Décisions de la Commission de révision agricole du Canada

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Référence : Knezevic c. Canada (ASFC), 2011 CRAC 21

 

 

Date : 20111117

CART/CRAC‑1559

 

 

Entre :

 

 

Danijela Knezevic, requérante

 

 

- et -

 

 

Agence des services frontaliers du Canada, intimée

 

 

 

 

[Traduction de la version officielle en anglais]

 

 

Devant : Donald Buckingham, président

 

Affaire intéressant une demande de révision des faits présentée par la requérante en vertu de l'alinéa 9(2)c) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire relativement à une violation de l'article 39 du Règlement sur la protection des végétaux alléguée par l'intimée.

 

 

DÉCISION

 

[1]          À la suite d'une audience et après avoir examiné toutes les observations orales et écrites présentées par les parties, la Commission de révision agricole du Canada (la Commission), statue, par ordonnance, que la requérante n'a pas commis la violation en question et n'est pas tenue de payer la sanction.

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario),

le 15 septembre 2011.


 

MOTIFS

 

L'incident allégué et les questions en litige

 

[2]           L'intimée, l'Agence des services frontaliers du Canada (l'Agence), allègue que la requérante, Mme Danijela Knezevic a négligé, le 23 novembre 2010 à l'aéroport international Pearson de Toronto (Ontario), de déclarer des végétaux, contrevenant ainsi à l'article 39 du Règlement sur la protection des végétaux.

 

[3]           L'article 39 de ce règlement se lit ainsi :

 

39. Quiconque importe au Canada une chose qui soit est un parasite, soit est parasitée ou susceptible de l'être, soit encore constitue ou peut constituer un obstacle biologique à la lutte antiparasitaire, déclare cette chose, au moment de l'importation, à l'inspecteur ou à l'agent des douanes à un point d'entrée énuméré au paragraphe 40(1).

 

[4]           La Commission doit juger si l'Agence a établi tous les éléments à l'appui de l'avis de violation en cause, et plus particulièrement si :

 

  Mme Knezevic avait un matériel végétal dans ses bagages lorsqu'elle est entrée au Canada;

 

  le matériel végétal sous forme de plantes domestiques qui a été trouvé dans un gobelet de café était parasité ou susceptible de l'être ou constituait ou pouvait constituer un obstacle biologique à la lutte antiparasitaire;

 

  Mme Knezevic a négligé de déclarer ce matériel à l'inspecteur de l'Agence le 23 novembre 2010.

 

 

L'historique des procédures

 

[5]           Dans l'avis de violation 4974‑10‑AMPS‑0187 daté du 23 novembre 2010, il est allégué que, ce jour‑là à 17 h 10 environ au terminal 3 de l'aéroport international Pearson à Toronto (Ontario), Mme Knezevic [TRADUCTION] « a commis une violation notamment : en négligeant de faire la déclaration prescrite de matériel végétal, en opposition avec l'article 30 du Règlement sur la protection des végétaux. »

 

[6]           L'avis de violation énonce en outre que l'acte allégué va à l'encontre de l'article 7 de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire et de l'article 2 du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire et que, suivant l'article 4 du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire, il constitue une violation grave pour laquelle une sanction de 800 $ est imposée à Mme Knezevic. L'avis de violation indique enfin avoir été signifié en main propre à Mme Knezevic par l'Agence le 23 novembre 2010.


 

 

[7]           Dans une lettre télécopiée à la Commission le 22 décembre 2010, Mme Knezevic demande à celle‑ci une révision des faits reprochés de cette violation, conformément au paragraphe 9(2)c) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire. Dans cette télécopie, elle présente ses observations initiales dans la défense de la violation alléguée. Dans une autre télécopie datée du 27 décembre 2010, elle demande au personnel de la Commission que la révision ait lieu par voie d'audience comme le prévoit le paragraphe 15(1) du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire.

 

[8]           Le 10 janvier 2011, l'Agence a envoyé son rapport (« rapport de l'Agence ») sur l'avis de violation à Mme Knezevic et à la Commission, celle‑ci le recevant le même jour. La lettre d'accompagnement du document renfermait la phrase suivante [TRADUCTION] : « L'Agence des services frontaliers du Canada reconnaît que l'article cité dans l'avis de violation est erroné et qu'il devrait s'agir de l'article 39 au lieu de 30. » Cette erreur est reconnue également par l'Agence aux pages 13 et 14 et à l'onglet 7 du rapport de l'Agence.

 

[9]           Dans une lettre datée du 10 janvier 2011, la Commission a invité Mme Knezevic à déposer auprès d'elle toute observation supplémentaire (« observations supplémentaires ») en l'espèce au plus tard le 9 février 2011. Le 8 février 2011, la Commission a reçu de Mme Knezevic une télécopie de ces observations supplémentaires, dont copie a été transmise par la Commission à l'Agence le même jour. Dans ses observations, Mme Knezevic demande à la Commission de ne pas tenir compte de l'avis de violation qui la vise, puisque rien ne prouve qu'elle ait commis une [TRADUCTION] « violation de l'article 30 ». Le 16 février 2011, l'Agence a argumenté que l'erreur de numéro d'article était une [TRADUCTION] « irrégularité technique de l'avis de violation et que, de ce fait, la Commission devait passer outre à cette erreur (en vertu de l'article 4 des Règles de la Commission de révision agricole du Canada) ». La Commission a transmis cette argumentation à la requérante en réservant jusqu'à l'audience sa décision quant au règlement de l'affaire. Abstraction faite des communications des parties au sujet de la demande faite par l'Agence d'un report de l'audience prévue pour le 15 septembre 2011 - requête refusée par la Commission -, aucune nouvelle communication écrite n'a été reçue des parties préalablement à l'audience.

 

[10]        L'audience sollicitée par Mme Knezevic a eu lieu à Toronto (Ontario) le 15 septembre 2011. Mme Knezevic n'était pas représentée et l'Agence était représentée, elle, par M. Marc Gobeil. En début d'audience, les parties ont exposé leur argumentation propre en ce qui concerne l'erreur signalée par l'Agence dans l'avis de violation. Après avoir entendu les deux parties et rappelé que l'Agence avait signalé cette erreur très tôt dans la procédure (10 janvier 2011) et fait valoir que sa demande de remplacement de l'article 30 par l'article 39 du Règlement sur la protection des végétaux ne serait d'aucun préjudice à Mme Knezevic pour la connaissance de l'affaire et la préparation de sa défense, la Commission a ordonné que l'avis de violation soit modifié en conséquence (mention de l'article 39 du Règlement au lieu de l'article 30). Elle a rejeté l'argumentation de


Mme Knezevic selon laquelle elle devrait s'en tenir à une de ses décisions antérieures dans l'affaire Morrison c. Canada (ASFC) 2010 CRAC 1 en disant que, dans cette affaire Morrison, l'Agence n'avait jamais demandé que soit modifié le numéro d'article à la base de la sanction imposée au requérant.

 

 

La preuve

 

[11]        Les éléments de preuve dont est ici saisie la Commission consistent en observations écrites de l'Agence (avis de violation et rapport de l'Agence) et de Mme Knezevic (demande de révision et observations supplémentaires). L'Agence a présenté un témoin, l'inspecteur Ryan Lyttle et Mme Knezevic en a deux, à savoir sa propre personne et son mari, Darko Makic, qui a déposé à l'audience le 15 septembre 2011. Les parties n'ont pas versé de pièces au dossier de l'audience.

 

[12]        Certaines circonstances de l'affaire ne sont pas contestées :

 

  Le 23 novembre 2010, Mme Knezevic est arrivée à Toronto avec son mari, M. Makic, en provenance de Belgrade après correspondance à Kiev et elle a subi l'inspection primaire par un inspecteur de l'Agence.

 

  L'inspecteur en question a reçu la carte de déclaration E311 (onglet 2 du rapport de l'Agence) qu'avait remplie Mme Knezevic et qui portait sa signature et celle de M. Makic. Sur cette carte, la case « Non » était cochée en regard de l'énoncé suivant : « viande ou produits à base de viande; produits laitiers; fruits; légumes; semences; noix; plantes et animaux; parties d'animaux; fleurs coupées; terre; bois ou produits du bois; oiseaux; insectes ».

 

  Mme Knezevic et M. Makic sont ensuite passés de l'inspection primaire à l'inspection secondaire. Celle‑ci a été effectuée par l'inspecteur 14652, qui a trouvé deux gobelets contenant cinq petits végétaux enveloppés dans du tissu.

 

  L'inspecteur 14652 a délivré l'avis de violation 4974‑10‑AMPS‑0187 (onglet 3 du rapport de l'Agence) à Mme Knezevic. De plus, il a dressé un rapport de l'inspecteur sur la non-conformité des voyageurs aux points d'entrée (onglet 6 du rapport de l'Agence), photographié les gobelets et les végétaux qu'ils contenaient (onglet 8 du rapport de l'Agence), puis détruit ces gobelets et ces plantes.

 

[13]        Voici les circonstances contestées dans cette affaire : (1) les végétaux trouvés par l'inspecteur 14652 avaient-ils été importés par Mme Knezevic ou par M. Makic?; (2) s'ils avaient été importés par Mme Knezevic, étaient-ils parasités ou susceptibles de l'être ou constituaient-ils ou pouvaient-ils constituer un obstacle biologique à la lutte antiparasitaire?


 

[14]        Dans ses observations écrites à l'onglet 6 du rapport de l'Agence, l'inspecteur 14652, témoin de celle‑ci, déclare avoir trouvé dans les gobelets des végétaux enracinés destinés à la multiplication. À la partie « Remarques » du rapport de l'inspecteur, il est dit [TRADUCTION] : « À leur arrivée au Canada depuis la Serbie en Yougoslavie, il a été demandé aux voyageurs si les bagages étaient les leurs, s'ils les avaient faits et s'ils en connaissaient le contenu. Ils ont répondu par l'affirmative à toutes les questions. À l'inspection des bagages, on a trouvé des végétaux non déclarés. J'ai demandé aux voyageurs s'ils avaient un permis ou un certificat d'importation de ces produits et ils ont répondu par la négative. Le matériel végétal non déclaré en provenance de la Serbie en Yougoslavie a été retiré, photographié, confisqué et éliminé par la suite comme déchets internationaux. » À la page suivante du rapport, l'inspecteur 14652 fait la déclaration suivante [TRADUCTION] : « Le 23 novembre 2010 à 17 h 10 environ, l'agent no 14652 de l'Agence des services frontaliers du Canada a trouvé des végétaux non déclarés venant de la Serbie pendant l'inspection secondaire des bagages en la possession de la voyageuse M./Mme KNEZEVIC. Il a demandé à la voyageuse si les bagages étaient les siens et celle‑ci a répondu par l'affirmative. Il l'a priée de produire des permis ou des certificats et aucun n'a été produit. Il a confisqué et photographié le matériel végétal et expliqué les possibilités à la voyageuse. J'ai inspecté les végétaux importés sans la documentation nécessaire et je n'ai pu acquérir la conviction raisonnable que les mesures voulues avaient été prises à des fins de prévention de maladies pouvant ainsi être introduites au Canada et la voyageuse n'a pu donner de motif valable pour ne pas avoir déclaré les végétaux. »

 

[15]        À l'onglet 10 du rapport de l'Agence, il est indiqué qu'il y avait lieu de refuser cette importation de végétaux vivants destinés à la multiplication qui venaient de la Serbie, d'après le Système automatisé de référence à l'importation (SARI) de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, parce qu'il y avait dans ce cas une menace de parasitage selon les directives de la Division de la production et de la protection des végétaux de l'Agence canadienne d'inspection des aliments.

 

[16]        Le témoin de l'Agence à l'audience, M. Lyttle, a dit à la Commission que, bien que n'ayant pas été de service le 23 novembre 2010, il pouvait la renseigner sur la façon dont se font les inspections de l'Agence. Il a mentionné à la Commission que les inspecteurs sont formés à interroger les gens et qu'ils posent trois questions : « Ces bagages sont-ils les vôtres? Les avez-vous faits vous-même? Y a‑t‑il dans ces bagages des objets pointus ou dangereux ou quelque chose à déclarer? » M. Lyttle a affirmé à la Commission que l'Agence supposait que les voyageurs rempliraient la carte de déclaration E311 en toute honnêteté et que, si des matières non déclarées étaient trouvées par la suite, toute mesure d'application de la loi se prendrait normalement et nommément contre la personne dont les bagages contenaient ces matières.

 

[17]        En contre-interrogatoire, M. Lyttle a signalé à la Commission que l'Agence n'avait pas de test permettant de juger du danger que présente un végétal, mais que les inspecteurs de l'Agence usaient de leur jugement et se reportaient aux lignes directrices de l'Agence canadienne d'inspection des aliments pour refuser l'entrée de végétaux susceptibles d'être nocifs ou dangereux. Chaque inspecteur recevait la formation nécessaire et, pendant cette


 

formation, on lui enseignait à s'aider du système SARI pour juger si un matériel végétal devait être admis au Canada et s'il pouvait constituer une menace parce qu'étant parasité.

 

[18]        Déposant comme premier témoin à décharge, Mme Knezevic a dit à la Commission que les végétaux trouvés par l'inspecteur 14652 de l'Agence se trouvaient dans les bagages de son mari, et non dans les siens. Les végétaux et les gobelets en question lui avaient été offerts par sa mère le soir précédant son départ de la maison maternelle en Serbie. Elle avait expressément refusé ce cadeau, n'ayant plus de place dans ses bagages. Elle a dit avoir préparé ses bagages dans sa chambre à coucher, son mari faisant de même dans une autre pièce. Chacun avait fait ses propres bagages et, le matin, Mme Knezevic et M. Makic avaient quitté Belgrade pour le vol de retour de 15 heures vers Toronto avec correspondance à Kiev. Dans leurs conversations en cours de vol, aucune mention n'avait été faite de cadeaux reçus de la mère de Mme Knezevic. Celle‑ci a rempli la carte de déclaration E311 et M. Makic et elle l'ont signée. Les deux sont passés à l'inspection primaire; ils ont présenté la carte de déclaration E311 et ensuite subi l'inspection secondaire où l'inspecteur 14652 a demandé à l'un et à l'autre s'ils avaient quelque chose à déclarer. Mme Knezevic a répondu avoir de l'eau bénite du Monténégro, mais rien d'autre, et c'est cette substance que l'inspecteur a trouvée dans ses bagages. Il a ensuite trouvé deux gobelets avec cinq plantes dans les bagages de M. Makic. Au moment de cette découverte, Mme Knezevic a demandé à M. Makic si sa mère lui avait fait cadeau des gobelets, ce qu'il a confirmé en disant avoir reçu ce cadeau le matin de leur départ. Ce témoignage verbal de Mme Knezevic s'accorde avec ses observations écrites accompagnant sa requête de révision à la Commission en décembre 2010.

 

[19]        En contre-interrogatoire, Mme Knezevic a dit à la Commission avoir ignoré que les plantes se trouvaient dans les bagages de M. Makic avant qu'ils n'y soient découverts par l'inspecteur 14652 de l'Agence et jamais pendant le vol de retour n'avoir discuté de ces végétaux ou de tout cadeau reçu de ses parents pendant le séjour chez eux. À une question posée en contre-interrogatoire, elle a confirmé que, M. Makic et elle, avaient chacun leurs bagages qu'ils faisaient séparément.

 

[20]        Le second témoin de Mme Knezevic, à savoir son mari M. Makic, a dit à la Commission avoir fini de faire ses bagages le soir précédant leur départ et les avoir laissés dans le salon de la maison de sa belle-mère. Le matin du départ, celle‑ci l'a abordé en lui demandant s'il avait de la place dans ses bagages pour deux gobelets, sa fille lui ayant dit que ses bagages étaient déjà complets. M. Makic a répondu avoir de la place. Il a pris les deux gobelets garnis de tissu sans en examiner le contenu. Il n'a plus pensé à ces gobelets jusqu'à ce que l'inspecteur 14652 les trouve dans l'inspection secondaire. M. Makic a dit à la Commission que sa femme ignorait qu'il avait reçu les gobelets de sa mère et que lui-même ignorait que ceux‑ci contenaient des végétaux dans du tissu avant que l'inspecteur 14652 ne les découvre. Ne sachant pas qu'il avait des plantes dans ses bagages, il ne les a pas déclarées sur la carte de déclaration E311.


 

[21]        En contre-interrogatoire, M. Makic a mentionné à la Commission que, la soirée précédant leur départ et le matin où ils ont quitté la Serbie, sa femme avait fait ses bagages dans la chambre à coucher et lui les siens dans la pièce principale de la maison. Sa femme n'était pas présente quand sa belle-mère lui a demandé ce matin‑là de prendre les gobelets. Comme il s'agissait de sa belle-mère et d'un cadeau, il a accepté de mettre les gobelets dans ses bagages sans plus penser par la suite à cette demande ni au contenu de ce cadeau.

 

 

L'analyse et les principes de droit applicables

 

[22]        La Commission a pour mandat de juger de la validité des sanctions administratives pécuniaires imposées en vertu de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire (la Loi). L'article 3 énonce l'objet de la Loi :

 

3. La présente loi a pour objet d'établir, comme solution de rechange au régime pénal et complément aux autres mesures d'application des lois agroalimentaires déjà en vigueur, un régime juste et efficace de sanctions administratives pécuniaires.

 

[23]        L'article 2 de la Loi définit ainsi « loi agroalimentaire » :

 

2. La Loi sur les produits agricoles au Canada, la Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole, la Loi relative aux aliments du bétail, la Loi sur les engrais, la Loi sur la santé des animaux, la Loi sur l'inspection des viandes, la Loi sur les produits antiparasitaires, la Loi sur la protection des végétaux ou la Loi sur les semences.

 

[24]        L'article 4 de la Loi dit que, selon les circonstances, le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire ou le ministre de la Santé est habilité à faire ce qui suit :

 

4. (1) Le ministre peut, par règlement :

 

a) désigner comme violation punissable au titre de la présente loi la contravention - si elle constitue une infraction à une loi agroalimentaire :

 

i) aux dispositions spécifiées d'une loi agroalimentaire ou de ses règlements...

 

[25]        Le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire a pris un tel règlement, le Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire (DORS/2000‑187), qui désigne comme violation le fait d'enfreindre plusieurs dispositions expresses de la Loi et du Règlement sur la santé des animaux et de la Loi et du Règlement sur la protection des végétaux. Ces violations énumérées à l'annexe 1 du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire renvoient à l'article 39 du Règlement sur la protection des végétaux.


 

[26]        La Cour d'appel fédérale a produit des observations sur le régime de sanctions administratives pécuniaires (SAP) de la Loi et sur sa sévérité. Dans l'affaire Michel Doyon c. Procureur général du Canada, 2009 CAF 152, la Cour dit aux alinéas 27 et 28 :

 

[27] En somme, le régime de sanctions administratives pécuniaires a importé les éléments les plus punitifs du droit pénal en prenant soin d'en écarter les moyens de défense utiles et de diminuer le fardeau de preuve du poursuivant. Une responsabilité absolue, découlant d'un actus reus que le poursuivant n'a pas à établir hors de tout doute raisonnable, laisse au contrevenant bien peu de moyens de disculpation.

 

[28] Aussi, le décideur se doit‑il d'être circonspect dans l'administration et l'analyse de la preuve de même que dans l'analyse des éléments constitutifs de l'infraction et du lien de causalité. Cette circonspection doit se refléter dans les motifs de sa décision, laquelle doit s'appuyer sur une preuve qui repose sur des assises factuelles et non sur de simples conjectures, encore moins de la spéculation, des intuitions, des impressions ou du ouï-dire.

 

[27]        La Cour d'appel fédérale dans l'affaire Doyon a également souligné que la Loi impose un lourd fardeau à l'Agence. À l'alinéa 20, la Cour déclare :

 

[20] Enfin, et il s'agit là d'un élément important de toute poursuite, la charge de la preuve d'une violation appartient au ministre ainsi que le fardeau de persuasion. Il doit établir selon la prépondérance des probabilités la responsabilité du contrevenant : voir l'article 19 de la Loi.

 

 

[28]        Le législateur dit clairement que, pour chaque élément de la poursuite, le fardeau de la preuve repose sur l'intimé, comme le prévoit l'article 19 de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire :

 

19. En cas de contestation devant le ministre ou de révision par la Commission, portant sur les faits, il appartient au ministre d'établir, selon la prépondérance des probabilités, la responsabilité du contrevenant.

 

[29]        Ainsi, l'Agence doit prouver tous les éléments de la poursuite en prépondérance des probabilités. Dans le cas d'une violation de l'article 39 du Règlement sur la protection des végétaux, elle doit prouver ce qui suit :

 

(1) l'auteur de la violation est Mme Knezevic;

 

(2) Mme Knezevic a apporté (importé) le matériel végétal en question au Canada;


 

(3) les plantes domestiques destinées à la multiplication qui ont été importées étaient parasitées ou pouvaient l'être ou encore constituaient ou pouvaient constituer un obstacle biologique à la lutte antiparasitaire;

 

(4) Mme Knezevic n'a pas déclaré ce matériel à un inspecteur de l'Agence.

 

[30]        La Commission a jugé que chaque témoin à l'audience était tout à fait digne de foi, qu'il avait déposé sans détour et avec franchise et qu'il n'y avait pas lieu de mettre en doute les témoignages ni de Mme Knezevic, ni de M. Lyttle, ni de M. Makic.

 

[31]        En ce qui concerne l'élément 4, la carte de déclaration E311 de Mme Knezevic et de M. Makic indique que ni l'un ni l'autre n'ont déclaré les plantes domestiques à leur entrée au Canada le 23 novembre 2010. Ajoutons que l'inspecteur 14652 a affirmé dans son témoignage que ni Mme Knezevic ni M. Makic n'avaient déclaré ce matériel végétal avant l'inspection secondaire de leurs bagages par ses soins. Ainsi, l'Agence a prouvé en prépondérance des probabilités l'élément 4 de la violation alléguée.

 

[32]        En ce qui concerne l'élément 3, l'inspecteur 14652 a témoigné au nom de l'Agence que le matériel végétal qu'il avait trouvé dans les bagages consistait en plantes domestiques destinées à la multiplication. Se référant au système SARI pour l'importation de tels produits, il a conclu que ce produit devait bel et bien être déclaré parce qu'étant « une chose qui soit est un parasite, soit est parasitée ou susceptible de l'être, soit encore constitue ou peut constituer un obstacle biologique à la lutte antiparasitaire » (article 39 du Règlement sur la protection des végétaux). Pour cet élément aussi, la Commission a la conviction que l'Agence a apporté une preuve suffisante en prépondérance des probabilités pour qu'elle puisse juger que les végétaux ainsi importés devaient être déclarés, chacun étant « une chose qui soit est un parasite, soit est parasitée ou susceptible de l'être, soit encore constitue ou peut constituer un obstacle biologique à la lutte antiparasitaire ».

 

[33]        Il reste que, en ce qui concerne les éléments 1 et 2, la Commission estime que l'Agence n'a pas apporté de preuve suffisante en prépondérance des probabilités pour confirmer la validité de l'avis de violation. Le dossier écrit déposé par l'Agence est nettement utile et nous éclaire sur l'affaire. Toutefois, l'Agence n'a produit aucun témoin qui se serait prononcé sur son contenu précis ou qui aurait contredit les faits présentés en preuve par Mme Knezevic. Celle‑ci n'a pas eu non plus la possibilité de contre-examiner la teneur de ce dossier écrit. Par ailleurs, l'Agence a exercé pendant l'audience son droit de contre-interroger Mme Knezevic sur son témoignage en posant par moments certaines questions que la Commission considère comme plutôt inopportunes. En contre-interrogatoire, le témoignage de Mme Knezevic est demeuré cohérent et crédible.

 

[34]        La Commission juge que l'intimée n'a pu dans cette affaire prouver que la personne désignée par l'avis de violation avait commis la violation dont fait état celui‑ci. Elle accepte le témoignage de Mme Knezevic et de M. Makic selon lequel les plantes domestiques ont été trouvées dans les bagages du second, affirmation qui n'a pas été contredite par l'Agence.


 

Mme Knezevic ignorait que les végétaux se trouvaient là et le seul fait que ce soit sa mère qui ait remis les plantes à son mari après le refus des gobelets et de leur contenu par l'intéressée le soir précédant le vol de retour au Canada ne suffit pas à relier ces végétaux à Mme Knezevic. La Commission admet le fait même que l'importateur soit celui qui a reçu les végétaux en Serbie, les a rangés dans ses bagages et les a introduits au Canada à son arrivée au pays.

 

[35]        La Commission conclut donc que les plantes n'ont pas été importées par Mme Knezevic. Elle ignorait leur présence et les plantes ne se trouvaient pas dans ses bagages. Elles n'étaient pas en sa possession et l'intéressée n'exerçait aucun contrôle sur elles à leur entrée au Canada. M. Makic était responsable de leur importation au Canada. Les végétaux étaient toujours en sa possession et sous son contrôle même si, comme il l'a dit dans son témoignage, il n'avait jamais su que les plantes se trouvaient dans les gobelets de café qu'il avait accepté de rapporter au Canada comme cadeau de sa belle-mère. Compte tenu de ce qui précède, la Commission juge que l'Agence n'a pas prouvé un élément essentiel de l'affaire, à savoir que la personne désignée dans l'avis de violation avait bel et bien commis la violation visée. S'il y a eu violation, ce n'est pas Mme Knezevic qui l'a commise.

 

[36]        La Commission conclut donc que l'Agence n'a pas prouvé tous les éléments de la poursuite en prépondérance des probabilités et que, en particulier, elle n'a pas démontré l'identité de l'auteur de cette violation. Les inspecteurs de l'Agence se voient confier la tâche de protéger les citoyens, la chaîne alimentaire et la production agricole au Canada contre les risques que présentent les ravageurs, les pathogènes et les parasites, mais les avis de violation délivrés en vertu de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire ne peuvent être confirmés dans leur validité par la Commission conformément aux lois canadiennes que si tous les éléments essentiels de la poursuite sont prouvés par l'Agence en prépondérance des probabilités, ce qui n'est pas le cas dans la présente affaire. La Commission juge que la requérante n'a pas commis la violation et qu'elle n'est pas tenue d'acquitter la sanction prévue.

 

 

Fait à Ottawa, le 17e jour du mois de novembre 2011.

 

 

 

 

 

 

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Donald Buckingham, président


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