Décisions de la Commission de révision agricole du Canada

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Référence :         Rabena c. Canada  (Agence des services frontaliers du Canada), 2017  CRAC 12

 

 

 

 

 

Date :  20170328

Dossiers :  CART/CRAC‑1944

 

 

 

 

 

 

 

 

ENTRE :

 

 

 

 

 

 

 

Corazon Rabena,

 

 

DEMANDERESSE

‑ et ‑

 

 

 

 

 

Agence des services frontaliers du Canada,

INTIMÉE

 

 

 

 

 

DEVANT :

Le président Donald Buckingham

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

AVEC :

Corazon Rabena, pour son propre compte, assistée de Cesar Rabena; et

 

 

Sherri‑Lynn Foran et Dannah Draper, représentantes de l’intimée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Affaire concernant une demande de révision des faits que la demanderesse a présentée en vertu de l’alinéa 9(2)c) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, relativement à une violation alléguée par l’intimée de l’article 40 du Règlement sur la santé des animaux.

 Montréal,  Montreal, PQ,

DÉCISION

 

La Commission de révision agricole du Canada STATUE par ordonnance que la demande de révision de l’avis de violation no 4971‑17‑0176, en date du 7 février 2017, présentée par la demanderesse, Mme Corazon Rabena, en vertu de l’alinéa 9(2)c) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, relativement à une violation par la requérante, alléguée par l’Agence des services frontaliers du Canada, de l’article 40 du Règlement sur la santé des animaux, EST INADMISSIBLE et EST, conformément à la présente ordonnance, REJETÉE.

 

Sur observations écrites seulement.


APERÇU

 

[1]              Corazon Rabena (Mme Rabena) a saisi la Commission de révision agricole du Canada (la Commission) d’une demande de révision des faits concernant un avis de violation délivré par l’Agence des services frontaliers du Canada (l’Agence) et comportant une sanction de 800 $, parce que la demanderesse aurait omis de déclarer aux représentants de l’Agence un paquet de saucisses de porc faites maison qu’elle avait importées au Canada.

 

[2]              Pour que sa demande de révision soit admissible, Mme Rabena doit satisfaire au critère d’admissibilité qui consiste à proposer un fondement valable susceptible de lui permettre d’obtenir gain de cause dans la présente affaire dont la Commission est saisie.

 

[3]              Pour les motifs énoncés ci‑dessous, je conclus que Mme Rabena n’a pas réussi à satisfaire à ce critère d’admissibilité.

 

 

MOTIFS RELATIFS À L’INADMISSIBILITÉ DE LA DEMANDE

 

Contexte

 

[4]              L’Agence a délivré l’avis de violation no 4971‑17‑0176, daté du 7 février 2017, à Mme Rabena pour [traduction] « avoir importé un sous‑produit animal, à savoir des saucisses de porc, sans se conformer aux exigences prévues », acte qui contrevient à l’article 40 du Règlement sur la santé des animaux (le Règlement SA). Dans l’avis, la violation alléguée est considérée comme « grave » aux termes de l’article 4 du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (le Règlement sur les SAP), et est assortie d’une sanction obligatoire sous forme d’un avertissement ou d’une sanction de 800 $.

 

[5]              Le 7 février 2017, l’Agence a signifié en personne à Mme Rabena l’avis de violation assorti d’une sanction de 800 $.

 

[6]              Par lettre recommandée envoyée en date du 13 février 2017 (demande de révision), Mme Rabena a demandé à la Commission de l’entendre sur les faits reprochés dans l’avis de violation, conformément à la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (la Loi sur les SAP).

 

[7]              Par lettre datée du 16 février 2017, la Commission a demandé à Mme Rabena de produire, au plus tard le 3 mars 2017, tous les renseignements nécessaires, comme l’exigent les Règles de la Commission de révision (Commission de révision agricole du Canada (les Règles de la Commission), afin d’aider la Commission à statuer sur l’admissibilité de la demande. Une copie des Règles de la Commission a été jointe à la lettre.

 

[8]              Le 1er mars 2017, Mme Rabena a fourni, par courrier électronique, un autre motif pour lequel la Commission devrait réviser les faits entourant la violation qu’on lui reproche.

 

[9]              Le 10 mars 2017, la Commission a demandé une deuxième fois à Mme Rabena de fournir, cette fois au plus tard le 27 mars 2017, davantage de détails sur l’incident du 7 février 2017, qui a entraîné la délivrance de l’avis de violation en question, afin de satisfaire aux exigences de l’alinéa 31d) des Règles de la Commission. La Commission a informé Mme Rabena que si elle ne fournissait pas ces renseignements, sa demande de révision risquait d’être déclarée inadmissible et rejetée par voie d’ordonnance.

 

[10]         Le 15 mars 2017, Mme Rabena a envoyé de nouveau son courriel du 1er mars 2017, sans présenter de nouveaux renseignements concernant l’incident du 7 février 2017. Depuis le 15 mars 2017, la Commission n’a reçu aucun autre document écrit de la part de Mme Rabena.

 

 

Question en litige

 

[11]         La seule question en litige est la suivante : Mme Rabena a‑t‑elle respecté les exigences d’admissibilité de la Commission en fournissant un fondement valable susceptible de lui permettre d’obtenir gain de cause dans la présente affaire?

 

 

Analyse et droit applicable

 

[12]         La demande de révision est un droit accordé par le législateur, qui permet aux requérants de faire réviser les avis de violation par un organisme indépendant, à peu de frais et sans avoir à y consacrer beaucoup de temps. Toutefois, l’accomplissement de tout le processus, y compris le dépôt des actes de procédure, l’audience et l’élaboration de la décision, exigera tout de même de toutes les parties un investissement substantiel en temps et en argent. C’est pourquoi le législateur impose aux demandeurs des exigences élémentaires à respecter afin de préserver leur droit. Lorsque le requérant ne respecte pas les exigences de la Loi sur les SAP, du Règlement sur les SAP et des Règles de la Commission, celle‑ci peut décider que la demande de révision du demandeur est inadmissible.

 

[13]         La demande est inadmissible si le requérant : (1) a déjà payé la sanction infligée par l’avis de violation; (2) a omis de déposer la demande de révision selon les modalités et dans les délais prescrits;  (3) a omis de fournir un motif valable pour que la Commission puisse réviser la décision de l’Agence.

 

[14]         Sont considérés comme des motifs valables tout renseignement fourni par le demandeur qui démontrerait que la violation reprochée n’a pas eu lieu, que la personne désignée dans l’avis de violation n’est pas celle qui a commis la violation ou, dans des circonstances plus rares, que l’Agence ou le demandeur se sont conduits de façon telle qu’on ne peut pas prouver, selon la prépondérance des probabilités, que les éléments de la violation ont eu lieu.

 

[15]         Les moyens de défense non recevables comprennent ceux qui sont expressément exclus par la Loi sur les SAP, à savoir que le demandeur a essayé de ne pas commettre la violation (diligence raisonnable); ou le demandeur s’est trompé au sujet des faits qui ont mené à la perpétration de la violation (erreur de fait).

 

[16]         En l’espèce, la Commission a reçu certaines explications de la part de Mme Rabena sur les raisons pour lesquelles elle estime qu’elle a à bon droit omis de présenter et de déclarer aux représentants de l’Agence le paquet de saucisses de porc faites maison qu’elle avait importées au Canada.

 

[17]         Mme Rabena a fourni à la Commission les motifs suivants à l’appui de sa demande de révision :

 

(a)           Elle ne savait pas qu’il était interdit d’importer un sous‑produit animal au Canada;

 

(b)           Les sous‑produits animaux importés étaient un cadeau offert par un membre de sa famille aux Philippines. En raison de la confiance qu’elle faisait à cette personne et de la gratitude face à sa générosité, elle n’avait jamais vérifié la nature du contenu du paquet qui avait été emballé et placé dans ses bagages par le membre de la famille en question;

 

(c)            Elle a respecté en toute autre occasion les règles et les règlements concernant l’entrée au Canada;

 

(d)           Il sera difficile pour elle et pour sa famille de payer la sanction pécuniaire intégralement; elle souhaite donc que le montant de la sanction soit réévalué.

 

[18]         Aucun des motifs invoqués ne révèle un fondement qui permettrait à Mme Rabena d’obtenir gain de cause dans la demande qu’elle a présentée à la Commission pour que cette dernière conclue qu’elle n’a pas commis la violation reprochée.

 

[19]         Les motifs a) et b) invoqués par Mme Rabena sont inadmissibles en application de l’article 18 de la Loi sur les SAP (et selon l’arrêt de la Cour d’appel fédérale Doyon c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 152, au paragraphe 11), qui exclut les moyens de défense fondés sur l’erreur de fait (c’est‑à‑dire que la demanderesse a commis une erreur portant sur les faits qui ont conduit à la perpétration de la violation) et la diligence raisonnable (c’est‑à‑dire que la demanderesse a fait de son mieux pour empêcher la violation).

 

[20]         Essentiellement, Mme Rabena a invoqué à titre de justification qu’elle ne savait pas que la viande se trouvait dans ses bagages et qu’elle ne pouvait donc pas l’avoir déclarée avant que les agents de l’Agence ne la trouvent. Le fait de prétendre ignorer le contenu de ses bagages pour justifier l’importation d’aliments non déclarés a été jugé par la Cour d’appel fédérale comme un motif inadmissible pour invalider un avis de violation (voir Agence des services frontaliers du Canada c. Castillo, 2013 CAF 271, au paragraphe 24). La violation en question en est une qui entraîne une responsabilité absolue.

 

[21]         Le motif c) soulevé par Mme Rabena est non déterminantà la violation qui a été commise le 7 février 2017.

 

[22]         Enfin, le motif d) invoqué par Mme Rabena concerne la capacité et le pouvoir discrétionnaire de l’Agence de donner un avertissement, une sanction ou une sanction réduite. En ce qui concerne le choix entre un avertissement ou une sanction, à moins que le pouvoir discrétionnaire soit exercé de mauvaise foi ou à des fins illicites, un tribunal de révision ou une cour n’a pas le loisir de modifier le choix de l’Agence. Rien ne démontre en l’espèce que la décision d’infliger à Mme Rabena, une sanction plutôt qu’un avertissement, était fondée sur de la mauvaise foi ou rendue à des fins illicites. Si le contrevenant paie la sanction dans un délai de 15 jours, il ne devra payer que 50 % de la sanction infligée. Après ce délai, toutefois, il devra payer la totalité de la sanction.

 

[23]         Les inspecteurs de l'Agence sont chargés de protéger les Canadiens et les Canadiennes, la chaîne alimentaire et la production agricole du Canada contre les risques que représentent les menaces biologiques pour les plantes, les animaux et les humains. Il ne fait aucun doute que ces tâches doivent être accomplies de façon responsable. La Commission sait bien que l’Agence dispose de sa propre procédure pour la révision des plaintes déposées par les Canadiens à l’encontre de ses actions ou de celles de ses agents, comme il est mentionné sur le site Web de l’Agence, à la page intitulée « Contactez‑nous : Compliments, commentaires et plaintes ».

 

[24]         En ce qui concerne la demande de Mme Rabena visant à obtenir une annulation ou une réduction de la sanction, il est clair que le système de sanctions administratives pécuniaires très strict établi par le législateur en vertu de la Loi sur les SAP et du Règlement sur les SAP peut néanmoins avoir des conséquences sévères pour les Canadiens, en particulier pour une personne comme Mme Rabena qui affirme ne pas être en mesure de payer le montant de la sanction qui s’élève à 800 $. Malheureusement, la Commission ne peut annuler ou modifier la sanction infligée sur le fondement de motifs circonstanciels, humanitaires ou financiers. Le pouvoir de la Commission d’accorder réparation découle de sa loi habilitante. Selon cette loi, la Commission n’a pas le mandat d’annuler ou de rejeter un avis de violation ou une décision du ministre sur le fondement de motifs circonstanciels, humanitaires ou financiers, et n’est pas non plus habilitée à le faire.

 

[25]         Par conséquent, au vu du dossier dont je dispose, je conclus que Mme Rabena n’a pas satisfait au critère d’admissibilité de la Commission consistant à établir l’existence d’un fondement valable qui lui permettrait d’obtenir gain de cause devant la Commission en l’espèce.

 

 

Dispositif

 

[26]         Par conséquent, la Commission statue par ordonnance que la demande de révision présentée par Mme Rabena relativement à l’avis de violation no 4971‑17‑0176 est inadmissible. En outre, par application du paragraphe 9(3) de la Loi sur les SAP, Mme Rabena est réputée avoir commis la violation indiquée dans l’avis de violation assortie d’une sanction et doit donc payer à l’Agence la somme de 800 $.

 

[27]         Il pourrait être utile pour Mme Rabena de communique directement avec les représentants de l’Agence pour voir s’ils pourraient souscrire à un calendrier de paiement concernant la sanction pécuniaire.

 

[28]         De telles violations ne constituent pas des infractions criminelles. Dans cinq ans, Mme Rabena pourra présenter au ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire une demande afin que cette violation soit rayée de son dossier, conformément à l’article 23 de la Loi sur les SAP.

 

 

Fait à Ottawa (Ontario), en ce 28e jour du mois de mars 2017.

 

 

 

 

 

 

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Me Don Buckingham, président

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