Décisions de la Commission de révision agricole du Canada

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Référence :

Ganchorka c. Agence des services frontaliers du Canada, 2019 CRAC 15

 

Dossiers : CRAC-1976

ENTRE :

GANCHORKA

DEMANDEUR

‑ ET ‑

AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

INTIMÉE

DEVANT :

Marthanne Robson, membre

AVEC :

M. Sergii Ganchorka, le demandeur; et

 

Mme Bria Hearty, représentante de l’Intimée

DATE DE LA DÉCISION :

Le 11 octobre 2019

SUR OBSERVATIONS ÉCRITES SEULEMENT


1. APERÇU

[1] La Commission de révision agricole du Canada est saisie d’une demande de révision des faits, présentée en vertu du paragraphe 9(2) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (Loi sur les SAPMAA), relativement à une violation de l’article 40 du Règlement sur la santé des animaux (RSA).

[2] M. Ganchorka est revenu de l’Ukraine avec du bacon (gras de porc) dans ses bagages. Il a admis ne pas l’avoir déclaré lorsqu’il est passé aux douanes. Un agent des services frontaliers a découvert le bacon dans les bagages de M. Ganchorka et a délivré un avis de violation assorti d’une sanction de 800 $.

[3] M. Ganchorka a demandé à la Commission de l’exempter du paiement de la sanction précisant que le montant était trop élevé, qu’il aidait ses parents malades en Ukraine et qu’il s’agissait de sa première violation. Aucun de ces motifs ne constitue un moyen de défense admissible (excuse juridique valable). La Commission ne peut réduire le montant de la sanction. M. Ganchorka doit payer l’amende de 800 $.

2. CADRE JURIDIQUE

[4] Tous les voyageurs doivent déclarer et de présenter aux fins d’inspection tous les aliments, les végétaux et les produits d’origine animale qu’ils importent au Canada, que l’entrée du produit au pays soit autorisée ou non. Même une seule occurrence de produit d’origine animale non déclaré peut poser un risque grave pour la santé des animaux, l’approvisionnement alimentaire ou le bien-être des humains. L’Agence canadienne d’inspection des aliments établit quels sont les aliments, les végétaux et les produits d’origine animale qui ne peuvent pas être importés au Canada et ceux dont l’entrée est permise avec un permis ou un certificat approprié. Ces renseignements se trouvent dans le Système automatisé de référence à l’importation (SARI) qui est mis à la disposition du public.

[5] Les passagers qui arrivent par avion au Canada doivent remplir et signer une carte de déclaration. Ladite carte indique la mention suivante : « J’apporte (nous apportons) au Canada : […] viande, poisson, fruits de mer, œufs, produits laitiers, fruits, légumes, semences, noix, plantes, fleurs, bois, animaux, oiseaux, insectes, et des parties, produits ou sous-produits quelconque de ce qui précède. » M. Ganchorka a rempli et signé la carte de déclaration et a coché la case « Non » correspondant à cette mention.

[6] Après avoir fait la découverte du bacon dans les bagages de M. Ganchorka, l’agent a consulté la base de données du SARI et a confirmé que le gras de porc cru, le gras de bacon ou le gras de porc provenant de l’Ukraine ne pouvait pas être importé au Canada. L’avis de violation visait l’importation d’un sous-produit animal, à savoir du bacon, sans se conformer aux exigences réglementaires (article 40 du RSA).

[7] Lorsque la Commission procède à une révision des faits d’un avis de violation, l’Agence des services frontaliers du Canada doit prouver tous les éléments constitutifs de la violation (Doyon [1] et article 19 de la Loi sur les SAPMAA). Par la suite, la Commission détermine si M. Ganchorka dispose d’un moyen de défense admissible (excuse juridique valable) pour avoir rapporté du bacon.

3. QUESTIONS EN LITIGE

[8] La présente affaire soulève quatre questions :

  1. Quels sont les éléments constitutifs de la violation que doit prouver l’Agence?
  2. L’Agence a-t-elle prouvé tous les éléments constitutifs de la violation?
  3. M. Ganchorka invoque-t-il un moyen de défense admissible?
  4. La Commission peut-elle réduire le montant de la sanction en l’espèce?

4. ANALYSE

Question 1 : Quels sont les éléments constitutifs de la violation que doit prouver l’Agence?

[9] L’Agence a affirmé qu’il n’y a que deux éléments essentiels afin d’établir une violation :

  1. M. Ganchorka est la personne qui a commis la violation, et
  2. il a importé un sous-produit animal au Canada;

[10] Dans des décisions antérieures, la Cour d’appel fédérale et la Commission ont statué que l’Agence doit prouver des éléments supplémentaires (Doyon [2] et Campbell [3] ):

  1. M. Ganchorka a omis de déclarer le sous-produit animal lors du premier contact avec l’agent de l’Agence et ne l’a donc pas rendu accessible pour une inspection; et
  2. le sous-produit animal n’était visé par aucune des exceptions énumérées à la partie IV duRSA.

Question 2 : L’Agence a-t-elle prouvé tous les éléments constitutifs de la violation?

[11] L’Agence doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il est plus probable que non, que la violation a été commise.

[12] L’Agence a prouvé les éléments a), b) et c). Le passeport et la carte de résident permanent de M. Ganchorka ont confirmé son identité. M. Ganchorka a admis dans une lettre adressée à la Commission qu’il avait importé le bacon et qu’il ne l’avait pas déclaré. Il ne l’a pas déclaré sur la carte de déclaration et il a répondu « non » [notre traduction] lorsque l’agent lui a demandé s’il avait quelque chose à déclarer.

[13] L’Agence n’a pas abordé l’élément d), à savoir s’il y avait des exceptions pouvant s’appliquer en l’espèce. Il est possible d’importer un sous-produit animal si le pays d’origine a confirmé sa sécurité ou si l’agent estime que l’importation du sous-produit animal en question n’entraînera pas l’introduction d’une maladie au Canada. La personne qui importe le sous- produit animal peut également présenter un certificat ou un permis autorisant l’importation du produit au Canada.

[14] L’élément d) s’applique en l’espèce, c’est donc dire que le sous-produit animal n’est visé par aucune des exceptions. L’agent n’a pas demandé à M. Ganchorka s’il avait un permis ou un certificat. M. Ganchorka n’avait pas de permis ni de certificat lui permettant d’importer du bacon au Canada. Une personne ne peut s’exonérer si un tel document est inexistant, et ce même si un agent ne lui a pas demandé si elle possédait un permis ou un certificat (Castillo [4] ).

[15] L’agent s’est appuyé sur l’information contenue dans la base de données du SARI selon laquelle l’entrée au Canada du bacon provenant de l’Ukraine n’est pas autorisée. Ces renseignements ont donné à l’agent des motifs raisonnables de croire que le bacon entraînerait l’introduction d’une maladie au Canada.

[16] L’Agence a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, tous les éléments constitutifs de la violation.

Question 3 : M. Ganchorka invoque-t-il un moyen de défense admissible?

[17] Il y a très peu de moyens de défense qui permettent de justifier l’importation d’un sous- produit animal sans le déclarer. La loi n’autorise pas comme excuse l’erreur de fait raisonnable, par exemple affirmer : [TRADUCTION] «Je ne savais pas que j’étais censé déclarer le gras de bacon. » Ou encore [TRADUCTION] « Je ne savais pas que le bacon se trouvait dans mes bagages. » Il n’est pas possible d’invoquer en défense le fait d’avoir pris les mesures nécessaires, par exemple affirmer : [TRADUCTION] « J’ai essayé de savoir quelles étaient les règles, mais en vain. » (paragraphe 18(1) de la Loi sur les SAPMAA).

[18] La common law autorise depuis longtemps certaines justifications ou excuses (paragraphe 18(2) de la Loi sur les SAPMAA). Voici quelques exemples (voir Doyon [5] ) :

  1. L’erreur de droit provoquée par une personne en autorité : par exemple, une personne en autorité, comme un agent des services frontaliers, a dit à l’intéressé qu’il n’avait pas à déclarer le bacon provenant de l’Ukraine (Jorgensen [6] ).
  2. L’automatisme : l’intéressé, à cause d’une maladie ou d’un choc, n’était pas du tout conscient de ce qu’il faisait et ne pouvait pas déclarer le sous-produit animal (Klevtsov [7] etStone [8] ).
  3. La nécessité : il pourrait y avoir un danger imminent, peut-être même des conséquences funestes, et l’intéressé n’avait pas d’autre choix raisonnable que d’apporter le bacon sans le déclarer (Perka [9] etMaple Lodge [10] ).

[19] Aucune de ces excuses juridiques ne s’applique en l’espèce.

[20] M. Ganchorka a admis qu’il avait apporté du bacon au Canada, qu’il comprenait, qu’il avait tort et qu’il était coupable, mais il estimait que le montant de la sanction était trop élevé. M. Ganchorka a également dit à la Commission que c’était sa première violation. M. Ganchorka est camionneur; il a admis qu’il traversait souvent la frontière. L’agent a confirmé cette information en vérifiant les antécédents de voyage de M. Ganchorka. Les notes de l’agent indiquent que M. Ganchorka a dit qu’il avait déjà rapporté du bacon de l’autre côté de la frontière. Il importe peu qu’il s’agisse ou non d’une première contravention. M. Ganchorka a admis qu’il avait rapporté du bacon au Canada.

[21] M. Ganchorka n’a pas invoqué un moyen de défense admissible.

Question 4 : La Commission peut-elle réduire le montant de la sanction en l’espèce?

[22] M. Ganchorka a demandé à la Commission de réduire le montant de la sanction soutenant que le montant était trop élevé, qu’il aidait ses parents malades en Ukraine et qu’il s’agissait d’une première violation.

[23] D’après les règles de droit, les violations sont qualifiées de mineures, de graves ou de très graves. Apporter un sous-produit animal au Canada sans le déclarer constitue une « infraction grave ». Les règles de droit établissent comme suit le montant des sanctions : 500 $ pour une violation mineure, 800 $ pour une violation grave et 1 300 $ pour une violation très grave (article 4 du Règlement sur les SAPMAA). Ces montants sont fixes.

[24] M. Ganchorka avait la possibilité de payer une sanction moins élevée, soit 400 $, dans les 15 jours suivant la réception de l’avis de violation. Il ne l’a pas fait.

[25] La Commission n’a pas le pouvoir de modifier le montant de la sanction en raison de la situation ou des responsabilités financières d’une personne (Li c. Canada [11] ).

[26] L’Agence a établi tous les éléments constitutifs de la violation de l’article 40 du RSA. M. Granchorka n’a pas invoqué un moyen de défense admissible. La Commission n’a pas le pouvoir de réduire le montant de la sanction concernant la violation en l’espèce.

5. ORDONNANCE

[27] Je conclus que M. Ganchorka a commis la violation indiquée dans l’avis de violation no 4971-17-0064, daté du 16 janvier 2018, et qu’il est tenu de payer la sanction de 800 $ à l’Agence dans les trente (30) jours suivants la date à laquelle M. Ganchorka reçoit la présente décision.

[28] Je tiens par ailleurs à informer M. Ganchorka que cette violation ne constitue pas une infraction criminelle. Cinq ans après la date du paiement de la sanction, il pourra demander au ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire de faire rayer la violation de son dossier, conformément à l’article 23 de la Loi sur les SAPMAA.

Fait à Ottawa (Ontario), en ce 11e jour d’octobre 2019.

(Originale signée)

Marthanne Robson

Membre

Commission de révision agricole du Canada



[5] Doyon, supra note 1.

[6] R. c. Jorgensen, [1995] 4 RCS 55, 1995.

[8] R. c. Stone, [1999] 2 RCS 290, 1999.

[9] Perka c. La Reine, [1984] 2 RCS 232, 1984.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.