Décisions de la Commission de révision agricole du Canada

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Référence :

Atkinson c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2018 CRAC 3

Date :  2018 03 29

Dossier : CART/CRAC‑ 1957

ENTRE :

Natasha Atkinson ,

DEMANDERESSE

‑ et ‑

Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile,

INTIMÉ(E)

[Traduction de la version officielle en anglais]

DEVANT :

Luc Bélanger

Président

AVEC :

M me Natasha Atkinson, s’est représentée elle-même ;

 

M me Valerie Larocque , représentante pour l’intimée

Affaire intéressant une demande de révision des faits présentée par la demanderesse au ministre en vertu de l’alinéa 9(2)b) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d’agroalimentaire et à la Commission de révision agricole du Canada en vertu du paragraphe 13(2) de ladite Loi, relativement à une violation alléguée de l’article 40 du Règlement sur la santé des animaux.

DÉCISION

Sur consentement des deux parties, la Commission de révision agricole du Canada STATUE, par ordonnance, que le procès-verbal 4971‑16‑1834, assorti d’une pénalité de 800 $, est amendé à un procès-verbal assorti d’un avertissement et que la demanderesse, Mme Natasha Atkinson, a commis la violation énoncée dans le procès-verbal amendé.

Sur observations écrites seulement.

 


MOTIFS DE LA DÉCISION  2

I. Contexte  2

II. Question en litige  2

III. Compétence et pouvoirs de la Commission  3

IV. Analyse  4

V. Application du droit aux faits  6

VI. Ordonnance  6

MOTIFS DE LA DÉCISION

I.  Contexte

[1]  Le 14 novembre 2016, à l’aéroport international Pearson, à Toronto, l’Agence des services frontaliers (l’Agence) a délivré le procès-verbal 4971‑16‑1834 assorti d’une pénalité de 800 $ à Mme Natasha Atkinson, à qui l’on reprochait d’avoir importé 200 grammes de saucisses en violation de l’article 40 du Règlement sur la santé des animaux. Mme Atkinson a contesté auprès du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile la délivrance du procès-verbal. Le 17 mai 2017, dans sa décision no 16‑04535 (la décision du ministre), le ministre a confirmé la délivrance du procès-verbal assorti d’une pénalité. Mme Atkinson a demandé une révision de la décision du ministre à la Commission de révision agricole du Canada.

[2]  Avant de déposer son dossier certifié devant la Commission, la Direction des recours de l’Agence, qui représente le ministre dans ce genre de dossier, a demandé à la Commission de modifier le procès-verbal assorti d’une pénalité par un procès-verbal assorti d’un avertissement, à la condition que Mme Atkinson admette avoir commis la violation. L’Agence a fait valoir que le fondement juridique du pouvoir de la Commission de modifier ainsi le procès-verbal se trouvait au paragraphe 14(1) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire (la Loi sur les SAPMAA).

[3]  Mme Atkinson a écrit à la Commission pour l’informer qu’elle consentait à la proposition de l’Agence.

[4]  Je considérerai la demande de l’Agence comme une offre de règlement, acceptée par les deux parties.

II.  Question en litige

[5]  La Commission peut-elle modifier un procès-verbal assorti d’une pénalité par un procès-verbal assorti d’un avertissement au titre du paragraphe 14(1) de la Loi sur les SAPMAA?

[6]  Je suis d’avis que le paragraphe 14(1) de la Loi sur les SAPMAA ne donne pas à la Commission le pouvoir de modifier un procès-verbal assorti d’une pénalité à un procès-verbal assorti d’un avertissement. Néanmoins, la Commission a compétence, par déduction nécessaire et nécessité pratique, pour donner effet à l’entente de règlement.

III.  Compétence et pouvoirs de la Commission

[7]  La Commission est un tribunal expert et indépendant constitué par le Parlement en vertu du paragraphe 4.1(1) de la Loi sur les produits agricoles au Canada (la Loi sur les PAC). Elle a compétence pour répondre aux demandes de révision de décisions relatives à l’imposition de sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire.

[8]  Bon nombre des pouvoirs généraux de la Commission sont énoncés à l’article 8 de la Loi sur les PAC :

 (1) Le Conseil et la Commission sont des cours d’archives; ils ont chacun un sceau officiel, dont l’authenticité est admise d’office.

(2) En outre, le Conseil et la Commission ont, pour la comparution, la prestation de serment et l’interrogatoire des témoins, ainsi que pour la production et l’examen des pièces, l’exécution de leurs décisions et toutes autres questions relevant de leur compétence, les pouvoirs et attributions d’une juridiction supérieure d’archives. [...]

[Je souligne.]

[9]  De plus, le paragraphe 12(1) de la Loi sur les PAC est ainsi libellé :

[...] la Commission a compétence exclusive pour les affaires visées par la présente loi et la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire.

Ces pouvoirs incluent nécessairement le pouvoir de trancher toutes les questions soulevées par les parties et de donner effet, s’il y a lieu, aux ententes conclues entre elles.

[10]  La Loi sur les SAPMAA a pour objet d’établir, comme solution de rechange au régime pénal et complément aux autres mesures d’application des lois agroalimentaires déjà en vigueur, « un régime juste et efficace de sanctions administratives pécuniaires » (article 3 de la Loi sur les SAPMAA).

[11]  En outre, les Règles de la Commission de révision (Commission de révision agricole du Canada) (les Règles) prévoient ce qui suit :

3. Les présentes règles sont interprétées et appliquées de façon à permettre un déroulement de toute instance qui soit juste, le plus expéditif et le moins onéreux possible.

4. La Commission tranche toute question de procédure qui n’est pas prévue par les présentes règles, en conformité avec celles-ci.

[12]  Les pouvoirs de la Commission doivent être prévus dans sa loi habilitante. Subsidiairement, ils doivent être de fait nécessaires à la réalisation de l’objectif du régime législatif créé par la législature (voir ATCO Gas & Pipelines Ltd. c. Alberta (Energy & Utilities Board), 2006 CSC 4, au paragraphe 51).

IV.  Analyse

[13]  Pour demander à la Commission de modifier le procès-verbal, l’Agence s’est fondée sur les pouvoirs conférés à la Commission par le paragraphe 14(1) de la Loi sur les SAPMAA :

14 (1) Saisie d’une affaire au titre de la présente loi, la Commission, par ordonnance et selon le cas, soit confirme, modifie ou annule la décision du ministre, soit détermine la responsabilité du contrevenant; en outre, si elle estime que le montant de la pénalité n’a pas été établi en application des règlements, elle y substitue le montant qu’elle juge conforme. […]

[Je souligne.]

[14]  L’interprétation du paragraphe 14(1) de la Loi sur les SAPMAA ne doit pas se limiter à une analyse purement textuelle de la disposition. Elle doit aussi tenir compte du contexte et de l’objet du régime législatif pertinent (Canada (Procureur général) c. Stanford, 2014 CAF 234, au paragraphe 46).

[15]  Le demandeur qui reçoit un procès-verbal aux termes de la Loi sur les SAPMAA peut demander au ministre ou à la Commission d’effectuer une révision de première instance (9(2)b) et c) de la Loi sur les SAPMAA). S’il demande au ministre d’effectuer la révision de première instance, le demandeur peut ensuite demander à la Commission de l’entendre sur la décision de première instance du ministre (paragraphes 12(2) et 13(2) de la Loi sur les SAPMAA).

[16]  Le paragraphe 14(1) de la Loi sur les SAPMAA s’applique à la révision par la Commission de la décision de première instance du ministre. Cette interprétation est étayée par le renvoi, dans la version anglaise, aux articles 12 et 13 de la Loi sur les SAPMAA, qui portent sur les pouvoirs du ministre en matière de révision de première instance. En l’espèce, la Commission se penche sur une décision de première instance prise par le représentant du ministre, au nom du ministre.

[17]  Lorsqu’elle est appelée à se pencher sur une décision prise par le ministre, la Commission a le pouvoir de confirmer, de modifier ou d’annuler la décision. Le pouvoir de confirmer ou d’annuler la décision du ministre est relativement simple et revient à la capacité de la Commission de confirmer ou de rejeter les conclusions de fait ou de droit du ministre ou de son représentant. En l’espèce, l’Agence a demandé à la Commission d’exercer son pouvoir de modifier le procès-verbal assorti d’une pénalité de 800 $, confirmé par la décision du ministre, pour le remplacer par un procès-verbal assorti d’un avertissement.

[18]  Le pouvoir de modifier la décision du ministre s’apparente au pouvoir de corriger le procès-verbal prévu au paragraphe 14(1) de la Loi sur les SAPMAA (analysé ci-dessous). La Commission peut confirmer qu’une violation a été commise, mais modifier le montant de la pénalité établie par le représentant du ministre, si le montant n’a pas été établi en application du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire (Règlement sur les SAPMAA).

[19]  De même, en ce qui concerne la révision de première instance d’un procès-verbal, le paragraphe 14(1) de la Loi sur les SAPMAA prévoit que la Commission peut corriger le montant de la pénalité lorsqu’elle estime qu’il n’a pas été établi en application des règlements.

[20]  Le paragraphe 7(2) de la Loi sur les SAPMAA donne à l’agent désigné le pouvoir de délivrer un procès-verbal comportant soit un avertissement, soit une pénalité établie en application du règlement. Le libellé de l’article 7 laisse entendre que le pouvoir de la Commission de corriger un procès-verbal, prévu au paragraphe 14(1) de la Loi sur les SAPMAA, se limite aux situations où le procès-verbal assorti d’une pénalité n’est pas établi en application du règlement. La Commission peut corriger les procès-verbaux qui ne respectent pas l’article 5 du Règlement sur les SAPMAA ou les tableaux relatifs à la cote de gravité et au rajustement des pénalités figurant aux annexes 2 et 3 du Règlement sur les SAPMAA.

[21]  Par conséquent, le paragraphe 14(1) de la Loi sur les SAPMAA ne confère pas expressément à la Commission le pouvoir de modifier un procès-verbal comportant une pénalité par un procès-verbal comportant un avertissement.

[22]  Néanmoins, les pouvoirs de la Commission ne se limitent pas à l’article 14 de la Loi sur les SAPMAA. Ils se trouvent également aux articles 8 à 12 de la Loi sur les PAC (précitée).

[23]  Sur le fondement des pouvoirs qui lui sont conférés par la Loi sur les PAC et la Loi sur les SAPMAA et des pouvoirs qui lui sont conférés par déduction nécessaire, la Commission a amendé des procès-verbaux à la suite de requêtes présentées par des agences d’application de la loi (voir Knezevic c. Canada (ASFC), 2011 CRAC 21, au paragraphe 10; et Dai c. Canada (ASFC), 2012 CRAC 8, au paragraphe 12) et, à l’occasion, avec le consentement des demandeurs (voir par exemple Kropelnicki c. Canada (ACIA) 2010 CRAC 22, au paragraphe 5).

[24]  Dans l’exercice de ce pouvoir d’amendement, la principale préoccupation de la Commission porte sur la question de savoir si la modification causerait un préjudice aux demandeurs, particulièrement pour leur connaissance de l’affaire. En l’espèce, comme les deux parties consentent à l’amendement du procès-verbal, cette question n’est pas particulièrement pertinente.

V.  Application du droit aux faits

[25]  La Commission est consciente qu’elle n’a le mandat d’exercer que les pouvoirs qui lui sont conférés par la loi ou qui, par nécessité pratique et déduction nécessaire, découlent du pouvoir réglementaire qui lui a été conféré.

[26]  Par conséquent, comment pourrait-on assurer le déroulement le plus juste et le plus efficace de l’instance, en l’espèce, compte tenu des pouvoirs et de la compétence de la Commission?

[27]  L’audience devant la Commission n’a pas eu lieu. Les parties consentent à la modification du procès-verbal assorti d’une pénalité par un procès-verbal assorti d’un avertissement. Il est important de souligner qu’en consentant à un procès-verbal assorti d’un avertissement, la demanderesse, Mme Atkinson, reconnaît tout de même sa responsabilité.

[28]  Je conclus que la façon la plus juste et la plus efficace de procéder consiste à remplacer le procès-verbal assorti d’une pénalité de 800 $ par un procès-verbal assorti d’un avertissement, conformément à l’offre de règlement qui a été acceptée.

[29]  À mon avis, en l’espèce, il aurait été préférable que l’Agence retire le procès-verbal assorti d’une pénalité et qu’elle délivre un nouveau procès-verbal, celui-ci assorti d’un avertissement, étant donné que le délai de prescription de deux ans prévu à l’article 26 de la Loi sur les SAPMAA pour les violations graves n’était pas écoulé. Cependant, comme je suis maintenant saisi de l’affaire, je conclus qu’il est plus juste et plus efficace de rendre l’ordonnance qui respecte la volonté des parties et les pouvoirs qui me sont conférés par la loi.

VI.  Ordonnance

[30]  Par conséquent, la Commission STATUE, par ordonnance, que le procès-verbal no 4971‑16‑1834, assorti à l’origine d’une pénalité de 800 $, est amendé à un procès-verbal assorti d’un avertissement.

[31]  La Commission conclut que Mme Atkinson a commis une violation de l’article 40 du Règlement sur la santé des animaux, tel qu’il lui a été reproché dans le procès-verbal, mais aucun montant n’est dû à l’Agence en raison de cette conclusion.

[32]  La Commission informe Mme Atkinson que la violation en cause n’est pas un acte criminel. Dans cinq ans, elle pourra demander au ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire de rayer la violation de son dossier, conformément à l’article 23 de la Loi sur les SAPMAA.

Fait à Ottawa (Ontario), ce 29e jour du mois de mars 2018.

 

Luc Bélanger

Président

Commission de révision agricole du Canada

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