Décisions de la Commission de révision agricole du Canada

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Référence : Kropelnicki c. Canada (ACIA), 2010 CRAC 022

 

 

Date : 20101101

Dossier : RTA-60385;

RT-1534

 

 

Entre :

 

 

Gordon Kropelnicki, requérant

 

 

- et -

 

 

l'Agence canadienne d'inspection des aliments, intimée

 

 

 

[Traduction de la version officielle en anglais]

 

 

Devant : Le président Donald Buckingham

 

Affaire intéressant une demande de révision des faits relatifs à une violation en vertu de l'article 188 du Règlement sur la santé des animaux, alléguée par l'intimée et à la demande du requérant, conformément à l'alinéa 9(2)c) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire.

 

DÉcision

 

[1]   À la suite d'une audience et après avoir examiné toutes les observations orales et écrites présentées par les parties, la Commission de révision agricole du Canada (Commission) statue, par ordonnance, que le requérant a commis la violation et doit payer à l'intimée la somme de 500 $ à titre de sanction pécuniaire, dans les trente jours suivant la date de signification de la présente décision.

 

 

Audience tenue à Dauphin (Manitoba),

le 10 août 2010.


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MOTIFS

 

L'incident allégué et les questions en litige

 

[2]           L'intimée, l'Agence canadienne d'inspection des aliments (Agence), allègue que, le 16 avril 2009, au près de Sifton au Manitoba, le requérant, Gordon Kropelnicki (Kropelnicki), a omis de communiquer, à l'administrateur, dans les temps impartis, le numéro de chacune des trois étiquettes approuvées des animaux exportés, ce qui constitue une violation de l'article 188 du Règlement sur la santé des animaux.

 

[3]           La Commission doit déterminer si l'Agence a prouvé tous les éléments requis à l'appui de l'avis de violation contesté, notamment :

 

  • que Kropelnicki a exporté les bovins dont il est question;

 

  • que Kropelnicki, ou ses mandataires, a omis de communiquer le ou les numéros des étiquettes d'identification approuvées par l'Agence canadienne d'identification du bétail (ACIB) que portaient les trois bovins exportés.

 

Le dossier et l'historique des procédures

 

[4]           L'affaire décrite ici est l'une des quatre affaires opposant Gordon Kropelnicki à l'Agence qui sont présentement devant la Commission. Les quatre cas sont : Kropelnicki c. Canada (ACIA) 2010 CRAC 022 - RT‑1534; Kropelnicki c. Canada (ACIA) 2010 CRAC 023 - RT‑1535; Kropelnicki c. Canada (ACIA) 2010 CRAC 024 - RT‑1536; et Kropelnicki c. Canada (ACIA) 2010 CRAC 025 - RT‑1537. Dans chaque affaire, l'Agence allègue que Kropelnicki a violé le Règlement sur la santé des animaux en omettant de communiquer dans le temps imparti les numéros des étiquettes approuvées par l'ACIB que portaient les animaux exportés. Le 10 août 2010, les parties ont accepté que les quatre affaires soient entendues ensemble avec éléments de preuve et arguments communs.

 

[5]           L'affaire porte sur l'avis de violation n° 0910MBCA0004, daté du 8 décembre 2009, dans lequel il est allégué que, le 16 avril 2009, à Sifton au Manitoba ou dans les environs de cette municipalité, Kropelnicki [Traduction] « a commis une violation, soit a omis de rapporter le numéro d'une étiquette approuvée à l'administrateur, dans le temps imparti, en violation de l'article 7 de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire ». À l'audience du 10 août 2010, les parties ont convenu de modifier le libellé de l'avis de violation n° 0910MBCA0004 en remplaçant les mots « en violation de l'article 188 de la Loi sur la santé des animaux » pour les mots « en violation de l'article 188 du Reglement sur la santé des animaux ».

 

 

 

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[6]           L'avis de violation est réputé avoir été signifié à Kropelnicki le 20 décembre 2009. Aux termes de l'article 4 du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire, il s'agit d'une violation mineure pour laquelle le montant de la sanction est de 500 $.

 

[7]           L'article 188 du Règlement sur la santé des animaux dit :

 

188. Quiconque exporte un bison ou un bovin veille à ce que le numéro de l'étiquette approuvée soit communiqué à l'administrateur dans les trente jours suivant l'exportation.

 

[8]           À l'article 172 du Règlement sur la santé des animaux, le terme « administrateur » est défini comme suit :

 

« administrateur » Personne avec qui le ministre conclut un accord, aux termes de l'article 34 de la Loi, pour l'administration d'un programme national d'identification des animaux.

 

[9]           Les parties conviennent que, en l'espèce, «  l'administrateur »  à qui les numéros auraient dû être communiqués est l'ACIB.

 

[10]        Dans une lettre datée du 12 décembre 2009 et reçue le 23 décembre 2009 par la Commission, Kropelnicki demandait à la Commission de l'entendre sur les faits reprochés, conformément à l'alinéa 9(2)c) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire. Le 24 décembre 2009, lors d'une conversation téléphonique avec un membre du personnel de la Commission, Kropelnicki a demandé la tenue d'une audience, en vertu du paragraphe 15(1) du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire.

 

[11]        Le 6 janvier 2010, l'Agence a envoyé à Kropelnicki et à la Commission son rapport concernant l'avis de violation; la Commission l'a reçu le 7 janvier 2010.

 

[12]        Dans une lettre datée du 7 janvier 2010, la Commission a invité Kropelnicki à lui communiquer toute observation supplémentaire relativement à l'affaire au plus tard le 8 février 2010.

 

[13]        Aucun autre document n'a été fourni par les parties, mis à part deux demandes de report d'audience, l'une soumise par Kropelnicki et datée du 7 mai 2010 et l'autre soumise par l'Agence et datée du 3 juin 2010. La Commission a accédé aux deux demandes.

 

 

 

 

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[14]        L'audience demandée par Kropelnicki a eu lieu dans la municipalité de Dauphin au Manitoba le 10 août 2010. Kropelnicki était représenté par lui-même et l'Agence était représentée par son avocate, Me Shirley Novak.

 

La preuve

 

[15]        La preuve présentée à la Commission en l'espèce consiste en des documents écrits soumis par l'Agence (l'avis de violation et le rapport de l'Agence) et par Kropelnicki (sa demande de révision), ainsi que d'un témoignage oral donné à l'audience du 10 août 2010. À cette audience, l'inspecteur Bruce Sabeski (Sabeski) a témoigné pour l'Agence, et Kropelnicki a témoigné pour son propre compte. Lors de l'audience, quatre  pièces ont été versées en preuve par les parties.

 

[16]        Certains éléments de preuve ne sont pas contestés :

 

  • Kropelnicki est propriétaire d'une exploitation de bovins d'engraissement au Manitoba.

 

  • Les 16 et 17 mars 2009, Kropelnicki a exporté 33 bovins aux États‑Unis via Pembina (Dakota du Nord).

 

  • Le 26 août 2009, Kropelnicki a reçu de l'Agence une lettre d'avertissement datée du 25 août 2009 l'avisant que trois des bovins qu'il avait transportés aux États‑Unis les 16 et 17 mars 2009 n'avaient pas été libérés des étiquettes d'identification par radiofréquence (IRF) approuvées par l'ACIB dans les trente (30) jours suivant l'exportation aux États‑Unis, et qu'il devait faire le nécessaire pour se conformer à l'article 188 du Règlement sur la santé des animaux au plus tard le 15 septembre 2009.

 

  • Kropelnicki n'a pris lui-même aucune mesure avant le 25 août 2010 pour que les numéros des étiquettes soient retirés du système d'identification de l'ACIB.

 

  • Kropelnicki utilise désormais les services d'une clinique vétérinaire de Roblin au Manitoba (Roblin Veterinary Clinic) qui voit à la certification de ses animaux destinés à l'exportation et qui, une fois les animaux exportés, s'occupe du retrait des numéros d'étiquette en avisant l'ACIB.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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[17]        Le témoin de l'Agence, Sabeski, a déclaré qu'il exerce les fonctions d'inspecteur, Programmes relatifs aux animaux, à l'Agence. Depuis 2006, il assume en outre les fonctions d'inspecteur de vérification au service des exportations du bureau de Brandon. Sabeski a expliqué à la Commission que, aux fins de vérification, il reçoit les renseignements figurant sur les certificats d'exportation des bovins récemment exportés aux États‑Unis et qu'il les compare avec ceux que contient le système de l'ACIB afin de déterminer si les numéros des étiquettes que portent les animaux exportés ont été retirés de ce système. À l'été 2009, on lui a demandé de compléter un rapport de vérification des exportateurs qui montrait que 10 exportateurs n'avaient pas respecté les exigences réglementaires relatives au retrait des numéros des étiquettes des bovins exportés. Sabeski a affirmé que l'un de ces 10 exportateurs était Kropelnicki et que celui-ci, tout comme les neufs autres exportateurs, avait reçu une lettre dans laquelle on lui demandait de se conformer à l'article 188 du Règlement sur la santé des animaux avant ou au plus tard le 15 septembre 2009.

 

[18]        Sabeski a témoigné que, le 16 septembre 2009, il a examiné le certificat d'exportation pour les 33 bovins de Kropelnicki expédiés aux États‑Unis les 16 et 17 mars 2009, et qu'il a comparé les renseignements y figurant à ceux consignés dans le système de l'ACIB afin de voir si les numéros des étiquettes avaient été retirés du système. Il a dit avoir alors trouvé que pour trois des animaux exportés provenant du chargement, les numéros d'étiquette n'avaient pas été retirés. Par conséquent, Sabeski a recommandé le recours à une mesure coercitive pour l'application du Règlement, ce qui a donné lieu à la notification de l'avis de violation en question.

 

[19]        Sabeski a affirmé avoir reçu le 17 septembre 2009 un appel téléphonique de la part de Kropelnicki. Lors de cet échange téléphonique, Kropelnicki lui a dit qu'il avait demandé à la clinique de Glenboro (Glenboro Veterinary Clinic), par téléphone, le 29 ou le 30 août 2010, de s'occuper de faire retirer les numéros des étiquettes et qu'ils lui ont dit qu'ils allaient s'en occuper. Kropelnicki lui a aussi dit que la clinique de Glenboro ne s'en est finalement pas occupé et que c'est la clinique de Roblin qui devait alors s'occuper de la suppression des numéros d'étiquette.

 

[20]        M. Sabeski a en outre dit à la Commission que, le 17 septembre 2009, il avait téléphoné à « Rachel » qui travaille à la clinique de Roblin. Cette personne ne savait rien concernant l'état du retrait des numéros des étiquettes des bovins exportés aux États‑Unis par Kropelnicki les 16 et 17 mars 2009. À la date de cet appel téléphonique, la clinique n'avait pas retiré les numéros du système de l'ACIB.

 

 

 

 

 

 

 

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[21]        Kropelnicki a présenté les éléments de preuve que voici. Le 26 août, il a reçu de l'Agence, sous pli recommandé, une lettre l'avisant que pour un certain nombre de bovins qu'il avait exportés les numéros d'étiquette n'avaient pas été retirés du système de l'ACIB. Kropelnicki a alors téléphoné à la clinique vétérinaire de Glenboro au Manitoba qui l'avait aidé à remplir les formalités vétérinaires de dédouanement pour l'exportation de ses bovins. Kropelnicki a affirmé à la Commission que le personnel de la clinique de Glenboro a dit qu'ils lui enverraient par télécopieur les numéros des étiquettes approuvées par l'ACIB des bovins expédiés aux États‑Unis.

 

[22]        Lors du contre-interrogatoire, Kropelnicki a reconnu que c'était lui qui était l'exportateur des bovins, et non la clinique de Glenboro, et il a affirmé n'avoir jamais eu de problème avec la clinique avant le 30 août 2009. Kropelnicki a dit qu'il s'était fié à la clinique Glenboro qui devait s'occuper de retirer les numéros d'étiquette mais que celle-ci ne l'a pas fait en fin de compte. Tout ce qui s'est produit, selon Kropelnicki, est que le personnel de la clinique Glenboro l'a amené à multiplier les démarches.

 

Analyse et principes de droit applicables

 

[23]        Le mandat de la Commission consiste à déterminer la validité des sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire imposées sous le régime de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire. L'objet de la Loi est énoncé à l'article 3 que voici.

 

3. La présente loi a pour objet d'établir, comme solution de rechange au régime pénal et complément aux autres mesures d'application des lois agroalimentaires déjà en vigueur, un régime juste et efficace de sanctions administratives pécuniaires.

 

[24]        L'article 2 de la Loi définit « loi agroalimentaire » comme suit :

 

[.]

 

« loi agroalimentaire » La Loi sur les produits agricoles au Canada, la Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole, la Loi relative aux aliments du bétail, la Loi sur les engrais, la Loi sur la santé des animaux, la Loi sur l'inspection des viandes, la Loi sur les produits antiparasitaires, la Loi sur la protection des végétaux ou la Loi sur les semences.

 

[.]

 

 

 

 

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[25]        Aux termes de l'article 4 de la Loi, le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, ou le ministre de la Santé, selon les circonstances, peut prendre des règlements.

 

4. (1) Le ministre peut, par règlement :

 

a)        désigner comme violation punissable au titre de la présente loi la contravention - si elle constitue une infraction à une loi agroalimentaire :

 

(i)        aux dispositions spécifiées d'une loi agroalimentaire ou de ses règlements,

 

[.]

 

[26]        Le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire a pris un règlement, à savoir le Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire (DORS/2000 187), qui désigne comme violation une infraction à plusieurs dispositions précises de la Loi sur la santé des animaux et du Règlement sur la santé des animaux, ainsi que de la Loi sur la protection des végétaux et du Règlement sur la protection des végétaux. Ces violations sont énumérées à l'annexe 1 du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire, qui comporte un renvoi à l'article188 du Règlement sur la santé des animaux.

 

[27]        La Partie XV du Règlement sur la santé des animaux s'intitule « Identification des animaux ». Les dispositions sur l'identification des animaux de la partie XV permettent l'Agence de retracer l'origine et les déplacements de chacun des animaux d'élevage qui sont destinés à l'alimentation humaine. Ainsi, en cas de maladie animale grave ou de problèmes liés à la salubrité des aliments, il est possible de prendre des mesures correctives urgentes, d'assurer un suivi et de retracer les animaux infectés. L'utilisation d'étiquettes approuvées améliore considérablement la capacité de l'Agence à intervenir rapidement et à faire face aux maladies graves et aux problèmes liés à la salubrité des aliments qui se déclarent chez des animaux qui circulent ou ont circulé dans le système de commercialisation. Les étiquettes approuvées permettent de suivre les déplacements des animaux depuis l'endroit où le problème s'est posé, par exemple à la frontière, dans un marché aux enchères ou à l'abattoir, jusqu'à la ferme d'où ils proviennent.

 

[28]        La Partie XV du Règlement sur la santé des animaux prévoit un système fermé d'identification des animaux d'élevage, de sorte qu'il est possible de suivre leurs déplacements de la naissance jusqu'à la mort grâce à une étiquette d'identification unique qui, pour les animaux désignés, est apposée sur l'une des oreilles, idéalement à la naissance. Lorsque l'animal qui porte une étiquette est exporté ou lorsqu'il meurt au Canada, que ce soit à la ferme, pendant le transport ou à l'abattage, le numéro de l'étiquette est consigné et l'animal avec son propre numéro est retiré du système d'identification des animaux.

 

 

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[29]        La preuve en l'espèce démontre que le système sur lequel s'appuie le Règlement fonctionne correctement et que Kropelnicki a omis d'effectuer la dernière étape du processus de traçabilité, c'est-à-dire de retirer du système les numéros d'étiquette approuvés par l'ACIB lorsqu'il a exporté ses animaux hors du Canada. Lorsque cette étape n'est pas effectuée, le système d'identification devient non fiable puisqu'il ne donne pas une information à jour sur les numéros réellement consignés des bovins enregistrés dans le système et sur leur lieu approximatif au Canada.

 

[30]        Les faits indéniables en l'espèce sont que Kropelnicki a expédié ses bovins aux États-Unis et que les numéros d'étiquette n'étaient pas retirés du système au 15 septembre 2009. La Commission n'a aucun motif de mettre en doute la déclaration de Kropelnicki qui affirme s'être fié entièrement à la clinique Glenboro pour l'exécution de sa demande, et par là même pour la protection de ses intérêts, de retirer les numéros d'étiquette des bovins exportés aux États‑Unis. Il est clair que Kropelnicki a pris des mesures préliminaires pour le retrait des numéros d'étiquette afin de respecter ses obligations et de répondre à la requête que l'Agence lui avait faite en août. Pour une raison quelconque, le retrait des numéros d'étiquette n'était pas fait au 15 septembre 2009.

 

[31]        Il incombe à l'Agence de prouver tous les éléments de la violation reprochée. Sur la foi de la preuve présentée, il ne fait aucun doute et il n'est pas contesté que l'Agence a prouvé, suivant la prépondérance des probabilités, chacun des éléments qu'il fallait pour que la violation soit maintenue. Kropelnicki a exporté trois bovins aux États‑Unis les 16 et 17 mars 2009. Il n'a pas, dans les trente (30) jours, retiré ou fait retirer leurs numéros d'étiquette du système de l'ACIB. Il n'a pas non plus, lui‑même ou ses mandataires, retiré ces numéros d'étiquette du système de l'ACIB durant la période de grâce que l'Agence avait accordée à Kropelnicki et qui courait jusqu'au 15 septembre 2009 inclusivement.

 

[32]        Dans ses arguments, Kropelnicki a précisé que le système actuel d'apposition des étiquettes IRF approuvées par l'ACIB présente des défaillances réelles et que, outre le risque d'être tenus responsables si les étiquettes tombent, les producteurs doivent supporter tous les coûts du système. Des problèmes semblables liés au système actuel d'apposition des étiquettes ont été signalés à la Commission dans une autre affaire récente (Habermehl c. Canada (ACIA) 2010 CRAC 017). Les requérants dans ces deux affaires allèguent qu'il existe un problème important de défaillance avec les étiquettes IRF approuvées par l'ACIB et que, en conséquence, les producteurs de bouf, de bison et de mouton risquent de voir leur responsabilité engagée injustement pour des violations aux dispositions de la Partie XV du Règlement sur la santé des animaux. Mais ces questions, même si elles ont été soulevées par Kropelnicki lors de l'audience, ne sont pas pertinentes en l'espèce.

 

 

 

 

 

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[33]        La Partie XV du Règlement sur la santé des animaux semble imposer au secteur agricole une lourde responsabilité pour le bien de tous les consommateurs et producteurs du pays afin d'assurer la traçabilité et la salubrité dans le système alimentaire. Que ce soit juste ou non, il s'agit du fardeau que le Parlement et le gouverneur en conseil ont imposé par voie de règlement, en l'espèce, au requérant, Kropelnicki, et la Commission doit interpréter et appliquer la règle de droit aux faits de la présente affaire.

 

[34]        Le régime de sanctions administratives pécuniaires, prévu par le Parlement, est néanmoins très rigoureux dans son application. La Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire crée un régime de responsabilité très peu tolérant puisqu'elle ne permet pas d'invoquer en défense le fait d'avoir pris les mesures nécessaires pour empêcher la violation ou d'avoir commis une erreur de fait. L'article 18 de la Loi dit :

 

18. (1) Le contrevenant ne peut invoquer en défense le fait qu'il a pris les mesures nécessaires pour empêcher la violation ou qu'il croyait raisonnablement et en toute honnêteté à l'existence de faits qui, avérés, l'exonéreraient.

 

(2) Les règles et principes de la common law qui font d'une circonstance une justification ou une excuse dans le cadre d'une poursuite pour infraction à une loi agroalimentaire s'appliquent à l'égard d'une violation sauf dans la mesure où ils sont incompatibles avec la présente loi.

 

[35]        Si une disposition prévoyant des sanctions administratives pécuniaires a été édictée pour une violation particulière, comme c'est le cas en ce qui concerne l'article 188 du Règlement sur la santé des animaux, Kropelnicki ne dispose que de très peu de moyens de défense. La Commission estime que la déclaration du requérant - qui affirme entre autres [Traduction] « je suis entièrement favorable à la traçabilité » ou «  je croyais que la clinique de Glenboro allait s'occuper de retirer les numéros du système » - ne constitue pas en soi un moyen de défense autorisé en application de l'article  18 et n'aurait pas pour effet de le disculper. Dans la présente affaire, l'article  18 de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire exclut en quelque sorte la possibilité pour Kropelnicki d'invoquer toute excuse. Compte tenu de la volonté clairement exprimée par le Parlement sur cette question, la Commission reconnaît que les déclarations de Kropelnicki ne peuvent être invoquées en défense sous l'application de l'article 18.

 

 

 

 

 

 

 

 

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[36]        En outre, la dépendance de Kropelnicki à l'égard de personnes qui agissaient comme ses mandataires pour la transaction d'exportation aux États‑Unis, ne peut non plus être invoquée en défense en l'espèce. Le paragraphe 20(2) de la Loi dit :

 

20. (2) L'employeur ou le mandant est responsable de la violation commise, dans le cadre de son emploi ou du mandat, par un employé ou un mandataire, que l'auteur de la contravention soit ou non connu ou poursuivi aux termes de la présente loi.

 

[37]        La Commission conclut que l'Agence s'est acquittée du fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que les numéros des étiquettes que portaient les bovins de Kropelnicki exportés aux États‑Unis n'ont pas été retirés du système d'identification de l'ACIB dans les trente (30) jours de leur exportation. Le 26 août 2009, Kropelnicki a reçu sous pli recommandé un préavis de la mesure d'application des prescriptions réglementaires qui serait prise à son endroit. Bien que Kropelnicki semble s'être fié à une clinique vétérinaire qui ne lui a pas fourni le service demandé, il doit quand même assumer les responsabilités associées au défaut de s'assurer que les numéros d'étiquette portées par les animaux exportés ont été retirés du système de l'ACIB dans le temps imparti.

 

[38]        Toutefois, compte tenu de la preuve et des principes de droit applicables, la Commission doit conclure que l'Agence a établi, selon la prépondérance des probabilités, que Kropelnicki a commis la violation en question et qu'il est tenu de payer à l'Agence la somme de 500 $ à titre de sanction pécuniaire dans les trente (30) jours suivant la notification de la présente décision.

 

[39]        La Commission tient à informer Kropelnicki que cette violation n'est pas un acte criminel. Au bout de cinq (5) ans, il pourra demander au ministre de rayer du dossier que celui-ci tient à son égard toute mention relative à la violation, conformément à l'article 23 de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire que voici.

 

23. (1) Sur demande du contrevenant, toute mention relative à une violation est rayée du dossier que le ministre tient à son égard cinq ans après la date soit du paiement de toute créance visée au paragraphe 15(1), soit de la notification d'un procès-verbal comportant un avertissement, à moins que celui-ci estime que ce serait contraire à l'intérêt public ou qu'une autre mention ait été portée au dossier au sujet de l'intéressé par la suite, mais n'ait pas été rayée.

 

Fait à Ottawa, le 1er jour du mois de novembre 2010.

 

 

 

 

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Donald Buckingham, président

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