Décisions de la Commission de révision agricole du Canada

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Référence :

Santos c Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, 2021 CRAC 17

 

Dossier : CRAC-2061

ENTRE :

LIZA SANTOS

DEMANDERESSE

-ET-

MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

INTIMÉ

[Traduction de la version officielle en anglais]

DEVANT :

Marthanne Robson, membre

AVEC :

Mme Liza Santos, pour son propre compte;

 

Mme Bria Hearty, représentante de l’intimé

DATE DE LA DÉCISION :

Le 6 juillet 2021

DATE DE L’AUDIENCE VIRTUELLE :

Le 24 février 2021


1. APERÇU

[1] La Commission de révision agricole du Canada (Commission) est saisie d’une demande de révision de la décision du ministre à l’effet que la demanderesse, Mme Liza Santos, a violé le paragraphe 16(1) de la Loi sur la santé des animaux [1] (Loi SA) en omettant de présenter pour inspection le bœuf salé en conserve découvert dans ses bagages.

[2] Mme Santos, accompagnée de sa mère et de son mari, est revenue au Canada en avion après un séjour aux Philippines. Elle a rempli et signé, pour le compte de sa famille, une carte de déclaration douanière sur laquelle elle a indiqué qu’elle rapportait des produits alimentaires au Canada. Lors de l’inspection primaire, Mme Santos s’est fait demander par un agent des services frontaliers (agent) quel type de produits alimentaires elle rapportait au Canada. Elle a spécifié rapporter uniquement du poisson séché; la mention « Poisson séché, OK » a été inscrite sur la carte de déclaration.

[3] Mme Santos et les membres de sa famille ont été aléatoirement dirigés vers l’aire d’inspection secondaire, où l’agent lui a demandé quel type de produit alimentaire elle rapportait au Canada. Elle n’a pas donné de précisions. La fouille de ses bagages a permis d’y découvrir des saucisses de porc fraîches, des œufs de cane à la coque, du bœuf salé en conserve, du bouillon de bœuf et de poulet, ainsi que du poisson séché. L’agent a dressé un procès-verbal assorti d’une sanction de 1 300 $.

[4] Mme Santos a soumis une demande au ministre afin qu’il révise les faits reprochés. Le représentant du ministre a conclu que le procès-verbal avait été dressé à bon droit et que Mme Santos devait payer la sanction. Elle a alors déposé une demande de révision de la décision du ministre auprès de la Commission. Dans ses deux demandes de révision, Mme Santos maintient qu’elle a déclaré tous les produits alimentaires qu’elle importait en cochant la case « Oui » sur la carte de déclaration.

[5] Il ne suffit pas de simplement répondre « Oui » sur la carte de déclaration et de ne pas fournir de détails lorsque demandé. La personne qui importe un produit animal comme du bœuf salé en conserve doit le présenter pour inspection à un agent au premier contact. En plus de remplir correctement la carte de déclaration, le voyageur doit répondre véridiquement aux questions de l’agent. En l’espèce, Mme Santos n’a pas spécifié tous les produits qu’elle importait. En omettant de déclarer tous les produits, Mme Santos n’a pas répondu véridiquement aux questions concernant le type de produit alimentaire introduit au pays. Elle s’en est plutôt remise entièrement à la déclaration sur la carte. Ce faisant, elle a omis de présenter un produit importé pour inspection, ce qui constitue une violation du paragraphe 16(1) de la Loi SA. Pour les motifs exposés dans la présente décision, la sanction de 1 300 $ a été correctement imposée et Mme Santos est tenue de la payer.

2. CADRE JURIDIQUE

[6] La Loi sur la santé des animaux et son Règlement [2] (Règlement SA) ont pour objet de prévenir l’introduction de maladie animale au Canada. Un seul incident peut mettre en péril le bien-être des plantes, des animaux et des humains, et potentiellement perturber l’approvisionnement alimentaire, l’économie et l’environnement. Les voyageurs ont l’obligation de déclarer et de présenter pour inspection tout produit agricole importé afin que les agents des services frontaliers puissent les identifier et vérifier s’ils satisfont aux exigences réglementaires.ces obligations découlent des dispositions législatives exposées ci-dessous.

[7] La Loi sur les douanes [3] exige que les voyageurs qui entrent au Canada déclarent à l’agent des services frontaliers désigné toutes les marchandises qu’ils importent, et qu’ils répondent véridiquement aux questions que celui-ci leur pose. [4] Les voyageurs qui arrivent à bord d’un moyen de transport commercial doivent faire une déclaration par écrit. [5] Ceux qui arrivent par avion au Canada doivent remplir et signer une carte de déclaration E311 de l’Agence des services frontaliers du Canada (Agence).

[8] La carte E311 contient la déclaration « J’apporte (nous apportons) au Canada : […] viande, poisson, fruits de mer, œufs, produits laitiers, fruits, légumes, semences, noix, plantes, fleurs, bois, animaux, oiseaux, insectes, et des parties, produits ou sous-produits quelconque de ce qui précède ». Mme Santos a rempli et signé la carte de déclaration et coché la case « Oui » vis-à-vis cet énoncé.

[9] Aux termes du paragraphe 16(1) de la Loi SA, la personne qui importe des animaux, des produits ou sous-produits animaux au Canada doit les présenter à un agent des services frontaliers afin qu’il inspecte avant ou au moment de l’importation. La déclaration des marchandises et leur présentation pour inspection doivent se faire impérativement dès le premier contact avec un agent des services frontaliers, et non quand une fouille est imminente ou en cours. Il n’est pas loisible au voyageur de miser sur la possibilité qu’il n’y ait pas d’inspection secondaire et de déclarer les marchandises seulement quand il devient évident qu’elles seront découvertes. Une personne qui transporte des marchandises au Canada a l’obligation d’en faire une déclaration exhaustive. [6] [7]

[10] L’Agence canadienne d’inspection des aliments établit quels produits alimentaires, végétaux et animaux ne peuvent pas être importés au Canada, ainsi que ceux qui peuvent y être importés avec la documentation appropriée. Au titre des exceptions prévues à la partie IV du Règlement SA, une personne peut importer certains produits agricoles provenant de certains pays à condition de fournir la documentation exigée. On trouve des explications détaillées à ce propos dans le Système automatisé de référence à l’importation (SARI) [8] , accessible au public. La base de données du SARI indique que l’introduction de bœuf salé en conserve en provenance des Philippines devrait être refusée.

[11] Les quatre éléments constitutifs pour conclure à une violation du paragraphe 16(1) de la Loi SA sont:

  1. La demanderesse est la personne identifiée dans le procès-verbal.
  2. La demanderesse a importé un animal, un produit animal, un sous-produit animal ou des aliments pour animaux au Canada.
  3. Aucune des exceptions visées à la partie IV duRèglement SAne s’applique.
  4. La demanderesse n’a pas déclaré le produit en question à son premier contact avec un agent des services frontaliers, et ne l’a donc pas présenté pour inspection.

[12] Ces éléments constitutifs sont quasi identiques à ceux d’une violation semblable de l’article 40 du Règlement SA, qui interdit l’importation d’un sous-produit animal qui n’est pas conforme aux exigences, tel que l’a établi la Commission dans la décision Campbell [9] . Il m’appert néanmoins que le premier élément devrait être « la personne identifiée dans le procès-verbal » plutôt que « la personne qui a commis la violation », afin que l’analyse précède la conclusion comme quoi la demanderesse a commis la violation.

[13] La Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire [10] (Loi SAPMAA) et son Règlement [11] (Règlement SAPMAA) établissent un régime de sanctions administratives pécuniaires (des amendes) comme solution de rechange juste et efficace aux accusations criminelles pour faire appliquer la législation agroalimentaire en vigueur, dont la Loi SA et le Règlement SA. La violation du paragraphe 16(1) de la Loi SA est considérée comme étant très grave et entraîne une sanction de 1 300 $. [12] [13]

[14] Il est possible de contester un procès-verbal en demandant au ministre de procéder à une révision des faits reprochés. Si le demandeur n’est pas satisfait avec la décision, il peut s’adresser à la Commission pour qu’elle révise et, selon le cas, la confirme, la modifie ou l’annule la décision du Ministre. [14] La Commission procède à une révision de novo de la décision du ministre, c’est-à-dire à un examen de l’ensemble des éléments de preuve afin de tirer ses propres conclusions factuelles et juridiques quant à la validité du procès-verbal. [15] En règle générale, la Commission procède à la révision à partir des documents soumis au ministre. Elle peut également, sous réserve de certaines conditions, entendre des témoignages de vive voix et recevoir de nouveaux éléments de preuve. [16] En l’espèce, l’Agence des services frontaliers du Canada représentait le ministre à l’audience de la Commission.

[15] L’organisme qui délivre le procès-verbal doit établir, selon la prépondérance des probabilités, tous les éléments constitutifs de la violation. Si tous les éléments constitutifs sont établis, la Commission vérifie si le demandeur a invoqué un moyen de défense recevable. Sous ce régime, les violations sont de responsabilité stricte, si bien que les moyens de défense sont très peu nombreux. Dans l’arrêt Doyon [17] , la Cour d’appel fédérale décrit ce type de régime de violations et de sanctions comme étant draconien et très punitif. Il ne peut être invoqué en défense la diligence raisonnable (« J’ai fait au mieux ») ou l’erreur de fait (« Je ne savais pas »). [18] Si le demandeur ne parvient pas à établir un moyen de défense recevable, la Commission doit vérifier si la sanction imposée est conforme aux dispositions législatives.

3. QUESTIONS EN LITIGE

[16] Compte tenu du cadre législatif exposé, je dois en l’espèce examiner les questions suivantes :

  1. L’Agence a-t-elle établi tous les éléments constitutifs de la violation du paragraphe 16(1) de laLoi SA?
  2. Quelles questions ont été posées à la demanderesse et quelles ont été ses réponses lors des inspections primaire et secondaire?
  3. Le fait de cocher la case « Oui » vis-à-vis de l’énoncé concernant l’importation de produits agricoles sur la carte de déclaration équivaut-il à présenter des marchandises importées au Canada pour inspection?
  4. La demanderesse a-t-elle établi un moyen de défense recevable eu égard à la violation?
  5. La sanction a-t-elle été imposée conformément à laLoi SAPMAAet auRèglement SAPMAA?

[17] Dans ses demandes de révision, Mme Santos a formulé des plaintes touchant au service à la clientèle, et plus précisément au délai et de l'exécution de l’inspection secondaire. Ces plaintes ne sont pas pertinentes pour déterminer si Mme Santos a commis une violation.

4. ANALYSE

I. Question en litige 1 : L’Agence a-t-elle établi tous les éléments constitutifs de la violation du paragraphe 16(1) de la Loi SA?

[18] Seul le quatrième élément constitutif est contesté. Plus précisément, Mme Santos a-t-elle omis de déclarer qu’elle rapportait du bœuf salé en conserve dès le premier contact avec un agent des services frontaliers, et donc omis de le présenter pour inspection? L’Agence et Mme Santos ont convenu qu’elle était la personne identifiée dans le procès-verbal (1er élément) et qu’elle a importé du bœuf salé en conserve au Canada (2e élément). Au moment de l’incident, une exception permettait d’importer du bœuf salé en conserve des Philippines pour usage personnel, à condition de fournir la documentation exigée. [19] Aucun élément de preuve n’a été produit qui établit que Mme Santos a fourni la documentation qui l’aurait autorisée à importer du bœuf salé en conserve, donc aucune exception prévue dans le Règlement SA n’était applicable (3e élément). Par conséquent, les trois premiers éléments constitutifs de la violation sont établis.

II. Question en litige 2 : Quelles questions ont été posées à la demanderesse et quelles ont été ses réponses lors des inspections primaire et secondaire?

[19] Mme Santos n’a pas témoigné à l’audience. Elle a joint des observations écrites destinées au ministre et à la Commission dans ses demandes de révision, ainsi que dans ses déclarations préliminaire et finale lors de l’audience. Le mari de Mme Santos a témoigné à l’audience. L’Agence a soumis un dossier à l’examen du ministre, qui renferme notamment des copies des notes manuscrites et du rapport narratif dactylographié de l’agent d’inspection secondaire. Il a rédigé les deux séries de notes le jour même de l’incident, et j’ai conclu qu’elles étaient aussi fiables l’une que l’autre. Mme Santos et l’Agence ont soumis un exposé conjoint des faits.

[20] Mme Santos a indiqué dans sa demande de révision soumise par écrit au ministre qu’elle était consciente d’importer un produit alimentaire qui n’était pas autorisé, et qu’elle avait coché la case « Oui » sur la carte de déclaration. Son mari a confirmé que Mme Santos et lui avaient convenu dans l’avion de déclarer tout ce qu’ils rapportaient, et de cocher la case « Oui » sur le formulaire de déclaration.

[21] Des agents des services frontaliers différents officiaient dans l’aire d’inspection primaire et l’aire d’inspection secondaire. Dans sa déclaration préliminaire, Mme Santos a évoqué deux questions qui lui ont été posées par l’agent d’inspection primaire et elle a indiqué les réponses qu’elle a données à ces questions.

[TRADUCTION]

1. Question : « Quel type de produit alimentaire rapportez-vous? » Réponse : « Du poisson en vrac. »

2. Question : « Quel genre de poisson? » Réponse : « Du poisson séché. »

[22] Dans ses observations finales, Mme Santos a fait valoir, pour la première et unique fois, qu’elle avait donné la réponse suivante : [TRADUCTION] « Du poisson en vrac, entre autres. » [Je souligne.] Son mari n’a pas entendu les questions posées lors de l’inspection primaire. Mme Santos et l’Agence ont convenu que l’agent d’inspection primaire avait écrit [TRADUCTION] « Poisson séché, OK » sur la carte de déclaration. Les parties ont convenu que Mme Santos avait été dirigée de manière aléatoire vers l’inspection secondaire.

[23] Durant l’inspection secondaire, selon le rapport narratif – les notes manuscrites n’en font pas mention –, l’agent aurait posé les questions suivantes et Mme Santos y aurait répondu comme suit :

[TRADUCTION]

1. Question : « Rapportez-vous d’autres produits alimentaires que du poisson séché? Réponse : « Non. »

2. Question : « Êtes-vous certaine que ces boîtes ne contiennent pas d’autres produits alimentaires, du foie en conserve, par exemple? » Réponse : « Non. »

[24] Le mari de Mme Santos a affirmé que l’agent d’inspection secondaire avait demandé quel type de produits alimentaires ils rapportaient au pays. Dans ses observations, Mme Santos n’a pas contesté la teneur des questions et des réponses de l’inspection secondaire qui ont été rapportées dans le rapport narratif.

[25] Les parties ont convenu que l’agent d’inspection secondaire a trouvé du bœuf salé en conserve et des saucisses de porc fraîches dans les bagages de Mme Santos. Il est indiqué dans le rapport narratif que Mme Santos a déclaré avoir dit à l’agent d’inspection primaire qu’elle rapportait du bœuf salé en conserve, mais quand il a été demandé à celui-ci de confirmer qu’elle avait bel et bien fait cette déclaration, elle s’est rétractée. Mme Santos n’a pas produit d’élément de preuve pour réfuter ce compte rendu. Les parties ont convenu que Mme Santos a admis qu’elle n’avait pas indiqué tous les produits alimentaires qu’elle importait, ni à l’agent d’inspection primaire ni à l’agent d’inspection secondaire.

[26] Je conclus que les agents d’inspection primaire et secondaire ont demandé à Mme Santos quel type de produits alimentaires elle importait au pays et qu’elle n’a pas explicitement déclaré à aucun des deux qu’elle avait du bœuf salé en conserve dans ses bagages.

III. Question en litige 3 : Le fait de cocher la case « Oui » vis-à-vis de l’énoncé concernant l’importation de produits agricoles sur la carte de déclaration équivaut-il à présenter des marchandises importées au Canada pour inspection?

[27] Les parties ont convenu que Mme Santos avait présumé que le formulaire de déclaration était exhaustif si le voyageur rapportait l’un ou l’autre des produits alimentaires qui y sont mentionnés.

[28] Dans sa décision de révision, le ministre a soutenu que la réponse « Oui » à la question sur les produits agricoles sur la carte de déclaration signale à l’agent et au voyageur que d’autres questions seront nécessaires pour clarifier quel type de produit alimentaire, végétal ou animal est importé exactement. En l’espèce, Mme Santos a eu deux occasions de préciser le type de produits alimentaires qu’elle importait.

[29] Dans la décision Johnson [20] , la Commission a conclu que le fait de répondre « Oui » à la question de la carte de déclaration sur les produits agricoles et alimentaires crée une présomption réfutable que ces produits ont été dûment déclarés. Cependant, un simple « Oui » pourrait ne pas être suffisant s’il est demandé au voyageur de préciser la nature exacte des produits agricoles transportés : il doit alors donner plus de précisions.

[30] L’arrêt Savoie-Forgeot [21] portait sur une violation similaire de l’article 40 du Règlement SA. La Cour a observé que la demanderesse avait l’obligation de présenter certains produits en vue de leur inspection, conformément au paragraphe 16(1)de la Loi SA. La demanderesse avait coché la case « Oui » sur la carte de déclaration. Quand on lui a demandé des précisions sur le type de produit alimentaire qu’elle importait, elle a présenté une facture détaillée, et a donc volontairement rendu les produits en questions accessibles pour une inspection. La Cour a souligné dans sa conclusion qu’une personne doit déclarer en détail les produits agricoles qu’elle rapporte au Canada.

[31] Les représentants des services frontaliers peuvent demander des précisions afin de déterminer si l’importation d’un produit est autorisée, et notamment si elle est autorisée à condition de fournir la documentation exigée afin de prévenir l’introduction d’une maladie animale au Canada. Les voyageurs sont tenus de répondre véridiquement à toutes les questions de l’agent des services frontaliers. Le fait de cocher la case « Oui » sur la carte de déclaration ne suffit pas si les précisions demandées ensuite ne sont pas données.

[32] Mme Santos a coché la case « Oui » sur la carte de déclaration, mais, quand on lui a demandé quel type de produits agricoles elle importait, elle n’a pas spécifié tous les produits en sa possession. Elle n’a donc pas répondu véridiquement aux questions des agents concernant le type de produits alimentaires qu’elle rapportait au pays. Une réponse véridique aurait supposé qu’elle précise tous les produits agricoles importés. Mme Santos n’a pas précisé le bœuf salé en conserve et a donc omis de le présenter pour inspection.

[33] L’Agence a établi les quatre éléments constitutifs de la violation : Mme Santos est la personne identifiée sur le procès-verbal; elle a importé des produits agricoles au Canada; aucune exception prévue au Règlement SA ne s’appliquait, et Mme Santos n’a pas déclaré qu’elle rapportait du bœuf salé en conserve dès le premier contact avec un agent des services frontaliers, omettant ainsi de présenter ce produit pour inspection.

IV. Question en litige 4 : La demanderesse a-t-elle établi un moyen de défense recevable eu égard à la violation?

[34] Mme Santos a invoqué plusieurs moyens de défense pour justifier sa conduite :

  1. Elle a agi de bonne foi.
  2. Elle avait l’intention d’être honnête.
  3. Elle n’avait pas l’intention de dissimuler les boîtes de bœuf salé.
  4. Elle n’avait pas l’intention de violer les règles.
  5. Elle présumait qu’en cochant la case « Oui » sur la carte de déclaration, elle déclarait entièrement tous les produits qu’elle importait.

[35] Très peu de moyens de défense sont recevables pour justifier une omission de déclarer l’importation de produits agricoles au Canada. La législation ne permet pas à une personne de donner comme excuse qu’elle croyait raisonnablement et en toute honnêteté agir légalement. Par exemple, le fait de dire qu’en cochant la case « Oui » sur la carte de déclaration, elle croyait déclarer tous les produits agricoles importés au Canada ne peut être invoqué en défense. La conviction d’avoir pris les mesures nécessaires (ou d’avoir fait preuve de diligence raisonnable) ne peut pas non plus être invoquée en défense : une personne ne peut pas se disculper en prétendant avoir fait de son mieux pour respecter les règles. [22] Le fait d’agir de bonne foi fait partie prenante de la diligence raisonnable et est aussi exclu des moyens de défense. [23]

[36] Historiquement, la common law a permis le recours à certaines justifications ou excuses juridiques [24] (erreur de droit provoquée par une personne en situation d’autorité, automatisme et nécessité [25] ). Mme Santos n’a pas invoqué ces moyens de défense et, d’ailleurs, aucun ne s’applique en l’espèce. Elle n’a donc pas établi un moyen de défense recevable.

V. Question en litige 5 : La sanction a-t-elle été imposée conformément à la Loi SAPMAA et au Règlement SAPMAA?

[37] La Loi SAPMAA confère aux agents des services frontaliers le pouvoir discrétionnaire de dresser un procès-verbal assorti d’une sanction ou d’un avertissement. [26] Selon le Règlement SAPMAA, une violation peut être mineure, grave ou très grave. La violation du paragraphe 16(1) de la Loi SA est qualifiée de « très grave », et la sanction imposée à la personne qui commet une telle violation, sauf dans le cadre d’une entreprise ou à des fins lucratives, est de 1 300 $. [27] Aucune disposition ne permet d’ajuster cette somme.

[38] Dans son rapport narratif, l’agent d’inspection secondaire affirme, corroborant les observations de Mme Santos, qu’ils avaient discuté du produit agricole qui ferait l’objet du procès-verbal. Mme Santos affirme qu’après la découverte du bœuf salé en conserve et des saucisses de porc, l’agent d’inspection secondaire lui aurait d’abord dit que le procès-verbal serait assorti d’une sanction de 800 $ (une violation similaire du paragraphe 40 du Règlement SA est punissable d’une sanction de 800 $). Dans ses notes, l’agent indique que Mme Santos avait été informée que l’inspection de ses bagages devait être terminée avant que le procès-verbal soit dressé. Les deux parties ont confirmé que l’agent d’inspection secondaire avait informé Mme Santos que l’importation d’œufs de cane constituait une violation très grave et que la sanction serait plus élevée. Mme Santos a importé et omis de déclarer six produits animaux différents, et chacun aurait pu lui valoir un procès-verbal et une sanction de 1 300 $.

[39] Aucun élément de preuve ne permet d’établir pourquoi l’Agence a dressé un procès-verbal pour le bœuf salé en conserve plutôt que pour l’un ou l’autre des produits agricoles trouvés dans les bagages de Mme Santos. Également, il n’y avait aucun élément de preuve pour expliquer pourquoi l’Agence a dressé un procès-verbal pour une violation du paragraphe 16(1) de la Loi SA (et imposé une sanction fixe de 1 300 $ au lieu d’un avertissement) plutôt que pour une violation du paragraphe 40 du Règlement SA.

[40] Mme Santos a contesté vivement la sanction et elle a demandé à la Commission et au ministre de l’annuler. Elle a fait valoir que l’agent d’inspection secondaire lui avait dit que la sanction serait réduite de moitié si elle la payait sur-le-champ, mais que personne ne l’avait informée qu’elle disposait en fait de 15 jours pour la payer. Il est indiqué dans le rapport narratif de l’agent d’inspection secondaire qu’il a été mentionné à Mme Santos qu’elle pouvait payer la sanction réduite le jour même ou dans un délai de 15 jours.

[41] Au bas du procès-verbal, une section à l’usage de l’Agence doit être remplie si le paiement est effectué au point d’entrée. Elle comporte un énoncé attestant que la personne désignée dans le procès-verbal a choisi de payer la sanction (réduite de moitié) dans les 15 jours suivant la date de notification et, ce faisant, qu’elle reconnaît avoir commis l'infraction. Le montant de la sanction réduite (650 $) est précisé dans cette section et elle comporte une ligne où le contrevenant appose sa signature. Mme Santos a donc été dûment informée qu’elle disposait d’un délai de 15 jours pour payer la sanction réduite.

[42] Le ministre a conclu qu’il n’était pas habilité à substituer un procès-verbal assorti d’une sanction pour un avertissement, à réduire une sanction ou à pardonner une violation. Par ailleurs, la Loi SAPMAA ne confère pas expressément à la Commission le pouvoir de modifier le montant d’une sanction ou de l’annuler.

[43] Mme Santos n’a pas fourni de motif d’ordre juridique qui attesterait du pouvoir de la Commission de modifier ou d’annuler une sanction. Elle a demandé à la Commission d’annuler la sanction en invoquant qu’elle était convaincue de ne pas avoir violé les règles. J’ai conclu qu’elle avait violé le paragraphe 16(1) de la Loi SA et que, en ne déclarant pas tous les produits agricoles qu’elle importait, elle n’a pas répondu véridiquement aux questions des agents. La sanction imposée est conforme à la Loi SAPMAA et au Règlement SAPMAA.

5. CONCLUSION

[44] Mme Santos savait que ses bagages contenaient du bœuf salé en conserve et d’autres produits agricoles. Elle savait aussi, ou elle présumait que certains de ces produits n’étaient pas autorisés et qu’elle devait donc les déclarer. Les agents d’inspection primaire et secondaire lui ont tous les deux demandé quel type de produit alimentaire elle importait au pays. Elle a seulement déclaré qu’elle importait du poisson en vrac ou du poisson séché. Tout au long du processus de révision, Mme Santos a maintenu que de cocher la case « Oui » sur la carte de déclaration suffisait pour déclarer les produits agricoles et que, de ce fait, les produits en question étaient présentés pour inspection.

[45] Cocher la case « Oui » sur la carte de déclaration constitue seulement la première étape. Le voyageur doit ensuite répondre véridiquement aux questions des agents, ce que Mme Santos n’a pas fait. Pour répondre véridiquement à la question concernant le type de produit alimentaire importé au pays, elle aurait dû donner la liste détaillée de tous les produits agricoles importés : bœuf salé en conserve; œufs de cane; saucisses de porc fraîches; bouillon de bœuf et de poulet; poisson séché. En omettant de déclarer tous les produits agricoles qu’elle importait, Mme Santos ne les a pas présentés pour inspection.

[46] Dans sa décision, le ministre souligne que si les bagages de Mme Santos n’avaient pas été inspectés, des produits animaux auraient été illégalement introduits au Canada et auraient pu mettre en péril les cultures, le bétail ou l’environnement.

[47] Mme Santos a omis de présenter le bœuf salé en conserve qu’elle importait pour inspection, violant ainsi le paragraphe 16(1) de la Loi SA, et elle n’a pas établi de moyen de défense recevable. La sanction de 1 300 $ qui lui a été imposée est conforme à la Loi SAPMAA et à son Règlement, et elle doit la payer.

6. ORDONNANCE

[48] Je confirme la décision du ministre no 18-01422 à l’effet que Mme Liza Santos a commis la violation faisant l’objet du procès-verbal no 4971-18-0628, daté du 16 mai 2018. Mme Santos doit payer à l’Agence des services frontaliers du Canada une sanction de 1 300 $ dans les 30 jours suivant la date de notification de la présente décision.

[49] Je tiens par ailleurs à informer Mme Santos que la violation reprochée n’est pas une infraction criminelle. Dans cinq ans, il lui sera loisible de demander au ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire de faire rayer la violation de son dossier, conformément à l’article 23 de la Loi SAPMAA.

Fait à Ottawa (Ontario), en ce 6e jour de juillet 2021.

(Originale signée)

Marthanne Robson

Membre

Commission de révision agricole du Canada



[4] Ibid art 13a).

[8] Gouvernement du Canada, Système automatisé de référence à l’importation (SARI); en ligne : https://airs-sari.inspection.gc.ca/airs_external/francais/decisions-fra.aspx.

[12] Ibid, annexe 1, art 11.

[13] Règlement SA, supra note 2, art 5(1)c).

[14] Loi SAPMAA, supra note 10, art 14(1).

[18] Loi SAPMAA, supra, note 10, art 18(1).

[19] Gouvernement du Canada, Système automatisé de référence à l’importation (SARI), en ligne, supra note 8; exigences d’importation : 45581, version 7.

[20] Johnson, supra note 7.

[21] Savoie-Forgeot, supra note 6.

[22] Loi SAPMAA, supra note 10, art 18(1).

[24] Loi SAPMAA, supra note 10, para 18(2).

[25] Doyon, supra note 17.

[26] Loi SAPMAA, supra note 10, para 7(2).

[27] Règlement SAPMAA, supra note 11, al. 5(1)c).

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