Décisions de la Commission de révision agricole du Canada

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Référence :     Cikotic c. Canada (Agence des services frontaliers du Canada), 2017 CRAC 11

 

Date: 20170328

Dossier : CART/CRAC‑1912

 

 

 

 

ENTRE :

 

 

 

 

 

 

 

Ajkuna Cikotic,

demanderesse

– et –

 

 

 

 

Agence des services frontaliers du Canada,

INTIMÉE

 

[Traduction de la version officielle en anglais]

 

DEVANT :

Donald Buckingham, président

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

AVEC : 

Semira Causevic, représentante de la demanderesse;

 

 

Melanie A. Charbonneau, représentante de l’intimée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Affaire intéressant une demande de révision des faits présentée par la demanderesse en application de l’alinéa 9(2)c) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, relativement à une violation, alléguée par l’intimée, du paragraphe 16(1) de la Loi sur la santé des animaux.

 

 

 

 

DÉCISION

 

 

 

 

À la suite d’une audience et après avoir examiné l’ensemble des observations orales et écrites des parties, la Commission de révision agricole du Canada statue par ordonnance que, selon la prépondérance des probabilités, la demanderesse, Ajkuna Cikotic, a  commis la violation décrite dans l’avis de violation n7011‑16‑0475, daté du 14 août 2016, relativement aux faits survenus ce jour-là et qu’elle est tenue de payer à l’intimée la sanction de 1 300 $ dans les trente (30) jours suivant la date de signification de la présente décision.

 

Audience tenue à Calgary (Alberta),
le lundi 13 mars 2017.

 Montréal  Montreal, PQ,


APERÇU

[1]              La présente affaire porte sur l’importation au Canada de quatre petites boîtes de pâté de poulet le 14 août 2016.

[2]              La demanderesse, Ajkuna Cikotic (Mme Cikotic), n’a ni déclaré ni présenté le pâté de poulet contenu dans ses bagages au moment de l’importation. En conséquence, l’Agence des services frontaliers du Canada (l’Agence) lui a délivré un avis de violation assorti d’une sanction de 1 300 $ pour avoir omis de présenter le pâté de poulet aux agents des services frontaliers, ce qui est contraire au paragraphe 16(1) de la Loi sur la santé des animaux (LSA).

[3]              Mme Cikotic a demandé à la Commission de révision agricole du Canada (la Commission) de réviser les faits entourant la délivrance de l’avis de violation.

[4]              Dans le cadre de la révision des faits de la présente affaire, il m’incombe de soupeser la preuve qui m’est soumise et de déterminer si l’Agence a prouvé les éléments constitutifs de l’avis de violation. Dans le cas d’une violation du paragraphe 16(1) de la LSA, l’Agence se doit de prouver que Mme Cikotic est la personne qui a commis la violation et qu’elle a omis de présenter aux agents des services frontaliers le pâté de poulet qu’elle importait au Canada. 

[5]              Si l’Agence s’acquitte du fardeau de preuve qui lui incombe, la demanderesse sera reconnue coupable d’une violation sous le régime des SAP, à moins qu’elle puisse établir un moyen de défense, une justification ou une excuse aux termes de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (LSAP), du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (RSAP) ou, dans le cas de la présente affaire, de la LSA.

[6]              Pour les motifs qui suivent, je conclus que l’Agence a prouvé les éléments constitutifs de l’avis de violation, que Mme Cikotic n’a soulevé aucun défense, excuse ou justification valable pour ses actes et que la sanction établie en l’espèce est valide selon la LSAP et le RSAP.

MOTIFS

Contexte

[7]              Mme Cikotic est entrée au Canada le 14 août 2016, en provenance de la Bosnie où elle était allée rendre visite à des membres de sa famille.

[8]              Après avoir inspecté ses bagages dans l’aire d’inspection secondaire de l’Aéroport international de Calgary, l’Agence a délivré et signifié à Mme Cikotic l’avis de violation n7011‑16‑0475 pour avoir [traduction] « omis de présenter un animal ou une chose, à savoir de la viande de poulet », un acte qui, selon l’Agence, est contraire au paragraphe 16(1) de la LSA. La violation reprochée est qualifiée de « très grave » à l’article 4 et à l’annexe 1 du RSAP et est punissable d’un avertissement ou d’une sanction de 1 300 $. Pour pouvoir conserver le droit d’introduire une demande de révision sous le régime de la LSAP, Mme Cikotic n’a pas acquitté la sanction qui lui était imposée.

[9]              Dans un courriel daté du 25 août 2016 (aussi envoyé par courrier recommandé sous la forme d’une lettre datée du 25 août 2016), Mme Cikotic a demandé à la Commission de réviser les faits reprochés dans l’avis de violation (demande de révision). Dans sa demande de révision, Mme Cikotic a exposé les motifs de la demande et a désigné Semira Causevic (Mme Causevic) comme sa représentante. Le 25 septembre 2016, Mme Cikotic a envoyé à la Commission des documents supplémentaires, dont une déclaration de son neveu Emin Kalac (M. Kalac), en compagnie duquel elle avait voyagé le 14 août 2016.

[10]         Le 29 novembre 2016, l’Agence a produit un rapport (le rapport de l’Agence) décrivant sa version des faits survenus le 14 août 2016.

[11]         La Commission a fixé l’audition de la présente affaire au 13 mars 2017, à Calgary (Alberta). Melanie Charbonneau a comparu pour le compte de l’Agence, et Mme Cikotic était présente elle aussi, représentée par Mme Causevic.

Questions en litige

[12]         La présente affaire soulève trois questions :

                     i.            L’Agence a-t-elle prouvé chacun des éléments de la violation du paragraphe 16(1) de la LSA?

                   ii.            Mme Cikotic a-t-elle établi un moyen de défense admissible qui, selon l’article 18 de la LSAP, pourrait justifier ou excuser le geste qu’elle a commis le 14 août 2016?

                 iii.            La sanction de 1 300 $ est-elle justifiée en droit?

Analyse

Question no 1 – L’Agence a-t-elle prouvé chacun des éléments de la violation du paragraphe 16(1) de la LSA?

[13]         Les tribunaux ont examiné de manière assez détaillée les violations qui découlent de diverses lois et de divers règlements visés par la LSAP et le RSAP, étant donné surtout que ces violations sont sources de responsabilité absolue (Doyon c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 152 (Doyon), aux paragraphes 11 et 27).

[14]         De plus, la Cour d’appel fédérale a établi qu’il incombe aux organismes d’application de la loi de prouver chacun des éléments essentiels d’une violation reprochée en vertu de la LSAP et du RSAP pour que l’on puisse conclure que le présumé contrevenant a commis une violation (Doyon, au paragraphe 42).

[15]         La détermination des éléments essentiels d’une violation particulière oblige la Commission à appliquer l’approche suivie dans l’arrêt Doyon, laquelle consiste à analyser les éléments requis en fonction du libellé de la disposition qui établit la violation (Doyon, au paragraphe 41).

[16]         Le texte du paragraphe 16(1) de la LSA est le suivant :

16 (1) La personne qui importe des animaux, des produits ou sous-produits de ceux-ci, des aliments pour animaux ou des produits biologiques vétérinaires, ainsi que toute autre chose soit se rapportant aux animaux, soit contaminée par une maladie ou une substance toxique, les présente, au plus tard à l’importation, à un inspecteur, à un agent d’exécution ou à un agent des douanes qui peut les examiner lui-même ou les retenir jusqu’à ce que l’inspecteur ou l’agent d’exécution s’en charge.

[Non souligné dans l’original.]

[17]         Pour pouvoir justifier en l’espèce la violation donnant lieu à une SAP qui aurait été commise selon le paragraphe 16(1) de la LSA, l’Agence doit prouver trois éléments essentiels, chacun selon la prépondérance des probabilités :

         élément no 1 – Mme Cikotic est la personne qui a commis la violation;

         élément no 2 – Mme Cikotic a importé un produit ou un sous-produit animal au Canada;

         élément no 3 – Mme Cikotic a omis de présenter le sous-produit animal aux agents des services frontaliers avant d’être dirigée vers l’aire d’inspection secondaire des douanes en vue d’une inspection de ses bagages.

Conclusions concernant les éléments nos 1 et 2

[18]         L’élément no 1 — L’identité de Mme Cikotic en tant que présumée auteure de la violation – n’est pas contestée. Mme Cikotic est la personne qui a commis la violation constatée par l’agent des services frontaliers no 11489 dans l’aire d’inspection secondaire des douanes, et les documents de voyage qu’elle a présentés à cet agent le confirment. De plus, ce dernier a indiqué que le sac qu’il avait inspecté appartenait à Mme Cikotic.

[19]         Pour ce qui est de l’élément no 2, la preuve de l’agent no 11489 est qu’il a procédé à une fouille des bagages de Mme Cikotic et qu’il y a trouvé quatre petites boîtes de ce qu’il croyait être du pâté de poulet. Il a témoigné que Mme Cikotic avait indiqué sur la carte de déclaration E311 de l’Agence (la carte de déclaration) qu’elle n’importait pas d’aliments ou de produits agricoles.

[20]         Mme Cikotic, tant dans sa demande de révision que dans son témoignage, a convenu que, ce jour-là, elle avait dans ses bagages quatre petites boîtes de pâté de poulet.

[21]         Même si certains éléments de preuve présentés à l’audience ont donné à penser que le contenu réel des boîtes n’était peut-être pas de la [traduction] « viande véritable », le témoignage de l’agent no 11489 et son expérience en matière d’inspection de produits, comme ceux trouvés dans les bagages de Mme Cikotic, confirment selon la prépondérance des probabilités que les articles que Mme Cikotic avait importés contenaient bel et bien de la « viande », laquelle constitue un produit ou un sous-produit animal.

[22]         Par conséquent, en ce qui concerne l’élément 2, je conclus selon la prépondérance des probabilités que, le 14 août 2016, Mme Cikotic a importé au Canada un produit ou un sous-produit animal.

Conclusion concernant l’élément no 3

[23]         Les voyageurs ont la possibilité de déclarer et de présenter les marchandises qu’ils importent, et ce, tant par écrit sur la carte de déclaration qu’ils remplissent avant d’entrer au Canada que de vive voix à l’agent de la ligne primaire de l’Agence lors du processus de contrôle initial des douanes à leur arrivée au Canada. La déclaration et la présentation des sous-produits animaux importés est une exigence prescrite à la fois par l’article 16 de la LSA et par l’article 12 de la Loi sur les douanes.

[24]         Dans l’arrêt Canada c. Savoie-Forgeot, 2014 CAF 26, la Cour d’appel fédérale a décrété que les marchandises doivent être disponibles en vue d’une inspection, c’est-à-dire qu’elles doivent déclarées ou présentées au moment du premier contact avec les agents des services frontaliers (paragraphe 25). La déclaration de marchandises dans l’aire de contrôle primaire des douanes est, en général, le point final du processus d’importation (Savoie‑Forgeot, aux paragraphes 19 et 25), le moment où l’on atteint le point de finalité. L’omission de déclarer ou de présenter un sous-produit animal à ce stade est le geste qui sous-tend l’imposition par l’Agence d’une sanction administrative pécuniaire.

[25]         Il ressort sans contredit de la preuve que Mme Cikotic s’est fiée à son neveu, M. Kalac, pour remplir plusieurs parties de sa carte de déclaration, et que les deux ont eu de la difficulté à le faire sur le plan linguistique : Mme Cikotic, à cause de sa faible compréhension de l’anglais, et M. Kalac, à cause du sens des mots « sous-produits animaux ». Cela dit, nul ne conteste non plus que Mme Cikotic a omis à la fois de déclarer et de présenter le pâté de poulet qu’elle importait, soit par écrit sur sa carte de déclaration, soit de vive voix à un agent des services frontaliers, avant que l’on découvre le produit dans ses bagages dans l’aire d’inspection secondaire des douanes. Par conséquent, en ce qui concerne l’élément n3, je conclus que l’Agence a prouvé selon la prépondérance des probabilités que Mme Cikotic a omis de présenter le pâté de poulet aux agents des services frontaliers avant d’atteindre le point de finalité du processus d’importation.

[26]         Des demandeurs continuent de faire état de difficultés linguistiques pour expliquer pourquoi ils omettent de déclarer et de présenter les produits alimentaires et agricoles qu’ils importent. Le paragraphe 18(1) de la LSAP laisse peu de place à la Commission pour prendre en compte cette raison en tant que moyen de défense, excuse ou  justification pour les meilleurs efforts qu’un demandeur a faits ou les erreurs de fait qu’il a commises en posant ou en évitant de poser un geste particulier.

[27]         Cependant, quand on invoque des difficultés linguistiques dans le contexte de la détermination de ce qu’un demandeur a réellement déclaré, ces difficultés ne sont pas liées à un moyen de défense qu’envisage l’article 18 de la LSAP; il s’agit plutôt d’un élément de la preuve concernant les informations qui ont été entendues, comprises et échangées au moment de faire une déclaration ou de présenter une marchandise pour inspection, et cet aspect pourrait donc avoir une incidence sur l’issue d’une demande de révision présentée en vertu de la LSAP (voir Gavryushenko c. Canada (Agence des services frontalier du Canada), 2016 CRAC 33, au paragraphe 34). Par exemple, un sérieux obstacle linguistique à l’inspection primaire entre un agent des services frontaliers et un demandeur pourrait empêcher d’atteindre le point de finalité, pour ce qui est de la déclaration de ce que le demandeur importe. Là encore, un sérieux obstacle linguistique entre un agent des services frontaliers maraudant les carrousels de bagages ou à un agent à la sortie pourrait rouvrir la déclaration faite au primaire. De plus, la Commission a également conclu qu’un demandeur peut faire état d’obstacles linguistiques dans les cas où il y a une réelle confusion quant au fait de savoir si la réponse « Oui » qu’il coche sur sa carte de déclaration s’applique à tous les produits importés ou seulement à certains d’entre eux (Hemeng c. Canada (Agence des services frontaliers du Canada), 2017 CRAC 5, aux paragraphes 37 et 41).

[28]         En l’espèce, le témoignage de l’agent des services frontaliers no 11489 a jeté un peu de lumière sur les procédures que l’Agence a adoptées pour les cas où un obstacle linguistique important empêche la déclaration d’un passager d’atteindre le point de finalité du processus d’importation. Dans ce genre de situation, les agents inscrivent (en anglais) la mention « No POF » (point de finalité non atteint) sur la carte de déclaration afin d’indiquer aux agents suivants que la déclaration n’a pas atteint le point de finalité. Il est vraisemblable qu’on ne délivrerait pas un avis de violation à un passager dont la carte comporte cette mention, même si l’on découvrait plus tard des produits agricoles en inspectant ses bagages.

[29]         Il ressort de la preuve des agents des services frontaliers qu’il n’y a eu absolument aucun obstacle linguistique entre Mme Cikotic et eux. La mention « No POF » n’a pas non plus été inscrite sur sa carte de déclaration. Cependant, la preuve de Mme Cikotic elle-même (qui a témoigné exclusivement en bosniaque), ainsi que celle de M. Kalac et de James Gardener au sujet des capacités linguistiques de la demanderesse en anglais, me portent à conclure sans l’ombre d’un doute que cette dernière a beaucoup de difficulté à comprendre l’anglais et à communiquer dans cette langue, tant par écrit que de vive voix.

[30]         Malheureusement pour Mme Cikotic, malgré ces difficultés linguistiques les faits de l’affaire ne révèlent aucun moyen de défense qu’autorise la LSAP pour le geste qu’elle a commis le 14 août 2016. Ses moyens de défense ressemblent davantage à des moyens fondés sur la diligence raisonnable et l’erreur de fait, tous deux interdits par la LSAP. Il ressort de la preuve que Mme Cikotic s’est fiée à son neveu, M. Kalac, pour remplir plusieurs parties de sa carte de déclaration et que ce dernier avait de la difficulté non pas avec la langue anglaise elle-même mais plutôt avec le sens exact des mots « sous-produits animaux ». Au lieu de s’enquérir du sens des mots « produits animaux » et de déterminer si sa tante et lui importaient de tels produits, il a simplement coché « Non » sur sa carte de déclaration et sur celle de sa tante, Mme Cikotic. Il aurait pu s’agir d’une réponse normale, mais c’est celle-là qui les ont empêchés, Mme Cikotic et lui, de faire valoir plus tard, avec succès, qu’ils s’étaient trompés quant aux règles de droit qui s’appliquaient à leur situation.

[31]         De ce fait, quand Mme Cikotic et M. Kalac ont présenté leurs cartes à l’inspection primaire, il n’y a pas eu de manque de compréhension de base de la langue anglaise ni de confusion quant à ce que chacun d’entre eux déclarait. Il n’y a pas non plus de preuve que l’inspection primaire de Mme Cikotic a été rouverte par des gestes ultérieurs d’agents des services frontaliers. C’est donc dire qu’en dépit d’obstacles linguistiques à l’inspection secondaire, obstacles que M. Kalac a tenté de rectifier pour sa tante, il était nettement trop tard à ce stade pour faire une déclaration ou une présentation de façon à éviter d’être tenu responsable au sens de la LSAP d’avoir importé du pâté de poulet.

[32]         Comme il a été mentionné plus tôt, il est possible d’imaginer de rares circonstances dans lesquelles l’incapacité d’un demandeur de lire ou d’écrire dans les deux langues officielles du Canada ou de comprendre celles-ci pourrait faire obstacle à une déclaration écrite ou verbale d’importation de marchandises ou l’embrouiller, de sorte qu’un demandeur pourrait ne pas atteindre le point de finalité du processus d’importation. Cependant, les faits dont il est question en l’espèce ne révèlent pas de telles circonstances.

[33]         Les éléments de preuve présentés ne permettent pas de conclure que les limites linguistiques de Mme Cikotic ont empêché celle-ci de commettre l’acte consistant à omettre de déclarer ou de présenter ses quatre boîtes de pâté de poulet. Autrement dit, je suis persuadé que ses capacités linguistiques en anglais ne l’empêchaient pas de déclarer le pâté de poulet avant d’atteindre le point de finalité du processus d’importation.

[34]         Pour ce qui est de l’élément no 3, je conclus donc, selon la prépondérance des probabilités, que le 14 août 2016 Mme Cikotic a omis de présenter un sous-produit animal aux agents des services frontaliers avant qu’elle soit dirigée à l’aire d’inspection secondaire des douanes pour y faire inspecter ses bagages.

[35]         Je conclus de ce fait que l’Agence a prouvé les trois éléments de la violation.

 

Question no 2 – Mme Cikotic a-t-elle établi un moyen de défense admissible qui, selon l’article 18 de la LSAP, pourrait justifier ou excuser le geste qu’elle a commis le 14 août 2016?

[36]         Aux termes de la LSAP, les présumés auteurs d’une violation du paragraphe 16(1) de la LSA peuvent se défendre en produisant des éléments qui prouvent selon la prépondérance des probabilités qu’ils ont, pour les gestes qu’ils ont commis, un moyen de défense, une excuse ou une justification qu’autorise l’article 18 de la LSAP.

[37]         Lorsqu’une sanction administrative pécuniaire a été édictée pour une violation particulière, l’article 18 de la LSAP laisse à Mme Cikotic peu de place pour établir un moyen de défense. Les moyens de défense, excuses et justifications qu’elle invoque sont les suivants : 1) elle pouvait à peine comprendre et parler l’une ou l’autre des deux langues officielles du Canada; 2) son neveu et elle ignoraient qu’ils ne pouvaient pas importer du pâté de poulet au Canada; 3) son neveu et elle pensaient qu’il s’agissait d’un produit modifié et transformé et qu’il pouvait donc être importé au Canada; 5) ce genre de chose ne lui était jamais arrivé auparavant et ne lui arrivera plus jamais.

[38]         Chacun de ces moyens de défense, excuses et justifications est expressément exclu par l’article 18 de la LSAP (les moyens de défense fondés sur l’erreur de fait ou la diligence raisonnable ne peuvent pas être invoqués) ou sont sans rapport avec la survenue réelle du fait consistant à omettre de présenter un sous-produit animal aux agents des services frontaliers au moment de son importation.

[39]         Des problèmes linguistiques importants pourraient, dans de rares circonstances (non présentes en l’espèce), être considérés comme un obstacle à la commission de l’acte reproché (comme nous l’avons vu à la section précédente), plutôt que comme un moyen de défense au sens propre du terme. Les erreurs concernant les produits qu’une personne peut importer au Canada ne sont pas un moyen de défense admissible au regard de l’article 18 de la LSAP. Enfin, les raisons justifiant l’importation d’un produit, la situation financière de l’importateur et ses déclarations quant à son comportement passé et futur ne sont pas des éléments pertinents, relativement à la survenue réelle du fait consistant à omettre de présenter un sous-produit animal aux agents des services frontaliers au moment de son importation.

[40]         Les agents des services frontaliers doivent protéger les Canadiens, la chaîne alimentaire et la production agricole du Canada contre les risques que présentent les menaces biologiques pour les végétaux, les animaux et les humains. Il ne fait aucun doute qu’ils doivent exercer ces fonctions de façon diligente, respectueuse et responsable. Les voyageurs qui estiment avoir été lésés par l’Agence peuvent faire part de leurs doléances par l’entremise de la rubrique « Compliments, commentaires et plaintes » du site Web de l’Agence.

Question no 3 – La sanction imposée de 1 300 $ est-elle justifiée en droit?

[41]         La seule question qu’il me reste à trancher est celle de savoir si la sanction de 1 300 $ est justifiée au regard de la LSAP et du RSAP. J’estime que oui, et ce, pour les raisons suivantes.

[42]         Pour établir la sanction appropriée, il faut d’abord déterminer si la violation est mineure, grave ou très grave au sens de l’annexe 1 du RSAP. Une violation du paragraphe 16(1) de la LSA relève de la catégorie des « violations très graves » selon le RSAP, et ni l’Agence ni la Commission ne peuvent modifier cette désignation. À la date où la violation a été commise, l’article 5 du RSAP fixait à 1 300 $ la sanction applicable dans le cas d’une violation très grave commise par une personne physique, sauf dans le cadre d’une entreprise et non à des fins lucratives. C’est le cas de Mme Cikotic.

[43]         Mme Cikotic a indiqué à la Commission qu’il s’agissait là de sa première et unique violation. Malheureusement, une fois que l’Agence a établi le bien-fondé de l’ensemble des faits de la présumée violation selon la prépondérance des probabilités, le pouvoir de la Commission se borne à confirmer l’avis de violation et à ordonner au contrevenant de payer la sanction qui y est précisée. Selon ces règles, la Commission n’a ni le mandat ni la compétence d’annuler ou de rejeter un avis de violation pour des motifs d’ordre humanitaire, médical ou financier.

Dispositif

[44]         Je conclus que :

                     i.            l’Agence a prouvé chacun des éléments nécessaires pour établir que Mme Cikotic a commis la violation énoncée dans l’avis de violation n7011‑16‑0475, délivré le 14 août 2016;

                   ii.            Mme Cikotic n’a pas invoqué un moyen de défense, une justification ou une excuse valable pour ne pas avoir présenté aux agents des services frontaliers le pâté de poulet qu’elle importait au Canada à la même date;

                 iii.            La sanction de 1 300 $ est justifiée, s’agissant de la somme à verser en vertu de la LSAP et du RSAP.

[45]         Par conséquent, il est par la présente ordonné que Mme Cikotic verse à l’Agence la somme de 1 300 $ dans les trente (30) jours suivant la date de signification de la présente décision.

[46]         Mme Cikotic peut communiquer directement avec les représentants de l’Agence pour s’enquérir de la possibilité de convenir d’un calendrier de versements acceptable pour le paiement de la sanction.

[47]         La violation en cause n’est pas une infraction criminelle. Après cinq ans, Mme Cikotic pourra demander au ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire que la mention de cette violation soit rayée de son dossier, conformément à l’article 23 de la LSAP.

Fait à Ottawa (Ontario), ce 28e jour de mars 2017.

 

 

 

 

 

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Me Donald Buckingham, président

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