Décisions de la Commission de révision agricole du Canada

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Référence :     Les Élevages Nyco Inc.  c.  Canada  (Agence canadienne d’inspection des aliments)   2014  CRAC  27

 

 

 

 

Date :  20140924

Dossier :  CART/CRAC‑1775

 

 

 

 

 

 

 

 

ENTRE :

 

 

 

 

 

 

 

Les Élevages Nyco IncDemanderesse

 

 

 

 

‑ et ‑

 

 

 

 

  Agence canadienne d'inspection des aliments, Intimée

 

 

 

 

 

 

 

 

DEVANT :

Bruce La Rochelle, membre

 

 

 

 

 

 

 

 

AVEC :

Marco Lampron, Président et représentant pour la demanderesse; et

 

Me Louise Panet-Raymond, avocate pour l’Agence

 

 

 

 

 

 

 

 

Affaire concernant la demande de révision présentée par la demanderesse, en vertu du paragraphe 8(1) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire relativement à la violation alléguée par l’intimée, de l'alinéa  138 (2)a) du Règlement sur la santé des animaux.

 

 

 

 

 

DÉCISION

 

 

 

 

Après avoir examiné toutes les observations écrites des parties, la Commission de révision agricole du Canada statue, par ordonnance, que la demanderesse n’a pas commis la violation, telle que décrite dans le procès‑verbal n1213QC0046-3, daté du 27 février 2014.

 

 

 

 

Sur observations écrites seulement.

 

 

 


MOTIF

 

L’incident reproché et les dispositions législatives applicables

 

[1]              Par un procès-verbal no 1213QC0046-3 daté du 27 février 2014, l’Agence canadienne d’inspection des aliments (l’Agence) allègue que Les Élevages Nyco Inc. (Élevages Nyco) a commis une violation, le ou vers le 17 mai 2012, à Sainte‑Séraphine (Québec). L’Agence a le droit d’émettre un procès‑verbal jusqu’à deux ans après la date où le ministre a pris connaissance des éléments constitutifs de la violation, selon le paragraphe 26(1) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (L.C. 1995, ch. 40) qui prévoit comme suit :

 

 (1) Les poursuites pour violation se prescrivent par six mois à compter de la date où le ministre a eu connaissance des éléments constitutifs de la violation, lorsque celle-ci est mineure, et par deux ans, lorsqu’elle est grave ou très grave.

 

[2]              Par ce procès‑verbal, Élevages Nyco est accusée de (verbatim) « Charger, faire charger, transporter, ou faire transporter un animal qui ne peut être transporté sans souffrances », contrevenant ainsi l’alinéa 138(2)a) du Règlement sur la santé des animaux. (C.R.C., ch. 296). Selon Annexe 1 du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (DORS/2000‑187), la violation alléguée est classifiée comme étant une violation grave. L’animal en question était une truie avec, comme il est allégué, un abcès au niveau du bassin et des fesses du membre postérieur gauche. Par le procès‑verbal, Élevages Nyco est soumis à un avertissement, contrairement à une sanction.

 

L’historique des procédures

 

[3]              Le procès-verbal a été signifié à Élevages Nyco, en l’envoyant au président, Marco Lampron, « par télécopieur, courrier recommandé ou service de messagerie au siège social ou au lieu de travail de la personne ou au mandataire de la personne » (paragraphe 2b), Certificat de Notification, ACIA formule 5197, signée par Stéphanie Hamel, adjointe administrative de l’Agence). La date de signature de Mme Hamel est le 11 mars 2014, mais la date de signification est particularisée comme le 21 mars 2014. La différence entre ces dates est en raison de l’article 9 du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, qui prévoit comme suit :

 

 (1) La personne qui signe le certificat de notification, en une forme approuvée par le ministre, indiquant que la personne qui y est nommée a été notifiée et précisant le mode de notification est réputée avoir procédé à la notification à la date établie selon les paragraphes (2) à (4).

(2) Le document envoyé par courrier recommandé est notifié le 10e jour suivant la date indiquée sur le récépissé du bureau de poste.

(3) Le document envoyé par messagerie est notifié le 10e jour suivant la date du récépissé remis à l’expéditeur par le service de messagerie.

(4) Le document transmis par télécopieur ou autre moyen électronique est notifié à la date de transmission.

 

[4]              Donc, on présume que la notification a été établie par courrier recommandé ou par messagerie, puisque, par règlement, il y a une différence (1 jour ou 10 jours) de la date de notification jugée par règlement, si la notification est envoyée par télécopieur. La Commission estime qu’il y a une erreur terminologique regrettable dans le formulaire de l’Agence. La Commission suggère que ce serait mieux de faire référence à la notification par télécopieur dans un autre paragraphe du formulaire. De plus, la Commission suggère qu’il serait mieux de faire référence dans le formulaire que la date de notification est une date déterminée par règlement. Par contre, la Cour fédérale, sous la plume du juge Annis, a récemment déterminé, dans l’arrêt L. Bilodeau & Fils Ltée c. l’Agence canadienne d’inspection des aliments, 2014 CF 316, au paragraphe 38, qu’une irrégularité comme telle soit une « irrégularité mineure de signification » et qu’elle n’annule pas un procès‑verbal en conséquence. Néanmoins, la cour n’a pas nié que c’est une erreur d’utiliser deux dates en remplissant le formulaire. La décision de la Cour d’appel fédérale dans Clare c. Canada (Procureur général), 2013 CAF 265, était affirmée par le juge Annis, dans Bilodeau. Dans l’arrêt Clare, sous la plume du juge Near, l’irrégularité mineure de signification comprenait « une légère différence dans l’adresse du demandeur » (paragraphe 23), pas des différences en dates dans un formulaire. Dans Clare, le règlement a été utilisé par la cour (au paragraphes 22 et 23) afin de déterminer la date de signification jugée.

 

[5]              Par lettre du 15 avril 2014, reçue par la Commission le 17 avril 2014, Élevages Nyco, de la part de Marco Lampron, président, a fait une demande de révision. La demande de révision a été déterminée recevable par la Commission.

 

[6]              Par le formulaire de la Commission (« Demande de révision en vertu de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et agroalimentaire ») rempli par Marco Lampron et reçu par la Commission le 30 avril 2014, Élevages Nyco a indiqué qu’elle voulait une révision sur observations écrites seulement. Le choix d’une révision par audience orale, en matière du procès‑verbal avec avertissement ou du procès‑verbal avec sanction, demeure le choix de la demanderesse. Le paragraphe 15(1) du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire prévoit comme suit :

 

 (1) Lorsqu’elle est saisie d’une affaire au titre de la Loi, la Commission procède par la tenue d’une audience si l’intéressé en fait la demande.

 

[7]              Le Rapport de l’Agence en date du 14 mai 2014 a été reçu par la Commission le 15 mai 2014, et l’Agence a également fait parvenir copie à la demanderesse. Le même jour, la Commission a envoyé un accusé de réception aux parties, par courriel et courrier régulier. Conformément à l’article 37 des Règles de la Commission de révision (agriculture et agroalimentaire) (DORS/99‑451), la Commission a avisé les parties du droit de faire des soumissions supplémentaires, avant le 16 juin 2014. L’article 37 des Règles prévoit comme suit :

 

 Dans les deux jours suivant la réception du rapport, la Commission envoie un accusé de réception à chaque partie, portant que le rapport a été reçu et que les parties disposent de 30 jours suivant la date de l’accusé pour fournir tout renseignement ou observation additionnels, y compris tout document ou tout autre élément de preuve.

 

[8]              Le 13 juin 2014, par MPanet‑Raymond, conseillère juridique, l’Agence a envoyé des soumissions supplémentaires.   Élevages Nyco n’a présenté aucune autre soumission.

 

Question préliminaire: sanction ou avertissement

 

[9]              La Commission remarque que dans le Rapport de non‑conformité de l’inspecteur (formulaire abrégé), une partie de l’onglet 4 du Rapport de l’Agence, la recommandation de Dre Refk, avec l’approbation de sa superviseure et de la gestionnaire responsable de l’inspection, est qu’un procès‑verbal avec sanction devrait être émis. Le procès‑verbal du dossier est un procès‑verbal avec avertissement, sans explication du changement de la sanction recommandée. Sauf la remarque de la Commission qu’il y a une différence sans explication, ça reste comme décision discrétionnaire de l’Agence. Comme la Commission a discuté dans Williams c. Canada (Agence des services frontaliers du Canada), 2011 CRAC 9, au paragraphe 31 (extrait) :

 

[31]      […] L'inspecteur de l'Agence a décidé d'exercer son pouvoir discrétionnaire en émettant à M. Williams un avis de violation comportant une sanction plutôt qu'un avertissement. Une fois qu'il a exercé ce pouvoir discrétionnaire, la Commission ne peut selon sa loi habilitante contester, modifier ou changer autrement l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire.

 

Même si la recommandation d’un inspecteur de l’Agence n’est pas suivie par son supérieur, la Commission n’a pas le droit de contester de telles procédures internes et discrétionnaires.

 

Question préliminaire: l’endroit de la violation; erreur dans le procès-verbal

 

[10]         Dans l’introduction des soumissions supplémentaires de l’Agence du 13 juin 2014, Me Panet‑Raymond a mentionné qu’il y a eu des erreurs dans le Rapport, comme suit :

 

Dans un premier temps, nous attirons l’attention de la Commission sur deux petites erreurs d’inadvertance qui se sont glissées sur la page couverture et à la page 13 du rapport de ministre.  Il faut lire Sainte-Hélène-de-Bagot au lieu de Sainte-Séraphine comme l’endroit de la violation.

 

[11]         En fait, la cause de l’identification de Sainte‑Séraphine comme l’endroit de la violation est parce que Sainte‑Séraphine est particularisée dans le procès–verbal. L’Agence a changé l’identification de Sainte‑Séraphine à Sainte‑Hélène‑de‑Bagot dans le Rapport comme « erreurs d’inadvertance », mais n’a pas fait une requête afin de rectifier le procès‑verbal. La position de la Commission sur le sujet de rectification d’un procès‑verbal (également connu comme « avis de violation ») est résumée par Dr. Buckingham, président de la Commission, dans Hassan c. Canada (ASFC), 2013 CRAC 32, au paragraphe 14 (extrait) :

 

14.  …Il a été demandé à plusieurs autres occasions à la Commission d’autoriser, et dans certains cas elle l’a fait, la rectification de l’avis de violation original. La Commission note, par exemple, que dans le cas de la série de décisions Kropelnicki c. Canada (ACIA) (2010 CRAC 22‑25), pour lequel il s’agissait d’examiner les avis de violation émis par l’Agence canadienne d’inspection des aliments, la Commission a ordonné d’effectuer une rectification avec le consentement des parties. Dans d’autres cas, même en l’absence de consentement, comme dans le cas Knezevic c. Canada (ASFC), 2011 CRAC 21, la Commission a accordé une rectification de l’avis de violation, car il était clair qu’une telle modification ne porterait pas préjudice à Knezevic pour comprendre les faits qui lui étaient reprochés et préparer sa défense….

 

[12]         Étant donné qu’il n’y a pas eu de requête par l’Agence afin de rectifier le procès‑verbal, la Commission n’est pas disposée à le faire de sa propre initiative. Donc, la Commission constate que la demanderesse n’a pas commis la violation, comme il est allégué, puisque l’endroit de la violation alléguée dans le procès‑verbal, n’est pas conforme aux faits allégués par l’Agence.

 

[13]         Malgré le fait que la Commission a conclu que l’Agence n’a pas établi son cas, à cause d’une erreur fondamentale et non rectifiée dans le procès‑verbal, la Commission a tout de même décidé, à sa discrétion, d’examiner le dossier plus profondément.

 

Preuve et arguments soulevés devant la commission

 

[14]         La preuve et les arguments soulevés devant la Commission sont comme suit :

 

(a)  Les motifs écrits soumis par Marco Lampron, de la part d’Élevages Nyco en soutenant la Demande de Révision du 15 avril 2014 (Motifs accompagnés à la Demande de Révision);

 

(b)  Le Rapport de l’Agence du 14 mai 2014 (le Rapport);

 

(c)   Les soumissions supplémentaires de l’Agence du 13 juin 2014 (Soumissions supplémentaires de l’Agence)

 

 

 

 

(a)      Faits non‑contestés

 

[15]         Les faits allégués par l’Agence, qui ne sont pas contestés par Élevages Nyco, sont comme suit :

 

(a)  Le 17 mai 2012, Élevages Nyco a transporté un groupe de huit truies et un porc de sa propre ferme, située à Sainte-Séraphine (Québec) à l’abattoir L.G. Hébert et Fils Ltée, situé à Sainte‑Hélène‑de‑Bagot (Québec). Les animaux appartenaient à Élevages Nyco. La durée du transport était d’environ 50 minutes. Les truies et le porc appartiennent à l’Élevages Nyco, qui agit également comme transporteur.

 

(b)  Une vétérinaire de l’Agence, Dre Refk, située à l’abattoir, a remarqué qu’une des truies ne pouvait pas se lever sans l’aide de M. Lampron, et qu’une fois debout, elle n’était pas capable de marcher seule, ni de rester debout longtemps. Avec le support de M. Lampron et M. Pascal Belval, préposé à la réception de l’abattoir, la truie a pu arriver au quai de déchargement, où elle s’était effondrée.

 

(c)   Avant que M. Lampron et M. Belval aient réussi à bouger la truie jusqu’au quai de déchargement, Dre Refk a remarqué des plaies ouvertes sur les deux pattes postérieures de la truie. De plus, à cause de son impression que la truie était en souffrance, Dre Refk a demandé à M. Lampron, à trois reprises, d’arrêter.

 

(d)  Dre Refk a effectué un examen post‑mortem de la truie. De plus, elle et a pris des photos des deux pattes postérieures de la truie, et aussi des photos de la fesse gauche, pendant l’examen post-mortem.

 

(b) Preuve, arguments et analyse

 

[16]         Suite à l’examen post‑mortem, Dre Refk a constaté que la truie avait un abcès au niveau du bassin et des fesses du membre postérieur gauche. De plus, à son avis professionnel, les photos qu’elle a prises démontrent une chronicité de l’infection par la présence de pus et d’œdème à l’intérieur des fesses. Dre Refk était aussi d’avis que la truie était dans le même état au moment du chargement.

 

[17]         Les arguments d’Élevages Nyco étaient comme suit (Motifs accompagnés la Demande de Révision) :

 

(a)              La truie n’a eu aucune difficulté à monter dans le transport.

 

(b)              La truie s’est probablement fait battre par les autres truies dans le transport.

 

(c)               À l’arrivée à l’abattoir, la bousculade par les autres truies était exténuée, ayant comme résultat que la truie en question n’était pas capable de se lever.

 

[18]         La Commission remarque qu’Élevages Nyco n’a pas soumis de preuves au soutien de ses motifs. Le seul motif potentiellement pertinent est que la truie est alléguée de n’avoir aucune difficulté à monter dans le transport. Comme la Commission a discuté dans E. Grof Livestock Ltd., c. Canada (Agence canadienne d'inspection des aliments), 2014 CRAC 11, le fait qu’un animal n’a aucune difficulté à monter dans le transport n’est pas déterminant. Le problème sous l’enquête est s’il y a eu des « souffrances indues » subies par un animal pendant le transport et, si oui, si l’animal ne pouvait pas être transporté sans de telles souffrances indues. Comme la Commission a discuté dans E. Grof Livestock, au paragraphe 36 :

 

[36]         […]  la question en litige ne concerne pas le degré de boiterie, mais plutôt les circonstances entourant une blessure visible qui peut être considérée comme reliée à cette boiterie. Il faut donc examiner la nature, l’étendue et le moment de la blessure, dans le cadre d’une évaluation globale de la question de savoir si l’animal pouvait être chargé ou transporté sans souffrances indues.

 

[19]         De plus, la Commission a été dirigé par la Cour d’appel fédérale dans Doyon c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 152, sous la plume du Juge Létourneau, comme suit, au paragraphe 28 (extrait) :

 

[28]      […] les motifs de sa décision […] doit s’appuyer sur une preuve qui repose sur des assises factuelles et non sur de simples conjectures, encore moins de la spéculation, des intuitions, des impressions ou du ouï-dire.

 

[20]         Même que les directives de la Cour d’appel fédérale dans Doyon s’appliquent aux motifs des décisions de la Commission, cette dernière est d’avis que le même raisonnement s’applique aussi aux motifs avancés par les parties du présent dossier devant la Commission. Donc, puisque les motifs avancés par Élevages Nyco, en occurrence, que (a) la truie s’est « probablement » fait battre par les autres truies dans le transport et (b) qu’à l’arrivée, la truie s’est fait bousculée par les autres truies, ne sont pas soutenues par de la preuve, ils ne peuvent être que des conjectures. En revanche, devant la Commission sont des photos prises par Dre Refk, les résultats de son examen post‑mortem, et son opinion professionnelle.

 

[21]         Quant aux photos, l’Agence a soumis treize photos prises par Dre Refk, numérotées comme photographies 5 à 19, en omettant la photo 8. L’explication d’omission a été donnée par Dre Refk comme « photos floues et pas nettes donc soit supprimées ou pas mis dans le CD de photo que vous [l’Agence] avez… » (Rapport, onglet 6; courriel de Dre Refk à Carla Abbatemarco, Enquêteur de l’Agence, en répondant aux questions de la dernière.) Les photographies 5, 6 et 7 démontrent les pattes postérieures de la truie. la Commission est d’avis qu’il y a une erreur dans l’ordre des photos. La photographie 7 démontre que les deux pattes postérieures, aucune desquelles n’a été déjà coupée. On peut voir les plaies ouvertes seulement sur la patte postérieure droite. On peut voire une grande décoloration sur la patte postérieure gauche. Environ la moitié de la peau de la partie plus basse de la patte postérieure gauche est décolorée en brun et gris, au lieu de la couleur normale : rose. On ne peut pas voir des plaies ouvertes sur la patte postérieure gauche.

 

[22]         Les photos 5 et 6 démontrent les parties plus basses des pattes postérieures. Dans les deux photos, il semble y avoir une incision sur la patte postérieure gauche qui n’est pas évidente dans la photo 7. De plus, dans la photo 6, il semble que le sabot fendu de la patte postérieure droite a été coupé, ce qui n’est pas évident dans la photo 7.

 

[23]         Les photographies 9 à 19 (avec la photo 8 omise) sont très brouillées, et sont soumises comme représentant l’état d’un abcès au niveau du bassin et des fesses du membre postérieur gauche. La Commission éprouve de la difficulté à faire le lien entre ces photos et les photos 5 à 7. Les observations de Dre Refk étaient comme suit  (onglet 4, « Inspection du transport sans cruauté des animaux [Tache 1101] ») : « En post-mortem, la truie présentait un abcès au niveau du bassin et des fesses. La chronicité de l’infection est démontrée par la présence de pus et d’œdème à l’intérieur des fesses (Voir photos #9, 10, 15,14, 13, 12). »

 

[24]         La Commission n’est pas d’accord avec le sentiment de Dre Refk que les photos démontrent ce qu’elle affirme. Ce n’est pas possible de déterminer quelle partie de la truie a été photographiée. Influencée par les photos des pattes (photos 5 et 7), la Commission présumait, logiquement, que les photos qui suivaient seraient des photos d’examen des pattes ou, au moins, d’une des pattes. En vue de l’étendue de la mise au point floue dans les photos, du manque d’explication des photos et du manque de logique d’ordre des photos, la valeur probante accordée par la Commission à ce type de preuve est très légère.

 

[25]         En revanche, la Commission a accordé une valeur probante plus accrue aux photos soumises dans d’autres dossiers. Par exemple, dans E. Grof Livestock, précité, la Commission a décrit la preuve par photo, aux paragraphes 17 à 22, comme suit :

 

[17]  L’Agence a produit une série de dix photos couleur (Rapport de l’Agence, sous l’onglet 1). Huit de ces photos sont des photos de vaches vivantes, tandis que les deux autres sont des photos de la patte antérieure droite écorchée de la vache dont il est ici question, dans l’aire d’abattage. Toutes les photos sont identifiées comme ayant été prises par la Dre Dykeman. Chacune de ces photos est accompagnée d’une copie noir et blanc et d’explications écrites de ce qu’on y voit, rédigées par la Dre Dykeman.

 

[18]  La première photo accompagnée d’une photocopie et d’une explication semble montrer une autre vache que celle dont il est ici question, puisque le problème de cette vache concerne un pis hypertrophié plutôt que la patte antérieure droite. […] Par conséquent, il n’est point besoin d’en dire davantage au sujet des photos d’autres vaches qui figurent dans le Rapport de l’Agence […] Les photos nos 2 à 6 sont elles aussi des photos d’autres vaches que la vache qui nous intéresse ici, et il n’est donc point besoin d’en dire davantage à leur sujet.

 

[19]  La photo no 7 montre la vache dont il est ici question. Dans l’explication rédigée par la Dre Dykeman sur la photocopie accompagnant la photo, l’étiquette d’oreille de la vache visée par l’avis de violation est identifiée précisément. Il est noté que la vache [TRADUCTION] « boite de la patte antérieure droite, est réticente à mettre du poids sur cette patte, reposant la patte sur la face dorsale de la poterne ». Autrement dit, la vache tourne le bas de sa patte antérieure droite vers l’intérieur, de manière à ne pas reposer sur son sabot. La photo no 8 montre la vache en train de s’éloigner avec la patte antérieure droite levée. La photo no 9 montre la vache de plus près, avec la patte antérieure droite levée et pliée vers l’intérieur. La photo no 10 montre la blessure qui affligeait la vache. On y voit une grande région ulcérée de la face intérieure de la patte antérieure droite. L’ulcération couvre à peu près toute la région de la jointure supérieure de la patte, et l’on y voit du suintement. Conformément à la description faite par la Dre Dykeman dans son commentaire écrit rédigé sur la photocopie accompagnant la photo en question, [TRADUCTION] « [i]l y a une grande région d’ulcération, avec du suintement et des croûtes ».

 

[20]  La photo no 11 montre, selon la description de la Dre Dykeman, [TRADUCTION] « la patte antérieure droite écorchée d’une vache Holstein (étiquette d’oreille n9639949) dans l’aire d’abattage. Le membre a été coupé au niveau du corps. » On y voit beaucoup de liquide jaunâtre, dont la Dre Dykeman a affirmé dans son témoignage que ceci tendait à démontrer l’existence d’une infection.

 

[21]  La photo no 12 est une photo de la patte en gros plan, montrant une masse très infectée. Conformément à la description faite par la Dre Dykeman, [TRADUCTION] « [l]a photo montre un gros plan de la cellulite de la patte antérieure droite de la vache Holstein portant l’étiquette d’oreille n9639949. »

 

[22]  Le témoignage général de la Dre Dykeman, de même que ses descriptions de ce que l’on voit sur les photos, sont appréciés en ayant à l’esprit ses qualifications et son expérience professionnelles […]

 

[26]         La preuve photographique soumise par l’Agence en l’espèce est, selon la Commission, beaucoup plus faible que la preuve photographique soumise par l’Agence dans E. Grof Livestock. De plus, dans E. Grof Livestock, le niveau de détail des photos (qualité des photos elle‑même et les explications écrites de chaque photo) a permis à la Commission d’identifier et d’examiner les photos qui étaient plus pertinentes, et de rejeter les photos qui n’étaient pas du tout pertinentes. De plus, dans E. Grof Livestock, la Commission pouvait déterminer et examiner l’étendue de la blessure et l’étendue de l’infection. En l’espèce, la Commission ne peut même pas déterminer quelle partie du corps de la truie est représentée par les photos de « l’infection ».

 

[27]         Le fardeau de la preuve pourrait être satisfait par l’Agence en utilisant divers moyens; la preuve photographique reste comme un moyen parmi plusieurs autres. L’Agence a soumis ce qui est décrit comme étant le « Rapport ante‑mortem » et le « Rapport post‑mortem » (Rapport, onglet 8). En fait, le « Rapport ante‑mortem/post‑mortem » est un formulaire d’une page, intitulé « Rapport d’inspection ante‑mortem », où il y a une boîte pour « Constatation ante‑mortem » et une autre boîte pour « Constatation post‑mortem ». Dans la boîte « Constatation ante‑mortem » il y a des notes brèves de Dre Refk : « fracture? abcès ». Dans la boîte « Constatation post‑mortem », il y a les conclusions de Dre Refk : « abcès a/n mbre posterieur gauche (pelvis, fesse) ». Il n’y pas des détails écrits au sujet de ce que Dre Refk a fait afin d’arriver à ces conclusions. En outre, dans Finley Transport Limited  c.  Canada  (Agence canadienne d’inspection des aliments),  2013  CRAC  42, la preuve avancée par l’Agence, en utilisant un rapport d’autopsie, était beaucoup plus détaillée. Comme la Commission a synthétisé dans Finley Transport, aux paragraphes 56 et 58 :

 

[56]  Le Dr Asiegbunan est revenu sur le rapport d’autopsie qu'il avait rédigé après l'examen post mortem de deux des porcs retrouvés morts […]

 

[58]  En ce qui concerne le porc visé dans le rapport d’autopsie, le Dr Asiegbunan estime n'avoir, sur presque tous les points, relevé aucune anormalité particulière, y 1compris au cœur, organe qu'il a disséqué. Une des régions présentant par contre une sensible anormalité relève de la rubrique [traduction] « jointures/os/muscles », où le Dr Asiegbunan a constaté [traduction] « la pâleur des muscles fessiers » […]

 

[28]         La Commission est d’avis qu’en l’espèce, il y a une faiblesse de preuve au niveau de la procédure suivie par Dre Refk, afin d’arriver à ses conclusions par rapport à la nature et l’étendue des blessures de la truie. De plus, la conclusion de Dre Refk établissant un lien entre les blessures alléguées et les « souffrances indues » pendant le transport n’est pas exprimée dans son rapport, « Inspection du transport sans cruauté des animaux ». Au lieu d’exprimer une conclusion dans son rapport d’inspection, daté le 29 mai 2012, Dre Refk a exprimé ses conclusions en répondant par courriel du 18 octobre 2013, plus d’une année plus tard, aux demandes de Mélanie Carbonneau, enquêteuse de l’Agence, du 16 octobre 2013 (Rapport, onglet 10), comme suit (verbatim) :

 

…la truie a subit des souffrances indues durant le transport car : elle n’était pas capable de marcher, de se lever seule, ni de rester debout longtemps (non appui du membre postérieur gauche, et une plaie au membre postérieur droit ce qui la rendait moins stable). Dans la camion, les mouvements (freinages , accélérations) on ajouter à sa douleur car elle devait essayer de rester debout, malgré son instabilité, parmi les autres truies afin de na pas tomber et ne pas pouvoir se relever puis se faire piétiner par les autres.

 

[29]         Même si la Commission est persuadée, selon la prépondérance de probabilités, au sujet de la nature et l’étendue des blessures de la truie, telle qu’avancée par Dre Refk (et la Commission n’est pas persuadée), la Commission est d’avis que les conclusions de Dre Refk, au sujet de « souffrance indues », sont trop spéculatives. Il n’y a pas de preuve de connaissance de la Dre Refk au sujet des méthodes ou des circonstances de conduite d’un camion en général, ou le camion actuel dans lequel la truie a été transportée. De plus, la durée du transport était très courte : 50 minutes. L’Agence doit établir, selon la prépondérance de probabilités, en considérant son état de santé, que la truie ne pouvait être transportée sans souffrances indues. Tel que discuté par la Cour d’appel fédérale dans Doyon, précité, aux paragraphes 46 à 49 :

 

[46]  Je ne crois pas qu’il faille conclure […] que la moindre souffrance existante avant le transport, si minime soit-elle, débouche nécessairement sur une violation de l’alinéa 138(2)a) s’il y a eu transport de l’animal. Je ne crois pas non plus que ce soit là l’intention du législateur si je m’en remets à l’information mise à la disposition des intervenants (producteurs, transporteurs, inspecteurs et poursuivants) pour respecter et faire respecter la Loi.

 

[47]  En somme, de par son actus reus, l’alinéa 138(2)a) n’interdit pas le transport à l’abattoir d’un animal souffrant, tout comme il n’y permet pas le transport d’un animal en santé, dans des conditions qui lui occasionnent des souffrances indues.

 

[48 Il faut s’en reporter aux éléments constitutifs de l’infraction et surtout ne pas perdre de vue le lien de causalité qui doit exister entre le transport, les souffrances indues et les raisons qu’énumère la disposition. Celles-ci varient d’une infirmité à toute autre cause, en passant par la fatigue.

 

[49]  S’agissant d’une disposition débouchant sur une sanction pécuniaire substantielle, il faut se garder, par une interprétation libérale, d’étendre la portée de ses éléments constitutifs, lesquels sont déjà par ailleurs très larges […]

 

[30]         Donc, la Commission est d’avis que l’Agence n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que la truie fut blessée, comme il est allégué, ou que le fait des blessures alléguées voulait dire que la truie ne pouvait être transportée sans souffrances indues. Donc, de plus, même si le procès‑verbal pourrait être rectifié, le cas de l’Agence n’était pas autrement établi avec succès.

 

Conclusion

 

[31]         Après avoir examiné toutes les observations écrites des parties, la Commission de révision agricole du Canada statue, par ordonnance, que la demanderesse n’a pas commis la violation, telle que décrite dans le procès-verbal no1213QC0046‑3, daté du 27 février 2014.

 

Fait à Ottawa, Ontario, en ce 24ième jour du mois de septembre 2014.

 

 

 

 

 

 

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Bruce La Rochelle, membre

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