Décisions de la Commission de révision agricole du Canada

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Référence :

Goat River Farms Ltd. c Agence canadienne d’inspection des aliments, 2021 CRAC 11

 

Dossier : CRAC-1983

ENTRE :

GOAT RIVER FARMS LTD.

DEMANDERESSE

‑ ET ‑

AGENCE CANADIENNE D’INSPECTION DES ALIMENTS

INTIMÉE

[Traduction de la version officielle en anglais]

DEVANT :

Luc Bélanger, président

AVEC :

M. Dale McNamar, représentant de la demanderesse; et

 

M. Matthew Morawski, représentant l’intimée

DATE DE LA DÉCISION :

Le 31 mars 2021

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 19 novembre 2020


1. APERÇU

[1] Le 27 avril 2018, l’Agence canadienne d’inspection des aliments (Agence) a délivré un procès-verbal comportant un avertissement à l’entreprise Goat River Farms Ltd. (Goat River), représentée par M. McNamar, faisant valoir que celle-ci avait omis de s’assurer qu’une étiquette approuvée soit apposée à l’oreille d’un bouvillon noir et que le logo et le numéro soient visibles à l’avant contrairement au paragraphe 175(1.2) du Règlement sur la santé des animaux (Règlement SA).

[2] La première question consiste à établir si l’Agence a prouvé que le bouvillon noir n’était pas identifié à l’aide d’une étiquette approuvée apposée à l’oreille au logo et au numéro visibles à l’avant. Si l’Agence a prouvé la violation, la deuxième question consiste à déterminer si la sanction a été établie conformément au Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (Règlement SAPMAA) et, si ce n’est pas le cas, fixer la sanction appropriée.

[3] Le 24 janvier 2018, Goat River a livré un bouvillon noir à l’entreprise Tarzwell Farms, un abattoir provincial qui est situé à Creston, en Colombie-Britannique. Avant l’abattage, Lena Lenamon, une inspectrice du ministère de l’Agriculture de la Colombie-Britannique, a remarqué que le bouvillon noir portait au cou une étiquette de l’Agence canadienne d’identification du bétail (l’ACIB) attachée au moyen d’une ficelle. L’inspectrice Lenamon a communiqué avec Kathy Durham, inspectrice de l’Agence, pour l’informer de la situation.

[4] Plus tard le même jour, l’inspectrice Lenamon a envoyé à l’inspectrice Durham un courriel de confirmation de l’appartenance du bouvillon noir à Goat River. Le courriel contenait le rapport signé de l’inspectrice, ainsi que le manifeste du bétail de la Colombie-Britannique, des photographies et le numéro d’identification de l’étiquette de l’ACIB qui était attachée au moyen d’une ficelle.

[5] Pendant l’enquête qu’a menée l’Agence, Goat River a reconnu ne pas avoir apposé l’étiquette à l’oreille de l’animal et M. McNamar a confirmé qu’il connaissait les exigences prévues dans le Règlement SA. À la suite de l’examen de l’enquêteur Yakubowski, l’Agence a émis le procès-verbal no 1718WA0233 comportant un avertissement à l’égard de Goat River.

[6] Pour les motifs qui suivent, je conclus que l’Agence s’est acquittée de son fardeau d’établir les quatre éléments constitutifs d’une violation en vertu du paragraphe 175(1.2) du Règlement SA. Étant donné que Goat River a admis qu’elle n’avait pas apposé d’étiquette à l’oreille de l’animal conformément au Règlement SA et n’a pas présenté de défense admissible, je conclus que Goat River a commis la violation.

2. CADRE JURIDIQUE

[7] La demande de révision en l’espèce a été présentée au titre de l’alinéa 9(2)c) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (Loi SAPMAA). Si une violation est commise, en vertu du paragraphe 14(1) de la Loi SAPMAA, la Commission de révision agricole du Canada (Commission) doit examiner si la sanction établie est conforme au Règlement SAPMAA et, dans le cas contraire, elle doit fixer le montant correctement.

[8] Dans l’arrêt Doyon [1] , la Cour d’appel fédérale a jugé que les violations visées par le régime de sanctions administratives pécuniaires devaient être analysées en fonction de leurs éléments constitutifs. Chacun de ces éléments doit être établi selon la prépondérance des probabilités pour qu’un demandeur puisse être déclaré responsable. [2] La première étape de l’analyse consiste à dégager les éléments constitutifs d’une violation du paragraphe 175(1.2) du Règlement SA.

[9] L’analyse doit commencer par une définition des éléments constitutifs du paragraphe 175(1.2), puisque que ceux-ci n’ont jamais été définis dans la jurisprudence. Je vais utiliser en l’espèce la méthode téléologique moderne d’interprétation des lois énoncée dans la décision Rizzo Shoes Ltd [3] , à savoir qu’« il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur» [4] .

[10] Je dois examiner le libellé du Règlement SA en tenant compte du contexte et de l’intention de la loi, ainsi que du sens grammatical et ordinaire de la disposition, pour trouver la véritable intention du législateur. Toutefois, comme l’a déclaré la Cour suprême du Canada dans la décision Hypothèques Trustco Canada c Canada :

[…] Lorsque le libellé d’une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d’interprétation. Par contre, lorsque les mots utilisés peuvent avoir plus d’un sens raisonnable, leur sens ordinaire joue un rôle moins important. L’incidence relative du sens ordinaire, du contexte et de l’objet sur le processus d’interprétation peut varier, mais les tribunaux doivent, dans tous les cas, chercher à interpréter les dispositions d’une loi comme formant un tout harmonieux. [5] [Caractères gras ajoutés.]

[11] Conformément aux principes qui précèdent, une interprétation législative appropriée devrait donc se faire en trois étapes : le texte, le contexte et l’objet. Si l’on commence par le texte du paragraphe 175(1.2) du Règlement SA, une lecture simple de la disposition révèle que le législateur souhaitait veiller à ce que chaque animal ou carcasse d’animal soit identifiable au moyen d’une étiquette approuvée :

(1.2) Quiconque est propriétaire d’un animal ou d’une carcasse d’animal ou en a la possession, la garde ou la charge des soins veille à ce qu’une étiquette approuvée soit apposée à l’oreille de l’animal ou de la carcasse d’animal et à ce que le logo et le numéro soient visibles à l’avant.

(1.2) Every person who owns or has the possession, care or control of an animal or a carcass of an animal shall ensure that the approved tag that is applied to it is applied to its ear with the logo and number facing forward.

[12] Dans un premier temps, la lecture de la disposition peut donner lieu à une ambiguïté concernant le sens de l’expression « étiquette approuvée ». L’incertitude est toutefois dissipée puisque le terme est clairement défini à l’article 172 du Règlement SA :

étiquette approuvée Étiquette, puce ou autre indicateur approuvé par le ministre aux termes du paragraphe 173(1) et figurant sur le site web de l’Agence.

[13] Ensuite, lorsque l’on examine le contexte, on constate que le paragraphe 175(1.2) du Règlement SA se trouve à la PARTIE XV, laquelle contient toutes les exigences liées à l’identification des animaux. Dans la décision Reynolds [6] , la Commission a exposé ainsi l’objectif de l’identification des animaux :

Les dispositions de [la] partie [XV] [sur l’identification des animaux] permettent à l’Agence d’établir l’origine et les déplacements de chacun des animaux d’élevage qui sont destinés à l’alimentation humaine. Ainsi, en cas de maladie animale grave ou de problèmes liés à la salubrité des aliments, il est possible de prendre des mesures correctives urgentes, d’assurer un suivi et de repérer les animaux infectés. L’utilisation d’étiquettes approuvées améliore considérablement la capacité de l’Agence d’intervenir rapidement et de faire face aux maladies graves et aux problèmes liés à la salubrité des aliments qui se déclarent chez des animaux qui circulent ou ont circulé dans le système de commercialisation. Les étiquettes approuvées permettent de suivre les déplacements des animaux depuis l’endroit où le problème s’est posé, par exemple dans un marché aux enchères ou un abattoir, jusqu’à la ferme d’où ils proviennent. [7] [Soulignement ajouté.]

[14] La Commission a également examiné les exigences relatives à l’identification au moyen d’une étiquette qui sont énoncées à la partie XV du Règlement SA aux paragraphes 28 à 30 de la décision Reynolds :

[28] La partie XV du Règlement prévoit un système fermé d’identification des animaux d’élevage, de sorte qu’il est possible de suivre leurs déplacements de la naissance jusqu’à la mort grâce à une étiquette d’identification unique qui, pour les animaux désignés, est apposée sur l’une des oreilles, idéalement à la naissance. Lorsque l’animal qui porte une étiquette meurt, que ce soit à la ferme, pendant le transport ou à l’abattage, le numéro de l’étiquette est consigné et l’animal est retiré du registre d’identification des animaux.

[29] Les efforts visant à étendre l’utilisation des étiquettes approuvées à la totalité des bovins, des bisons et des moutons au Canada se heurtent à des difficultés d’application. Ainsi, il se peut que certains animaux dont l’identification est obligatoire sous le régime de la partie XV du Règlement ne soient jamais étiquetés, en raison soit d’une négligence soit d’une opposition au régime réglementaire en vigueur. La plupart des animaux seront toutefois étiquetés mais, parmi eux, certains perdront leur étiquette entre l’enclos où ils sont nés et le plancher de l’abattoir. Pour réduire au minimum les « dérapages » et pour maximiser le nombre d’animaux qui portent une étiquette approuvée pendant toute leur vie, le Règlement exige que plusieurs intervenants de la chaîne de production étiquettent les animaux qui n’ont encore jamais été étiquetés ou qui ont perdu leur étiquette. Si les intervenants à la ferme ou en aval de celle-ci n’étiquettent pas les animaux, comme le prescrit le Règlement, ils seront eux aussi passibles de sanctions lorsqu’il manque des étiquettes. Les propriétaires et les transporteurs d’animaux font partie des intervenants à qui cette responsabilité incombe aux termes du Règlement. Il incombe à l’Agence de veiller à faire respecter ces dispositions soit par des poursuites pénales ou par l’imposition de sanctions administratives pécuniaires pour des violations désignées dans le Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire.

[30] Dans la présente affaire, les étiquettes en question sont des étiquettes IRF approuvées par l’ACIB, faites en plastique et composées d’une pièce avant sur laquelle est imprimée un code à barres et d’un bouton arrière qui, une fois fixé sur l’oreille d’un animal, permet de verrouiller l’étiquette de façon permanente. Ce dispositif de verrouillage permanent permet de suivre l’animal de la ferme jusqu’à l’entreprise de transformation et ainsi de répondre aux objectifs du Règlement visant à établir un système permanent et fiable de suivi des déplacements des bisons, des bovins et des moutons au Canada, depuis leur naissance sur leur « ferme d’origine » jusqu’à leur retrait du système de production, soit par suite de l’exportation ou de l’abattage au pays. Toutefois, presque tous les systèmes d’identification obligatoire ne sont pas à l’abri d’une défaillance mécanique ou d’une erreur humaine. [Soulignement ajouté.]

[15] Je dois ensuite établir l’objet des exigences d’identification prévues par le Règlement SA. La Commission reconnaît que le Règlement SA impose une lourde responsabilité au secteur agricole [8] . Elle souligne également que le Parlement et le gouverneur en conseil ont créé le programme pour le bien de tous les consommateurs et producteurs au Canada afin d’assurer la traçabilité et la sécurité alimentaire dans le système alimentaire. [9] C’est dans ce but que le Parlement a établi un système de traçabilité permanent et fiable de chacun des animaux dans l’industrie de l’élevage au Canada.

[16] La Commission estime que le libellé du paragraphe 175(1.2) du Règlement SA est précis et qu’il doit être interprété selon son sens ordinaire. Par conséquent, je conclus que l’Agence doit établir, selon la prépondérance des probabilités, les quatre éléments constitutifs suivants pour que l’entreprise Goat River soit tenue responsable de la violation du paragraphe 175(1.2) du Règlement :

  • Élément 1 – Un animal ou une carcasse d’animal n’était pas identifié au moyen d’une étiquette approuvée apposée à l’oreille au logo et au numéro orientés vers l’avant;
  • Élément 2 – Le contrevenant est le propriétaire de l’animal visé ou il en a la possession, la garde ou la charge des soins ou il est le propriétaire de la carcasse de l’animal en question;
  • Élément 3 – Une étiquette approuvée a été délivrée au contrevenant ou au propriétaire de l’animal;
  • Élément 4 – Le contrevenant présumé a omis de s’assurer qu’une étiquette approuvée doit être apposée à l’oreille de l’animal en question, le logo et le numéro orientés vers l’avant.

[17] Conformément aux principes établis par la CAF dans l’arrêt Doyon [10] , la Commission doit agir avec la plus grande prudence dans l’analyse de la preuve et dans l’application de la preuve aux éléments constitutifs de la violation. Mon rôle en tant que décideur consiste à faire preuve de circonspection dans la gestion et l’analyse de la preuve en ce qui concerne les quatre éléments constitutifs d’une violation du paragraphe 175(1.2) du Règlement SA.

3. QUESTIONS SOULEVÉES

[18] L’Agence a-t-elle établi, selon la prépondérance des probabilités, les quatre éléments constitutifs de la violation afin de conclure que le bouvillon noir n’était pas identifié à l’aide d’une étiquette approuvée apposée à l’oreille au logo et au numéro orientés vers l’avant?

[19] Si l’Agence a prouvé la violation, je dois, en second lieu, examiner si la sanction a été établie conformément au Règlement SAPMAA et, si ce n’est pas le cas, je dois établir le montant approprié.

4. ANALYSE

I. a. Les faits généraux

[20] Le 24 janvier 2018, Goat River a livré un bouvillon noir à l’entreprise Tarzwell Farms, située à Creston, en Colombie-Britannique. L’inspectrice provinciale Lenamon a remarqué dans un parc d’attente le bouvillon noir qui portait une étiquette de l’ACIB attachée à son cou au moyen d’une ficelle. Vers 9 h 23, elle a tenté de communiquer avec l’inspectrice Durham de l’Agence pour l’informer de la situation.

[21] Après avoir reçu l’information sur le bouvillon noir, l’inspectrice Durham a tenté de communiquer avec l’inspectrice Lenamon pour que l’animal soit retenu en vue d’une inspection complémentaire, mais en vain. L’inspectrice Lenamon a confirmé que l’animal avait déjà été euthanasié. Plus tard ce jour-là, l’inspectrice Lenamon a envoyé à l’inspectrice Durham un courriel contenant, en plus de son rapport signé, le manifeste du bétail de la Colombie-Britannique numéro 304536, des photos du bouvillon noir et le numéro d’identification de l’étiquette de l’ACIB 124 000 209 671 538 qui était attachée avec de la ficelle.

[22] L’inspectrice Durham a également reçu un appel de M. McNamar, de Goat River, qui a affirmé être préoccupé par la tentative de l’inspectrice de faire retenir le bouvillon noir pour une inspection complémentaire. M. McNamar a expliqué qu’il avait tenté d’étiqueter l’animal et, qu’au cours du processus, l’étiquette s’était repliée et coincée par inadvertance. Il a ajouté qu’il était incapable de séparer l’étiquette et, comme il ne voulait pas utiliser une autre étiquette, il a attaché l’étiquette embossée autour du cou de l’animal au moyen d’une ficelle.

[23] Le 7 février 2018, l’inspectrice Durham a cherché le numéro d’étiquette 124 000 209 671 538 dans la base de données du Système canadien de traçabilité du bétail (le SCTB) de l’ACIB. La recherche a confirmé que l’étiquette avait été délivrée par l’ACIB et que le propriétaire était Goat River.

[24] Le 27 février 2018, l’inspectrice Durham a préparé un Rapport de non-conformité de l’inspecteur afin que l’affaire soit envoyée pour enquête en raison du non-respect par Goat River de l’exigence d’apposer une étiquette approuvée à l’oreille du bouvillon noir, conformément au paragraphe 175(1.2) du Règlement SA. L’enquêteur Yakubowski a mené l’enquête sur les faits de la violation alléguée.

[25] Le 7 mars 2018, l’enquêteur Yakubowski a confirmé à la suite d’une recherche dans la base de données du SCTB que Goat River était propriétaire de l’étiquette de l’ACIB trouvée sur le bouvillon noir. L’étiquette a été délivrée à Goat River et à M. McNamar.

[26] Le 8 mars 2018, M. McNamar a confirmé lors d’une conversation avec l’enquêteur Yakubowski qu’il avait lui-même livré le bouvillon noir à l’abattoir avec l’étiquette de l’ACIB autour du cou parce qu’il ne voulait pas utiliser une nouvelle étiquette. Il a également confirmé qu’il connaissait les exigences du Règlement SA et savait que les animaux quittant son entreprise devaient porter une étiquette approuvée.

[27] Le 8 mars 2018, l’enquêteur Yakubowski a contacté Leanne Tarzwell, une des propriétaires de Tarzwell Farms, et elle a confirmé que Goat River était un client régulier qui connaît les exigences du port des étiquettes approuvées sur les animaux. Mme Tarzwell a également déclaré qu’elle n’avait pas été avisée du fait que le bouvillon noir arriverait sans étiquette à l’oreille. Le même jour, l’inspecteur Yakubowski a également communiqué avec l’inspectrice provinciale Lenamon pour corroborer les renseignements contenus dans le rapport de celle-ci.

[28] Le 27 avril 2018, l’enquête s’est terminée par la notification du procès-verbal nº 1718QC0013 comportant un avertissement contre Goat River.

II. b) L’Agence a-t-elle établi tous les éléments constitutifs de la violation en vertu du paragraphe 175(1.2) du Règlement SA?

Éléments 1 et 2 – Un animal n’était pas identifié au moyen d’une étiquette approuvée apposée à l’oreille, au logo et au numéro orientés vers l’avant, et Goat River est propriétaire de l’animal en question

[29] Les éléments 1 et 2 ne sont pas contestés. Le rapport qu’a soumis l’Agence contient des photos du bouvillon noir, l’étiquette attachée autour du cou au moyen d’une ficelle. M. McNamar a confirmé lors de son témoignage et aux enquêteurs de l’Agence qu’il était le propriétaire du bouvillon noir. Il admet également qu’il n’a pas attaché l’étiquette à l’oreille de l’animal conformément au Règlement SA.

Élément 3 – Une étiquette approuvée a été délivrée à Goat River.

[30] La preuve qu’a soumise l’Agence démontre qu’une étiquette de l’ACIB a été émise à Goat River. Le rapport qu’a soumis l’Agence comprend une impression du résultat de la recherche des renseignements sur le compte de Goat River dans le SCTB. L’impression confirme le numéro de compte de Goat River. Le même numéro de compte figure dans l’historique de l’ACIB relatif à l’étiquette numéro 124 000 209 671 538, qui a été trouvée attachée autour du cou du bouvillon au moyen d’une ficelle.

Élément 4 – Le contrevenant présumé a omis de s’assurer qu’une étiquette approuvée doit être apposée à l’oreille d’un bouvillon noir, le logo et le numéro orientés vers l’avant

[31] M. McNamar a confirmé avoir essayé pendant près d’une heure d’étiqueter l’oreille du bouvillon avant de le transporter à l’abattoir, sans succès. Au cours de son témoignage, M. McNamar a confirmé qu’après plusieurs tentatives, l’étiquette s’était refermée, et qu’il avait donc dû l’attacher au moyen d’une ficelle autour du cou du bouvillon.

[32] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que l’Agence a établi tous les éléments constitutifs de la violation du paragraphe 175(1.2) du Règlement SA.

III. c) L’entreprise Goat River a-t-elle présenté une défense admissible?

[33] Les violations au titre de la Loi SAPMAA sont de responsabilité absolue, ce qui signifie que Goat River ne peut utiliser comme moyen de défense la diligence raisonnable ni l’erreur de fait. [11] Pour ce qui est des défenses admissibles, le paragraphe 18(2) de la Loi SAPMAA énonce ce qui suit :

Les règles et principes de la common law qui font d’une circonstance une justification ou une excuse dans le cadre d’une poursuite pour infraction à une loi agroalimentaire s’appliquent à l’égard d’une violation sauf dans la mesure où ils sont incompatibles avec la présente loi.

[34] Goat River a soutenu que, même si elle n’a pas étiqueté l’oreille du bouvillon, elle a fait de son mieux pour veiller à ce que l’animal soit identifiable. Elle prétend qu’aucun préjudice n’a été causé, parce que l’Agence a pu suivre les déplacements de l’animal.

[35] La Commission comprend le point de vue de Goat River, mais, tel qu’elle l’a reconnu plus tôt, les exigences liées à l’identification des animaux prévues dans le Règlement SA font en sorte que les éleveurs de bétail sont en grande partie responsables de l’efficacité de ce règlement. Pendant son témoignage, M. McNamar a expliqué les difficultés d’étiqueter un animal lorsque l’on ne possède pas de système de manutention, et je reconnais que l’exercice peut être difficile et dangereux. Toutefois, le législateur a jugé nécessaire l’application des étiquettes à l’oreille des animaux comme mesure visant à assurer la traçabilité et la salubrité des aliments dans le système alimentaire.

[36] Faire preuve de diligence raisonnable au moyen de multiples tentatives d’apposer l’étiquette à l’oreille de l’animal et finir par la lui attacher autour du cou n’est pas une défense admissible. Je conclus donc que la violation est fondée, étant donné que l’Agence a établi, selon la prépondérance des probabilités, tous les éléments d’une violation du paragraphe 175(1.2) du Règlement SA.

5. LE PROCÈS-VERBAL COMPORTANT UN AVERTISSEMENT A-T-IL ÉTÉ ÉTABLI CONFORMÉMENT AU RÈGLEMENT SAPMAA?

[37] Le procès-verbal comportant un avertissement établi à l’intention de Goat River était conforme. En cas de violation du Règlement SA, le paragraphe 7(1) de la Loi SAPMAA précise qu’un contrevenant s’expose à l’avertissement ou à la sanction prévus par la Loi. Le paragraphe 7(2) de la Loi SAPMAA accorde à l’Agence le pouvoir discrétionnaire de décider si un avertissement ou une sanction pécuniaire est justifié lorsqu’elle délivre un procès-verbal.

[38] Une violation du paragraphe 175(1.2) du Règlement SA entre dans la catégorie des violations « mineures » inscrites à l’annexe 1 du Règlement SAPMAA. En vertu du paragraphe 5(2) du Règlement SAPMAA, le montant de la sanction pécuniaire applicable à une violation « mineure » commise par une personne dans le cadre d’une entreprise ou à des fins lucratives est de 1 300 $.

[39] Je suis d’avis que l’Agence a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière appropriée, conformément au Règlement SAPMAA, lorsqu’elle a donné un avertissement à Goat River.

6. ORDONNANCE

[40] Je conclus que Goat River a commis la violation mentionnée dans le procès-verbal nº 1718WA0233, daté du 27 avril 2018.

[41] Je tiens à informer Goat River que cette violation ne constitue pas une infraction criminelle. Cinq ans après la date à laquelle le procès-verbal a été signifié, Goat River pourra demander au ministre de rayer la violation de son dossier, conformément à l’article 23 de la Loi SAPMAA.

Fait à Ottawa, (Ontario), le 31e jour de mars 2021.

(Originale signée)

Luc Bélanger

Président

Commission de révision agricole du Canada



[2] Ibid, aux para 28 et 42.

[4] Ibid au para 21.

[7] Ibid au para 27.

[10] Supra note 1, [Doyon].

[11] Ibid au para 11; voir aussi la Loi SAPMAA art 18(1).

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