Décisions de la Commission de révision agricole du Canada

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Référence : Salim c.  Canada (Agence des services frontaliers du Canada), 2014 CRAC 18

 

Date : 20140718

Dossier : CART/CRAC‑1779

ENTRE :

 

Muhammad Salim, demandeur

 

 

‑ et ‑

 

 

Agence des services frontaliers du Canada, intimée

 

 

[Traduction officielle de la version anglaise]

 

 

DEVANT :       Donald Buckingham, président

 

 

AVEC :                        Muhammad Bilal, représentant pour le demandeur; et

Byron Fitzgerald, représentant pour l’intimée

 

 

Affaire concernant une demande de révision présentée par le demandeur en vertu de l’alinéa 9(2)c) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, relativement à une violation alléguée par l’intimée de l’article 40 du Règlement sur la santé des animaux.

 

DÉCISION SUR LA RECEVABILITÉ

 

La Commission de révision agricole du Canada (la Commission) STATUE, par ordonnance, que la demande de révision de l’avis de violation numéro 4971‑14‑0427 délivré le 11 avril 2014, présentée par le demandeur, M. Muhammad Salim (M. Salim) en vertu de l’alinéa 9(2)c) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (la Loi) relativement à une violation par le demandeur, alléguée par l’Agence des services frontaliers du Canada (l’Agence), de l’article 40 du Règlement sur la santé des animaux, EST IRRECEVABLE et est, conformément à la présente ordonnance, REJETÉE.

 

Sur observations écrites seulement,

Soumises entre le 17 avril et le 7 mai 2014.


Motifs de la décision relative à l’irrecevabilité

 

[1]              Dans l’avis de violation numéro 4971‑14‑0427 délivré le 11 avril 2014, l’Agence prétend que, à cette date à l’Aéroport international Lester B. Pearson, à Toronto, en Ontario, le demandeur, M. Salim [traduction] « a commis une violation, à savoir : a importé un sous-produit d’origine animale, soit 13 kg de viande de chèvre en conserve, sans satisfaire aux exigences prescrites, en contravention à l’article 40 du Règlement sur la santé des animaux ». L’Agence a signifié l’avis de violation avec sanction en mains propres à M. Salim le 11 avril 2014. Dans l’avis de violation, M. Salim est informé que la violation alléguée constitue une violation grave aux termes de l’article 4 du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, pour laquelle la sanction applicable est de 800 $.

 

[2]              Dans une lettre datée du 17 avril 2014 qu’il a envoyée à la Commission par courrier ordinaire, M. Salim a demandé à celle‑ci de réviser l’avis (la demande de révision). La lettre se composait d’un document dactylographié d’une page signé par M. Salim, dans lequel ce dernier demandait que l’on annule la sanction qui lui avait été imposée. Une copie de l’avis de violation en question a été jointe à cette lettre. Il y expliquait [traduction] :« Je plaide coupable à la violation qui m’est reprochée et vous prie de prendre ma demande en considération puisqu’une telle chose ne se reproduira certainement jamais plus. »

 

[3]              Le 30 avril 2014, Mme Lise Sabourin (Mme Sabourin), coordonnatrice à l’administration, aux registres et aux finances de la Commission, a fait parvenir à M. Salim et à l’Agence une lettre dans laquelle elle a demandé à M. Salim d’élaborer sur les raisons justifiant sa demande de révision. Dans cette lettre, Mme Sabourin expliquait à M. Salim ce qui suit [traduction

 

En vertu de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, la Commission de révision agricole du Canada (la Commission) n’a pas le pouvoir d’annuler les sanctions énoncées dans les avis de violation valablement émis par l’Agence des services frontaliers du Canada. La Commission est toutefois disposée à recevoir de plus amples renseignements de la part du demandeur au sujet des événements survenus le 11 avril 2014, de manière à pouvoir prendre une décision quant à la demande de révision. La Commission doit recevoir ces renseignements le ou avant le vendredi 9 mai 2014 (à 17 h). Veuillez consulter l’Avis de pratique numéro 11 et le Guide à l’intention des plaideurs non représentés (copies jointes) pour obtenir de plus amples renseignements. Veuillez aussi noter que, pour que votre demande de révision soit recevable, vous devez la transmettre à la Commission par courrier recommandé.

 

[4]              Le 7 mai 2014, M. Salim a expédié par courrier recommandé un formulaire dûment rempli de demande de révision en vertu de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, où il nommait M. Muhammad Bilal (M. Bilal) à titre de représentant dans l’affaire devant la Commission. M. Salim a joint au formulaire une lettre dactylographiée d’une page datée du 7 mai 2014, où il déclare ce qui suit [traduction] :

 

Je demande cette révision à titre de résident du Canada et de personne très responsable qui respecte toutes les règles et tous les règlements. Quelqu’un, dans mon pays d’origine, m’a donné la conserve en cause. Je ne savais pas qu’il m’était interdit de la rapporter au Canada. Je n’ai jamais eu l’intention de commettre une violation et je peux vous assurer que cette erreur est la première et la dernière que je commets et qu’elle ne se reproduira plus jamais. Je vous présente mes excuses pour les inconvénients qui ont pu résulter de cette violation. Je vous prie d’accepter mes excuses, et je vous assure que je ne referai jamais de tels gestes.

 

[5]              Le 13 juin 2014, Mme Sabourin communiquait à nouveau avec M. Salim et l’Agence, par lettre, pour demander à M. Salim d’étoffer les raisons justifiant sa demande de révision. Dans cette lettre, Mme Sabourin expliquait à M. Salim ce qui suit. [traduction

 

(…)  Le 30 avril 2014, la Commission a expédié une lettre aux parties, dans laquelle elle invitait le demandeur à donner les raisons de sa demande, mais le demandeur n’a pas fourni de plus amples renseignements sur les incidents survenus le 11 avril 2014. Si la Commission ne reçoit pas d’autres renseignements sur les événements et sur les raisons justifiant la demande de révision présentée par M. Salim, outre celles qu’il a déjà fournies et qui ne sont pas recevables en vertu de l’article 18 de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, la Commission pourrait conclure à l’irrecevabilité de cette demande de révision. Tout autre renseignement devra être présenté le ou avant le 30 juin 2014 à 17 h, HAE.

 

[6]              M. Salim n’ayant pas répondu à cette lettre le ou avant le 30 juin 2014, Mme Sabourin a envoyé un dernier courriel de suivi à M. Bilal, le représentant de M. Salim, le 2 juillet 2014. Dans ce courriel, Mme Sabourin demandait si M. Salim fournirait d’autres renseignements à la Commission. Le 17 juillet 2014, aucune réponse n’avait été reçue de M. Salim ou de M. Bilal.

 

[7]              L’article 34 des Règles de la Commission de révision (Agriculture et agroalimentaire) (les Règles de la Commission) est ainsi libellé :

 

[…]

 

La personne qui dépose une demande de révision doit y indiquer les motifs de la demande, la langue de son choix et, dans le cas où le procès-verbal en cause inflige une sanction, si elle demande la tenue d’une audience.

 

[…]

 

[8]              Lorsque le demandeur ne respecte pas les exigences de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires et des Règles de la Commission, celle-ci peut décider que la demande de révision du demandeur est irrecevable.

 

[9]              La Commission s’est penchée sur la question de la recevabilité dans les arrêts Wilson c.  Canada (Agence canadienne d’inspection des aliments), 2013 CRAC 25 (Wilson) et Soares c.  Canada (Agence des services frontaliers du Canada), 2013 CRAC 39. Comme elle l’a expliqué au paragraphe 10 de la décision Wilson :

 

[10]  La demande de révision est un droit accordé par le législateur, qui permet aux demandeurs de faire réviser les procès-verbaux de violation par un organisme indépendant, à peu de frais et sans avoir à y consacrer beaucoup de temps. Toutefois, l’accomplissement de tout le processus, y compris le dépôt des actes de procédure, l’audience et l’élaboration de la décision, exigera tout de même de toutes les parties un investissement substantiel en temps et en argent. C’est pourquoi le législateur impose aux demandeurs des exigences élémentaires à respecter afin de préserver leur droit. Lorsque le demandeur ne se conforme pas aux exigences de la Loi et des Règlements et Règles, la Commission peut déclarer la demande de révision irrecevable.

 

[10]         En l’espèce, la Commission a tenté, au moins à trois occasions, d’encourager M. Salim à présenter les raisons de sa demande de révision en s’assurant qu’elles satisfont au critère selon lequel il est possible de fournir une raison autorisée permettant de contester la validité de l’avis de violation. Cependant, dans le peu de correspondance dont dispose la Commission, M. Salim n’a présenté que les raisons suivantes :

 

a)                 Il a commis une infraction en apportant au Canada de la viande cuite provenant d’un autre pays;

 

b)                 L’importation de cette viande en conserve n’était pas intentionnelle. La viande en question lui été offerte par un membre de sa famille et, lorsqu’il s’est rendu compte de la situation, il était trop tard;

 

c)                  Cela ne se reproduira pas;

 

d)                 Il est un résident du Canada et une personne très responsable;

 

e)                 Il ne savait pas qu’il était interdit de rapporter la viande en question au Canada;

 

f)                   Il demande que sa sanction soit annulée.

 

[11]         La Loi crée un régime de responsabilité qui est très peu tolérant puisqu’il ne permet aucune défense de diligence raisonnable ou d’erreur de fait. L’article 18 de la Loi est ainsi libellé :

 

18.  (1) Le contrevenant ne peut invoquer en défense le fait

(a)  qu’il a agi avec diligence raisonnable pour empêcher la violation; ou

 

(b)  qu’il croyait raisonnablement et en toute honnêteté à l’existence de faits qui, avérés, l’exonéreraient.

 

[12]         Si une disposition prévoyant des sanctions administratives pécuniaires a été édictée pour une violation particulière, comme c’est le cas en ce qui concerne l’article 40 du Règlement sur la santé des animaux, le demandeur ne dispose que de très peu de moyens de défense. L’article 18 de la Loi exclut plusieurs des raisons communément évoquées par les demandeurs pour justifier leurs gestes lorsqu’un avis de violation leur a été signifié. Étant donné l’intention manifeste du législateur sur les moyens de défense interdits par rapport à ceux autorisés, la Commission conclut qu’aucune des raisons avancées par M. Salim, dans les quelques observations qu’il a présentées à la Commission, telles qu’énoncées au paragraphe 10 ci-dessus, ne constitue un moyen de défense autorisé en vertu de l’article 18 de la Loi. En ce qui concerne la dernière raison qu’il évoque ‑ l’annulation de la sanction ‑ la Commission ne peut, selon sa loi habilitante, prendre en compte les arguments des parties en fonction de motifs d’ordre humanitaire qui pourraient avoir comme effet d’éliminer ou de réduire l’amende indiquée sur l’avis de violation ou d’établir un plan de versement pour ladite amende.

 

[13]         Ainsi, la Commission estime que les circonstances actuelles ne lui offrent pratiquement pas d’autre choix que de déclarer irrecevable la demande de révision de M. Salim, et elle statue en conséquence. De ce fait, M. Salim est réputé avoir commis la violation visée dans l’avis de violation numéro 4971‑14‑0427 délivré le 11 avril 2014, par application du paragraphe 9(3) de la Loi. Le paragraphe 9(3) de cette loi est ci‑après reproduit :

 

(3)  Le défaut du contrevenant d’exercer l’option visée au paragraphe (2) dans le délai et selon les modalités prévus vaut déclaration de responsabilité à l’égard de la violation.

 

[14]         La Commission a tenu compte dans l’examen de ces questions des dispositions de la Loi, du Règlement sur les SAP et des Règles de la Commission, de la jurisprudence applicable, de l’équité et des renseignements fournis par les parties.

 

[15]         De plus, la Commission souligne, à la lumière des renseignements que M. Salim a fournis dans sa demande de révision, qu’il aurait été très difficile pour celui‑ci de prouver l’invalidité de l’avis de violation en question.

 

[16]         La Commission fait part à M. Salim que cette violation n’est pas un acte criminel. Dans cinq ans, M. Salim pourra demander au ministre que cette violation soit rayée de son dossier, conformément à l’article 23 de la Loi.

 

23. (1)  Sur demande du contrevenant, toute mention relative à une violation est rayée du dossier que le ministre tient à son égard cinq ans après :

 

(a)             (...) la notification d’un procès-verbal comportant un avertissement ou

 

(b)       la date soit du paiement de toute créance visée au paragraphe 15(1),

 

à moins que celui-ci estime que ce serait contraire à l’intérêt public ou qu’une autre mention ait été portée au dossier au sujet de l’intéressé par la suite, mais n’ait pas été rayée.

 

 

Fait à Ottawa, Ontario, en ce 18e jour du mois de juillet 2014.

 

 

 

 

 

 

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Don Buckingham, président

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