Décisions de la Commission de révision agricole du Canada

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Référence :

Zahonyi c Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, 2022 CRAC 27

 

 

Dossier : CRAC-2022-BMR-006

 

ENTRE :

 

LASZLO ZAHONYI

 

DEMANDEUR

 

 

 

- ET -

 

MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

INTIMÉ

 

[Traduction de la version officielle en anglais]

 

DEVANT:

Patricia L. Farnese, membre

 

AVEC:

M. Laszlo Zahonyi, agissant pour son propre compte;

 

 

Mme Cassandra Ianni-Lucio, représentant l’intimé

 

DATE DE LA DÉCISION :

Le 23 septembre 2022

 

AUDIENCE SUR OBSERVATIONS ÉCRITES SEULEMENT

 


1. INTRODUCTION

[1] M. Zahonyi demande à la Commission de révision agricole du Canada (la Commission) d’annuler ou de modifier la décision du ministre de confirmer le procès-verbal (le procès-verbal) assorti d’une sanction de 1 300 $ qu’il a reçu pour avoir omis de déclarer de la graisse de canard lors de son entrée au Canada par avion en provenance de la Hongrie, en contravention du paragraphe 16(1) de la Loi sur la santé des animaux (Loi SA). Étant donné que la graisse de canard était emballée dans des contenants en plastique qui fuyaient plutôt que dans des pots en verre ou des boîtes de conserve scellés hermétiquement et de longue conservation, comme l’exige le règlement, je refuse de faire droit à la demande de M. Zahonyi. L’article 18 de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (Loi SAPMAA), ne reconnaît pas le fait que M. Zahonyi croyait que la graisse de canard ne présentait aucun risque ou le fait qu’il s’agissait de sa première violation comme moyens de défense à l’égard du procès-verbal. M. Zahonyi doit payer la sanction de 1 300 $.

2. CADRE JURIDIQUE

[2] Le paragraphe 12(1) de la Loi sur les douanes exige que les voyageurs déclarent à un agent des services frontaliers autorisé (agent) toutes les marchandises qu’ils apportent au Canada. La déclaration de douane doit être faite à la première occasion après l’arrivée au Canada. Pour ceux qui entrent au pays par avion, cette déclaration est généralement faite sur la carte de déclaration E311 ou à une borne d’inspection primaire (BIP) de l’ASFC. Le moment de la déclaration est important parce qu’il n’est pas permis au voyageur qui entre au Canada de jouer sur ses chances de ne pas être dirigé vers une inspection secondaire avant de décider de faire sa déclaration. Toute personne qui apporte des marchandises au Canada a l’obligation d’en faire une déclaration exhaustive [1] .

[3] Si l’omission de déclarer constitue une infraction à la Loi sur les douanes, la personne qui omet de déclarer avec exactitude un sous-produit animal peut recevoir un procès-verbal pour violation de la Loi sur la santé des animaux (Loi SA) ou du Règlement sur la santé des animaux (Règlement SA). La Loi SA et le Règlement SA agissent de concert pour prévenir l’introduction de maladies animales au Canada.

[4] Le paragraphe 16(1) de la Loi SA exige que la personne qui importe un animal, un produit animal ou un sous-produit animal au Canada présente l’article à un agent pour inspection au plus tard à l’importation. Le fait de répondre « oui » à la BIP à la question qui demande si vous apportez de la viande ou des produits animaux au Canada satisfait à l’exigence prévue au paragraphe 16(1).

[5] L’article 40 du Règlement SA interdit l’importation de tous les sous-produits animaux au Canada, sauf en conformité avec la partie IV. La partie IV permet à une personne d’importer certains produits agricoles, notamment des sous-produits animaux, à certaines conditions. L’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) établit les conditions qui permettent l’importation de produits agricoles au Canada. Les agents se fondent sur le Système automatisé de référence à l’importation (SARI) [2] , qui est également accessible au public, pour déterminer ces exigences d’importation lorsqu’ils tombent sur un produit animal lors d’une inspection.

[6] Lorsqu’une personne omet de déclarer un produit animal, l’agent peut délivrer un procès-verbal pour violation de la Loi SA et du Règlement SA. La Loi SA et le Règlement SA sont appliqués au moyen du processus uniforme d’application de la loi prévu par la Loi SAPMAA et le Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (Règlement SAPMAA). La Loi SAPMAA et le Règlement SAPMAA qualifient chaque violation de mineure, de grave ou de très grave et imposent des sanctions obligatoires en fonction de la qualification de la violation. La Loi SAPMAA est un régime de responsabilité absolue. Il n’existe presque pas de moyens de défense permettant de se soustraire à sa responsabilité une fois que l’Agence a prouvé la violation.

[7] L’Agence des services frontaliers du Canada (l’Agence) doit prouver les éléments constitutifs suivants du paragraphe 16(1) de la Loi SA, selon la prépondérance des probabilités [3] :

  1. M. Zahonyi est la personne désignée dans le procès-verbal;
  2. M. Zahonyi a importé un animal, un produit animal, un sous-produit animal ou des aliments pour animaux au Canada;
  3. aucune des exceptions visées à la partie IV duRèglement SAne s’applique;
  4. M. Zahonyi n’a pas déclaré le produit en question à son premier contact avec un agent des services frontaliers, et ne l’a donc pas présenté pour inspection;

[8] Il est possible de contester un procès-verbal en contestant les faits reprochés auprès du ministre. La Commission peut ensuite procéder à la révision de la décision du ministre. Le paragraphe 14(1) de la Loi SAPMAA autorise la Commission à confirmer, modifier ou annuler la décision du ministre après avoir décidé si le demandeur a commis la violation. Dans les cas où elle confirme la violation, la Commission se demande également si la sanction suit le processus énoncé dans la Loi SAPMAA et le Règlement SAPMAA. La Commission n’est pas autorisée à réduire le montant de la sanction ou à remplacer la sanction par un avertissement lorsque le processus a été suivi.

[9] La présente décision découle de mon examen de la décision du ministre no 2106574-1 confirmant le procès-verbal no 4974-21-0577. Comme le prescrit le paragraphe 14(1) de la Loi SAPMAA, j’ai procédé à un examen de novo des faits, c’est-à-dire que j’ai tiré mes propres conclusions de fait et de droit sur la validité du procès-verbal après avoir examiné les observations écrites présentées par les parties [4] .

3. QUESTIONS EN LITIGE

[10] Deux questions fondamentales sont en litige dans la présente affaire :

Question no 1 : Les contenants de graisse de canard de M. Zahonyi pouvaient-ils être importés au Canada sans les documents voulus?

Question no 2 : La perception de M. Zahonyi quant au risque que présente la graisse de canard et le fait qu’il s’agit de son premier procès-verbal sont-ils des moyens de défense admissibles?

4. ANALYSE

[11] L’Agence a prouvé les éléments 1, 2 et 4.

[12] L’Agence a établi le premier élément en incluant dans son rapport des images des photocopies du passeport et du permis de conduire ontarien de M. Zahonyi faites par l’agent le jour où la violation s’est produite. M. Zahonyi ne conteste pas non plus que c’est lui qui a reçu le procès-verbal pour avoir omis de déclarer qu’il avait importé de la graisse de canard.

[13] Le deuxième élément est établi par l’aveu de M. Zahonyi, qu’il a fait dans les observations qu’il a présentées à la Commission, selon lequel il a importé de la graisse de canard de la Hongrie au Canada sans la déclarer avant que l’agent ne la trouve. Il a également indiqué à l’agent de quel produit il s’agissait lorsqu’il a été trouvé dans ses bagages lors de l’inspection secondaire.

[14] Enfin, M. Zahonyi admet dans sa demande de révision qu’il a seulement déclaré du fromage et des bonbons au premier agent qu’il a rencontré. Le relevé de la déclaration que M. Zahonyi a faite à la BIP indique également qu’il a répondu « non » à la question portant sur l’importation de viande et de produits animaux. L’Agence a établi le quatrième élément en présentant également les notes et le rapport de l’agent qui prouvent que M. Zahonyi a indiqué que le sac où la graisse de canard a été trouvée était le sien.

I. Question no 1 : Les contenants de graisse de canard de M. Zahonyi pouvaient-ils être importés au Canada sans permis?

[15] Le SARI indique que l’on peut importer sans permis de la Hongrie au Canada jusqu’à 20 kg de viande à longue durée de conservation si elle a été préparée à des fins commerciales dans des pots en verre ou des boîtes de conserve scellés. Le SARI accorde également aux agents le pouvoir discrétionnaire de permettre l’importation de produits de viande faite maison de la Hongrie s’ils sont scellés hermétiquement et conservés dans un emballage étanche. Malgré l’absence d’étiquette, M. Zahonyi affirme que les quatre (4) contenants de graisse de canard ont été préparés à des fins commerciales. Même si je devais conclure que la graisse de canard a été préparée à des fins commerciales, il reste que la graisse de canard ne satisfait pas aux exigences d’importation en tant que produit commercial parce qu’elle n’a pas été déposée dans des contenants en verre ou des boîtes de conserve; elle l’a été dans du plastique. La graisse de canard ne satisfait pas non plus aux exigences qui auraient permis son importation en tant que produit fait maison parce qu’elle n’était pas scellée hermétiquement et n’était probablement pas conservée dans un emballage étanche. L’agent a noté que les contenants n’étaient pas scellés et qu’ils fuyaient lorsqu’ils ont été retirés des bagages de M. Zahonyi. M. Zahonyi ne conteste pas l’état dans lequel se trouvait la graisse de canard lorsqu’elle a été trouvée.

[16] M. Zahonyi n’a présenté aucun autre élément de preuve qui lui aurait permis d’apporter de la graisse de canard au Canada. L’article 52 du Règlement SA permet l’importation d’un sous-produit animal dans deux cas. Il est permis d’importer un sous-produit animal si l’importateur est titulaire d’un permis autorisant l’importation. L’importateur peut également présenter à un agent un document qui expose en détail le traitement qu’a subi le sous-produit. L’agent a le pouvoir discrétionnaire de permettre l’importation du sous-produit si le document fournit une garantie raisonnable que le sous-produit ne présente pas de risque d’entraîner l’introduction ou la propagation d’un vecteur, d’une maladie ou d’une substance toxique au Canada. L’agent n’a pas indiqué dans ses notes que M. Zahonyi a présenté un permis du ministre l’autorisant à importer la graisse de canard. La lettre par laquelle M. Zahonyi a demandé la révision de la décision du ministre n’indique pas non plus qu’il était titulaire d’un tel permis.

II. Question no 2 : La perception de M. Zahonyi quant au risque que présente la graisse de canard et le fait qu’il s’agit de son premier procès-verbal sont-ils des moyens de défense admissibles?

[17] M. Zahonyi n’a invoqué aucun moyen de défense admissible qui pourrait l’exonérer de sa responsabilité pour avoir omis de déclarer la graisse de canard. Dans les observations qu’il a présentées à la Commission, M. Zahonyi me demande de tenir compte du fait qu’il s’agit de sa première violation et du fait que la graisse de canard ne présentait pas un risque sérieux. La Loi SAPMAA ne me permet pas de tenir compte de l’un ou l’autre de ces facteurs lorsque j’examine la décision du ministre de confirmer le procès-verbal. Je tiens également à souligner que le paragraphe 16(1) de la Loi SA est une violation pour avoir omis de déclarer un produit animal. Même si je devais souscrire à la perception de M. Zahonyi quant au risque que présentait le canard, la violation se serait quand même produite si la graisse de canard était jugée ne présenter aucun risque. Le paragraphe 14(1) de la Loi SAPMAA est clair, non ambigu et précis, et a une portée restreinte. La Commission doit déterminer si l’Agence a prouvé les faits reprochés et si la sanction infligée satisfait aux exigences énoncées dans le Règlement SAPMAA.

[18] Je conclus que la sanction de 1 300 $ infligée à M. Zahonyi l’a été conformément au processus énoncé dans le Règlement SAPMAA. L’annexe 1 du Règlement SA qualifie de « très grave » la violation du paragraphe 16(1) de la Loi SA. Le paragraphe 5(1) du Règlement SAPMAA prescrit une sanction de 1 300 $ dans le cas d’une violation qualifiée de « très grave » par le Règlement SAPMAA.

[19] Les notes de l’agent indiquent qu’il a tenu compte de l’omission de M. Zahonyi de faire une déclaration honnête malgré ses nombreux antécédents de voyage ainsi que de l’attitude de M. Zahonyi à l’égard de la gravité de la violation. M. Zahonyi a continué de soutenir que la violation n’était pas très grave dans les observations qu’il a présentées à la Commission. Il fait erreur. Les produits alimentaires peuvent introduire des espèces envahissantes, des maladies animales exotiques et des phytoravageurs qui peuvent causer des torts irréparables aux cultures, au bétail et à l’environnement canadiens, et menacer l’économie canadienne.

[20] Ayant déterminé que l’Agence a établi les éléments constitutifs d’une violation du paragraphe 16(1) de la Loi SA et que la sanction infligée l’a été conformément au processus énoncé dans le Règlement SAPMAA, je conclus que le procès-verbal assorti d’une sanction de 1 300 $ délivré à M. Zahonyi est légal et justifié.

5. ORDONNANCE

[21] Je confirme la conclusion du ministre selon laquelle M. Zahonyi a commis la violation énoncée dans le procès-verbal et qu’il doit payer la sanction de 1 300 $ à l’Agence dans les 60 jours suivant la présente décision.

[22] Je tiens à informer M. Zahonyi que cette violation ne constitue pas une infraction criminelle. Cinq ans après la date du paiement de la sanction, il pourra présenter une demande au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile en vue de faire rayer la violation de son dossier, conformément à l’article 23 de la Loi SAPMAA.

(Originale signée)

Patricia L. Farnese

Membre

Commission de révision agricole du Canada



[2] Gouvernement du Canada, Système automatisé de référence à l’importation (SARI); en ligne : https://airs-sari.inspection.gc.ca/airs_external/francais/decisions-fra.aspx.

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