Décisions de la Commission de révision agricole du Canada

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

Date :  2018 02 14

Dossier : CART/CRAC‑ 1921

 

Georges Gantcheff,

DEMANDEUR

‑ et ‑

Ministre de la sécurité publique et de la Protection civile,

INTIMÉ

DEVANT :

Luc Bélanger

Président

AVEC :

Me Elizabeth Ouaknine, représentante pour le demandeur et

 

Mme Michèle Hobbs et M. Pierre Dastous, représentants pour l’intimé

Affaire portant sur une demande de révision présentée à la Commission de révision agricole du Canada par le demandeur, conformément au paragraphe 12(2) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, concernant la décision no CS-79149, datée du 21 juillet 2016, par laquelle le délégué du ministre a conclu que le demandeur a violé l’article 16 de la Loi sur la santé des animaux le 2 novembre 2015.

ORDONNANCE SUITE À LA REQUÊTE DU DEMANDEUR POUR PRÉSENTER DE LA NOUVELLE PREUVE LORS DE L’AUDIENCE EN RÉVISION DE LA DÉCISION DU MINISTRE


1. CONFÉRENCE DE GESTION D’INSTANCE DU 11 JANVIER 2018

[1]  Lors de la conférence de gestion d’instance (CGI) du 11 janvier 2018, Me Ouaknine représentait M. Georges Gantcheff (M. Gantcheff) et Mme Michèle Hobbs (Mme Hobbs), de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), représentait le ministre. Durant cet appel, les modalités de la conduite de l’audience ont été établies avec les parties pour l’audience de la Commission de révision agricole du Canada (Commission) qui aura lieu à Montréal (Québec) le 20 février 2018 à 9h30.

[2]  Il a été convenu que l’ASFC, procéderait dans un premier temps, puisqu’elle a le fardeau de la preuve. Me Ouaknine procédera ensuite pour le compte M. Gantcheff.

[3]  Puisqu’il s’agit d’une révision d’une décision d’un délégué du ministre, j’ai expliqué à Me Ouaknine et Mme Hobbs qu’il n’y aurait pas nouvelle preuve documentaire et de témoignage admis lors de l’audience. Durant l’audience, je me baserai uniquement sur la preuve qui était devant le délégué du ministre lors de sa prise de décision.

[4]  De plus, j’ai expliqué qu’il s’agirait d’une analyse nouvelle ou de novo de cette preuve. Par conséquent, je donnerai très peu, voire aucune déférence, à l’analyse de la preuve faite par le délégué du ministre, ainsi qu’à la force probante accordée aux différents éléments de preuve par ce dernier.

[5]  Puisqu’il n’y aurait normalement pas de nouvelle preuve documentaire ou de témoignage lors de l’audience, j’ai expliqué que je n’entendrais que les plaidoiries orales des deux parties en lien avec les éléments de preuve au dossier.

[6]  Lors de la CGI, Me Ouaknine a indiqué vouloir présenter de la nouvelle preuve en forme de témoignage durant l’audience. La Commission s’est alors engagée à fournir à Me Ouaknine les informations nécessaires pour présenter une telle requête.

[7]  Par correspondance transmise par courriel le 25 janvier 2018, la Commission a expliqué à Me Ouaknine les étapes nécessaires pour présenter une requête à cet effet. De plus, un échéancier a été établit pour l’envoi de cette requête ainsi que pour la réponse de l’ASFC.

2. REQUÊTE DE M. GANTCHEFF ET RÉPONSE DE L’ASFC

[8]  Le 5 février 2018, Me Ouaknine a présenté une requête par courriel, demandant l’autorisation de la Commission pour faire témoigner M. Gantcheff et un dénommé Stéphan Thérrien sur « des faits qui ont été dévoilés dans notre appel de la décision ministériel ». Me Ouaknine ne donne aucune autre précision sur la nature de ces faits.

[9]  Dans un courriel envoyé par M. Pierre Dastous le 6 février 2018, l’ASFC s’oppose à la présentation des témoignages.

3. QUESTION EN LITIGE

[10]  Est-ce que M. Gantcheff a rencontré son fardeau quant à la nécessité, la pertinence et l’indisponibilité de la nouvelle preuve par témoignage qu’il désire présenter lors de l’audience ?

[11]  Je suis d’avis que M. Gantcheff n’a pas rencontré le fardeau qui reposait sur lui.

4. PRINCIPE DE DROIT APPLICABLE

[12]  Les pouvoirs que le Parlement a conférés à la Commission pour les révisions des décisions du ministre sont prévus au paragraphe 14(1) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (LSAPAA): « Saisie d’une affaire au titre de la présente loi, la Commission, par ordonnance et selon le cas, […] confirme, modifie ou annule la décision du ministre […] ». La Commission n’exerce donc pas les fonctions d’un décideur de première instance ou d’une cour qui effectue un contrôle judiciaire, mais plutôt celles d’un tribunal administratif spécialisé ou d’appel qui révise des décisions administratives de première instance.

[13]  La LSAPAA prévoit la révision et les recours possibles, mais elle ne précise pas le type de révision que la Commission doit effectuer. Néanmoins, il est clair que la décision de la Commission doit être basée sur celle du délégué du ministre et ne représente pas une nouvelle opportunité pour réentendre toute la preuve au dossier lors d’une audience.

[14]  La Commission a plutôt statué que la loi et la jurisprudence pertinentes préconisent qu’elle effectue une révision administrative en appel de type de novo des décisions du ministre rendues sous le régime de la LSAPAA (voir Hachey Livestock Transport Ltd. c. ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, 2015 CRAC 19, aux paragraphes 28 à 50). La Commission doit donc procéder à l’examen nouveau ou de novo des faits et tirer ses propres conclusions de fait et de droit, en faisant preuve de peu de déférence à l’égard des conclusions et du raisonnement contenus dans la décision du ministre.

[15]  Un examen de novo des faits veut dire que la Commission n’est pas tenue de demander aux parties de présenter à nouveau la preuve. En fait, les parties ne présenteront de nouveaux éléments de preuve qu’en de rares occasions et seulement avec l’autorisation de la Commission en vertu de l’article 44 des Règles de la Commission de révision (Commission de révision agricole du Canada) (Règles) et de l’Avis de pratique no 9.

[16]  En effet, l’article 44 des Règles prévoit qu’aucune nouvelle preuve ne sera présentée lors des révisions de décisions du ministre sans la permission de la Commission. L’Avis de pratique no 9 explique que « …si la présentation de nouveaux éléments de preuve est essentielle à une conclusion fondée sur les faits et peut modifier cette conclusion, la Commission envisagera de les admettre, mais elle évaluera d’abord s’ils sont pertinents quant au dossier et s’ils étaient déjà accessibles. ».

[17]  L’exercice entrepris par la Commission lorsqu’elle procède à la révision d’une décision du ministre l’oblige à examiner de manière approfondie et à prendre en considération la preuve qui a été produite, sa pertinence et sa valeur probante, les conclusions de fait tirées par le ministre et toutes les conclusions de fait additionnelles, le cas échéant, qui seraient nécessaires pour régler l’affaire. La Commission doit aussi appliquer les règles de droit appropriées aux conclusions factuelles de l’affaire pour déterminer si la décision du ministre devrait être confirmée, modifiée ou annulée.

[18]  En conclusion, à la lumière de l’article 14 de la LSAPAA, l’article 44 des Règles, de l’Avis de pratique no 9 et de la jurisprudence de la Commission, la nouvelle preuve ne sera admise que dans des circonstances exceptionnelles.

5. ANALYSE

[19]  Puisque Me Ouaknine, pour le compte de M. Gantcheff, a présenté une requête pour faire entendre de la nouvelle preuve, sous forme de témoignages à l’audience. Me Ouaknine avait le fardeau d’établir la nécessité, la pertinence et la disponibilité de cette preuve lors de la révision effectuée par le ministre. Les très brèves explications de Me Ouaknine au soutien de cette requête ne rencontrent pas ce fardeau.

6. ORDONNANCE

[20]  La requête Me Ouaknine, pour le compte de M. Gantcheff, pour présenter de la nouvelle preuve, sous forme de témoignages, lors de l’audience est rejetée.

[21]  L’audience procédera avec les plaidoiries orales de l’ASFC. Me Ouaknine procédera ensuite pour le compte M. Gantcheff, tel que convenu lors de la CGI du 11 janvier 2018. Les plaidoiries orales des deux parties se baseront sur le dossier et la preuve qui était devant le délégué du ministre au moment de sa prise de décision.

Fait à Ottawa, Ontario, en ce 14ième jour du mois de février 2018.

(Originale signée)

Luc Bélanger

Président

Commission de révision agricole du Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.