Décisions de la Commission de révision agricole du Canada

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Référence :

Rizk  c.  Canada  (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) 2018  CRAC  13

Date :  2018 11 07

Dossier : CART/CRAC‑ 1997

ENTRE :

Nada Rizk ,

DEMANDERESSE

‑ et ‑

 Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile,

INTIMÉ

DEVANT :

Luc Bélanger

Président

AVEC :

Nada Rizk, pour son propre compte ; et

 

Michèle Hobbs , représentante de l’intimé

Affaire intéressant une demande de révision présentée à la Commission de révision agricole du Canada, par la demanderesse conformément à l’alinéa 13(2)b) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, concernant la décision par laquelle le ministre a conclu que la demanderesse avait enfreint le paragraphe 16(1) du Règlement sur la santé des animaux.

DÉCISION

La Commission de révision agricole du Canada STATUE, par ordonnance, que la demande de révision de la décision du ministre n°18‑00007, datée du 16 août 2018, présentée par la demanderesse, soit déclarée IRRECEVABLE et soit, conformément à la présente ordonnance, REJETÉE.

 


MOTIFS  2

I. APERÇU  2

II. CONTEXTE  3

III. QUESTION EN LITIGE  3

IV. ANALYSE  3

V. ORDONNANCE  6

MOTIFS

 I.  APERÇU

[1]  Nada Rizk (demanderesse) a demandé à la Commission de révision agricole du Canada (Commission) de réviser la décision n°18‑00007 (décision du ministre) du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (ministre). L'Agence des services frontaliers du Canada (Agence) avait émis le procès-verbal n°4312‑17‑0198 assorti d'une sanction de 1 300 $ pour violation du paragraphe 16(1) du Règlement sur la santé des animaux, (RSA) ce qui avait été confirmé par le ministre dans sa décision.

[2]  La demande de révision est un droit accordé par le législateur aux demandeurs pour qu’ils puissent faire réviser les procès-verbaux ou les décisions du ministre concernant les procès-verbaux par un organisme indépendant, à peu de frais et sans avoir à y consacrer beaucoup de temps. Toutefois, l’accomplissement de tout le processus, notamment le dépôt des actes de procédure, l’audience et l’élaboration de la décision, exige tout de même de toutes les parties un investissement substantiel en temps et en argent. C’est pourquoi le législateur impose à la partie demanderesse des exigences de base à respecter afin de préserver leur droit.

[3]  Pour que la présente demande soit admissible, la demanderesse doit répondre aux critères énoncés dans la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (LSAPAA), le Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (RSAPAA) et les Règles de la Commission de révision (Commission de révision agricole du Canada) (Règles de la Commission).

[4]  La seule question à trancher en l’espèce consiste donc à déterminer si la demanderesse a respecté ces critères.

  II.  CONTEXTE

[5]  Le 6 septembre 2018, la Commission a reçu une lettre de la demanderesse, par courrier ordinaire, lui demandant de réviser et d'annuler la décision du ministre.

[6]  Dans une lettre datée du 13 septembre 2018, envoyée à la demanderesse par courriel le même jour, la Commission a accusé réception de la lettre de la demanderesse et lui a demandé de se conformer entièrement à l'article 47 des Règles de la Commission.

[7]  Le 26 septembre 2018, la Commission a reçu la demande de révision de la demanderesse par courrier recommandé.

[8]  Le 27 septembre 2018, l'Agence a remis à la Commission une copie d'un récépissé de Postes Canada indiquant le 20 août 2018 comme date de livraison.

 III.  QUESTION EN LITIGE

[9]  La seule question à trancher en l’espèce est la suivante : la demanderesse a-t-elle répondu aux critères de recevabilité afin de permettre à la Commission de se prononcer sur sa demande de révision?

  IV.  ANALYSE

[10]  La Commission est un tribunal expert et indépendant constitué par le Parlement en vertu du paragraphe 4.1(1) de la Loi sur les produits agricoles au Canada (LPAC). Elle a compétence pour répondre aux demandes de révision de décisions découlant de l’imposition de sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire.

[11]  La LSAPAA, le RSAPAA et les Règles de la Commission exigent que la Commission statue sur la recevabilité des demandes de révision présentées par les demandeurs avant de procéder à l’instruction complète de l’affaire. Il y aura irrecevabilité absolue lorsqu’un demandeur a déjà payé la sanction jointe au procès-verbal ou n’a pas déposé sa demande de révision dans le délai prescrit et selon les modalités prévues par la LSAPAA et le RSAPAA.

[12]  L’alinéa 13a) et le paragraphe 14(1) du RSAPAA précisent le délai applicable, ainsi que les modes de transmission autorisés pour le dépôt devant la Commission d’une demande de révision portant sur les faits de la violation :

13 Lorsqu’une personne reçoit une notification indiquant que le ministre saisi de la contestation a déterminé qu’elle a commis une violation :

a) le délai applicable pour demander à la Commission de l’entendre sur la décision du ministre est de quinze jours suivant la date de notification et la demande est présentée par écrit;

14 (1) Une personne peut présenter une demande prévue aux articles 11, 12 ou 13 en la livrant en mains propres ou en l’envoyant par courrier recommandé ou par messagerie, ou par télécopieur ou autre moyen électronique, à une personne et à un lieu autorisés par le ministre.

[13]  La Cour d’appel fédérale (CAF) a donné à ces dispositions une interprétation très stricte ne permettant pas la transmission par courrier ordinaire d’une demande de révision. Dans le Renvoi relatif à l'article 14 du Règlement sur les sactions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimnetaire 2012 CAF 130 (Renvoi relatif à l'article 14 du RSAPAA), la CAF a écrit ce qui suit :

[22] À mon avis, l’article 14 ne saurait être interprété comme autorisant le courrier ordinaire comme moyen de transmettre une demande. Le paragraphe 9(2) de la Loi prévoit qu’une personne peut demander à la Commission de l’entendre sur les faits reprochés « dans le délai et selon les modalités réglementaires ». L’article 14 du Règlement ne prévoit tout simplement pas que le courrier ordinaire constitue une façon de présenter une demande à la Commission.

[…]

[25] Je conclus donc qu’on ne peut interpréter l’article 14 comme englobant le courrier ordinaire comme mode de transmission autorisé […].

[14]  En outre, les délais prévus pour déposer une demande de révision, fixés par la LSAPAA et le RSAPAA, ne peuvent être prolongés par la Commission. Ce principe a aussi été retenu par la CAF dans l’arrêt Clare c. Canada (Procureur général), 2013 CAF 265 (Clare). Dans cet arrêt, la CAF s’est exprimée ainsi :

[29] […] La Commission n’a pas le pouvoir de le dispenser des délais précis fixés par la Loi et le règlement SAPMAA.

[15]  Les deux extraits de causes cités ci-dessus s’appliquent directement à la situation de la demanderesse en ce qui concerne le dépôt à la Commission de la présente demande de révision. Le délai prévu par la loi dans lequel la demanderesse peut transmettre une demande de révision au moyen d’une méthode de transmission autorisée était de 15 jours suivant la notification de la décision du ministre.

[16]  Selon le récépissé fourni par l'Agence, la décision du ministre aurait été reçue le 20 août 2018. Comme aucune date d'envoi n'est indiquée sur le récépissé, la Commission doit se fonder sur cette date de livraison pour déterminer la date de la notification. Conformément au paragraphe 9(2) du RSAPAA, « [un] document envoyé par courrier recommandé est notifié le 10e jour suivant la date indiquée sur le récépissé du bureau de poste ». Cela a été confirmé par la CAF dans l’arrêt Adebogun c. Canada (Procureur général), 2017 CAF 242. Ainsi, la décision du ministre est réputée avoir été notifiée le 30 août 2018.

[17]  Par conséquent, le dernier jour où la demanderesse pouvait déposer une demande de révision à la Commission était le vendredi 14 septembre 2018.

[18]  La première communication de la demanderesse a été reçue par la Commission le 6 septembre 2018, ce qui respecte le délai de 15 jours prévu pour le dépôt d’une demande de révision. Malheureusement, cette communication a été envoyée par courrier ordinaire. D’après la CAF dans l’arrêt Renvoi relatif à l'article 14 du RSAPAA, cette lettre ne répond pas aux exigences prévues à la LSAPAA et au RSAPAA et, par conséquent, ne constitue pas une méthode valide de dépôt de la demande de révision.

[19]  Bien qu’elle ait été envoyée par courrier recommandé, un mode de transmission autorisé, la seconde communication de la demanderesse estampillée par Postes Canada en date du 19 septembre 2018, a été transmise bien au-delà du délai de 15 jours prévu par la loi. Par conséquent, elle ne peut constituer une demande de révision valide présentée à la Commission.

[20]  Puisque la première lettre de la demanderesse n’a pas été transmise selon l’un des modes de transmission autorisés et que la seconde lettre n’a pas été transmise dans le délai prévu, la demanderesse n’a présenté aucune demande de révision valide à la Commission. Malheureusement, dans les deux cas, la demanderesse n’a pas respecté les exigences prévues à la LSAPAA et au R SAPAA. Cette situation ne peut être corrigée par la Commission ou par la demanderesse, compte tenu de l’interprétation stricte qui a été faite par la CAF dans les arrêts Renvoi relatif à l'article 14 du R SAPAA et Clare précités.

[21]  Même si le résultat est dur et peut paraître injuste, la demande de révision de la demanderesse est irrecevable parce qu’elle n’a pas été présentée dans le délai prescrit par la loi et selon un mode de transmission autorisé.

  V.  ORDONNANCE

[22]  Par conséquent, la Commission STATUE, par ordonnance, que la demande de révision de la demanderesse relativement à la décision n°18‑00007 du ministre est irrecevable. Conformément au paragraphe 9(3) de la LSAPAA, la demanderesse est donc réputée avoir commis la violation qui lui est reprochée dans le procès‑verbal n°4312‑17‑0198 et doit payer à l’Agence la sanction pécuniaire de 1 300 $ dans les trente (30) jours de la notification de la présente décision.

[23]  Si elle le souhaite, la demanderesse peut communiquer directement avec les représentants de l’Agence pour savoir s’ils conviendraient d’un échéancier raisonnable pour le paiement de la sanction pécuniaire.

[24]  La Commission informe la demanderesse que cette violation n’est pas un acte criminel. Dans cinq ans, la demanderesse pourra demander au ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire que cette violation soit rayée de son dossier, en vertu de l’article 23 de la LSAPAA.

Fait à Ottawa (Ontario), en ce 7e jour du mois de novembre 2018.

 

Luc Bélanger

Chairperson

Canada Agricultural Review Tribunal

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