Décisions de la Commission de révision agricole du Canada

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Référence :

Volgyi c Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, 2022 CRAC 13

 

Dossier : CRAC-2021-BMR-040

ENTRE :

EDITH VOLGYI

DEMANDERESSE

- ET -

MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

INTIMÉ

[Traduction de la version officielle en anglais]

DEVANT :

Patricia L. Farnese, membre

AVEC :

Mme Edith Volgyi, agissant pour son propre compte;

 

Mme Gaynor Holden, représentant l’intimé

DATE DE LA DÉCISION :

Le 19 mai 2022

AUDIENCE SUR OBSERVATIONS ÉCRITES SEULEMENT


1. INTRODUCTION

[1] Mme Volgyi demande à la Commission de révision agricole du Canada (la Commission) d’annuler ou de modifier la décision du ministre de confirmer le procès-verbal (le procès-verbal) assorti d’une sanction de 1 300 $ qu’elle a reçu pour avoir omis de déclarer des saucisses lors de son entrée au Canada par avion en provenance de la Hongrie. Je conclus que Mme Volgyi a omis de déclarer un sous-produit animal en violation du paragraphe 16(1) de la Loi sur la santé des animaux (Loi SA). Le procès-verbal assorti d’une sanction de 1 300 $ est confirmé.

[2] La présente décision découle de mon examen de la décision du ministre no 2105296-1 confirmant le procès-verbal no 4971-21-1003. Comme le prescrit le paragraphe 13(2) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (Loi SAPMAA), j’ai procédé à un examen de novo des faits, c’est-à-dire que j’ai tiré mes propres conclusions de fait et de droit sur la validité du procès-verbal après avoir examiné les observations écrites des parties.

2. CADRE JURIDIQUE

[3] Le paragraphe 12(1) de la Loi sur les douanes exige que les voyageurs déclarent à un agent des douanes autorisé toutes les marchandises qu’ils apportent au Canada. La déclaration de douane doit être faite à la première occasion après l’arrivée au Canada. Pour ceux qui entrent au pays par avion, cette déclaration est généralement faite sur la carte de déclaration E311 ou à la borne d’inspection primaire (BIP) de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’Agence). Le moment de la déclaration est important parce qu’il n’est pas permis au voyageur qui entre au Canada de jouer sur ses chances de ne pas faire l’objet d’une inspection secondaire par un agent des services frontaliers avant de faire sa déclaration [1] .

[4] Si l’omission de déclarer constitue une infraction à la Loi sur les douanes, la personne qui omet de déclarer avec exactitude un sous-produit animal peut recevoir un procès-verbal pour violation de la Loi SA ou du Règlement sur la santé des animaux (Règlement SA). La Loi SA et le Règlement SA agissent de concert pour prévenir l’introduction de maladies animales au Canada.

[5] La Loi SA et le Règlement SA sont appliqués au moyen du processus uniforme d’application de la loi prévu par la Loi SAPMAA et le Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (Règlement SAPMAA). L’Agence doit prouver les éléments constitutifs de la violation. La Loi SAPMAA est un régime de responsabilité absolue. Il n’existe presque pas de moyens de défense ou de motifs juridiques permettant de se soustraire à une responsabilité une fois que la violation a été prouvée.

[6] Les éléments constitutifs du paragraphe 16(1) de la Loi SA qui doivent être prouvés, selon la prépondérance des probabilités, par l’Agence sont les suivants [2] :

  1. Mme Volgyi est la personne désignée dans le procès-verbal;
  2. Mme Volgyi a importé un animal, un produit animal, un sous-produit animal ou des aliments pour animaux au Canada;
  3. aucune des exceptions énumérées à la partie IV duRèglement SAne s’appliquait;
  4. Mme Volgyi n’a pas déclaré le produit en question à son premier contact avec un agent de l’Agence, et ne l’a donc pas rendu accessible pour inspection.

[7] Il est possible de contester un procès-verbal en contestant les faits reprochés auprès du ministre. La décision du ministre peut ensuite être révisée par la Commission. Le paragraphe 14(1) de la Loi SAPMAA autorise la Commission à confirmer, modifier ou annuler la décision du ministre après avoir examiné les faits et décidé si le demandeur a commis la violation. Dans les cas où la violation est confirmée, la Commission se demande également si la sanction infligée respecte le processus énoncé dans la Loi SAPMAA et le Règlement SAPMAA. La Commission n’a pas été habilitée à réduire le montant de la sanction lorsque le processus a été respecté.

3. QUESTIONS EN LITIGE

[8] Pour déterminer si la décision du ministre de confirmer le procès-verbal était correcte, il faut examiner les questions suivantes :

Question no 1 : Mme Volgyi a-t-elle importé du porc au Canada sans le déclarer?

Question no 2 : Le fait d’être fatigué et de se sentir dépassé à son arrivée à la frontière ou le comportement de l’agent constituent-ils des moyens de défense admissibles?

Question no 3 : La sanction a-t-elle été infligée conformément au processus énoncé dans la Loi SAPMAA et le Règlement SAPMAA?

4. ANALYSE

I. Question no 1 : Mme Volgyi a-t-elle importé du porc au Canada sans le déclarer?

[9] L’Agence a prouvé le premier élément de la violation. Mme Volgyi ne conteste pas que c’est elle qui a été envoyée à l’inspection secondaire à son arrivée à l’aéroport international Pearson à Toronto (Ontario). Elle ne conteste pas non plus qu’elle a reçu le procès-verbal pour avoir omis de déclarer des saucisses. Elle a dit à l’agente des services frontaliers qu’elle avait fait ses bagages et qu’elle en connaissait le contenu. L’agente a également fait des photocopies du passeport et du permis de conduire ontarien de Mme Volgyi qui confirment l’identité de celle-ci.

[10] L’Agence a fourni une preuve suffisante pour établir le deuxième élément de la violation, à savoir que Mme Volgyi a importé un sous-produit animal au Canada. Mme Volgyi a été sélectionnée pour subir une inspection secondaire après qu’un chien détecteur ait signalé la présence de produits alimentaires dans ses bagages. Les notes manuscrites que l’agente a prises pendant qu’elle inspectait les bagages de Mme Volgyi et le rapport qu’elle a rédigé peu de temps après indiquent que des saucisses de porc ont été trouvées dans un sac en plastique lorsque les bagages ont été ouverts. Quatre boîtes de conserve contenant du porc ont également été découvertes lors de la fouille des bagages de Mme Volgyi. L’agente a pris des photos des produits, et ces photos ont été présentées à la Commission.

[11] Aucun des documents présentés par l’Agence n’explique comment l’agente a déterminé que les saucisses non emballées contenaient du porc, et non un autre produit de viande ou un substitut de viande. Les photos montrent clairement que le produit semble être de la viande et qu’il s’agit de saucisses. L’explication manquante quant à savoir comment l’agente a déterminé qu’il s’agissait de saucisses de porc n’est pas fatale pour la cause de l’Agence en l’espèce parce que Mme Volgyi n’a pas contesté la conclusion de l’agente selon laquelle les produits constituaient du porc. De plus, la recherche qu’a effectuée l’agente dans le Système automatisé de référence à l’importation (SARI) a révélé que les préparations de viande et les saucisses provenant de la Hongrie doivent être refusées. L’Agence a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu’un sous-produit animal a été importé au Canada.

[12] L’Agence a également établi le troisième élément de la violation en démontrant qu’aucune des exceptions qui auraient permis à Mme Volgyi d’importer au Canada de la viande provenant de la Hongrie ne s’appliquait aux saucisses. L’article 52 du Règlement SA permet l’importation d’un sous-produit animal dans deux cas. Il est permis d’importer un sous-produit animal si l’importateur est titulaire d’un permis du ministre autorisant l’importation. L’importateur peut également présenter à l’agent des services frontaliers un document qui expose en détail le traitement qu’a subi le sous-produit. L’agent a le pouvoir discrétionnaire de permettre l’importation du sous-produit si le document fournit une garantie raisonnable que le sous-produit ne présente pas de risque d’entraîner l’introduction ou la propagation d’un vecteur, d’une maladie ou d’une substance toxique au Canada. Or, rien dans les notes de l’agente n’indique que Mme Volgyi a présenté un permis du ministre autorisant l’importation des saucisses. Il n’y a rien non plus dans la lettre par laquelle Mme Volgyi a demandé la révision de la décision du ministre qui indique qu’elle était titulaire d’un tel permis. L’Agence a prouvé le troisième élément constitutif de la violation.

[13] L’Agence a également prouvé le dernier élément de la violation en démontrant que Mme Volgyi n’a pas déclaré les saucisses à la première occasion. Une copie du reçu de la BIP que Mme Volgyi a rempli lorsqu’elle est arrivée à Toronto a été fournie par l’Agence. Le reçu indique que Mme Volgyi n’a pas déclaré qu’elle apportait de la viande au Canada. On lui a donné une autre occasion de déclarer les saucisses lorsqu’elle s’est trouvée en présence de l’agente lors de l’inspection secondaire et qu’on lui a demandé si elle avait quelque chose à déclarer. Elle a encore une fois omis de déclarer les saucisses. C’est seulement lorsque l’agente a trouvé les saucisses que Mme Volgyi a admis être au courant de la présence des produits de viande dans ses bagages.

II. Question no 2 : Le fait d’être fatigué et de se sentir dépassé à son arrivée à la frontière ou le comportement de l’agent constituent-ils des moyens de défense admissibles?

[14] Mme Volgyi n’a invoqué aucun moyen de défense admissible pouvant la soustraire à sa responsabilité quant à la violation énoncée dans le procès-verbal. Dans les observations qu’elle a présentées à la Commission, Mme Volgyi affirme qu’elle n’a pas vu la question pertinente figurant dans la déclaration. Elle me demande de tenir compte du fait qu’il s’agit de sa première violation malgré de fréquents voyages, qu’elle était fatiguée et se sentait dépassée à son arrivée à la frontière après un long voyage et que l’agente a été irrespectueuse et impolie. La Loi SAPMAA ne me permet pas de tenir compte de l’un ou l’autre de ces facteurs lorsque j’examine la décision du ministre de confirmer le procès-verbal.

[15] L’article 18 de la Loi SAPMAA exclut expressément les moyens de défense fondés sur la diligence raisonnable et l’erreur de fait. Mais même s’il avait été possible d’invoquer ces moyens de défense, Mme Volgyi ne m’aurait pas convaincue de les appliquer en l’espèce. Ses nombreuses expériences de voyage font en sorte qu’il est difficile de croire qu’elle ne savait pas que les animaux et les sous-produits animaux devaient être déclarés au moment de l’entrée au Canada. Je peux admettre qu’une personne puisse être fatiguée et se sentir dépassée à son arrivée à la frontière après un voyage long et stressant et remplir incorrectement le formulaire de déclaration. Toutefois, la fatigue et le sentiment d’être dépassé n’expliquent pas de façon convaincante pourquoi une personne qui voyage fréquemment et qui a délibérément mis plusieurs produits de viande dans ses bagages a pu faire une autre fausse déclaration après avoir été sélectionnée pour subir une inspection secondaire et s’être fait poser directement la question.

[16] La Commission n’a pas non plus été investie du pouvoir d’examiner la conduite des agents des services frontaliers, dans la mesure où ils exercent légalement les pouvoirs qui leur sont conférés. Le paragraphe 14(1) de la Loi SAPMAA est clair, non ambigu et précis, et a une portée restreinte. La Commission doit déterminer si les faits reprochés ont été prouvés et si la sanction infligée satisfait aux exigences énoncées dans le Règlement SAPMAA. Il existe au sein de l’Agence des services frontaliers du Canada un processus distinct de traitement des plaintes qui permet de se pencher sur la conduite de l’agent. Même si j’avais été investie du pouvoir d’examiner la conduite, le dossier ne permettrait pas de conclure que la conduite de l’agente était déraisonnable dans les circonstances. Les notes de l’agente indiquent que Mme Volgyi s’est vu offrir une deuxième occasion de corriger la déclaration qu’elle avait faite au moyen du système automatisé, mais qu’elle a refusé de le faire. Compte tenu du fait que Mme Volgyi n’a pas admis avoir des produits alimentaires avant qu’ils ne soient découverts, le refus de l’agente de croire que la violation était attribuable au fait que Mme Volgyi ne savait pas comment remplir correctement la déclaration n’est pas déraisonnable. Aucune explication n’a été fournie quant à la fausse déclaration lorsque l’agente a demandé directement à Mme Volgyi si elle avait quelque chose à déclarer.

III. Question no 3 : La sanction a-t-elle été infligée conformément au processus énoncé dans la Loi SAPMAA et le Règlement SAPMAA?

[17] Je conclus que la sanction de 1 300 $ infligée à Mme Volgyi l’a été conformément au processus énoncé dans la Loi SAPMAA et le Règlement SAPMAA. Le paragraphe 5(1) du Règlement SAPMAA prescrit une sanction de 1 300 $ dans le cas d’une violation qualifiée de « très grave » par le Règlement SAPMAA. La violation du paragraphe 16(1) de la Loi SA est qualifiée de « très grave » à l’annexe 1 du Règlement SA.

[18] Ayant déterminé que les éléments constitutifs d’une violation du paragraphe 16(1) de la Loi SA ont été établis et que la sanction infligée l’a été conformément au processus énoncé dans la Loi SAPMAA et le Règlement SAPMAA, je conclus que le procès-verbal assorti d’une sanction de 1 300 $ délivré à Mme Volgyi est légal et justifié. Le montant de la sanction, quoique important, a délibérément été choisi par le législateur pour avoir un effet dissuasif. Je n’ai pas le pouvoir discrétionnaire de modifier ce montant.

5. ORDONNANCE

[19] Je confirme la conclusion du ministre selon laquelle Mme Edith Volgyi a commis la violation énoncée dans le procès-verbal et doit payer la sanction de 1 300 $ à l’Agence.

[20] J’ordonne que le paiement soit effectué dans les 90 jours suivant la publication de la présente décision.

[21] Je tiens à informer Mme Volgyi que cette violation ne constitue pas une infraction criminelle. Cinq ans après la date du paiement de la sanction, elle pourra demander au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile de rayer la violation de son dossier, conformément à l’article 23 de la Loi SAPMAA.

(Originale signée)

Patricia L. Farnese

Membre

Commission de révision agricole du Canada



 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.