Décisions de la Commission de révision agricole du Canada

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Référence :

Usman c Agence des services frontaliers du Canada, 2021 CRAC 34

 

Dossier : CRAC-2021-BNOV-008

ENTRE :

AISHA USMAN

DEMANDERESSE

-ET-

AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

INTIMÉE

 

[Traduction de la version officielle en anglais]

DEVANT :

Patricia L. Farnese, membre

AVEC :

Me Lovedeep Singh Arora et Me Shahrukh Zohaib Abbas, représentant la demanderesse; et

 

Me Cassandra Ianni-Lucio et Mme Gaynor Holden, représentant l’intimée

DATE DE LA DÉCISION :

Le 19 novembre 2021

DÉCISION RENDUE SUR DOSSIER


1. INTRODUCTION

[1] Mme Usman demande à la Commission de révision agricole du Canada (Commission) d’annuler ou de modifier le procès-verbal assorti d’une sanction pécuniaire de 1 300 $ (procès-verbal) qui lui a été remis pour avoir omis de déclarer du boeuf lorsqu’elle est arrivée au Canada à bord d’un vol en provenance de Dubaï aux Émirats arabes unis. Je conclus que Mme Usman a effectivement omis de déclarer du boeuf, en contravention du paragraphe 16(1) de la Loi sur la santé des animaux (Loi SA). Le procès-verbal assorti d’une sanction pécuniaire de 1 300 $ est maintenu.

[2] La présente décision découle de mon examen des faits relatifs au procès-verbal no4971- 21-0250. Comme l’exige le paragraphe 14(1) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (Loi SAPMAA), j’ai procédé à un examen des faits basé sur les observations écrites des parties afin de déterminer si Mme Usman a commis la violation reprochée et si la sanction a été établie conformément au Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (Règlement SAPMAA).

2. CADRE JURIDIQUE

[3] Le paragraphe 12(1) de la Loi sur les douanes exige que les voyageurs déclarent toutes les marchandises qu’ils importent au Canada à un agent des services frontaliers autorisé. Le voyageur doit faire sa déclaration dès qu’il en a l’occasion à son arrivée au Canada. Pour ceux qui entrent au pays par voie aérienne, cette déclaration est habituellement faite sur la carte de déclaration E311 ou au guichet de l’Agence des services frontaliers du Canada. Le moment de la déclaration est important, car il n’est pas loisible au voyageur qui entre au Canada de tenter sa chance et d’attendre de voir s’il fait l’objet d’une inspection secondaire par un agent des services frontaliers avant de décider de faire une déclaration. [1]

[4] L’omission de déclarer des marchandises constitue une infraction à la Loi sur les douanes. La personne qui omet de déclarer avec exactitude un sous-produit animal peut quant à elle se voir remettre un procès-verbal pour avoir contrevenu à la Loi SA et au Règlement sur la santé des animaux (Règlement SA). La Loi SA et le Règlement SA ont pour objet de prévenir l’introduction de maladies animales au Canada.

[5] La mise en oeuvre de la Loi SA et du Règlement SA est assurée au moyen du processus uniforme d’application de la loi prescrit par la Loi SAPMAA et le Règlement SAPMAA. L’Agence des services frontaliers du Canada (l’Agence) doit prouver les éléments constitutifs de la violation selon la prépondérance des probabilités. La Loi SAPMAA crée un régime de responsabilité absolue. Il n’existe pratiquement aucun moyen de défense ou motif juridique permettant à un contrevenant de se disculper une fois que la violation a été prouvée.

[6] Les éléments constitutifs du paragraphe 16(1) de la Loi SA qui doivent être prouvés par l’Agence sont les suivants [2] :

  1. Mme Usman est la personne visée par le procès-verbal;
  2. Mme Usman a importé un produit ou sous-produit animal au Canada;
  3. Mme Usman a omis de déclarer le produit ou sous-produit animal à la première occasion avec un agent des services frontaliers et ne l’a donc pas rendu disponible en vue d’une inspection; et,
  4. aucune des exceptions énumérées à la partie IV du Règlement SAne s’appliquait au moment où le procès-verbal assorti d’une sanction a été délivré.

[7] Il est possible de contester un procès-verbal en demandant à la Commission de procéder à une révision des faits reprochés. Conformément au paragraphe 14(1) de la Loi SAPMAA, la Commission doit examiner les éléments de preuve afin de décider si le demandeur a commis la violation. Dans les cas où la violation est confirmée, la Commission doit aussi vérifier si la sanction a été établie conformément au processus énoncé dans la Loi SAPMAA et dans le Règlement SAPMAA.

3. QUESTIONS EN LITIGE

[8] Les parties n’ont pas convenu d’un exposé conjoint des faits. Afin de décider si le procès-verbal doit être maintenu, j’examinerai les questions suivantes :

Question en litige 1 : Mme Usman a-t-elle commis la violation?

Question en litige 2 : Dans l’affirmative, Mme Usman a-t-elle invoqué un moyen de défense admissible eu égard à la violation?

Question en litige 3 : S’il est décidé qu’aucun moyen de défense admissible n’a été invoqué, la sanction a-t-elle été établie conformément à la Loi SAPMAA et au Règlement SAPMAA?

4. ANALYSE

I. Question en litige 1 : Mme Usman a-t-elle commis la violation?

[9] Après avoir examiné les éléments de preuve au dossier, je conclus que l’Agence a démontré que Mme Usman avait commis la violation. En effet, tous les éléments constitutifs d’une violation énoncés au paragraphe 16(1) de la Loi SA ont été établis selon la prépondérance des probabilités.

[10] L’Agence a produit des copies du passeport de Mme Usman dont l’agent qui a délivré le procès-verbal s’est servi pour confirmer l’identité de la demanderesse. On ne conteste pas, dans les observations écrites présentées pour le compte de Mme Usman, que c’est bien elle qui s’est vu remettre un procès-verbal et que celui-ci découle du fait qu’elle n’a pas déclaré, comme elle avait l’obligation de le faire, des sous-produits d’origine animale qu’elle a introduits au Canada. L’Agence a donc établi le premier élément constitutif de la violation - Mme Usman est la personne identifiée dans le procès-verbal.

[11] Bien que Mme Usman n’ait reçu un procès-verbal que pour avoir importé du boeuf au Canada sans le déclarer, ses bagages contenaient 42 livres de viande et de produits laitiers non déclarés. Elle a été dirigée vers la zone d’inspection secondaire après qu’un chien renifleur eût ciblé ses bagages. Les photographies prises avant la destruction des produits montrent clairement six galettes qui ressemblent visuellement à du bœuf. Mme Usman ne conteste pas non plus la constatation de l’agent selon laquelle il a trouvé six kébabs de boeuf. Ainsi, l’Agence a établi le deuxième élément constitutif de la violation - Mme Usman a importé un produit ou sous-produit animal au Canada.

[12] Mme Usman n’a pas déclaré qu’elle importait du bœuf au Canada. Une copie de la carte de déclaration E311 remplie par Mme Usman a été versée au dossier. Vis-à-vis l’énoncé sur l’importation de viande au Canada, Mme Usman a coché la case « non ». Dans un affidavit, Mme Usman a également affirmé qu’elle ne croyait pas devoir déclarer les produits qu’elle importait pour sa consommation personnelle. Tel qu’indiqué dans le cadre juridique, Mme Usman était tenue de déclarer le bœuf à la première occasion et de le rendre accessible en vue d’une inspection. En s’abstenant d’indiquer qu’elle importait de la viande sur sa carte de déclaration E311, Mme Usman n’a pas rendu le bœuf accessible pour inspection. Les agents de l’Agence n’ont eu connaissance du produit non déclaré qu’après qu’il eut été détecté par le chien renifleur. Le troisième élément constitutif de la violation a donc été prouvé par l’Agence - Mme Usman a omis de déclarer le produit ou sous-produit animal lors de son premier contact avec les représentants de l’Agence et ne l’a pas rendu accessible pour inspection.

[13] L’Agence a conclu qu’aucune exception qui aurait permis à Mme Usman d’importer du bœuf des Émirats arabes unis n’était applicable en l’espèce. L’article 52 du Règlement SA autorise l’importation de sous-produits animaux dans deux cas de figure. Le sous-produit animal peut être importé si l’importateur se voit délivrer, par le ministre, un permis l’autorisant. Il est également permis d’importer un sous-produit animal si l’importateur présente un document qui expose en détail le traitement qu’a subi le sous-produit. L’agent a le pouvoir discrétionnaire d’autoriser l’entrée du sous-produit si la documentation fournit des garanties raisonnables que le sous-produit ne présente pas de risque d’entraîner l’introduction ou la propagation d’un vecteur, d’une maladie ou d’une substance toxique au Canada. Or, ni les notes de l’agent ni l’affidavit de Mme Usman n’indiquent que cette dernière a produit un permis délivré par le ministre ou tout autre document précisant le traitement subi par le bœuf. Au contraire, les notes de l’agent indiquent que, lorsqu’on lui a demandé si elle avait un permis autorisant l’importation de sous-produits animaux, Mme Usman a répondu « non ». L’Agence a donc prouvé le quatrième élément constitutif de la violation - aucune des exceptions énumérées dans la partie IV du Règlement SA ne s’appliquait au moment où le procès-verbal a été délivré.

II. Question en litige 2 : Si Mme Usman a commis la violation, a-t-elle invoqué un moyen de défense admissible ?

[14] Mme Usman n’a pas invoqué un moyen de défense admissible permettant de l’exonérer de sa responsabilité engagée pour avoir omis de déclarer du bœuf. Dans ses observations présentées à la Commission, Mme Usman a expliqué qu’elle croyait ne pas avoir l’obligation de déclarer les aliments qu’elle importait pour sa consommation personnelle. Son avocat, Me Arora, a soutenu que cette erreur de fait pouvait justifier la violation malgré le fait que l’article 18 de la Loi SAPMAA exclut expressément l’erreur de fait comme moyen de défense, même s’il s’agit d’une erreur raisonnable commise de bonne foi. Me Arora devrait savoir que je ne peux faire fi des restrictions explicites imposées par le législateur quant aux moyens de défense admissibles.

[15] Me Arora affirme en outre que le procès-verbal ne devrait pas être maintenu, car la sanction qui l’accompagne équivaut à une sanction criminelle infligée pour une violation réglementaire. Je conclus que ce moyen de défense invoqué par Me Arora ne trouve aucun fondement juridique. L’article 17 de la Loi SAPMAA, en indiquant que « les violations n’ont pas valeur d’infraction », ne laisse planer aucun doute sur le fait qu’aucune accusation criminelle n’a été portée contre Mme Usman. Un procès-verbal assorti d’une sanction de 1 300 $ ne constitue pas non plus une peine criminelle bien que le montant ne soit pas dérisoire. L’imposition d’une sanction pécuniaire de 1 300 $ ne comporte absolument rien d’illégal qui puisse servir de moyen de défense admissible à l’encontre du procès-verbal.

[16] Le fait que l’importation du sous-produit animal aurait été autorisée aux États-Unis ne peut pas non plus être invoqué comme moyen de défense. Le Canada est un État distinct ayant le droit de déterminer sa propre tolérance à l’exposition aux maladies animales exotiques et les mesures qu’il souhaite mettre en place pour atténuer ces risques. Pour les mêmes raisons, le fait que le bœuf était cuit et posait un risque moindre pour d’autres produits ne constitue pas non plus un moyen de défense admissible.

[17] Mme Usman ne peut pas non plus éviter d’être tenue responsable des violations qui lui sont reprochées dans le procès-verbal en affirmant qu’en fin de compte, l’intervention de l’agent a éliminé tous les risques parce qu’il a détruit les produits avant qu’ils ne soient autorisés à entrer au Canada. Mme Usman ne s’est pas vu remettre un procès-verbal pour avoir introduit une maladie animale exotique au Canada. Le procès-verbal concernait plutôt l’omission de faire la déclaration requise. La Loi SA impose aux importateurs l’obligation de déclarer tous les produits d’origine animale afin de permettre aux agents de l’Agence d’inspecter ces produits et d’identifier ceux qui présentent des risques. Tout autre système poserait des difficultés d’ordre pratique.

III. Question en litige 3 : La sanction a-t-elle été établie conformément au processus prévu par la Loi SAPMAA et le Règlement SAPMAA?

[18] Je conclus que la sanction de 1 300 $ imposée à Mme Usman a été établie conformément au processus prescrit par la Loi SAPMAA et le Règlement SAPMAA. L’article 5(1) du Règlement SAPMAA prévoit une sanction de 1 300 $ pour les violations que le Règlement SAPMAA qualifie de très graves. Les violations du paragraphe 16(1) de la Loi SA sont classées comme très graves à l’Annexe 1 du Règlement SAPMAA.

[19] Certes l’agent a le pouvoir discrétionnaire de délivrer un procès-verbal assorti d’un avertissement plutôt que d’une sanction, mais les éléments de preuve versés au dossier démontrent qu’en l’espèce, ce pouvoir discrétionnaire a été exercé de façon raisonnable. Mme Usman transportait 42 livres de sous-produits animaux non déclarés. Les notes de l’agent indiquent également qu’il a suivi la directive, se trouvant dans le Système automatisé de référence à l'importation (SARI) [3] , voulant que l’on refuse le bœuf en provenance de Dubaï en raison des risques d’introduction de maladies exotiques.

[20] Comme j’ai déterminé que les éléments constitutifs d’une violation du paragraphe 16(1) de la Loi SA avaient été établis, et que la sanction a été établie conformément au processus décrit dans la Loi SAPMAA et le Règlement SAPMAA, je conclus que le procès-verbal délivré à Mme Usman et la sanction de 1 300 $ sont maintenus.

5. ORDONNANCE

[21] Je conclus que Mme Usman a commis la violation indiquée dans le procès-verbal, et j’ordonne qu’elle paie la sanction de 1 300 $ à l’Agence dans les soixante (60) jours suivants la date à laquelle la décision est rendue.

[22] Je tiens par ailleurs à informer Mme Usman que cette violation ne constitue pas une infraction criminelle. Cinq ans après la date du paiement de la sanction, elle pourra demander au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile de faire rayer la violation de son dossier, conformément à l’article 23 de la Loi SAPMAA.

Fait à Saskatoon (Saskatchewan) en ce 29e jour de novembre 2021.

(Originale signée)

Patricia Farnese

Membre

Commission de révision agricole du Canada



[2] Seyfollah c Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, 2021 CRAC 28.

[3] Gouvernement du Canada, Système automatisé de référence à l’importation (SARI) en ligne : gouvernement du Canada Système automatisé de référence à l'importation : Exigences d'importation (inspection.gc.ca).

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