Décisions de la Commission de révision agricole du Canada

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Référence :

Campbell c. Canada (Agence des services frontaliers du Canada), 2018 CRAC 4

Date :  2018 05 25

Dossier : CART/CRAC‑ 1947

ENTRE :

Camille Campbell ,

DEMANDERESSE

‑ et ‑

Agence des services frontaliers du Canada,

INTIMÉ(E)

[Traduction de la version officielle en anglais]

DEVANT :

Luc Bélanger

Président

AVEC :

M me Camille Campbell , s’est représentée elle-même ;

 

M me Valérie Larocque et M. Pierre Dastous , représentants de l’intimée

Affaire intéressant une demande de révision des faits présentée par la demanderesse à la Commission de révision agricole du Canada conformément à l’alinéa 9(2)c) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire, relativement à une violation de l’article 40 du Règlement sur la santé des animaux.

DÉCISION

Sur consentement des deux parties, la Commission de révision agricole du Canada STATUE, par ORDONNANCE, que le procès-verbal no 4971-17-0176, assorti d’une sanction de 800 $, est amendé, pour un procès-verbal assorti d’un avertissement et que la demanderesse, Camille Campbell, a commis la violation énoncée dans le procès-verbal amendé.

L’audience a eu lieu à Niagara Falls (Ontario)

Le mardi 12 décembre 2017

 


MOTIFS DE LA DÉCISION  2

I. Contexte  2

II. Questions en litige  3

III. Compétence et pouvoirs  3

IV. Analyse  4

Question no 1 : L’Agence a-t-elle prouvé chacun des éléments de la violation de l’article 40 du Règlement SA?  4

Question no 2 : Mme Campbell a-t-elle établi l’existence d’une défense admissible?  7

Question no 3 : La Commission peut-elle rendre une ordonnance modifiant un procès-verbal assorti d’une sanction à un procès-verbal assorti d’un avertissement, en application du paragraphe 14(1) de la LSAPAA?  7

V. Application du droit aux faits  9

VI. Ordonnance  10

MOTIFS DE LA DÉCISION

I.  Contexte

[1]  Il s’agit d’un procès-verbal assorti d’une sanction de 800 $ que l’Agence des services frontaliers du Canada (l’Agence) a émis à Mme Camille Campbell le 9 mars 2017 à l’aéroport international Pearson, à Toronto, pour une violation alléguée de l’article 40 du Règlement sur la santé des animaux (Règlement SA), relativement à l’importation de galettes de viande d’origine jamaïcaine.

[2]  Mme Campbell a demandé à la Commission de révision agricole du Canada de réviser le procès-verbal no 4974-17-0176 qui lui a été émis.

[3]  À l’audience, tenue le 12 décembre 2017, l’Agence s’est acquittée avec succès du fardeau de preuve qui lui incombait aux termes de l’article 19 de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire (LSAPAA) en établissant, selon la prépondérance des probabilités, chacun des éléments constitutifs qui sous-tendaient la violation de l’article 40 du Règlement SA.

[4]  Dans son témoignage devant la Commission, Mme Campbell s’est exprimée avec honnêteté et remords quant au fait d’avoir commis une erreur et elle a assumé la responsabilité de son geste, à savoir le fait de ne pas avoir dûment déclaré les galettes de viande lors de son premier contact avec des agents de l’Agence. Elle a également reconnu que, en raison de la nature de la législation applicable, le fait d’avoir importé par erreur le produit de viande n’était pas une excuse.

[5]  Lors de ses observations finales, l’Agence a proposé que la Commission envisage de changer, par voie de modification, le procès-verbal no 4974-17-0176 assorti d’une sanction de 800 $ pour un procès-verbal assorti d’un avertissement. L’Agence a présenté cette offre, disant croire que Mme Campbell avait reconnu son erreur, qu’elle avait assumé la responsabilité de son acte et que l’on avait ainsi préservé l’intégrité du programme protégeant la chaîne d’approvisionnement alimentaire canadienne.

[6]  Dans ses observations finales, Mme Campbell a remercié l’Agence pour ce geste et a souscrit à sa proposition.

[7]  Je considérerai la proposition de l’Agence comme une offre de règlement à laquelle les deux parties ont souscrit.

II.  Questions en litige

[8]  La présente affaire soulève trois questions :

  1. L’Agence a-t-elle prouvé chacun des éléments de la violation de l’article 40 du Règlement SA?
  2. Mme Campbell a-t-elle établi l’existence d’une défense admissible?
  3. La Commission peut-elle modifier un procès-verbal assorti d’une sanction à un procès-verbal assorti d’un avertissement, en application du paragraphe 14(1) de la LSAPAA?

III.  Compétence et pouvoirs

[9]  La Commission est un organe expert et indépendant constitué par le législateur fédéral en vertu du paragraphe 4.1(1) de la Loi sur les produits agricoles au Canada (LPAC), et sa compétence consiste à répondre aux demandes de révision relatives à l’imposition de sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire.

[10]  Un grand nombre des pouvoirs généraux de la Commission sont énoncés à l’article 8 de la LPAC :

8 (1) Le Conseil et la Commission sont des cours d’archives; ils ont chacun un sceau officiel, dont l’authenticité est admise d’office.

(2) En outre, le Conseil et la Commission ont, pour la comparution, la prestation de serment et l’interrogatoire des témoins, ainsi que pour la production et l’examen des pièces, l’exécution de leurs décisions et toutes autres questions relevant de leur compétence, les pouvoirs et attributions d’une juridiction supérieure d’archives. […]

[Caractères gras ajoutés.]

[11]  Le paragraphe 12(1) de la LPAC mentionne aussi :

Le Conseil a compétence exclusive pour les litiges visés à l’article 9 et la Commission a compétence exclusive pour les affaires visées par la présente loi et la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire.

[12]  Ces pouvoirs comportent nécessairement la capacité de trancher toutes les questions que soulèvent les parties et de donner effet, le cas échéant, aux propositions de règlement auxquelles ces dernières souscrivent.

[13]  La LSAPAA a pour objet de créer, comme solution de rechange au régime pénal et comme complément aux autres mesures d’application déjà existantes, un « régime juste et efficace de sanctions administratives pécuniaires » (article 3 de la LSAPAA).

[14]  Par ailleurs, les Règles de la Commission de révision (Commission de révision agricole du Canada) (les Règles) mentionnent ceci :

3. Les présentes règles sont interprétées et appliquées de façon à permettre un déroulement de toute instance qui soit juste, le plus expéditif et le moins onéreux possible.

4. La Commission tranche toute question de procédure qui n’est pas prévue par les présentes règles, en conformité avec celles-ci.

[15]  Les pouvoirs de la Commission doivent être prévus par sa loi habilitante ou, subsidiairement, ils doivent être de fait nécessaires à la réalisation de l’objectif du régime législatif (voir l’arrêt ATCO Gas & Pipelines Ltd. c. Alberta (Energy & Utilities Board), 2006 CSC 4, au paragraphe 51).

IV.  Analyse

Question no 1 : L’Agence a-t-elle prouvé chacun des éléments de la violation de l’article 40 du Règlement SA?

[16]  La Cour d’appel fédérale (CAF) a confirmé que les organismes d’application de la loi ont le fardeau de prouver chacun des éléments constitutifs d’une violation alléguée selon la prépondérance des probabilités (voir Doyon c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 152, au paragraphe 42 [Doyon]).

[17]  Pour déterminer les éléments constitutifs d’une violation particulière, la Commission est guidée par l’approche de la CAF, laquelle consiste à extraire les éléments requis du texte législatif de la disposition qui établit la violation (Doyon, au paragraphe 41).

[18]  L’article 40 du Règlement SA mentionne :

Il est interdit d’importer un sous-produit animal, du fumier ou une chose contenant un sous-produit animal ou du fumier, sauf en conformité avec la présente partie.

[19]  L’Agence a énoncé deux éléments constitutifs qu’il était nécessaire de prouver pour qu’il y ait violation de l’article 40 du Règlement SA, soit :

  • élément no 1 Mme Campbell est la personne qui a commis la violation;
  • élément no 2 – Mme Campbell a importé un sous-produit animal au Canada.

[20]  Je suis d’avis que les éléments constitutifs qu’a évoqués l’Agence pour établir la violation de l’article 40 du Règlement SA, sont insuffisants. Une interprétation stricte des deux éléments constitutifs que l’Agence a invoqués, en tant que fardeau de preuve, serait susceptible de mener à un résultat absurde, à savoir que l’on considérerait quand même qu’une personne ayant dûment déclaré son sous-produit animal aurait commis une violation de l’article 40 du Règlement SA. Un tel résultat irait à l’encontre des enseignements de la CAF, dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Savoie-Forgeot, 2014 CAF 26 (Savoie Forgeot), au paragraphe 18 :

Il s’ensuit que, dans les cas où une personne déclare qu’elle a en sa possession des sous-produits animaux et les rend accessibles pour une inspection, il ne faudrait pas conclure qu’elle a violé l’article 40 du Règlement. […]

[21]  La CAF, dans les deux arrêts Savoie-Forgeot et Agence des services frontaliers du Canada c. Castillo, 2013 CAF 271 (Castillo), a fourni d’autres indications au sujet de la composition des éléments constitutifs qui sous-tendent une violation de l’article 40 du Règlement SA.

[22]  Dans l’arrêt Savoie-Forgeot, au paragraphe 16, la CAF a décrit le fardeau dont l’Agence devait s’acquitter dans le cas d’une violation de l’article 40 du Règlement SA  :

[…] En l’espèce, l’ASFC avait donc l’obligation de prouver que Mme Savoie-Forgeot « a importé » au Canada un sous-produit animal qui n’était pas visé par l’une des exceptions énoncées à la Partie IV du Règlement.

[Caractères gras ajoutés.]

[23]  Dans l’arrêt Castillo, où il était question de poulet frit importé par un voyageur du Salvador, la CAF a énuméré, au paragraphe 14 de la décision, les exceptions possibles qui figurent à la partie IV du Règlement SA et qui pourraient s’appliquer à une violation de l’article 40 :

La partie IV du Règlement sur la santé des animaux permet l’importation du Salvador de sous-produits animaux dans quatre circonstances :

1)   lorsque l’importateur présente un document signé par un fonctionnaire du gouvernement du pays d’origine qui atteste que le sous-produit répond à certaines exigences de sécurité (alinéa 41(1)c));

2)   lorsque l’inspecteur a des motifs raisonnables de croire que l’importation du sous-produit animal n’entraînera pas l’introduction d’une maladie au Canada (paragraphe 41.1(1));

3)   lorsque l’importateur présente un document qui expose le traitement qu’a subi le sous-produit et que l’inspecteur a des motifs raisonnables de croire (d’après le document, les renseignements qui y figurent et tout autre renseignement pertinent dont il dispose, y compris, le cas échéant, les résultats de l’inspection du sous-produit) que l’importation de celui-ci n’entraînera pas, ou qu’il est peu probable qu’elle entraîne, l’introduction d’une maladie (paragraphe 52(1));

4)   lorsque le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire a délivré un permis autorisant l’importation du sous-produit animal (paragraphe 52(2) et article 160);

[24]  De plus, dans l’arrêt Savoie-Forgeot, la CAF a conclu qu’il fallait que l’Agence prouve l’omission de déclarer un sous-produit animal, ce qui empêchait ainsi de le rendre accessible pour une inspection (aux paragraphes 18 et 19). Plus précisément, la CAF a déclaré ce qui suit, au paragraphe 19 :

[…] les personnes qui ne déclarent pas les sous-produits animaux qu’elles ont en leur possession et qui ne les rendent donc pas accessibles pour une inspection contreviennent à l’article 40 du Règlement. En ce qui les concerne, l’omission de faire leur déclaration signifie que le processus d’importation est terminé, car, en raison de leur omission, elles ont privé l’agent de l’occasion d’inspecter les articles et elles l’ont également empêché d’exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré au paragraphe 41.1(1) du Règlement de leur permettre de conserver ces articles. […]

[25]  En outre, dans l’arrêt Savoie-Forgeot, au paragraphe 25, la CAF a énoncé ceci :

Il convient de souligner que la divulgation de marchandises et la démarche visant à les rendre disponibles en vue de leur inspection devraient être effectuées au premier contact avec les représentants des douanes, et non ultérieurement, lorsqu’une fouille semble imminente ou qu’elle est en cours. Il n’est pas permis à un voyageur de jouer sur ses chances de ne pas être dirigé vers un poste de fouille secondaire et de déclarer des produits seulement s’il semble évident qu’ils seront découverts à la suite d’une fouille. […]

[Caractères gras ajoutés.]

[26]  Compte tenu des directives que donne la CAF dans les arrêts Savoie-Forgeot et Castillo, je suis d’avis que, dans le contexte des voyageurs, les éléments constitutifs d’une violation de l’article 40 du Règlement SA devraient inclure chacun des quatre éléments suivants :

  • élément no 1 Mme Campbell est la personne qui a commis la violation;
  • élément no 2 Mme Campbell a importé un sous-produit animal au Canada;
  • élément no 3 le sous-produit animal n’était visé par aucune des exceptions énumérées à la partie IV du Règlement SA;
  • élément no 4 Mme Campbell a omis de déclarer le sous-produit animal lors de son premier contact avec des agents de l’Agence et ne l’a donc pas rendu accessible pour une inspection.

[27]  L’élément no 1 a été établi par l’Agence au moyen de la copie du passeport de Mme Campbell qu’elle a fourni dans son rapport, et cette dernière ne conteste pas cet élément.

[28]  L’élément no 2 a été établi par les photographies et l’étiquette du produit, ainsi que par les propres admissions de Mme Campbell.

[29]  L’élément no 3 a été établi par l’imprimé du Système automatisé de référence à l’importation qui été fourni dans le rapport de l’Agence et qui indique qu’il y a lieu de refuser l’importation de la viande de la Jamaïque et que cette viande ne tombe donc sous le coup d’aucune des exceptions énumérées à la partie IV du Règlement SA.

[30]  Enfin, l’élément no 4 est établi par la copie de la carte de déclaration douanière de Mme Campbell, qui démontre que cette dernière a répondu « non » à la question relative aux produits agricoles. Mme Campbell ne conteste pas non plus que les galettes de viande n’ont pas été déclarées avant qu’elle se trouve devant l’agent de l’Agence qui était sur le point d’inspecter ses bagages. Comme l’a expliqué la CAF dans l’arrêt Savoie-Forgeot, la divulgation d’articles alimentaires devrait être effectuée au premier contact avec les agents de l’Agence, et non ultérieurement, lorsqu’une fouille semble imminente ou qu’elle est en cours (au paragraphe 25).

Question no 2 : Mme Campbell a-t-elle établi l’existence d’une défense admissible?

[31]  Dans l’arrêt Doyon, au paragraphe 11, la CAF a confirmé que : « [Les violations de la Loi] sont sources de responsabilité absolue pour laquelle, comme l’énonce l’article 18 [de la Loi sur les SAPMAA], il ne peut être opposé une défense de diligence raisonnable ou d’erreur de fait raisonnable […] ».

[32]  Les défenses qu’invoque Mme Campbell se rangent dans la catégorie des défenses de diligence raisonnable et d’erreur de fait raisonnable, lesquelles sont explicitement exclues par le paragraphe 18(1) de la LSAPAA.

[33]  Mme Campbell a aussi plaidé en faveur de la clémence à l’audience et dans ses observations écrites, reconnaissant qu’en ramenant les galettes de bœuf et en ne se rendant pas compte qu’il était nécessaire de les déclarer elle était responsable de son erreur. Elle a aussi souligné que la sanction imposée de 800 $ était extrêmement sévère, compte tenu du fait qu’elle avait commis une erreur.

[34]  Malheureusement, la Commission n’est pas habilitée par la loi à modifier ou annuler, pour des raisons d’ordre circonstanciel, humanitaire ou financier, la sanction imposée.

[35]  Lors de leurs observations finales, l’Agence et Mme Campbell ont convenu, d’une part, de demander à la Commission une ordonnance changeant, par voie de modification, le procès-verbal assorti d’une sanction de 800 $ pour un procès-verbal assorti d’un avertissement et, d’autre part, que Mme Campbell admettrait avoir commis la prétendue violation.

Question no 3 : La Commission peut-elle rendre une ordonnance modifiant un procès-verbal assorti d’une sanction à un procès-verbal assorti d’un avertissement, en application du paragraphe 14(1) de la LSAPAA?

[36]  Je suis d’avis que le paragraphe 14(1) de la LSAPAA n’habilite pas la Commission à changer, par voie de modification, un procès-verbal assorti d’une sanction pour un procès-verbal assorti d’un avertissement. La Commission a néanmoins le pouvoir, par déduction nécessaire et par nécessité pratique, de donner effet à l’entente de règlement.

[37]  Les parties ont donc invité la Commission à exercer ses pouvoirs et à rendre l’ordonnance souhaitée.

[38]  En demandant à la Commission de rendre cette ordonnance, l’Agence a fait référence au pouvoir que confère à la Commission le paragraphe 14(1) de la LSAPAA :

14 (1) Saisie d’une affaire au titre de la présente loi, la Commission, par ordonnance et selon le cas, soit confirme, modifie ou annule la décision du ministre, soit détermine la responsabilité du contrevenant; en outre, si elle estime que le montant de la sanction n’a pas été établi en application des règlements, elle y substitue le montant qu’elle juge conforme. Elle fait notifier l’ordonnance à l’intéressé et au ministre.

[Caractères gras ajoutés.]

[39]  Une interprétation correcte du paragraphe 14(1) de la LSAPAA ne doit pas se limiter à une analyse purement textuelle de la disposition; elle doit aussi tenir compte du contexte et de l’objet du régime législatif pertinent (Canada (PGC) c. Stanford, 2014 CAF 234, au paragraphe 46).

[40]  Le demandeur qui reçoit un procès-verbal délivré en vertu de la LSAPAA peut demander au ministre ou à la Commission de procéder à une révision de première instance (al. (9(2)b) et c) de la LSAPAA). Le demandeur qui opte pour que le ministre procède à la révision de première instance peut ensuite demander à la Commission de réviser la décision de première instance du ministre (par. 12(2) et 13(2) de la LSAPAA).

[41]  Le paragraphe 14(1) de la LSAPAA s’applique dans les cas où c’est la Commission qui révise une décision de première instance du ministre. Cette interprétation est étayée par le renvoi, dans la version anglaise de cette disposition, aux articles 12 et 13 de la LSAPAA, qui portent sur les pouvoirs du ministre en matière de révision de première instance. Dans la présente affaire, la Commission ne révise pas une décision du ministre; elle procède plutôt à la révision de première instance d’un procès-verbal.

[42]  Lorsqu’elle révise une décision du ministre, la Commission a le pouvoir de la confirmer, de la modifier ou de l’annuler. Le pouvoir de confirmer ou d’annuler la décision du ministre est relativement simple et revient à confirmer ou à rejeter les conclusions de fait ou de droit que le ministre ou son représentant a tirées.

[43]  Le pouvoir de modifier une décision du ministre s’apparente à celui de corriger un procès-verbal, lequel pouvoir figure au paragraphe 14(1) de la LSAPAA. La Commission peut confirmer qu’une violation a été commise, mais modifier le montant de la sanction qu’a fixée le délégué du ministre, si ce montant n’a pas été établi d’une manière conforme au Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire (RSAPAA).

[44]  Dans le même ordre d’idées, pour ce qui est de la révision de première instance d’un procès-verbal, comme c’est le cas en l’espèce, le paragraphe 14(1) de la LSAPAA prévoit que la Commission peut corriger le montant de la sanction si elle estime qu’il n’a pas été établi d’une manière conforme au RSAPAA.

[45]  Le paragraphe 7(2) de la LSAPAA confère à un agent verbalisateur le pouvoir discrétionnaire de dresser un procès-verbal qui comporte soit un avertissement, soit une sanction établie en application du règlement. Le libellé de l’article 7 donne à penser que le pouvoir qu’a la Commission de corriger un procès-verbal, lequel pouvoir est prévu au paragraphe 14(1) de la LSAPAA, se limite aux situations dans lesquelles le procès‑verbal assorti d’une sanction n’est pas dressé en application du règlement. La Commission peut corriger un procès-verbal qui ne respecte pas l’article 5 du RSAPAA ou les tableaux relatifs à la cote de gravité et au rajustement des sanctions qui figurent aux annexes 2 et 3 du RSAPAA.

[46]  C’est donc dire que le paragraphe 14(1) de la LSAPAA ne confère pas expressément à la Commission le pouvoir de changer, par voie d’amendement, un procès‑verbal assorti d’une sanction pour un procès-verbal assorti d’un avertissement.

[47]  Néanmoins, les pouvoirs de la Commission ne se limitent pas seulement à l’article 14 de la LSAPAA; ils figurent aussi aux articles 8 et 12 de la LPAC (précités).

[48]  En se fondant sur une interprétation des pouvoirs particuliers que lui confèrent la LPAC et la LSAPAA, ainsi que sur les pouvoirs dont elle dispose par déduction nécessaire, la Commission a amendé des procès-verbaux à la suite de requêtes présentées par des organismes d’application de la loi (voir Knezevic c. Canada (ASFC), 2011 CRAC 21, au paragraphe 10, et Dai c. Canada (ASFC), 2012 CRAC 8, au paragraphe 12) et, à l’occasion, avec le consentement des demandeurs (voir, par exemple, Kropelnicki c. Canada (ACIA) 2010 CRAC 22, au paragraphe 5).

[49]  Au moment d’exercer ce pouvoir d’amendement, la Commission s’est principalement souciée du fait de savoir si l’amendement causerait un préjudice aux demandeurs, particulièrement à leur droit de connaitre la preuve contre eux. Dans les circonstances, comme les deux parties consentent à ce que l’on amende le procès-verbal, cette question n’est pas particulièrement pertinente.

V.  Application du droit aux faits

[50]  Je suis conscient que la Commission n’est mandatée que pour exercer les pouvoirs que la loi lui confère ou qui, par nécessité pratique et par déduction nécessaire, découlent du pouvoir réglementaire qui lui est conféré.

[51]  Dans ce contexte, que faudrait-il faire pour assurer le déroulement le plus juste et le plus efficace de l’instance, compte tenu des pouvoirs et de la compétence de la Commission?

[52]  L’audience a maintenant eu lieu et les parties consentent à ce qu’on change, par voie d’amendement, le procès-verbal assorti d’une sanction pour un procès-verbal assorti d’un avertissement. Il est important de signaler que, pour la demanderesse, Mme Campbell, le fait de souscrire à un procès-verbal assorti d’un avertissement constitue quand même un aveu de responsabilité.

[53]  Je conclus que l’issue la plus juste et la plus efficace en l’espèce consiste à changer, par voie d’amendement, le procès-verbal assorti d’une sanction de 800 $ pour un procès-verbal assorti d’un avertissement, conformément à l’offre de règlement qui a été acceptée.

VI.  Ordonnance

[54]  Par conséquent, je STATUE, par ordonnance, que le procès-verbal no 4971-17-0176, assorti à l’origine d’une sanction de 800 $, est amendé à un procès-verbal assorti d’un avertissement.

[55]  Je conclus que Mme Campbell a commis la violation alléguée dans le procès-verbal; cependant, aucune sanction n’est due à l’Agence par suite de cette conclusion.

[56]  Je tiens à informer Mme Campbell que la violation en question n’est pas une infraction criminelle. Dans cinq ans, elle pourra demander au ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire de rayer la violation du dossier qu’il tient, conformément à l’article 23 de la LSAPAA.

Fait à Ottawa (Ontario), ce 25e jour de mai 2018.

 

Luc Bélanger

Président

Commission de révision agricole du Canada

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