Décisions de la Commission de révision agricole du Canada

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Référence :

Abd Al Shahed c Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, 2022 CRAC 14

 

Dossier : CRAC-2021-BMR-035

ENTRE :

MAGDY ABD AL SHAHED

DEMANDEUR

- ET -

MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

INTIMÉ

[Traduction de la version officielle en anglais]

DEVANT :

Patricia L. Farnese, membre

AVEC :

M. Magdy Abd Al Shahed, agissant pour son propre compte;

 

Mme Gaynor Holden, représentant l’intimé

DATE DE LA DÉCISION :

Le 26 mai 2022

AUDIENCE SUR OBSERVATIONS ÉCRITES SEULEMENT


1. INTRODUCTION

[1] M. Abd Al Shahed demande à la Commission de révision agricole du Canada (la Commission) d’annuler ou de modifier la décision du ministre de confirmer le procès-verbal (le procès-verbal) assorti d’une sanction de 1 300 $ qu’il a reçu pour avoir omis de déclarer du pastrami lors de son entrée au Canada par avion en provenance de l’Égypte. Je conclus que M. Abd Al Shahed a omis de déclarer un sous-produit animal en violation du paragraphe 16(1) de la Loi sur la santé des animaux (Loi SA). Le procès-verbal assorti d’une sanction de 1 300 $ est confirmé.

[2] La présente décision découle de mon examen de la décision du ministre no 2102992-1 confirmant le procès-verbal no 4971-20-1269. Comme le prescrit le paragraphe 13(2) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (Loi SAPMAA), j’ai procédé à un examen de novo des faits, c’est-à-dire que j’ai tiré mes propres conclusions de fait et de droit sur la validité du procès-verbal après avoir examiné les observations écrites présentées par les parties.

2. CADRE JURIDIQUE

[3] Le paragraphe 12(1) de la Loi sur les douanes exige que les voyageurs déclarent à un agent des douanes autorisé toutes les marchandises qu’ils apportent au Canada. La déclaration de douane doit être faite à la première occasion après l’arrivée au Canada. Pour ceux qui entrent au pays par avion, cette déclaration est généralement faite sur la carte de déclaration E311 ou à la borne d’inspection primaire (BIP) de l’ASFC. Le moment de la déclaration est important parce qu’il n’est pas permis au voyageur qui entre au Canada de jouer sur ses chances de ne pas faire l’objet d’une inspection secondaire par un agent avant de décider de faire sa déclaration [1] .

[4] Bien que l’omission de déclarer constitue une infraction à la Loi sur les douanes, la personne qui omet de déclarer avec exactitude un sous-produit animal peut recevoir un procès-verbal pour violation de la Loi SA ou du Règlement sur la santé des animaux (Règlement SA). La Loi SA et le Règlement SA agissent de concert pour prévenir l’introduction de maladies animales au Canada.

[5] La Loi SA et le Règlement SA sont appliqués au moyen du processus uniforme d’application de la loi prescrit par la Loi SAPMAA et le Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (Règlement SAPMAA). L’Agence doit prouver les éléments constitutifs de la violation. La Loi SAPMAA est un régime de responsabilité absolue. Il n’existe presque pas de moyens de défense ou de motifs juridiques permettant de s’exonérer de sa responsabilité une fois que la violation a été prouvée.

[6] Les éléments constitutifs du paragraphe 16(1) de la Loi SA qui doivent être prouvés, selon la prépondérance des probabilités, par l’Agence sont les suivants [2] :

  1. M. Abd Al Shahed est la personne désignée dans le procès-verbal;
  2. M. Abd Al Shahed a importé un animal, un produit animal, un sous-produit animal ou des aliments pour animaux au Canada;
  3. aucune des exceptions énumérées à la partie IV duRèglement SAne s’appliquait;
  4. M. Abd Al Shahed n’a pas déclaré le produit en question à son premier contact avec un agent de l’Agence, et ne l’a donc pas rendu accessible pour inspection.

[7] Il est possible de contester un procès-verbal en contestant les faits reprochés auprès du ministre. La décision du ministre peut ensuite être révisée par la Commission. Le paragraphe 14(1) de la Loi SAPMAA autorise la Commission à confirmer, modifier ou annuler la décision du ministre après avoir décidé si le demandeur a commis la violation. Dans les cas où la violation est confirmée, la Commission se demande également si la sanction infligée respecte le processus énoncé dans la Loi SAPMAA et le Règlement SAPMAA. La Commission n’a pas été habilitée à réduire le montant de la sanction lorsque le processus a été respecté.

3. QUESTIONS EN LITIGE

[8] Pour déterminer si la décision du ministre de confirmer le procès-verbal était correcte, il faut examiner les questions suivantes :

Question no 1 : M. Abd Al Shahed a-t-il apporté du pastrami au Canada sans le déclarer?

Question no 2 : La capacité de payer et l’absence de violations antérieures constituent-elles des moyens de défense admissibles?

Question no 3 : La sanction a-t-elle été infligée conformément au processus énoncé dans la Loi SAPMAA et le Règlement SAPMAA?

4. ANALYSE

I. Question no 1 : M. Abd Al Shahed a-t-il apporté du pastrami au Canada sans le déclarer?

[9] L’Agence a prouvé le premier élément de la violation. Il ne fait aucun doute que M. Abd Al Shahed est la personne qui a été envoyée à l’inspection secondaire à son arrivée à l’aéroport international Pearson à Toronto (Ontario) et qu’il a reçu le procès-verbal pour avoir omis de déclarer qu’il avait importé du pastrami. M. Abd Al Shahed a indiqué que le sac dans lequel la viande a été trouvée lui appartenait avant que l’agent des services frontaliers (l’agent) ouvre le sac et découvre le pastrami. Il a également confirmé à l’agent qu’il avait fait ses bagages et savait ce qu’ils contenaient. L’agent a également fait des photocopies de la carte de résident permanent et du permis de conduire ontarien de M. Abd Al Shahed pendant qu’il préparait le procès-verbal. Ces copies ont été fournies à la Commission. M. Abd Al Shahed n’a pas non plus contesté le fait qu’il avait importé un sous-produit animal au Canada.

[10] L’Agence a fourni une preuve suffisante pour établir le deuxième élément de la violation, c’est-à-dire que M. Abd Al Shahed a importé un sous-produit animal, à savoir du pastrami, au Canada. Les notes manuscrites que l’agent a prises pendant qu’il inspectait les bagages de M. Abd Al Shahed et le rapport qu’il a rédigé peu de temps après indiquent qu’un produit de viande a été trouvé dans un sac qui contenait également du fromage. Les notes et le rapport indiquent également que M. Abd Al Shahed a confirmé qu’il s’agissait de pastrami. L’Agence a également fourni une copie du reçu d’interception AVA que l’agent a rempli au cours de l’inspection des bagages de M. Abd Al Shahed, qui indique qu’un produit animal a été trouvé et qu’il s’agissait de pastrami.

[11] L’Agence a établi le troisième élément en soulignant qu’aucune des exceptions qui auraient permis à M. Abd Al Shahed d’importer de la viande ne s’appliquait au pastrami. L’agent a effectué une recherche dans le Système automatisé de référence à l’importation (SARI) après avoir trouvé le pastrami. L’AIRS indique que toutes les viandes, à moins qu’elles ne proviennent des États-Unis et qu’elles ne soient importées à des fins de consommation personnelle, doivent être refusées. Cette viande provenait de l’Égypte.

[12] L’article 52 du Règlement SA permet l’importation d’un sous-produit animal dans deux cas. Il est permis d’importer un sous-produit animal si l’importateur est titulaire d’un permis du ministre autorisant l’importation. L’importateur peut également présenter à l’agent des services frontaliers un document qui expose en détail le traitement qu’a subi le sous-produit. L’agent a le pouvoir discrétionnaire de permettre l’importation du sous-produit si le document fournit une garantie raisonnable que le sous-produit ne présente pas de risque d’entraîner l’introduction ou la propagation d’un vecteur, d’une maladie ou d’une substance toxique au Canada. Rien n’indique que M. Abd Al Shahed était titulaire d’un permis. L’agent n’a pas indiqué dans ses notes que M. Abd Al Shahed avait présenté un permis du ministre l’autorisant à importer le pastrami. La lettre par laquelle M. Abd Al Shahed a demandé la révision de la décision du ministre n’indique pas non plus qu’il était titulaire d’un tel permis.

[13] L’Agence a également prouvé le dernier élément de la violation en démontrant que M. Abd Al Shahed n’a pas déclaré le pastrami à la première occasion. Une copie de la déclaration E311 que M. Abd Al Shahed a remplie lorsqu’il est arrivé à Toronto a été fournie par l’Agence. M. Abd Al Shahed a coché « non » à côté de la question lui demandant s’il apportait de la viande au Canada. On lui a donné une autre occasion de déclarer le pastrami lorsqu’il s’est trouvé en présence de l’agent lors de l’inspection secondaire et qu’on lui a demandé s’il apportait de la nourriture au Canada. M. Abd Al Shahed a répondu qu’il avait du fromage. M. Abd Al Shahed a encore une fois omis de déclarer le pastrami, en plus du ghee, des noix et de l’ail qu’il avait également mis dans ses bagages. Les notes de l’agent indiquent que M. Abd Al Shahed semblait essayer de cacher le pastrami et qu’il n’a admis avoir de la viande qu’après sa découverte.

II. Question no 2 : La capacité de payer et l’absence de violations antérieures constituent-elles des moyens de défense admissibles?

[14] M. Abd Al Shahed n’a invoqué aucun moyen de défense admissible pouvant le soustraire à sa responsabilité quant au fait d’avoir omis de déclarer du pastrami. Dans les observations qu’il a présentées à la Commission, M. Abd Al Shahed me demande de tenir compte du fait qu’il s’agit de sa première violation et de sa capacité de payer l’amende. La Loi SAPMAA ne me permet pas de tenir compte de l’un ou l’autre de ces facteurs lorsque j’examine la décision du ministre de confirmer le procès-verbal. Le paragraphe 14(1) de la Loi SAPMAA est clair, non ambigu et précis, et a une portée restreinte. La Commission doit déterminer si les faits reprochés ont été prouvés et si la sanction infligée satisfait aux exigences énoncées dans le Règlement SAPMAA.

III. Question no 3 : La sanction a-t-elle été infligée conformément au processus énoncé dans la Loi SAPMAA et le Règlement SAPMAA?

[15] Je conclus que la sanction de 1 300 $ infligée à M. Abd Al Shahed l’a été conformément au processus énoncé dans la Loi SAPMAA et le Règlement SAPMAA. Le paragraphe 5(1) du Règlement SAPMAA prescrit une sanction de 1 300 $ dans le cas d’une violation qualifiée de « très grave » par le Règlement SAPMAA. L’annexe 1 du Règlement SA qualifie de « très grave » la violation du paragraphe 16(1) de la Loi SA.

[16] Ayant déterminé que les éléments constitutifs d’une violation du paragraphe 16(1) de la Loi SA ont été établis et que la sanction infligée l’a été conformément au processus énoncé dans la Loi SAPMAA et le Règlement SAPMAA, je conclus que le procès-verbal assorti d’une sanction de 1 300 $ délivré à M. Abd Al Shahed est légal et justifié.

5. ORDONNANCE

[17] Je confirme la conclusion du ministre selon laquelle M. Abd Al Shahed a commis la violation énoncée dans le procès-verbal et doit payer la sanction de 1 300 $ à l’Agence.

[18] J’ordonne que le paiement soit effectué par versements mensuels de 150 $ à compter du 15 juin 2022, puis tous les mois jusqu’à ce que la sanction de 1 300 $ soit entièrement payée.

[19] Je tiens à informer M. Abd Al Shahed que cette violation ne constitue pas une infraction criminelle. Cinq ans après la date du paiement de la sanction, il pourra demander au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile de rayer la violation de son dossier, conformément à l’article 23 de la Loi SAPMAA.

(Originale signée)

Patricia L. Farnese

Membre

Commission de révision agricole du Canada



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