, j’en arrive à la conclusion dans les faits que les conditions météorologiques les 4 et 5 octobre 2005 ne correspondaient pas à des conditions que l’on constate normalement en hiver ou en été, de sorte que les lignes directrices pour les densités de chargement (poids vif maximum) par cageot de 63 kg/m2 sont utiles, mais elles ne sont pas déterminantes dans les circonstances. En fait, ainsi qu’il a été indiqué précédemment, la densité des cageots, qui comptaient chacun sept poulets dans le chargement d’Emery, était de 12,5 % inférieure aux lignes directrices et, dans la remorque de Raymond, de 12,1 % inférieure aux lignes directrices. Cela paraît être une conformité raisonnable aux lignes directrices.

 

 

 

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Dans le chargement de Raymond, les cageots qui comptaient huit poulets se trouvaient à l’arrière de la remorque, où aucun problème n’est survenu. Ainsi que la preuve l’a indiqué, les poulets se trouvant aux deux extrémités de la remorque profitent d’une meilleure ventilation que ceux au centre du chargement, tant pendant le transport que lorsque les camions s’arrêtent, de sorte qu’ils sont exposés à un risque vraisemblablement moins élevé de suffoquer.

 

Les deux autres chargements de poulets transportés à partir du même producteur le même jour n’ont pas éprouvé ces difficultés. L’avocat de la requérante a souligné que l’unique différence importante dans les quatre chargements était la durée du déplacement d’Emery, qui a nécessité plus de trois heures de plus que celui de Raymond, et le fait que la remorque de Raymond est restée à l’extérieur de l’abattoir pendant approximativement trois heures. Dans les deux situations, la température aurait grimpé dans les remorques, ce qui a causé la suffocation. Cela expliquerait la cause probable d’un nombre beaucoup plus élevé de décès dans ces deux chargements.

 

Compte tenu de tous les faits, je conclus que l’intimée n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que les densités de poulets chargés par la requérante étaient susceptibles de causer des blessures ou des souffrances indues.

 

Transport Giannone-Garceau Inc. / Décision RTA no 60228 de la Commission de révision

 

Dans une décision antérieure, la Commission en est arrivée à la conclusion que le transporteur du chargement de Raymond avait contrevenu au paragraphe 140(2) du Règlement sur la santé des animaux. Cette décision n’a pas été prise au terme d’une audience; elle reposait plutôt sur des observations écrites. Le transporteur n’a pas contesté ni nié quelque élément de preuve que ce soit soumis par l’intimée, mais il a contesté la violation, faisant uniquement valoir que les tâches d’attraper et de charger les poulets ne lui incombaient pas.

 

Je note également que, dans cette affaire, l’intimée a déposé une preuve selon laquelle la taille des cages était de 45 mètres carrés, par opposition aux dimensions réelles dans la présente affaire, prises par M. Herman, selon lesquelles les cages mesurent 48,8 mètres carrés. Cet écart a alors eu pour effet de réduire la densité recommandée dans l’affaire Garceau.

 

 

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Quoi qu’il en soit, cette décision reposait sur les faits non contestés dont la Commission avait été informée.

 

Fait à Ottawa le 23 avril 2008.

 

 

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Thomas S. Barton, c.r., président

 

 

 

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