Décisions de la Commission de révision agricole du Canada

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Référence :     Maple Lodge Farms Inc. c. Canada (ACIA), 2016 CRAC 14

 

 

 

 

Date : 20160531

Dossier : CRAC/CART‑1729

ENTRE :

 

 

 

 

 

 

 

Maple Lodge Farms Inc., demanderesse

 

 

 

 

‑ et ‑

 

 

 

 

Agence canadienne d’inspection des aliments, intimée

 

[Traduction de la version officielle en anglais]

 

 

 

 

DEVANT :

Bruce La Rochelle, membre

 

 

 

 

 

 

 

 

AVEC :

Ronald E. Folkes, avocat de la demanderesse

 

Jacqueline Wilson et Laura Tausky, avocates de l’intimée

 

 

 

 

 

 

 

 

Affaire concernant une demande de révision des faits présentée par la demanderesse en vertu de l’alinéa 9(2)c) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire relativement à une violation, alléguée par l’intimée, de l’alinéa 143(1)d) du Règlement sur la santé des animaux.

 

 

 

 

DÉCISION

 

 

 

 

Après avoir tenu une audience et examiné toutes les observations orales et écrites des parties, la Commission de révision agricole du Canada statue, par ordonnance, que la demanderesse n’a pas commis la violation énoncée dans le procès‑verbal 1213ON037201, daté du 19 juin 2013, étant donné que l’exposition indue aux intempéries, un élément essentiel de la violation, n’a pas été établie, selon la prépondérance des probabilités.

 

 

 

 

Audience tenue à Brampton (Ontario)

les 15, 16 et 17 octobre 2014,

les 6, 7, 8 et 9 janvier 2015,

les 25, 26, 27, 28 et 29 mai 2015,

le 24 juin 2015 (demi-journée),

le 9 septembre 2015 (demi-journée), et

suivie d’observations écrites des deux parties,

datées du 27 novembre 2015.


MOTIFS

 

Question préliminaire: la durée de l’audience et la jonction des audiences relatives aux violations

 

[1]              La présente affaire a été entendue en même temps que l’affaire CRAC/CART‑1728, dont les faits et le moment de l’incident étaient différents. Une décision concernant l’affaire CRAC/CART‑1728 a été rendue le 14 mars 2016, sous la référence 2016 CRAC 8, décision qui sera ci‑après appelée Maple Lodge Farms 2016a. Comme il a été souligné dans Maple Lodge Farms 2016a, la durée de l’audience tenait au fait que deux affaires, qui comportaient des faits détaillés et de nombreux arguments, ont été entendues en même temps. Comme la Commission l’a affirmé dans Maple Lodge Farms 2016a, au paragraphe 5, il n’est peut‑être pas souhaitable d’entendre en même temps des affaires d’une telle complexité sur le plan de la preuve et de la défense, lorsque les faits et le moment de la violation diffèrent.

 

 

Question préliminaire : la qualité du dossier et des observations

 

[2]              Comme il a été souligné dans Maple Lodge 2016a, à l’initiative de M. Folkes, agissant pour le compte de Maple Lodge Farms, et avec le consentement ultérieur de Mme Wilson, agissant pour le compte de l’Agence, les volumineux témoignages enregistrés ont été transcrits et des copies des transcriptions écrites ont été gracieusement fournies à la Commission par les avocats, sans frais. La qualité des observations écrites finales des avocats a grandement bénéficié de la possibilité de se référer aux pages de la transcription écrite. Les nombreuses références aux transcriptions et aux autres éléments sont reconnues et appréciées par la Commission.

 

 

L’historique des procédures

 

[3]              Dans le procès‑verbal 1213ON037201, il est allégué que la demanderesse,  Maple Lodge Farms Inc. (Maple Lodge Farms) a commis une violation au titre de l’alinéa 143(1)d) du Règlement sur la santé des animaux (C.R.C., ch. 296), qui figure sous la rubrique « Protection des animaux contre les blessures ou la maladie », et qui prévoit que :

 

 (1) Il est interdit de transporter ou de faire transporter un animal dans un wagon de chemin de fer, un véhicule à moteur, un aéronef, un navire, un cageot ou un conteneur, si l’animal risque de se blesser ou de souffrir indûment en raison :

 

d) d’une exposition indue aux intempéries…

 

[4]              Le procès-verbal a été signifié à Maple Lodge Farms par voie électronique le 19 juin 2013. Les autres questions de procédure étaient essentiellement identiques à celles décrites dans Maple Lodge Farms 2016a, étant donné que les deux affaires ont été instruites en même temps. Comme ce fut le cas dans Maple Lodge Farms 2016a, la Commission a décidé que les conclusions finales des parties seraient présentées par écrit seulement, comme l’indique l’ordonnance jointe à la présente décision. À la suite du dépôt des conclusions finales, aucune partie  ne s’est prévalue du droit de réplique qui lui avait été accordé par la Commission.

 

 

Les faits non contestés

 

[5]              Les faits non contestés sont les suivants :

 

a)        Entre le matin du 18 septembre 2012 et le matin du 19 septembre 2012, onze cargaisons de poules de réforme ont été chargées à la ferme Hillandale, à Gettysburg (Pennsylvanie), et transportées aux installations de transformation de Maple Lodge Farms, situées à Brampton (Ontario). La ferme Hillandale est une ferme de cages, ce qui signifie que les poules passent toute leur vie de poule pondeuse dans des cages.

 

b)        Les chargements ont été transportés à Maple Lodge Farms par des transporteurs utilisant leurs propres camions, mais avec l’aide de remorques fournies par Maple Lodge Farms. Ces remorques étaient munies d’un [traduction] « système de chariot », au moyen duquel les poules de réforme étaient placées dans des tiroirs, transportées dans des chariots et chargées mécaniquement dans les remorques. Les remorques, conçues par Maple Lodge Farms, avaient été modifiées de façon à ce que les roues de la remorque soient entièrement sous le plancher de la remorque.

 

c)         Dans la remorque en question, 480 tiroirs de poules de réforme ont été chargés, à une densité de seize poules de réforme par tiroir, en vue du transport de 7 680 poules de réforme au total. Au moment du chargement et du transport, les poules étaient âgées de 93 semaines, et avaient cessé d’être nourries six à huit heures avant le chargement. Le chargement a commencé à 10 h 15, le 18 septembre 2012, et s’est terminé à 12 h 45.

 

d)        Le transport de Gettysburg (Pennsylvanie) à Brampton (Ontario) a duré presque 9 heures, le chargement ayant quitté Gettysburg à 12 h 45, le 18 septembre et étant arrivé à Brampton, à 21 h, le même jour. La remorque a ensuite été laissée dans une grange d’attente munie d’un toit mais non chauffée. De plus, les côtés de la remorque étaient ouverts et il y avait des ventilateurs qui fonctionnaient de façon continue dans la grange d’attente. Au moment de l’arrivée, Maple Lodge Farms commençait son quart d’assainissement, qui a duré jusqu’à 4 h environ, période pendant laquelle aucune transformation n’est effectuée. À la fin du quart d’assainissement, les poules de réforme avaient passé environ seize heures dans la remorque.

 

e)        Quant aux conditions météorologiques au début du transport et pendant celui‑ci, il y a eu de la pluie au moment du chargement et à divers moments au cours du voyage. Le ciel était couvert durant le voyage et la chaussée était mouillée par endroits. Au cours du voyage, la température a baissé d’environ 12 degrés Celsius, passant d’environ 22 degrés à Gettysburg à 9,6 degrés au moment où le chargement est arrivé à Brampton.

 

f)          Au cours du voyage, les deux côtés de la remorque étaient entièrement ouverts, le chauffeur ayant décidé de ne pas utiliser de bâches pour recouvrir l’un des côtés ou les deux côtés. Le chauffeur a déclaré avoir roulé à des vitesses allant de 80 à 100 kilomètres à l’heure. Le chauffeur s’est arrêté à deux reprises au cours du voyage pour examiner le chargement et n’a rien remarqué d’anormal.

 

g)        Après son arrivée à Maple Lodge Farms, le chargement a été examiné toutes les heures par le personnel de Maple Lodge Farms. Les températures à l’avant, au milieu et à l’arrière du chargement ont été prises par le personnel de Maple Lodge Farms à l’aide d’un thermomètre laser à infrarouge qui enregistrait les températures à l’extérieur des tiroirs. Lors du premier examen, on a signalé que neuf poules de réforme mortes étaient visibles au bas de la remorque.

 

h)        On a ensuite sorti la remorque de la grange d’attente pour la peser. Elle est restée à l’extérieur de la grange d’attente environ une heure, le chargement ayant été pesé à 4 h 30 pour ensuite être transporté dans l’aire de réception des animaux vivants, où la remorque a été déchargée. L’abattage du chargement a commencé peu après 5 h.

 

i)          Au cours du déchargement, on a découvert 337 poules de réforme mortes, ce qui représentait 4,4 % du chargement.

 

j)          Des examens ante mortem et post mortem des poules de réforme ont été effectués par les vétérinaires de l’Agence, sur des échantillons de 10 poules de réforme, choisies par le personnel de Maple Lodge Farms, pour chaque examen.

 

 

Le principal point en litige

 

[6]              Le principal point en litige entre les parties concerne la gravité des intempéries et les effets de ces intempéries sur les poules de réforme.

 

 

Conclusion

 

[7]              La Commission conclut que l’Agence n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que les poules de réforme ont été indûment exposées aux intempéries. Étant donné que l’exposition indue aux intempéries est un élément essentiel de la violation, Maple Lodge Farms ne saurait être considérée comme ayant commis la violation.

 

 

Commentaires généraux sur la preuve

 

[8]              La principale préoccupation de la Commission tient au fait que la plupart des éléments de preuve n’émanaient pas de participants directs aux événements en question. La plupart des éléments de preuve présentés conduisaient en grande partie à des inférences quant à ce qui aurait pu arriver. À cet égard, la Commission estime qu’elle doit particulièrement tenir compte des mises en garde qui lui ont été adressées par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Doyon c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 152, par le juge Létourneau (le juge  lais et la juge Trudel ayant souscrit à ses propos), au paragraphe 28 :

 

[28]      Aussi, le décideur se doit-il d’être circonspect dans l’administration et l’analyse de la preuve de même que dans l’analyse des éléments constitutifs de l’infraction et du lien de causalité. Cette circonspection doit se refléter dans les motifs de sa décision, laquelle doit s’appuyer sur une preuve qui repose sur des assises factuelles et non sur de simples conjectures, encore moins de la spéculation, des intuitions, des impressions ou du ouï-dire.

 

[9]              La preuve orale et écrite devant être examinée par la Commission est volumineuse. Le fait que la déposition d’un témoin donné ne soit pas mentionnée ou exposée en détail ne signifie pas que la Commission n’en a pas dûment tenu compte. Il en va de même de l’approche adoptée par la Commission à l’égard de la preuve écrite, qui a également été dûment prise en compte.

 

[10]         La preuve de l’Agence repose en grande partie sur des témoignages d’opinion, des éléments de preuve directe incomplets et des éléments de preuve documentaire. La preuve d’opinion présentée par l’Agence émane en grande partie du Dr. Appelt, qui n’a pas examiné ce chargement en particulier. La preuve directe incomplète présentée par l’Agence émane de M. Freiburger, qui a examiné partiellement le chargement et pris une série de températures de cageots, et du Dr. Sandhu, qui a examiné un échantillon des volailles dans des circonstances où la cause initiale de l’humidité était incertaine. La preuve documentaire présentée par l’Agence se compose en grande partie de rapports et de formulaires remplis par le chauffeur et le personnel de Maple Lodge Farms. Les documents présentés ne constituent pas des témoignages sous serment.

 

[11]         Il n’appartient pas à Maple Lodge Farms d’établir le bien‑fondé des prétentions de l’Agence. Tout ce dont on dispose, en l’espèce, c’est d’une preuve pour le moins contradictoire, de sorte qu’il devient impossible d’établir, selon la prépondérance des probabilités, la cause du décès de ces oiseaux, et si ces décès sont attribuables à une exposition indue, ou injustifiée, aux intempéries. Il est encore plus difficile de déterminer le degré de fragilité des autres oiseaux, compte tenu des nombreux éléments de preuve selon lesquels ils étaient alertes, et ne présentaient aucun problème évident, à part, peut‑être, un certain degré d’humidité s’étant produit à un certain moment.

 

[12]         Du point de vue de Maple Lodge Farms, la confusion qui règne sur le plan de la preuve est probablement la bienvenue. Celle‑ci n’offre de son plein gré aucun témoignage de quiconque ayant participé directement à la surveillance du chargement. Le transporteur n’offre pas non plus de son plein gré le témoignage direct du chauffeur. Le fermier et les attrapeurs ne se proposent pas pour comparaître ou fournir un affidavit ou tout autre élément de preuve quant à ce qu’ils ont observé, ou quant à la façon dont ils ont agi. Aucune de ces personnes ne peut être contre‑interrogée. Il ne peut y avoir d’appréciation de la crédibilité; les documents sont en grande partie censés parler d’eux‑mêmes, à moins d’être contestés de façon circonstancielle. Par exemple, n’eût été l’instruction simultanée de deux affaires mettant en cause Maple Lodge, l’uniformité de type modèle des rapports du Dr Sandhu dans les deux affaires, qui a soulevé des questions quant au poids à accorder à ces rapports, n’aurait probablement pas été aussi évidente.

 

[13]         Dans les affaires d’une telle complexité, compte tenu surtout des mises en garde formulées par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Doyon, l’Agence doit s’appuyer davantage sur des éléments de preuve directe pour établir sa position. Elle doit être en mesure d’interroger le chauffeur et les employés de Maple Lodge qui ont participé directement à la réception, au déchargement, à la surveillance et à la transformation du chargement. Si les conditions météorologiques initiales font partie de l’affaire, comme c’est le cas en l’espèce, elle a besoin du témoignage direct de ceux qui ont participé à l’attrapage et au chargement des poulets. L’Agence dispose des ressources nécessaires, au moyen d’une demande à la Commission, pour contraindre les personnes à témoigner, en personne ou sous d’autres formes, comme la vidéoconférence ou la téléconférence, qui équivalent à un témoignage direct pouvant faire l’objet d’un contre‑interrogatoire. Il est très difficile pour l’Agence d’établir ses prétentions en l’absence d’une telle preuve directe. Dans Maple Lodge Farms 2016a, il a été plus facile pour l’Agence de prouver ses prétentions parce que l’Agence et Maple Lodge Farms ont toutes deux convenu que les poules de réformes étaient restées immobiles pendant quatre heures environ, à des températures au-dessous de zéro, au début du transport (paragraphe 18, Maple Lodge Farms 2016a). À partir de là, la Commission a ensuite pu souscrire à l’argument de l’Agence voulant que, selon la prépondérance des probabilités, les poules de réforme aient subi un « choc causé par le froid » au début du transport.

 

[14]         Une dimension relative au « choc causé par le froid » semblable a été analysée par le Dr Appelt dans la présente affaire, en ce qui concerne les poules de réforme humides. Une telle opinion n’est pas exprimée sans équivoque. Ce qui est exprimé, c’est une opinion selon laquelle les poules de réforme, qui sont humides à un moment donné, se refroidissent et peuvent avoir de la difficulté à récupérer leur chaleur. Ces poules de réforme sont plus susceptibles de se refroidir, au point de tomber en hypothermie, à des températures plus élevées que dans le cas des oiseaux secs. Est‑ce à dire qu’un transport dans la pluie devrait être interrompu?

 

[15]         L’absence de témoignages sous serment ou d’éléments de preuve émanant des parties ayant directement participé au transport signifie que, malgré la durée de l’audience, l’affaire s’apparente à une révision par la Commission reposant sur des observations écrites seulement, auxquelles s’ajoute une preuve d’opinion quant au sens et à la signification des documents, et à l’état physique des poules.

 

 

Les examens post mortem effectués par le Dr Sandhu

 

[16]         Le Dr Gucharan Sandhu a effectué, pour le compte de l’Agence, des examens post mortem sur un échantillon de 10 oiseaux, choisis au hasard par le personnel de Maple Lodge Farms. Le processus de sélection est conforme à la pratique existante sur laquelle Maple Lodge Farms et l’Agence se sont entendues.

 

[17]         Même si des réserves ont été exprimées quant à la jonction des instances relatives aux violations, une telle jonction présente l’avantage de permettre la comparaison des pratiques utilisées par le Dr Sandhu dans le cadre des examens post mortem qu’il a effectués dans Maple Lodge 2016a et dans la présente affaire. Ce que la Commission et M. Folkes ont remarqué et commenté au cours de l’audience, c’est la similitude remarquable des mots employés par le Dr. Sandhu dans les rapports d’examen post mortem qu’il a rédigés dans les deux affaires. Même si les moments et les circonstances étaient très différents, un libellé identique figure dans les rapports d’examen post mortem que le Dr Sandhu a rédigés dans les deux affaires. Il semble qu’un modèle ait en grande partie été utilisé, du moins quant à la présentation des conclusions tirées des examens post mortem.  Par conséquent, la Commission n’est pas en mesure d’accorder à ces rapports le poids qu’ils auraient peut‑être par ailleurs mérité, compte tenu des préoccupations quant à savoir ce qu’une description qui est reprise et établie à partir d’un modèle signifie vraiment, et quant au degré de jugement vétérinaire qu’elle reflète.

 

[18]         La Commission convient qu’elle a accordé une plus grande crédibilité au témoignage du Dr Sandhu dans Little Rock Farm Trucking 2 (2014 CRAC 30), au paragraphe 103 :

 

[103]  Le Dr Sandhu était un témoin expert crédible, qui s’est exprimé clairement et était bien renseigné. Ses observations l’ont amené à conclure que [traduction] « le décès des oiseaux pourrait être imputable aux conditions pluvieuses et orageuses », une conclusion qui était honnête et crédible, particulièrement lorsqu’il en est venu à cette conclusion selon une norme moindre que la certitude absolue. De plus, ses conclusions étaient fondées sur des inférences logiques qui étaient conformes à d’autres éléments de preuve présentés en l’espèce.

 

 

Les éléments de preuve relatifs aux températures

 

[19]         La Commission s’est vu présenter une preuve contradictoire et déroutante quant aux mesures de températures prises pendant le transport. L’approche générale adoptée par Maple Lodge Farms consiste à utiliser un thermomètre laser à infrarouge pour mesurer les températures à l’extérieur des compartiments, pour ensuite extrapoler à partir de ces températures pour calculer les températures probables à l’intérieur des compartiments. Une grande partie de la preuve de la société, ayant trait à la sécurité des poules de réforme, repose sur cette extrapolation, qui est à son tour liée aux hypothèses quant au fait que les poules de réforme se blottissent et cherchent à se réchauffer à l’intérieur des conteneurs. La preuve à cet égard est loin d’être définitive, d’autant plus que la recherche empirique sur les poules de réforme n’est pas solide. Le Dr Appelt a fait observer, au nom de l’Agence, que la plupart des incertitudes au sujet des températures pourraient être résolues par l’installation de thermomètres à l’intérieur des remorques.

 

[20]         La Commission signale que, selon Little Rock Farm Trucking 2 (2014 CRAC 30), des faits tendent à démontrer que l’industrie utilise des thermomètres à l’intérieur des remorques. Dans cette affaire, le directeur de Little Rock Farm Trucking, M. Reuber, a expliqué que les pratiques avaient changé quand la société avait été obligée de transporter des poules de réforme à l’aide des nouvelles remorques conçues par Maple Lodge Farms. Son témoignage sous serment est ainsi résumé au paragraphe 53 de cette décision :

 

[53]      M. Reuber a cependant ajouté qu’il ne peut être tenu pour acquis que la température ambiante extérieure est la même que celle à l’intérieur de la remorque en raison des bâches. Même si le camion est en mouvement, la température à l’intérieur de la remorque deviendra plus élevée que la température extérieure ambiante, parce que les remorques appartenant à LRFT et utilisées par celle‑ci (avant d’utiliser les remorques de MLF) étaient munies de thermomètres installés à l’intérieur des remorques qui ont permis de démontrer que tel est le cas …

 

[21]         La question de savoir pourquoi, contrairement aux pratiques adoptées par des transporteurs expérimentés, Maple Lodge Farms n’a pas installé de thermomètres à l’intérieur de ses remorques, qui étaient censées être modifiées pour améliorer la santé et la sécurité des poules de réforme pendant le transport, n’a pas été abordée en l’espèce.

 

 

Les normes de l’industrie

 

[22]         La Commission constate que les parties ont toutes deux fait état de diverses normes de l’industrie. Comme la Commission l’a déjà affirmé, notamment dans Finley Transport c. Canada (Agence canadienne d’inspection des aliments), 2013 CRAC 42, au paragraphe 96, les normes industrielles peuvent servir de lignes directrices quant aux comportements par ailleurs considérés comme acceptables, mais ne peuvent être déterminantes quant à la question de savoir si une violation a été commise, surtout dans un régime de responsabilité absolue. Comme la Commission l’a affirmé, au paragraphe 96 de Finley Transport, les normes officialisées par l’industrie « ne fixent pas de limites formelles et précises quant à ce qui serait acceptable ». Sous réserve de cette mise en garde, la Commission garde à l’esprit les normes de l’industrie dans ses délibérations en l’espèce. La Commission signale également qu’en ce qui concerne la transformation des poules de réforme et l’exercice d’une influence sur leur transport, Maple Lodge Farms, effectivement, est l’industrie, car elle procède à la transformation d’environ 90 % de toutes les poules de réforme transformées au Canada.

 

 

Résumé du raisonnement

 

[23]         Au paragraphe 125 de ses observations finales, l’Agence fait un bref résumé, avec références, de la preuve sur laquelle elle s’appuie pour affirmer que les poules de réforme risquaient de souffrir indûment en raison d’une exposition indue aux intempéries. La Commission a décidé d’aborder la plupart de ces points, par ordre séquentiel.

 

[24]         L’Agence affirme que [traduction] « les oiseaux ont été chargés sous une forte pluie, alors que les bâches avaient été retirées de la remorque, et il a été établi par les rapports météorologiques que la pluie a continué à tomber par moments au cours du voyage ». La Commission convient qu’il a été établi que la pluie a continué à tomber par moments au cours du voyage, en plus du ciel couvert. La Commission n’est pas d’accord pour dire que la [traduction] « forte pluie » au moment du chargement a été établie, selon la prépondérance des probabilités, et souligne également l’absence de précisions quant au sens de ce terme.

 

[25]         L’Agence affirme que [traduction] « la remorque sans bâches a rencontré une chaussée mouillée de la Pennsylvanie à Brampton (Ontario) ». La Commission convient que ces circonstances ont été établies, mais ne voit pas comment l’Agence a pu associer l’absence de bâches et la chaussée mouillée à l’humidité des oiseaux, ou à une humidité pouvant être qualifiée d’exposition indue aux intempéries. Cela est particulièrement vrai compte tenu de la modification apportée à la remorque par Maple Lodge Farms, qui vise précisément à réduire au minimum les effets des éclaboussures.  Il n’y a pas de preuve non plus quant à la mesure dans laquelle l’eau giclant des véhicules qui passent ou d’ailleurs pénètre dans les conteneurs d’oiseaux.

 

[26]         L’Agence affirme que [traduction] « la température a baissé de 10 degrés Celsius près de la frontière canadienne, pour se situer entre 13 et 9 degrés Celsius ». La Commission reconnaît que cette baisse de température a été établie, et que la baisse de température globale au cours de l’ensemble du voyage a effectivement été une chute plus profonde.

 

[27]         L’Agence affirme que [traduction] « le chauffeur a observé que la température et la chaussée mouillée ont fait que les oiseaux ont eu froid ». La Commission reconnaît que le chauffeur a fait une telle déclaration, mais signale que cette déclaration a été faite après coup, en réponse aux demandes de renseignements de Maple Lodge Farms (et aussi, vraisemblablement, de son propre employeur) quant aux circonstances ayant entouré le nombre de décès. Il n’y a aucune preuve quant à l’expérience du chauffeur, relativement à l’appréciation de la crédibilité de cette déclaration, qui est de toute façon intéressée, et qui doit être considérée comme telle. Le chauffeur n’est pas vétérinaire et n’a, selon la preuve, exprimé aucune préoccupation à quiconque au cours du voyage, bien qu’il ait inspecté le chargement à deux reprises en cours de route. On ne sait pas non plus si ces inspections étaient discrétionnaires de sa part. Il n’y a eu aucun témoignage direct, sous serment, et comportant un contre‑interrogatoire, de la part du chauffeur. Pour ces motifs, la Commission n’accorde pas beaucoup de poids aux observations du chauffeur.

 

[28]         L’Agence affirme que [traduction] « les températures au‑dessous de 13 degrés sont inférieures à celles de la zone de confort de la volaille de réforme et il a été démontré qu’elles provoquent l’hypothermie chez les oiseaux humides ». La Commission ne considère pas cette affirmation comme ayant une portée absolue, car elle s’appuie sur le témoignage du Dr Appelt, un vétérinaire travaillant pour l’Agence et principal témoin de l’Agence, et sur une étude effectuée sur les poulets à griller. La recherche sur les poules de réforme n’est pas aussi avancée, et la fragilité comparative des deux types d’oiseaux n’a pas été clairement établie par une preuve empirique. L’Agence ne mentionne pas non plus les nombreux éléments de preuve présentés par Maple Lodge Farms quant aux effets contraires liés au fait que les oiseaux se blottissent pour se réchauffer. S’il s’agissait d’un seuil absolu de risque d’hypothermie, tout transport de poules de réforme en‑deçà de ce seuil, particulièrement à des températures au‑dessous de zéro, serait interdit. Il reste qu’il est actuellement légal de transporter des poules de réforme, sur de longues distances, à des températures nettement inférieures à 13 degrés Celsius.

 

[29]         L’Agence affirme que [traduction] « le personnel de Maple Lodge a remarqué neuf oiseaux morts dans les cageots extérieurs à l’arrivée du chargement à l’usine dans la nuit du 18 septembre 2012 ». La Commission est d’accord avec cette conclusion, quoique l’Agence n’ait pas établi quelles implications devraient raisonnablement découler de cette conclusion. Compte tenu de leur fragilité, on s’attend à ce qu’un certain nombre de poules de réforme décèdent pendant le transport, de différentes causes, dont l’exposition aux intempéries. La question de savoir si cette exposition aux intempéries est indue est une autre affaire. La question de savoir si l’exposition indue est associée à une souffrance indue en est encore une autre affaire. Le fait qu’une poule de réforme soit décédée ne signifie pas nécessairement que cette poule a souffert indûment avant de mourir. La découverte de neuf oiseaux morts par le personnel de Maple Lodge Farms ne semble pas entraîner en soi d’implications liées à un risque de souffrance indue en raison d’une exposition indue aux intempéries. Toutefois, la Commission n’a pas pu bénéficier du témoignage direct des employés ayant participé à la surveillance de ce chargement en particulier.

 

[30]         L’Agence affirme que [traduction] « 337 oiseaux morts ont finalement été retrouvés dans la remorque D76, lorsque le contenu de la remorque a été transformé le 19 septembre 2012 ». Il s’agit d’une conclusion de fait non contestée. Le nombre élevé de décès, qui représente 4,4 % du chargement, permet raisonnablement d’inférer qu’il y a eu des problèmes liés au transport, ou au troupeau, ou les deux ensemble. Quant aux problèmes liés au transport, l’Agence a précisément choisi de dresser un procès‑verbal au titre d’une disposition du Règlement sur la santé des animaux, qui exige l’établissement d’un risque de souffrance indue en raison d’une exposition indue aux intempéries. Cette violation doit être distinguée de la violation au titre d’une autre disposition du Règlement sur la santé des animaux, à savoir l’alinéa 138(2)a), qui interdit le transport d’un animal « qui, pour des raisons d’infirmité, de maladie, de blessure, de fatigue ou pour toute autre cause, ne peut être transporté sans souffrances indues au cours du voyage prévu ». Le transport est interdit lorsque le troupeau ou l’un de ses membres sont considérés comme étant généralement inaptes au transport, pour quelque cause que ce soit, et comme devant effectivement souffrir indûment de ce transport. Le lien de causalité plus précis prévu à la disposition examinée est contrebalancé par le fait que l’Agence n’a qu’à démontrer l’existence d’une souffrance indue « probable », et que cette probabilité ne doit être établie que selon la prépondérance des probabilités. Il est concevable qu’une souffrance indue effective ne puisse être probable, mais la Commission n’a pas à examiner davantage cette question, compte tenu de sa conclusion selon laquelle l’exposition indue aux intempéries n’a pas été établie.

 

[31]         La Commission a conclu que la dimension clé n’ayant pas été établie par l’Agence est l’ « exposition indue aux intempéries », qu’il ait ou non existé un risque de souffrance ou de souffrance indue. De nombreuses poules de réforme sont décédées. Certaines d’entre elles peuvent être décédées sans avoir souffert, ou sans avoir souffert indûment. Certaines d’entre elles peuvent avoir souffert ou souffert indûment avant de mourir, tandis que d’autres peuvent avoir souffert ou souffert indûment, mais sans mourir. L’exposition aux intempéries peut avoir contribué à cette souffrance ou souffrance indue. Il n’a pas été suffisamment établi, dans les circonstances, que l’exposition aux intempéries était indue. L’humidité des poules de réforme causée par la pluie ou les éclaboussures ne constitue pas nécessairement une exposition indue aux intempéries.

 

[32]         L’Agence affirme que [traduction] « la plupart des oiseaux morts ont été trouvés du côté extérieur de la remorque ». Cette affirmation se rattache au rapport de réception des animaux vivants de Maple Lodge Farms, mais elle est contredite par d’autres rapports d’observation selon lesquels les oiseaux morts ont été trouvés un peu partout dans le chargement. Maple Lodge Farms prétend que la représentation schématique des endroits où se trouvent les oiseaux morts est en fait un exercice « en agissant simplement machinalement », visant à satisfaire aux exigences des vétérinaires de l’Agence, mais qu’il ne faut pas s’y fier, lorsqu’il existe des déclarations contraires. Encore une fois, la Commission ne peut bénéficier du témoignage des employés de Maple Lodge Farms qui ont fait et inscrit les observations.

 

[33]         L’Agence affirme que [traduction] « les poules mortes à l’arrivée observées par l’inspecteur Freiburger et cinq des dix oiseaux autopsiés par le Dr Sandhu étaient « humides ». Le sens du mot « humide » dans le présent contexte n’est pas clair, tout comme la source de cette humidité. L’inspecteur Freiburger, un employé de l’Agence qui a surveillé le déchargement des poules de réforme et surveillé partiellement le déchargement de cette remorque en particulier, avait au départ observé un certain nombre d’oiseaux « humides ». Maple Lodge Farms a soutenu que l’humidité de l’échantillon se rattachait à la cellule d’où provenait l’échantillon. Il n’a pas été établi qu’un échantillon de dix poules de réforme permet statistiquement de tirer des conclusions quant à la cause probable du décès d’un nombre plus élevé de poules de réforme. Il n’a pas été établi non plus qu’un tel degré d’humidité fournit la preuve d’une exposition indue aux intempéries. Si la source de l’humidité est incertaine, une conclusion selon laquelle l’exposition à la pluie est la cause probable du décès est discutable, tout comme toute conclusion en découlant quant à une exposition indue aux intempéries. Encore une fois, la Commission n’a pu bénéficier du témoignage des employés de Maple Lodge Farms qui ont eux‑mêmes fourni l’échantillon au Dr Sandhu.

 

[34]         L’Agence affirme que [traduction] « les oiseaux ne montraient aucun signe de maladie infectieuse ». La Commission souscrit à cette affirmation, compte tenu de l’examen ante mortem qui a été effectué, quoiqu’en l’absence de preuve quant à son caractère défendable sur le plan statistique. Cet examen a porté sur dix poules de réforme seulement. Les deux parties ont utilisé cette conclusion à des fins différentes. Maple Lodge Farms a d’abord soutenu que cela signifiait qu’il n’y avait pas lieu de considérer que le chargement avait initialement été soumis à un stress, et donc qu’aucun abattage par ordre de priorité n’était nécessaire. Cet argument se rapporte aux questions de prévisibilité et de négligence, qui ne sont pas pertinentes quant au caractère absolu de la violation examinée et, de plus, où la prévisibilité de la violation n’est pas déterminée selon le point de vue de Maple Lodge Farms. L’Agence a répliqué en affirmant qu’un examen ante mortem visant à détecter une maladie n’était pas censé être utilisé comme une évaluation de toute autre condition de fragilité du chargement. L’Agence s’appuie maintenant sur cette conclusion pour donner à entendre que, par un quelconque processus d’élimination, le chargement était généralement en bonne santé et que, par conséquent, les décès constatés doivent être attribuables à une exposition indue aux intempéries. La Commission est disposée à souscrire à l’opinion initiale de l’Agence selon laquelle les résultats de l’examen ante mortem sont en grande partie non pertinents quant aux questions examinées.

 

[35]         L’Agence et Maple Lodge Farms ne s’entendent pas sur l’état de santé général des poules de réforme. L’Agence affirme que ces poules sont généralement fragiles, étant donné qu’elles souffrent d’importantes carences en calcium à cette étape de leur vie, et que leur plumage est souvent déficient. Un plumage déficient, ou l’absence de plumes, peut être attribuable à l’âge ou au fait que les oiseaux se becquettent, avant ou pendant le transport. Le Dr Appelt a déclaré à cet égard qu’il existe littéralement un « ordre de becquetage » parmi les poules, et que les poules les plus faibles sont souvent attaquées par les poules plus fortes dans les cages fermées à la ferme. Au cours du transport, ces comportements se poursuivent, et sont aggravés par le stress que les oiseaux éprouvent pendant le transport. Ce stress est généralisé et se manifeste par les coups de bec que les oiseaux se donnent pendant le transport, étant donné qu’ils ont jusqu’alors passé toute leur vie dans des cages fixes.

 

[36]         Maple Lodge Farms affirme, par l’entremise de la Dre Ouckama, que les oiseaux ne sont pas nécessairement fragiles en raison de leur âge. Elle fonde sa comparaison sur la fragilité des poulets élevés pour leur chair, qui sont transportés à l’abattoir lorsqu’ils sont âgés de quelques semaines seulement. Les poules de réforme, par contre, sont transportées à une étape beaucoup plus tardive de leur vie — en l’espèce, à l’âge de 93 semaines.

 

[37]         La Commission estime que la preuve vétérinaire présentée en l’espèce et dans de nombreuses autres affaires établit que les poules de réforme sont fragiles, et confrontées à de multiples défis. La question de savoir si elles sont plus ou moins fragiles que les poulets à griller n’est pas particulièrement pertinente. Le « caractère indu », tant de la souffrance que de l’exposition aux intempéries, doit donc être apprécié à la lumière de la fragilité des poules de réforme. Ce qui peut constituer une exposition « justifiée » aux intempéries pour les porcs ou les bœufs peut bien être « injustifié » ou « indu » pour les poules de réforme.

 

[38]         La Commission souscrit donc aux opinions vétérinaires plus générales exprimées par les témoins des deux parties (à l’exception peut‑être de la Dre Ouckama) selon lesquelles les poules de réforme sont des oiseaux fragilisés. Ce qui constitue une exposition indue aux intempéries doit être apprécié en fonction de cet état fragilisé. La Commission a conclu que les conditions météorologiques n’ont pas été suffisamment établies pour qu’une conclusion relative à une exposition indue aux intempéries soit raisonnable, indépendamment de la question de savoir s’il a été établi qu’une telle exposition indue aux intempéries est associée à un risque de souffrance indue. Plus les poules de réforme sont fragilisées, plus il semble difficile d’établir le degré d’exposition aux intempéries qui sera considéré comme indu, ou comme étant principalement ou majoritairement associé à la souffrance ou à la souffrance indue des poules de réforme. Voilà encore une autre combinaison de facteurs qui joue en faveur de Maple Lodge Farms.

 

[39]         Pour étayer davantage les arguments qu’elle a énoncés au paragraphe 129 de ses observations finales, l’Agence ajoute ce qui suit :

 

[traduction] 129.       En outre, plusieurs des cargaisons sœurs transportées dans des conditions météorologiques semblables le 18 septembre 2012 ont présenté un taux élevé de mortalité. Cinq autres cargaisons ayant fait l’objet d’une enquête par l’Agence ont présenté des taux de mortalité à l’arrivée variant entre 4,95 % et 9,92 %. Selon les commentaires des chauffeurs, ces cargaisons ont également voyagé sous une pluie intermittente et sur une chaussée mouillée causant des éclaboussures de route, pour ensuite subir une baisse de température importante à la frontière. Dans la mesure où Maple Lodge soutient que la modification des configurations des bâches empêche de tirer l’inférence selon laquelle la température a été un facteur, il convient de souligner qu’aucun des chauffeurs n’a déployé les deux bâches du côté gauche et du côté droit, ce qui signifie qu’au moins un des deux côtés de la remorque est demeuré exposé aux éléments. Si le fait de tirer les deux bâches aurait pu entraîner des problèmes de ventilation, cela ne fait pas obstacle à l’inférence selon laquelle certains oiseaux ont probablement souffert en raison de leur exposition aux éléments.

 

[40]         L’Agence a choisi de mettre l’accent sur les chargements dont les taux de mortalité étaient de nature à déclencher une enquête de l’Agence. L’Agence s’est intéressée surtout à cinq chargements en plus de celui en cause en l’espèce, ce qu’elle a résumé à l’appendice A de ses observations écrites finales. Aux pages 64 et 65 de ses observations écrites finales, Maple Lodge Farms a choisi de mettre l’accent sur la totalité des chargements provenant de la ferme, au nombre de 11, en plus de celui en cause en l’espèce. Trois de ces chargements ne sont pas essentiellement comparables, car le chargement et les départs ont eu lieu le matin du 19 septembre, plutôt que le 18 septembre. Dans le premier chargement du 19 septembre, il est mentionné que le temps était clair et ensoleillé. Aucun temps ensoleillé n’a été mentionné dans aucun des chargements ayant quitté la ferme le 18 septembre. En même temps, en ce qui concerne les huit autres chargements, y compris celui qui est examiné, on ne peut affirmer qu’une certaine configuration de bâches ou l’absence de bâches sont nécessairement liées à un taux de mortalité élevé. Un des chargements présente un faible taux de mortalité, alors que le chargement était protégé par des bâches tirées sur les deux côtés. Ce que l’Agence semble laisser entendre, c’est que dans le chargement examiné, une exposition indue aux intempéries a résulté du fait que les oiseaux n’étaient pas protégés par des bâches déployées des deux côtés, ou sur un des côtés, du chargement. L’Agence reconnaît néanmoins que le fait de déployer les bâches pourrait aussi augmenter la chaleur et l’humidité dans la remorque au point que les oiseaux pourraient en souffrir, mais fait valoir que, tout bien considéré, l’absence de protection au moyen de bâches permet de conclure que les poules de réforme ont été indûment exposées aux intempéries.

 

[41]         L’Agence n’a présenté à la Commission aucune preuve indépendante précise quant à la meilleure façon d’utiliser des bâches dans les conditions météorologiques alléguées, en ce qui a trait au degré non précisé d’humidité auquel les poules de réforme auraient été exposées. La Commission ne dispose d’aucun fondement lui permettant de tirer une conclusion défendable quant au degré d’humidité des poules de réforme, et aussi quant à savoir si ce degré d’humidité nécessite un recouvrement complet avec des bâches pour éviter un risque de souffrance indue. La Commission n’est pas disposée à conclure, comme l’Agence semble l’affirmer, que [traduction] « les poules de réforme étaient certainement humides, ou très humides, et qu’un recouvrement complet avec des bâches pendant le transport aurait certainement écarté tout risque de souffrance indue ». Il s’agit là d’une hypothèse frisant la spéculation pure.

 

 

Les conclusions aisées que l’on ne peut tirer

 

[42]         Selon une interprétation des faits, on pourrait aisément conclure ce qui suit :

 

a)           Les oiseaux en question provenaient d’un troupeau affaibli et étaient donc plus sensibles aux effets de l’humidité causée par la pluie.

 

b)           On pourrait interpréter la déclaration de Maple Lodge Farms selon laquelle le chargement a été retardé en raison de la « forte pluie » comme signifiant que les oiseaux étaient très humides lorsqu’ils ont été chargés — ou humides au‑delà de ce qui était justifié, compte tenu de leur état de faiblesse.

 

c)            On pourrait en outre conclure qu’étant donné que le chargement dont il est question en l’espèce et deux autres chargements présentant des taux élevés de mortalité ont fait le voyage sans aucune protection sur les côtés, les bâches n’ayant pas été abaissées pendant le voyage, les oiseaux doivent avoir été indûment exposés aux effets des intempéries au cours de cette période, ces effets comprenant de la pluie à divers degrés ainsi que des éclaboussures d’eau provenant de la route.

 

d)           Cette exposition indue aurait été attribuable aux effets refroidissant du transport, puisque le voyage s’est déroulé en grande partie sous un ciel couvert ou pluvieux, et qu’il ne semble donc pas y avoir eu de période d’ensoleillement, où la chaussée aurait été sèche, et pendant laquelle les effets de la pluie et des éclaboussures de route auraient effectivement pu être contrés.

 

e)           On pourrait citer la conclusion du chauffeur à cet égard, qui a expliqué que le taux élevé de mortalité était attribuable au fait que les oiseaux s’étaient trop refroidis pendant le voyage.

 

f)             On pourrait également conclure que, plutôt que de s’améliorer, la situation s’est aggravée à partir du moment où les oiseaux sont arrivés à Maple Lodge Farms, parce que les ventilateurs ont été allumés, apparemment pour réduire la chaleur excédentaire, ce qui a eu l’effet contraire de refroidir les oiseaux. De plus, les oiseaux sont restés dans cet état pendant presque sept heures, Maple Lodge Farms n’ayant prévu aucune transformation pendant le quart d’assainissement, soit entre 21 h et 4 h environ.

 

g)           On pourrait ensuite conclure que la situation s’est aggravée davantage lorsqu’on a sorti le chargement à l’extérieur pour le peser, juste avant de le placer dans la file menant à l’abattage. Les oiseaux ont ensuite passé une heure en dehors de l’abri minimal que Maple Lodge Farms avait à offrir, ayant été remis au froid, avant d’être transportés dans les installations de Maple Lodge Farms où ils ont été déchargés, puis abattus.

 

h)           On pourrait considérer que Maple Lodge Farms a commis la violation parce qu’elle a pris le contrôle, à Brampton, d’un chargement fragilisé par une exposition indue aux intempéries, et qu’elle a commis la violation à partir de ce moment; Maple Lodge Farms 2016a.

 

i)             On pourrait aussi considérer que Maple Lodge Farms a commis la violation parce que les effets de l’exposition aux intempéries ont été aggravés, de manière à devenir proprement indus, pendant que les oiseaux se trouvaient effectivement sous le contrôle de Maple Lodge Farms, à Brampton.

 

j)             Subsidiairement, parce que Maple Lodge Farms a « fait transporter » les oiseaux à partir de Brampton, on pourrait tenir Maple Lodge Farms responsable à compter du moment où le chargement a commencé sous une « forte pluie », et ce, indépendamment du fait que le « choc au système » ayant pu en résulter soit survenu aux États‑Unis.

 

k)           Subsidiairement, on pourrait réexaminer la notion de contrôle au regard des faits et se demander si le fait de conclure que Maple Lodge Farms avait exercé un contrôle sur le transport à partir de Brampton établissait que la violation avait été commise tout au long du transport, y compris au moment du chargement et du « choc au système » survenus aux États‑Unis.

 

[43]         De l’avis de la Commission, ces conclusions ne sont pas étayées par la preuve, selon la prépondérance des probabilités, compte tenu des lacunes de la preuve présentée par l’Agence et de la preuve contraire présentée par Maple Lodge Farms. La Commission est confrontée à la situation troublante où plus de 300 oiseaux dans le chargement en question ont été trouvés morts, mais où elle ne peut, selon la prépondérance des probabilités, tirer de conclusion quant à la cause ou aux circonstances de leur décès. La conclusion aisée, mais insoutenable, est que « cela doit être attribuable aux intempéries », ou « cela doit être attribuable aux intempéries, et aux quelque sept heures que les oiseaux ont passées dans l’aire d’attente ». À l’égard de chacune de ces conclusions aisées, l’avocat de Maple Lodge Farms a fourni une preuve contraire qui ne se limite pas à soulever un doute, ce qui serait suffisant pour obtenir un acquittement dans une instance criminelle, mais qui établit, selon la prépondérance des probabilités, que la cause du décès de ces oiseaux et le lien entre ces décès et les intempéries, et plus particulièrement, une exposition indue aux intempéries, demeurent incertains. Compte tenu de cette incertitude concernant les oiseaux qui sont décédés, la Commission estime qu’il n’y a pas lieu de conclure que les oiseaux qui sont restés en vie risquaient de se blesser ou de souffrir indûment en raison d’une exposition indue aux intempéries.

 

 

La « forte pluie », le retard dans le chargement et les éclaboussures de route

 

[44]         De l’avis de la Commission, la déclaration de Maple Lodge Farms selon laquelle la « forte pluie » a causé un retard dans le chargement n’établit pas en soi comment les poules de réforme ont été affectées par cette pluie, particulièrement en l’absence d’une conclusion quant à ce que le terme « forte pluie » signifie dans le présent contexte. Le chauffeur du chargement a décrit la pluie de la même façon. Cependant, M. Robert, le directeur de la logistique réelle de Maple Lodge Farms, a déclaré qu’à sa connaissance, les poules de réforme auraient été chargées dans la grange et auraient été exposées à la pluie tout au plus trente secondes, pendant qu’elles étaient transportées de la grange à la remorque. En outre, si les conteneurs où sont placées les poules de réforme « ne sont pas imperméables », comme l’a décrit l’Agence, la preuve n’établit pas clairement quelle quantité de pluie aurait pu entrer dans un conteneur, en trente secondes, au cours du chargement.

 

[45]         Les circonstances particulières du retard dans le chargement n’ont pas été expliquées par M. Robert, qui n’aurait pas nécessairement été au courant de toute façon; il n’était pas là. Il se peut que le retard ait été dû au fait qu’on a attendu dans la grange le temps que la pluie se calme. Si le chargement avait eu lieu sans qu’il soit tenu compte de la quantité de pluie, le retard dans le chargement aurait très bien pu être minimal. Il ne s’agit pas d’une situation semblable à celle de Maple Lodge Farms 2016a, où le retard a été généralement accepté par les parties comme étant attribuable à une défaillance mécanique. Encore une fois, l’Agence (et, implicitement, la Commission) a besoin de plus d’éléments de preuve directe de la part de ceux qui ont vraiment expérimenté les conditions météorologiques, et la façon dont ces conditions ont eu une incidence sur les procédures.

 

[46]         L’Agence soutient aussi que les poules de réforme se trouvant au bas et sur les côtés des conteneurs ont probablement été exposées aux éclaboussures, compte tenu surtout du fait qu’il n’y a eu aucune protection au moyen de bâches à quelque moment que ce soit pendant le voyage.  Ces soumissions de l’Agence sont contredites par Maple Lodge Farms, qui affirme que les poules de réforme ont été trouvées un peu partout dans la remorque. De plus, l’Agence n’a pas parlé des modifications structurelles apportées aux remorques, dont a fait état Maple Lodge Farms, par l’entremise de M. Robert, et qui sont illustrées par des photos.

 

[47]         La Commission constate que la photo de la remorque ayant servi au transport dont il est question en l’espèce n’a pas été produite par Maple Lodge Farms, ni demandée par l’Agence. On suppose donc qu’une remorque modifiée structurellement a été utilisée dans ce transport en particulier. Si c’est le cas, les roues du nouveau type de remorque sont entièrement sous le plancher de la remorque, qui s’étend vers l’extérieur, de sorte que le plancher de la remorque sert de barrière aux éclaboussures de route. Aucun élément de preuve n’a été présenté quant à la quantité d’éclaboussures pouvant encore affecter les poules de réforme transportées, compte tenu de cette modification apportée à la structure de la remorque. Il n’existe également aucun témoignage de la part du chauffeur, qui s’est arrêté à deux reprises pour inspecter le chargement, quant à l’état d’humidité des poules de réforme. Ces modifications structurelles, qui ne semblent pas s’être vu accorder beaucoup de poids au procès criminel de Maple Lodge Farms, sont considérées comme étant très pertinentes en l’espèce. Comme il a été souligné dans Maple Lodge Farms 2016a ainsi que par rapport à la présente affaire, la violation alléguée comporte des incidents s’étant produits avant la déclaration de culpabilité au criminel de Maple Lodge Farms.

 

 

L’exposition indue aux intempéries et l’exposition indue à la pluie

 

[48]         Quant à la souffrance indue, la Cour d’appel fédérale a conclu, dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Porcherie des Cèdres Inc., 2005 CAF 59, que la souffrance « indue » ne doit pas être rattachée à l’état de souffrance de base de l’animal au commencement du transport. Autrement dit, la souffrance pendant le transport n’a pas à être « excessive », compte tenu des blessures existantes de l’animal, pour être indue. Le seuil n’est pas plus élevé avant que la souffrance devienne « indue » parce que l’animal était souffrant au départ. Au contraire, étant donné qu’on devrait se demander si un animal souffrant devrait même être transporté, le seuil de souffrance « indue » devrait plutôt être moins élevé. Ainsi, dans l’arrêt Porcherie des Cèdres, la Cour d’appel fédérale a conclu ce qui suit (motifs rédigés par la juge Desjardins, les juges Nadon et Pelletier y ayant souscrit), aux paragraphes 26 et 27 :

 

[26]  …Il ne m’apparaît nullement raisonnable d’interpréter les mots « indu[e] » et « undue » comme signifiant « excessif » et « excessive ». À mon avis, une interprétation raisonnable de « indu[e] » et « undue », dans le contexte de la législation pertinente, ne peut que mener à la conclusion que ces mots signifient plutôt « inapproprié », « inopportun », « injustifié », « déraisonnable », « undeserved », « unwarranted », « unjustified », « unmerited ». Cette interprétation fait en sorte qu’un animal souffrant ne pourra être chargé et transporté, puisqu’un tel chargement ou transport aura pour effet de causer à l’animal des souffrances « injustifiées » et « déraisonnables »…

 

[27]  J’en viens donc à la conclusion que le transport d’un animal blessé (et donc souffrant) ne pourra que causer à cet animal des souffrances qui ne peuvent être justifiées ou des souffrances inappropriées…

 

[49]         Se pose donc la question de savoir si l’exposition « indue » aux intempéries peut également être déterminée sans tenir compte de l’état de l’animal au commencement du transport. Par exemple, l’exposition « indue » devrait‑elle être déterminée en tenant compte de la fragilité des poules de réforme, ou cette appréciation devrait‑elle être de nature plus générale? Selon la Commission, le caractère « indu » devrait être apprécié en tenant compte de cette fragilité, en abaissant le seuil de l’« exposition indue », et en se demandant donc si cette exposition aux intempéries était « injustifiée », « déraisonnable » (considéré comme étant un synonyme de « unmerited »), « inappropriée » ou « inopportune ». Ce qui constitue une exposition « indue » aux intempéries sera différent dans le cas, par exemple, d’une vache en santé, plus grosse, que dans celui d’une poule en santé, plus petite. La nature de l’exposition « indue » aux intempéries sera différente si la vache ou l’oiseau étaient malades ou fragiles au début du transport. De plus, dans un régime de responsabilité absolue, il n’est pas pertinent de savoir si les personnes visées par le procès‑verbal étaient au courant de la nature et de l’étendue de l’état maladif ou de la fragilité d’un animal. Ces personnes peuvent soutenir qu’elles auraient modifié la nature du transport, si elles avaient su, mais cela est encore une fois non pertinent. Dans le présent régime de responsabilité absolue, la directive réglementaire semble vouloir que ceux qui participent au transport doivent être absolument certains que l’animal peut être transporté et ne risque pas de se blesser ou de souffrir indûment en raison d’une exposition indue aux intempéries. En cas de doute, la personne concernée devrait annuler, ou à tout le moins interrompre, le transport, en attendant une enquête plus poussée.

 

[50]         Selon l’une des conclusions tirées dans l’arrêt Porcherie des Cèdres, au paragraphe 27, un animal blessé est un animal qui souffre, et qui ne peut effectivement être transporté sans qu’il lui soit causé une souffrance indue. L’arrêt Porcherie des Cèdres était une affaire portant sur le transport de porcs, et où la violation alléguée, au titre de l’alinéa 138(2)a) du Règlement sur la santé des animaux, analysé précédemment, se rattachait à l’aptitude générale d’un animal à être transporté sans souffrance indue. Il est actuellement légal de transporter des poules de réforme non blessées sous la pluie, pourvu que l’exposition à cette pluie ne soit pas indue et, si l’exposition à cette pluie est indue, pourvu que les poules de réforme ne risquent pas de se blesser ou de souffrir indûment pendant le transport.

 

[51]         Compte tenu de la preuve, la Commission à l’impression qu’au cours du voyage, les conditions météorologiques n’ont comporté aucune averse torrentielle, mais plutôt un certain degré de pluie et d’humidité comportant aussi des éclaircies, quoique sous un ciel généralement couvert. Selon la Commission, une telle situation ne saurait être considérée comme constituant une exposition « déraisonnable » ou « inopportune » des poules de réforme aux intempéries, indépendamment de la question de savoir si celles‑ci risquaient de se blesser ou de souffrir indûment en raison de cette exposition. Selon la Commission, pour que la situation corresponde à une exposition indue à la pluie, il aurait fallu que la pluie soit plus torrentielle, de façon générale ou à des moments précis pendant le voyage, et qu’il puisse être établi que les poules de réforme ont été exposées à ces effets torrentiels. Les poules de réforme peuvent légalement être transportées par un temps pluvieux « typique ».  On trouve un exemple de conditions atypiques et de conclusions en découlant dans la décision Little Rock Farm Trucking 2 (2014 CRAC 30), où le chauffeur a décidé de traverser un ouragan. L’incident isolé que constitue un ouragan a donné lieu à l’avis de la Commission selon lequel la décision d’une personne raisonnable, tout en tenant compte du caractère légal du transport par temps pluvieux, aurait été d’annuler le transport. Aux paragraphes 106 et 107 de Little Rock Farm Trucking 2, la Commission a apprécié la situation de la façon suivante :

 

[106]  …d’une façon ou d’une autre, la meilleure approche aurait consisté à annuler le ramassage, même si cela aurait pu s’avérer difficile à mettre en pratique dans l’industrie du transport des poules de réforme. Au lieu de cela, LRFT a choisi, par l’entremise de son chauffeur, d’effectuer le ramassage en Pennsylvanie, de conduire dans des conditions météorologiques [traduction] « horribles » et de livrer les poules de réforme à MLF. Des poulets ont souffert et sont morts lors du transport. Des poulets semblaient déjà morts dans la cargaison à l’arrivée à l’établissement de MLF.

 

[107]  En conséquence, la Commission conclut que les oiseaux ont été indûment exposés aux intempéries le 29 octobre 2012 et que l’Agence a donc établi l’élément 3 de la violation reprochée.

 

[52]         Dans Maple Lodge Farms 2016a, les avocats s’entendaient généralement pour dire que les poules avaient été exposées pendant quatre heures à des températures au‑dessous de zéro, à la suite, semble‑t‑il, d’une défaillance mécanique. En l’espèce, les avocats ne s’entendent pas sur les conditions météorologiques, tant au moment de l’attrapage et du chargement que pendant le transport. Il faut donc déterminer, selon la prépondérance des probabilités, quelles étaient les conditions météorologiques au cours de l’attrapage, du chargement et du transport, et si ces conditions ont à un moment quelconque constitué une exposition indue aux intempéries.

 

[53]         Comme il est indiqué dans Maple Lodge Farms 2016a, il est légalement permis de transporter des poules de réforme dans des circonstances où ces poules souffrent, ou risquent de souffrir, en raison d’une exposition aux intempéries. Il est également légalement permis de transporter ces poules dans des circonstances où elles souffrent indûment, ou risquent de souffrir indûment, en raison d’une exposition aux intempéries. Il est également permis de transporter ces poules dans des circonstances où elles se blessent, ou risquent de se blesser, en raison d’une exposition aux intempéries. La violation ne se produit que dans les cas où l’exposition aux intempéries est indue, et est associée à un risque de blessure ou de souffrance indue.

 

[54]         L’Agence et Maple Lodge Farms ont des opinions divergentes sur la quantité de pluie qui est tombée pendant le transport. Maple Lodge Farms soutient que le temps était nuageux, avec un peu de pluie, à certains moments pendant le voyage. L’Agence a fourni des éléments de preuve émanant de stations météorologiques voisines pour démontrer qu’il est tombé une plus grande quantité de pluie, d’une manière plus constante, tout au long du voyage. Toutefois, la meilleure façon d’établir l’état d’humidité des oiseaux durant le transport est d’obtenir une preuve directe de la part du chauffeur, dont le témoignage n’a pas été soumis à la Commission. Au cours du voyage, le chauffeur s’est arrêté à deux reprises pour observer les oiseaux, et il n’a signalé aucun problème. En l’absence de preuve directe de la part du chauffeur, on ne peut, compte tenu de la preuve présentée jusque‑là, tirer une conclusion quant à l’état des oiseaux à leur arrivée à Maple Lodge Farms. On peut alors chercher à savoir comment les oiseaux ont été considérés par le personnel de réception de Maple Lodge Farms au moment de l’arrivée du chargement. Encore une fois, en l’absence d’une preuve directe émanant des employés ayant directement participé à l’examen du chargement (le rôle de M. Hilario en était plus un de supervision), la preuve se résume aux rapports écrits du personnel de réception de Maple Lodge Farms. Du point de vue de Maple Lodge Farms, ces rapports ne révèlent presqu’aucune source de préoccupation.

 

[55]         L’Agence a fourni de nombreux éléments de preuve, fondés sur des rapports de stations météorologiques voisines, quant aux conditions météorologiques observées au cours du voyage. Ces rapports font le portrait d’un transport s’étant déroulé en grande partie par un temps pluvieux et nuageux, où la température a baissé pendant le voyage. Maple Lodge Farms s’appuie plutôt sur le rapport du chauffeur, qui fait état de périodes de pluie moins nombreuses, et d’un temps clair, plutôt que nuageux, par moments. La question est de savoir si les rapports de stations météorologiques « voisines » sont suffisants pour établir les conditions météorologiques expérimentées par ce chauffeur en particulier, sur ce chemin en particulier, à un moment particulier durant le voyage. L’un des rapports invoqués par l’Agence est celui de Rochester, où un orage a été observé à ce moment particulier du voyage. Maple Lodge Farms soutient qu’il n’a pas été établi que Rochester est suffisamment proche du chemin emprunté pour que l’on puisse raisonnablement inférer que l’orage observé à Rochester a également touché la région de ce chemin. Maple Lodge Farms fait remarquer que le chauffeur aurait dû, de façon illogique, dévier de son chemin, et se diriger vers l’orage, pour l’expérimenter comme l’a indiqué l’Agence. La Commission est convaincue par les arguments de Maple Lodge Farms à cet égard. Du point de vue de la Commission, le ciel était probablement plus généralement couvert, mais il ne semble pas y avoir eu, après le début du voyage, une quantité de pluie suffisante pour entraîner un choc au système identifiable chez les oiseaux transportés. Ce dont l’Agence a besoin en l’espèce, c’est d’une preuve plus directe quant à la nature et à l’étendue de l’orage et, plus particulièrement, quant au fait que les conditions observées à Rochester sont également, selon la prépondérance des probabilités, les conditions expérimentées par le chauffeur à cette étape particulière du voyage. L’Agence a besoin d’une preuve plus directe pour faire échec au rapport du chauffeur. Subsidiairement, l’Agence doit être en mesure de mettre en doute le témoignage du chauffeur, en le contre‑interrogeant sur ce qui constituerait alors un témoignage sous serment, par opposition à un rapport sans serment.

 

[56]         Ce chauffeur et les personnes ayant participé au chargement auraient pu apporter des éléments de preuve plus convaincants quant à la nature et à l’étendue de la « forte pluie » au moment du chargement et aux comportements des autres lors de chargement. Par exemple, lorsque Maple Lodge Farms affirme que le chargement a été retardé en raison de cette pluie, cela signifie‑t‑il que les poules de réforme ont été transportées plus lentement, parce que ceux qui procédaient au chargement voulaient attendre que la pluie se calme? Les poules de réforme ont‑elles été chargées dans la grange ou à l’extérieur de la grange, où elles auraient été davantage exposées à la pluie? Le seul élément de preuve à cet égard émane de M. Robert de Maple Lodge Farms. M. Robert possède une expérience directe antérieure dans le transport de poules de réforme, en raison de son emploi antérieur chez Little Rock Farm Trucking. Il n’était pas sur place au moment de ce chargement en particulier. M. Robert a déclaré qu’il croyait que les poules de réforme avaient probablement été chargées dans la grange, à l’abri de la pluie, et qu’une fois placées dans les chariots conteneurs, elles n’auraient pas été exposées à la pluie plus de trente secondes. Cette preuve n’est pas contredite, et il s’agit de la seule preuve dont dispose la Commission quant aux circonstances du chargement.

 

[57]         En ce qui concerne le sens du mot « indue », la Commission s’est appuyée sur l’arrêt Porcherie des Cèdres à plusieurs reprises : Roelands c. Canada (Agence canadienne d’inspection des aliments), 2013 CRAC 8; E. Grof Livestock c. Canada (Agence canadienne d’inspection des aliments), 2014 CRAC 11; A.S. L’Heureux Inc. c. Canada (Agence canadienne d’inspection des aliments), 2014 CRAC 17 et Western Commercial Carriers Ltd. c. Canada (Agence canadienne d’inspection des aliments), 2014 CRAC 33. Dans E. Grof Livestock, au paragraphe 82, la Commission s’est dite préoccupée par les imprécisions définitionnelles ayant trait aux mots « inapproprié », « inopportun », « injustifié » et « déraisonnable », affirmant que « ces définitions semblent pouvoir poser des difficultés d’application, puisqu’elles correspondent à des degrés variables d’appréciation subjective ». Par exemple, il se dégage implicitement des définitions de l’arrêt Porcherie des Cèdres qu’un animal peut être transporté et exposé à une souffrance qui est « appropriée », « opportune », « justifiée » ou « raisonnable » et qui n’est donc pas, en pareil cas, indue. Il est très difficile d’imaginer que la souffrance d’un animal puisse être « appropriée », « opportune » ou « raisonnable ». Il est donc à espérer que la Cour d’appel fédérale fournira des précisions. Le terme définitionnel opérationnel le plus évident semble être la souffrance « injustifiée », par opposition à une souffrance qui peut être justifiée. En l’espèce, si l’on applique la même définition à l’« exposition indue aux intempéries », la question semble plus facile à évaluer sous l’angle de l’exposition « injustifiée », par opposition à « justifiée », aux intempéries. L’exposition justifiée aux intempéries correspond plus facilement aux circonstances ordinaires dans lesquelles il est légalement permis de transporter, dans ce cas, des poules de réforme. Cette interprétation est considérée comme étant compatible avec l’opinion exprimée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, au paragraphe 10 :

 

Il est depuis longtemps établi en matière d’interprétation des lois qu’« il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » : voir 65302 British Columbia Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 804, par. 50.  L’interprétation d’une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la Loi dans son ensemble.  Lorsque le libellé d’une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d’interprétation.  Par contre, lorsque les mots utilisés peuvent avoir plus d’un sens raisonnable, leur sens ordinaire joue un rôle moins important.  L’incidence relative du sens ordinaire, du contexte et de l’objet sur le processus d’interprétation peut varier, mais les tribunaux doivent, dans tous les cas, chercher à interpréter les dispositions d’une loi comme formant un tout harmonieux.

 

[58]         S’agissant de donner des directives à la Commission en matière d’interprétation des lois, la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Procureur général c. Stanford, 2014 CAF 234, au paragraphe 42, a rappelé à la Commission l’opinion exprimée par la Cour suprême du Canada. Ayant présent à l’esprit les directives en matière d’interprétation des lois que lui a données la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Stanford, la Commission considère l’intention générale du législateur qui se dégage de l’alinéa 143(1)d) du Règlement sur la santé des animaux comme constituant une mise en garde générale à l’endroit de ceux qui font du transport d’animaux. De plus, la disposition ne s’applique pas seulement au commencement du transport, mais aussi, comme il en a été question dans plusieurs décisions, à l’ensemble de la période visée par le transport, y compris la période d’attente préalable à l’entrée des animaux dans l’abattoir. À n’importe quel moment, s’il y a une exposition indue aux intempéries pouvant raisonnablement être associée à un risque de blessure ou de souffrance indue, une violation est commise. La personne qui participe au transport pourrait et, peut‑on soutenir, devrait interrompre le transport à ce moment‑là, et peut alors faire valoir qu’il n’y a eu aucun transport d’animaux, par la suite. La mise en garde législative générale faite à ceux qui participent au transport semble être la suivante : « Abstenez‑vous de commencer ou de poursuivre le transport si les conditions météorologiques sont inhabituelles ou extrêmes, et qu’une blessure ou une souffrance indue risque d’en découler ». La mise en garde législative pourrait être ainsi reformulée : « Ne prenez pas le risque de transporter des animaux dans des conditions météorologiques extrêmes ».

 

[59]         Quant à l’exposition « justifiée » aux intempéries, il semble qu’une telle justification puisse clairement se produire lorsque des oiseaux humides au départ sont ensuite exposés à du temps ensoleillé et plus chaud pendant le reste du transport, ce qui leur permet de sécher et de se réchauffer au cours du transport. La situation est moins claire lorsque le temps est pluvieux et le ciel couvert pendant une bonne, sinon la plus grande, partie du transport, et que la température baisse de quelque 12 degrés Celsius pendant le transport. À quel moment les poules de réforme sont‑elles « indûment » exposées aux intempéries, et comment cette exposition indue est‑elle liée à un risque de souffrance indue des poules de réforme? Cette exposition « justifiée » aux intempéries est appréciée du point de vue d’une personne qui tient compte du fait que le transport de poules de réforme par temps pluvieux est actuellement légal. Il ne s’agit pas, cependant, d’une justification se rattachant principalement au point de vue ou aux normes de l’industrie. Il s’agit du point de vue de « personne raisonnable » de façon générale, et non de celui du « transporteur de poules de réforme raisonnablement expérimenté ». Reposant sur un parti pris de l’association de l’industrie, l’éventail de justification de ce dernier risque d’être plus large. À cet égard, l’Agence soutient qu’en matière de transport d’animaux, il n’y a pas lieu de maintenir un équilibre entre les activités commerciales régulières et la protection des animaux, contrairement aux sentiments exprimés par le président de la Commission dans la décision Little Rock Farm Trucking 1, 2014 CRAC 29, au paragraphe 113 :

 

[113]  Bien que le législateur ait édicté une disposition précise afin de protéger la santé des animaux contre le risque que ceux‑ci souffrent indûment pendant leur transport en raison d’une exposition indue aux intempéries, il est nécessaire d’interpréter cette disposition afin de maintenir un équilibre entre les activités commerciales régulières des intervenants des systèmes de production agricole et agroalimentaire et la protection des animaux dans le cadre de ces systèmes. En conséquence, il faut lire l’utilisation par le législateur des mots « souffrir indûment » et « exposition indue aux intempéries » dans la définition d’une violation dans le contexte de cet équilibre, eu égard à l’esprit et à l’objet de la Loi sur la SA et de son règlement d’application.

 

Le membre de la Commission siégeant en l’espèce est d’accord avec le président de la Commission sur ce point, et la position de l’Agence n’est donc pas retenue.

 

[60]         Comme déjà mentionné, les choses doivent être appréciées du point de vue de la « personne raisonnable » qui tient compte de la légalité du transport des poules de réforme par temps pluvieux. La « justification » est considérée de ce point de vue. Maple Lodge Farms a réussi à contrer les implications apparemment logiques selon lesquelles, à première vue, un chargement dépourvu de bâches qui roule sous la pluie entraîne une exposition indue aux intempéries. Malgré le fait que trois de ces chargements dépourvus de bâches aient présenté des taux élevés de mortalité, Maple Lodge Farms a établi que les autres chargements, pourvus de bâches en fonction de l’évaluation du chauffeur quant à la meilleure façon de faire face aux conditions météorologiques, présentaient également des taux élevés de mortalité. De plus, Maple Lodge Farms a répondu aux attentes d’une « personne raisonnable » selon lesquelles l’absence de bâches pouvait être justifiée si les conditions météorologiques permettaient aux oiseaux de sécher pendant le transport. La preuve indique que c’est effectivement ce qui est arrivé. Le rapport du chauffeur et le témoignage du Dr Appelt étayent tous deux la position voulant que, pendant le voyage, les conditions météorologiques aient été de nature à permettre aux oiseaux de sécher à la suite de toute exposition antérieure à la pluie. Lorsque les oiseaux sont arrivés à Maple Lodge Farms, le personnel de Maple Lodge Farms a remarqué qu’ils étaient secs. L’inspecteur de l’Agence, M. Freiburger, dans le cadre de ce qui s’est résumé à un examen partiel du transport durant le déchargement des oiseaux, a vu que certains d’entre eux étaient humides, et non trempés, sans que la cause de cette humidité ne soit précisée. Maple Lodge Farms prétend que cette humidité a pu être causée par des matières fécales ou d’autres excrétions qui seraient tombées sur certains oiseaux.

 

 

La période postérieure à l’arrivée à Maple Lodge Farms

 

[61]         Si l’Agence a établi qu’il a plu pendant une grande partie du voyage, elle n’a pas réussi à établir, selon la prépondérance des probabilités, que les oiseaux sont arrivés à Maple Lodge Farms dans un état indiquant une exposition indue aux intempéries. Il est loin d’être clair que l’exposition aux intempéries était indue, et le fait que plus de 300 oiseaux aient été trouvés morts, un peu partout dans le chargement, n’établit pas définitivement que ces décès étaient attribuables à une exposition indue aux intempéries, plutôt qu’à une exposition aux intempéries de façon générale, ou à une combinaison de causes. Étant donné qu’elle n’accorde aucun poids aux examens post mortem du Dr Sandhu, le fait pour la Commission d’inférer que les taux de mortalité doivent nécessairement être associés à une souffrance indue attribuable à une exposition indue aux intempéries comporte le degré même de conjectures ou de spéculation contre lequel la Cour d’appel fédérale l’a mise en garde dans l’arrêt Doyon. Il reste que plus de 300 oiseaux sont décédés dans ce transport, sans que la cause du décès d’aucun de ces oiseaux n’ait été, selon la prépondérance des probabilités, clairement établie, encore moins si cette cause peut être généralisée dans l’ensemble de la population.

 

[62]         Maple Lodge Farms a fourni des détails sur le transport et les temps d’attente pour le chargement en question et les autres chargements qui sont arrivés à Maple Lodge Farms au même moment ou à peu près au même moment, ainsi qu’à d’autres moments, les mêmes jours. Le principal élément distinctif dans le présent chargement est la période pendant laquelle il est resté dans l’aire d’attente : plus de sept heures. Le chargement est arrivé au début du quart d’assainissement et n’a donc pas pu être transformé, sans égard à l’état des oiseaux, avant le lendemain. Tout ce que la surveillance du chargement aurait accompli, c’est de donner la priorité au chargement pour l’abattage du matin, mais n’aurait rien fait pour alléger la souffrance des oiseaux pendant cette période d’attente causée par le quart d’assainissement. Ce que la surveillance aurait pu établir, c’est que quelque chose aurait dû être fait pour alléger la souffrance, mais ne l’a pas été, en raison du quart d’assainissement.

 

[63]         Compte tenu de cet élément distinctif que constitue la longue période d’attente, on doit se demander si, pendant la période où le chargement était sous le contrôle de Maple Lodge Farms, la durée prolongée de la période qu’il a passée en attente peut être associée à une exposition indue aux intempéries. La violation peut reposer tant sur un acte de commission que sur un acte d’omission. Dans ses observations finales, M. Folkes, au nom de Maple Lodge Farms, a résumé les temps de transport, les temps d’attente et les taux de mortalité liés aux transports contemporains de poules de réforme. On pourrait déceler une tendance à ce que les temps d’attente moins longs correspondent à des taux de mortalité moins élevés, dans les transports d’une durée similaire effectués dans des conditions météorologiques similaires, et raisonnablement conclure que la période d’attente liée au chargement en question est le principal facteur ayant contribué au nombre de décès. La  Commission devrait alors se demander si la durée de la période d’attente peut être considérée comme une exposition indue aux intempéries ou comme une autre cause classifiée. Toutefois, Maple Lodge Farms a fourni des éléments de preuve concernant d’autres chargements, dont la durée du transport et les conditions météorologiques étaient similaires, mais dont les temps d’attente étaient plus courts, et les taux de mortalité plus élevés, que celui du chargement en question. L’Agence avait le droit de répondre à ces observations finales, mais a choisi de ne pas le faire.

 

[64]         La Commission ne dispose pas non plus d’éléments de preuve au sujet des caractéristiques générales du troupeau particulier qui a été transporté. Ce qui a été présenté au nom de l’Agence, c’est une preuve quant à la fragilité générale des poules de réforme, laquelle a été contestée par Maple Lodge Farms. Les taux de mortalité comparativement moins élevés liés à certains des transports contemporains semblent apporter une preuve contredisant la prétention de l’Agence quant à la fragilité générale, ou indiquant qu’il y a quelque chose de profondément différent dans la façon dont les poules de réforme se trouvant dans les chargements présentant un « faible taux de mortalité » ont été transportées ou traitées dans l’aire d’attente. La Commission a besoin d’une preuve plus solide quant à la façon dont ce chargement particulier, dans les circonstances, a été affecté par le temps pluvieux pendant le transport et la longue période d’attente.

 

[65]         En outre, toute tentative de conclusion quant à l’état d’humidité des oiseaux à leur arrivée à Maple Lodge Farms ou durant la période d’attente est déjouée par la méthode d’échantillonnage appliquée par la suite dans les examens post mortem. Maple Lodge Farms s’oppose à l’opinion du Dr Sandhu voulant que le décès des oiseaux ait pu être attribuable à une exposition à la pluie. Tout à fait indépendamment des réserves que la Commission a exprimées à l’égard du formatage « de type modèle » des rapports du Dr Sandhu, Maple Lodge Farms prétend que l’échantillon d’oiseaux a probablement été pris dans le conteneur d’oiseaux morts qui aurait été mouillé dans le cadre des procédures d’assainissement — plus particulièrement, le lavage de la glissière au bas de laquelle lesdits oiseaux morts ont été exclus de la transformation. M. Freiburger prétend que l’échantillon provenait des oiseaux morts que le personnel de Maple Lodge Farms avait placés dans un sac de plastique, à une étape antérieure, quoique Maple Lodge Farms ait fait ressortir des contradictions dans ce témoignage (observations finales de MLF, au paragraphe 147). S’il semble illogique de choisir un échantillon parmi les oiseaux mouillés dans le cadre des procédures d’assainissement, lorsque l’objectif est d’apprécier la façon dont l’exposition à la pluie a pu contribuer à leur décès, il n’en reste pas moins qu’il n’existe aucune preuve établissant clairement d’où provenaient les oiseaux destinés à l’examen. Maple Lodge Farms affirme en outre que le fait de choisir les oiseaux dans « le conteneur des oiseaux morts à l’arrivée » correspond à sa procédure habituelle dans ces circonstances (observations finales de Maple Lodge Farms, au paragraphe 147). La raison pour laquelle l’échantillon d’oiseaux n’est pas pris directement par le personnel de l’Agence n’est pas claire, sans compter l’absence de preuve établissant qu’un échantillon de dix oiseaux est statistiquement suffisant pour formuler des assertions quant à l’état des oiseaux pendant l’ensemble du transport.

 

[66]         Les conclusions quant à l’état des oiseaux sont également déjouées par le fait qu’un certain nombre d’oiseaux — plus précisément, dix, choisis par le personnel de Maple Lodge Farms — ont fait l’objet d’un examen ante mortem ayant permis de conclure que, parmi les oiseaux vivants examinés, il n’y avait aucun problème. Le risque de partialité dans le choix de l’échantillon, apparent ou réel, n’a pas été abordé devant la Commission. L’Agence rappelle que ces examens visaient à vérifier la présence de maladie dans le troupeau, et que dans ce cas, le choix de 10 oiseaux fait apparemment au hasard par le personnel de Maple Lodge Farms est dit suffisant pour tirer une conclusion statistiquement défendable quant à l’état du troupeau. Lorsque l’on procède à des examens post mortem en se servant du même nombre d’oiseaux, mais pour tirer des conclusions se rapportant vraisemblablement à une population plus petite (les oiseaux décédés, plutôt que ceux qui sont restés vivants), les conclusions en découlant peuvent sembler avoir une plus grande validité statistique. Cependant, aucun argument n’a été présenté à cet égard.

 

[67]         La Commission est donc placée dans une situation où elle ne peut conclure que la période d’attente plus longue liée au chargement en question peut être considérée comme comportant une exposition indue aux intempéries.

 

 

L’heure additionnelle passée à l’extérieur pendant la pesée

 

[68]         Maple Lodge Farms reconnaît que le chargement a été retiré de l’aire d’attente et est resté totalement à l’extérieur, totalement à découvert, environ une heure, pendant la pesée et avant d’être transporté dans l’usine en vue de l’abattage. On pourrait être porté à déduire que c’est cette heure additionnelle d’exposition aux éléments, à une température encore plus basse, reconnue comme ayant été d’environ 7 degrés Celsius, qui a entraîné le taux élevé de mortalité. Maple Lodge Farms a fait échec à toute déduction de ce genre en faisant référence à l’opinion du témoin de l’Agence, le Dr Appelt, selon laquelle il n’y aurait vraisemblablement pas eu de baisse de température importante dans les cageots, pendant cette heure additionnelle passée à l’extérieur, par rapport aux températures estimées pendant que le chargement était dans l’aire d’attente. De plus, les températures ont été estimées par l’inspecteur de l’Agence, M. Freiburger, lorsque le chargement a été transporté à l’intérieur et déchargé en vue de la transformation. Maple Lodge Farms prétend que la lecture de température de M. Frieburger n’a pas pu se produire dans les instants ayant suivi l’entrée, mais correspondait plutôt aux températures approximatives dans les aires du chargement pendant l’heure passée à l’extérieur. La Commission souscrit à cette prétention.

 

 

Réitération de conclusion

 

[69]         La Commission réitère donc sa conclusion, formulée au départ au paragraphe 7 des présentes, selon laquelle il n’a pas été établi, selon la prépondérance des probabilités, que les poules de réforme ont été indûment exposées aux intempéries, à quelque moment que ce soit pendant le transport, y compris lorsque le chargement était sous le contrôle direct de Maple Lodge Farms. Selon la Commission, il ne semble pas y avoir de tendance uniforme pouvant conduire à une conclusion selon laquelle l’exposition aux intempéries était indue. Si elle était indue, on s’attendrait à une plus grande uniformité des résultats. Par exemple, on devrait s’attendre à des résultats désastreux généralement semblables pour des poules de réforme transportées dans un ouragan (Little Rock Farm Trucking 2), ou des poules de réforme laissées à l’extérieur, immobiles et à découvert, pendant quatre heures à des températures au‑dessous de zéro (Maple Lodge Farms 2016a).

 

 

Les préoccupations générales futures

 

[70]         Ayant conclu que l’exposition indue aux intempéries n’a pas été établie, selon la prépondérance des probabilités, la Commission n’a donc pas à analyser en détail la façon dont cette exposition aux intempéries a affecté les poules de réforme pendant le transport, sous l’angle du risque de blessure ou de souffrance indue, et ce, même si la Commission a abordé certains de ces aspects d’une manière accessoire. La Commission n’a pas non plus à se demander si, dans l’éventualité où une blessure ou une souffrance indue était en fait établie, elle devrait être considérée comme probable. Ces questions, et de nombreuses autres questions, restent à être examinées dans le cadre de délibérations futures.

 

[71]         D’autres questions demeurent préoccupantes pour l’avenir. L’une d’elles concerne la capacité de Maple Lodge Farms de mesurer plus exactement les températures dans la remorque et les chariots tiroirs. L’autre se rapporte au quart d’assainissement et à la détresse causée aux chargements pendant ces quarts. Si l’analyse de ces questions peut sembler constituer un exercice éditorial superflu, compte tenu de la conclusion de la Commission dans la présente affaire, le membre de la Commission siégeant en l’espèce estime que certains points méritent maintenant d’être rendus publics.

 

 

a)          La mesure des températures

 

[72]         En ce qui concerne la mesure des températures dans le chargement, on a longuement débattu de l’exactitude de la méthode consistant à utiliser les lectures à infrarouge des températures à l’extérieur des cageots (ou entre les cageots) et à extrapoler de ces lectures les températures à l’intérieur des cageots. À cet égard, les « cageots » devraient plutôt être qualifiés de « tiroirs », pour ce qui est de la remorque modifiée conçue par Maple Lodge Farms. Tous semblent s’entendre pour dire que ces mesures sont des approximations, et que, de façon générale, les températures à l’intérieur des cageots sont plus chaudes qu’à l’extérieur des cageots. Toutefois, comme le Dr Appelt l’a affirmé dans son témoignage, on obtiendrait une mesure plus exacte et plus fiable en s’appuyant sur des lectures prises à l’aide de thermomètres installés dans le chargement en général, voire même dans chaque cageot ou tiroir. Dans Maple Lodge Farms 2016a, on a fait mention de la possibilité de se procurer de tels thermomètres. Parmi les décisions citées devant la Commission dans la présente affaire et dans Maple Lodge Farms 2016a, il y a les décisions Little Rock Farm Trucking de 2014. En examinant ces décisions, la Commission a fait état précédemment du résumé suivant du témoignage sous serment de M. Reuber, le propriétaire de Little Rock Farm Trucking 2, figurant au paragraphe 53 de 2014 CRAC 30 :

 

[53]  M. Reuber a cependant ajouté qu’il ne peut être tenu pour acquis que la température ambiante extérieure est la même que celle à l’intérieur de la remorque en raison des bâches. Même si le camion est en mouvement, la température à l’intérieur de la remorque deviendra plus élevée que la température extérieure ambiante, parce que les remorques appartenant à LRFT et utilisées par celle‑ci (avant d’utiliser les remorques de MLF) étaient munies de thermomètres installés à l’intérieur des remorques qui ont permis de démontrer que tel est le cas…

 

[73]         Cet élément de preuve établit que l’utilisation de thermomètres dans les remorques est une technologie plus ancienne. Malgré cela, lorsque Maple Lodge Farms a conçu ses remorques « améliorées », l’installation de thermomètres à l’intérieur des remorques ne semble pas avoir été prévue. Dans la mesure où Maple Lodge Farms exige que les transporteurs utilisent ses remorques, on ne dispose donc plus de renseignements aussi précis quant aux températures à l’intérieur des cageots que s’il y avait des thermomètres. La question de savoir comment la remorque conçue par le plus important transformateur de poules de réforme au Canada peut ne pas avoir été munie de tels thermomètres dans le cadre de la conception d’une remorque modernisée mérite réflexion. On pourrait penser que cette omission a augmenté la confusion quant à la mesure des températures à l’intérieur des remorques et des cageots. En l’espèce, aucune personne ayant directement participé au transport du chargement en question n’a été contrainte de témoigner par l’Agence. Il s’agit apparemment donc d’un oubli de conception qui n’a pas été expressément abordé dans la présente affaire, en dehors de l’affirmation du Dr Appel selon laquelle l’installation de thermomètres internes était réalisable sur le plan technique.

 

 

b)          L’aveuglement volontaire institutionnel et le tort intentionnel

 

[74]         Quant aux chargements laissés dans l’aire d’attente durant le quart d’assainissement, Maple Lodge Farms examine régulièrement ces chargements afin de vérifier s’ils sont soumis à un stress, notamment par une observation visuelle et la prise de températures au laser qui sont utilisées pour déduire les températures approximatives à l’intérieur des cageots. Tout à fait indépendamment des questions ayant trait à l’exactitude de ces mesures de température, si un chargement devait être soumis à un stress tel qu’il est plus tard déterminé qu’il a comporté une souffrance indue pour les oiseaux en raison d’une exposition indue aux intempéries ou pour toute autre cause prohibée, Maple Lodge Farms ne pourrait rien faire pour alléger cette souffrance indue. Si cette souffrance indue devait se développer au cours de la période d’attente, tout ce que Maple Lodge Farms pourrait faire, s’il se rendait compte de la situation, serait d’accélérer l’abattage tôt dans la matinée, une fois le quart d’assainissement terminé. Comme Maple Lodge Farms Farms n’a pas instauré d’horaire de transformation flexible de vingt‑quatre heures, il y a des périodes où les oiseaux peuvent souffrir indûment et où rien n’est fait pour alléger cette souffrance, en dehors des effets de la température ambiante et de l’abri qu’offre une aire d’attente munie d’un toit mais non chauffée.

 

[75]         L’Agence a abordé la question de l’apparente redondance des examens de chargements dans les cas où rien ne pouvait être fait s’il était déterminé qu’un chargement était soumis à un stress, ce qui risque de se produire lorsqu’un chargement arrive pendant le quart d’assainissement, comme ce fut le cas en l’espèce. Comme l’Agence le fait observer au paragraphe 116 de ses observations finales :

 

116.  …étant donné que la remorque D76 est arrivée à l’abattoir au début du cycle d’assainissement, Maple Lodge ne pouvait pas accélérer la transformation du chargement. Le fait que Maple Lodge accepte des chargements d’animaux dans ses granges non chauffées à des heures où ils ne peuvent être abattus, même s’il souffrent indûment en raison de conditions météorologiques non clémentes, révèle une indifférence négligente à l’égard des soins à apporter aux oiseaux au cours du processus de transport.

 

[76]         Si la Commission avait conclu que le chargement en question a été exposé à un risque de souffrance indue en raison d’une exposition indue aux intempéries, la Commission a considéré qu’une telle situation où l’on se contente de ne « rien faire » équivaut à un tort intentionnel. Dans Finley Transport, la Commission a exprimé ces sentiments, aux paragraphes 93 et 99, de la façon suivante :

 

[93]  S’agissant de savoir si l’infraction a été commise sciemment ou par négligence, la Commission précise qu’à peu près toutes les cotes attribuées sous cette rubrique, que la Commission a eu l’occasion d’examiner, concernaient la négligence. À moins qu’un contrevenant reconnaisse avoir sciemment commis la violation qui lui est reprochée (comme cela a été le cas dans l’affaire Meyers Fruit Farms c. Canada (ACIA), RTA60327 [2008]) la Commission n’a jusqu’ici été saisie d’aucune affaire où la négligence aurait été telle qu’on aurait pu détermine [sic] que la faute avait été intentionnelle. La Commission estime que la négligence peut découler d’une si grande indifférence à un résultat pourtant parfaitement prévisible que le résultat peut être considéré comme ayant été voulu. Ce concept est admis dans la définition bien établie de ce qui constitue, en matière civile, les fausses déclarations. De telles déclarations doivent être, effectivement, inexactes, et faites sciemment ou sans le moindre souci de leur fausseté ou inexactitude : Derry v. Peek, (1889) 14 App. Cas. 337 (H.L); Skuratow v. Commonwealth Insurance Co., 2005 BCCA 515. Dans cette deuxième affaire, la Cour a estimé (au paragraphe 16 de son arrêt), qu’une [traduction] « déclaration que l’on savait être fausse » comprend une déclaration inconsidérée faite sans le moindre souci de son exactitude. Dans le même ordre d’idée, en matière fiscale, on parle de déclaration faite « sciemment ou dans des circonstances qui justifient l’imputation d’une faute lourde », ce qui veut dire que la négligence peut atteindre un degré de gravité tel qu’elle équivaut essentiellement à l’intention de commettre l’infraction : voir le paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (L.R.C. 1985, ch. 1 [5e supp.], modifié) et Panini c. Canada, 2006 CAF 224. La Commission estime qu’il convient de tenir compte de cela pour décider si, au regard du Règlement, une violation a été commise sciemment, et lui attribuer la cote de gravité correspondante.

 

 

[99]  Selon les preuves produites, le transporteur, qui est arrivé à l’abattoir en avance, n’a rien fait pour soulager les porcs dont il pouvait cependant constater la souffrance. Selon les preuves et témoignages produits, on les a tout simplement laissés là, sans rien faire pour eux pendant peut‑être une demi‑heure, jusqu'à ce qu’ils soient déchargés et abattus. À l’époque, il n’y avait pas de ventilateurs dans l’allée de chargement, mais rien n’a été fait non plus pour rafraîchir les porcs en les arrosant ou en cherchant à savoir si l’on pouvait se procurer de l’eau. Il était largement prévisible que les porcs seraient gravement incommodés, et qu’ils risquaient de mourir d’épuisement par la chaleur. La gravité de la négligence manifestée par le transporteur au cours de cette période où les animaux, confinés dans un véhicule immobile, souffraient, constitue une circonstance aggravante qui fait que cette négligence équivaut presque à un tort intentionnel…

 

[77]         Selon la preuve, le seul moment où Maple Lodge Farms n’accepte pas de chargements est le vendredi, parce qu’elle ne fait pas de transformation la fin de semaine. Elle n’exige pas qu’aucun chargement n’arrive pendant le quart d’assainissement. Il s’agit d’une décision d’affaires qui peut être justifiée sur le plan de la santé humaine, mais qui n’accorde clairement aucune importance au bien‑être des animaux.

 

[78]         En outre, il n’a jamais été clairement expliqué pourquoi seuls les tiroirs se trouvant au bas et du côté inférieur de la remorque ont été examinés par le personnel de Maple Lodge Farms en vue de vérifier si le chargement était soumis à un stress. Ni l’Agence ni Maple Lodge Farms n’ont abordé la question de savoir s’il était physiquement impossible d’examiner le chargement d’un point plus élevé ou offrant une perspective plus large, avant de procéder au déchargement. Aucun employé de Maple Lodge ayant directement participé à l’examen du chargement n’a jamais été contraint de témoigner par l’Agence. Maple Lodge Farms a toujours le choix des témoins qu’elle souhaite présenter, tandis que l’Agence a le choix des témoins qu’elle souhaite contraindre à témoigner.

 

[79]         Quant aux rapports sur les endroits où se trouvaient les oiseaux morts, la Commission s’est heurtée à l’affirmation de Maple Lodge Farms selon laquelle les représentations schématiques de ces endroits n’étaient pas fiables. Il a en effet été soutenu que les employés de Maple Lodge Farms traçaient des cercles dans un schéma pour satisfaire aux exigences des vétérinaires de l’Agence qui étaient sur place. Maple Lodge Farms a affirmé que les renseignements les plus crédibles figuraient dans les descriptions écrites des endroits où se trouvaient les oiseaux morts. L’intégrité de la pratique n’a pas pu être défendue par l’Agence, en l’absence d’une preuve directe émanant de ceux qui ont préparé ces rapports. Comme mentionné, Maple Lodge Farms n’a de son plein gré présenté aucun témoin dont le témoignage pourrait faire avancer la cause de l’Agence, ce qu’elle n’était pas non plus tenue de faire.

 

[80]         La Commission craint que les processus adoptés par Maple Lodge Farms, tant isolément que collectivement, soient des mesures ne visant pas à fournir à Maple Lodge Farms les meilleures données sur l’état des poules de réforme, en vue de prendre des mesures pour atténuer le tort. Il y a bien eu un commentaire non officiel formulé par M. Folkes quant à l’annulation occasionnelle d’un transport, mais ni l’Agence ni Maple Lodge Farms n’ont fourni d’éléments de preuve quant à la fréquence de ces annulations, pour des considérations liées au bien‑être des animaux. On ne sait toujours pas avec certitude quand les considérations liées au bien‑être des animaux l’emportent sur les considérations liées à l’efficacité du transport. De plus, pour ce qui est des poules de réforme, les considérations liées au bien‑être de cet animal semblent principalement prendre la forme d’une accélération de l’abattage. La souffrance, indue ou non, est apaisée par la mort. En ce qui concerne le quart d’assainissement s’appliquant à l’ensemble de l’entreprise à Maple Lodge Farms, même l’accélération de l’abattage est impossible dans des circonstances de souffrance immédiate et profonde des poules de réforme.

 

 

c)           S’attaquer aux répercussions par la loi et le règlement

 

[81]         Si la présente décision peut sembler empreinte d’indifférence à l’égard de la santé et du bien‑être des poules de réforme, il demeure important de trouver un équilibre entre ce qui est légal et ce qui est interdit, quoique l’on pense de la nature de l’activité qui est légale. Il peut arriver que les défenseurs du bien‑être des animaux ne comprennent pas ces distinctions. Des poules de réforme humides peuvent être légalement transportées, sur de longues distances, pour finalement attendre environ sept heures à Maple Lodge Farms, avant d’être abattues. Dans la présente affaire, le temps total passé dans les cageots a dépassé vingt heures, si l’on tient compte du temps consacré au chargement avant le départ, alors qu’il est reconnu dans l’industrie que les transports d’une durée de plus de quatre heures causent un stress beaucoup plus grand aux oiseaux.

 

[82]         Malgré le témoignage contraire du Dr Ouckama, l’opinion dominante chez les vétérinaires veut que les poules de réforme soient des animaux fragilisés, présentant diverses faiblesses, dont des os fragiles en raison d’une carence en calcium. Le principal environnement de ponte des poules de réforme est une cage, où elles passent toute leur vie —en l’espèce, 93 semaines ou toute leur vie, ou moins de deux ans. Il est alors légalement permis de les transporter sur de longues distances dans toutes sortes de conditions météorologiques, avant de les abattre. Il semble exister un argument voulant que les poules de réforme ne puissent être transportées sur de longues distances sans souffrances indues, peu importe les circonstances météorologiques ou autres circonstances. Or, elles le sont quand même. Il semble pouvoir y avoir des violations répétitives de l’alinéa 138(2)a) du Règlement sur la santé des animaux, qui traite de l’inaptitude générale au transport, mais les affaires portant sur le transport de poulets ne concernent pas régulièrement cette disposition. L’interdiction judiciaire de transporter des animaux blessés, élaborée il y a une dizaine d’années par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Porcherie des Cèdres, ne semble pas être considérée comme s’appliquant à l’état fragilisé des poules de réforme.

 

[83]         Le législateur a jugé bon de préciser que, dans certaines circonstances, un animal ne peut être transporté sans souffrances indues, et donc d’éliminer législativement tout doute. Ces circonstances concernent l’animal non ambulatoire, ce terme étant défini et l’interdiction rendue explicite à l’article 2 et au paragraphe 138(2.1) du Règlement sur la santé des animaux. Ces dispositions ont fait l’objet d’une analyse par la Commission dans L. Bilodeau et Fils Ltée et Patrice Guillemette c. Canada (ACIA) 2015 CRAC 22, dans laquelle (au paragraphe 28) la Commission a décidé, entre autres choses, que l’état non ambulatoire doit être plus que temporaire : l’Agence a présenté à la Cour d’appel fédérale une demande de contrôle judiciaire de cette décision de la Commission. Au moment de la rédaction de la présente décision, l’affaire n’avait pas encore été entendue par la Cour d’appel fédérale.

 

[84]         Les préoccupations du législateur pourraient être rendues explicites quant aux poules de réforme en général, ou on pourrait, par voie législative, établir une présomption selon laquelle une souffrance indue se produit si le transport dépasse une certaine durée, par exemple quatre heures, et prévoir une interdiction en ce sens. Cela obligerait les participants de l’industrie à abattre les poules de réforme à une étape antérieure, dans des installations moins éloignées de la ferme, à la suite de quoi les poulets abattus pourraient être transportés en vue de leur transformation—dans des camions réfrigérés par exemple. Une durée de transport plus courte prévue par la loi permettrait également de faire disparaître la nécessité de priver les poules de réforme de nourriture avant de les abattre, les poules étant privées de nourriture quatre ou cinq heures avant d’être transportées afin d’éviter toute contamination par des matières fécales. Les poules ne pourraient‑elles pas tout simplement être lavées immédiatement avant l’abattage ou après celui‑ci?

 

[85]         Le législateur pourrait également réduire les temps d’attente, et interdire de façon générale le transport des poules de réforme à des températures inférieures à un certain seuil. Le législateur pourrait également exiger que des instruments de mesure de la température soient installés à l’intérieur de toutes les remorques servant au transport. Le législateur pourrait obliger les chauffeurs à inspecter le chargement à intervalles réguliers, et exiger que les rapports dressés à la suite de ces inspections soient transmis à l’Agence et aux autres personnes participant au transport. Le législateur pourrait imposer la tenue d’inspections indépendantes par le personnel de l’Agence ou les personnes désignées par celle‑ci, et ce, pendant le transport, au commencement de celui‑ci et à l’arrivée du chargement. Des procédures semblables pourraient être prévues à l’égard du transport d’autres types d’animaux.

 

[86]         Bref, on ne peut pas reprocher à Maple Lodge Farms de se conduire généralement d’une manière qui est actuellement permise par la loi. Il incombe au législateur, et non à la Commission, d’imposer des limites plus précises à Maple Lodge Farms et aux autres participants de l’industrie, dans l’intérêt du bien‑être des animaux. Ce que la Commission peut faire, c’est d’apprécier soigneusement la preuve et de déterminer si l’Agence a établi le bien‑fondé de ses arguments, selon la prépondérance des probabilités. La Commission a fait l’objet de mises en garde importantes lui ayant été adressées par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Doyon, et selon lesquelles les conclusions de fait doivent être étayées d’une manière non équivoque, même si le fardeau de la preuve découlant de ces faits est celui de la prépondérance des probabilités. Par exemple, la Commission ne doit pas se perdre en conjectures et en suppositions au sujet des intempéries ou du degré d’humidité auxquels les poules de réforme ont pu être exposées.

 

[87]         Une décision, comme en l’espèce, selon laquelle l’Agence n’a pas établi le bien‑fondé de ses arguments, ne doit pas être considérée comme une adhésion de la Commission aux pratiques de transport adoptées. À certains égards, sous l’angle du bien‑être des animaux, il est inconcevable que les poules de réforme puissent même être transportées, encore moins sur de longues distances, à l’année longue, jour et nuit, mais la réalité juridique est que cela est actuellement permis. Même s’il existe des éléments de preuve établissant que cette pratique n’est pas appliquée dans l’Ouest canadien (Little Rock Farm Trucking 3 [2014 CRAC 31], au paragraphe 30), où les poules de réforme sont « simplement éliminées », la raison de l’absence de transport des poules de réformes dans l’Ouest canadien en vue de leur abattage et de leur transformation n’a pas été précisée. Il n’y a pas non plus d’élément de preuve indiquant comment les poules de réforme sont « simplement éliminées » dans l’Ouest canadien.

 

 

d)          La responsabilité absolue et la responsabilité stricte

 

[88]         La question qui se pose régulièrement dans les affaires de cette nature, portant sur le transport commercial d’animaux, est celle de savoir si un régime de responsabilité absolue est un régime règlementaire à la fois efficace et équitable pour les deux parties. L’essence même du transport d’animaux responsable et humain réside dans l’exercice d’une diligence raisonnable. Malgré l’exercice de cette diligence raisonnable, des animaux mourront quand même au cours du transport et certains souffriront indûment, que la mort survienne ou non. En raison des mises en garde importantes qui ont adressées par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Doyon, lesquelles s’accompagnaient de réserves au sujet des régimes de responsabilité absolue en général, la Commission est particulièrement consciente de ses obligations en matière de preuve. En même temps, les participants de l’industrie sont dans la position peu enviable où ils sont considérés comme ayant « commis » une violation, malgré les meilleurs efforts qu’ils ont déployés pour ne pas la commettre, ou comme ayant « commis » une telle violation sans le vouloir. L’acceptation d’une « cargaison fragilisée » sans connaître l’état de la cargaison en est un exemple : Maple Lodge Farms 2016a. L’exercice d’une diligence raisonnable n’est pas pertinent quant à savoir si une violation a été commise.

 

[89]         Il est bien établi que la meilleure façon de faire respecter la règlementation est de s’assurer que les personnes assujetties à un règlement considèrent le règlement comme imposant des limites raisonnables et équitables à leur comportement, et que la diligence raisonnable est valorisée et revêt une grande importance. Selon le membre de la Commission siégeant en l’espèce, la meilleure façon d’améliorer l’efficacité et l’équité envers toutes les parties de la règlementation en matière de transport d’animaux serait peut‑être de faire en sorte que les violations dans ce domaine constituent des infractions de responsabilité stricte plutôt que des infractions de responsabilité absolue.

 

 

Ordonnance

 

[90]         Après avoir tenu une audience et examiné toutes les observations orales et écrites des parties, la Commission de révision agricole du Canada statue, par ordonnance, que la demanderesse n’a pas commis la violation énoncée dans le procès‑verbal 1213ON037201, daté du 19 juin 2013, étant donné que l’exposition indue aux intempéries, un élément essentiel de la violation, n’a pas été établie, selon la prépondérance des probabilités.

 

 

Fait à Ottawa (Ontario), en ce 31e jour de mai 2016.

 

 

 

 

 

 

_____________________________________

Bruce La Rochelle,

Membre à temps partiel

 


ANNEXE 1

 

 

 

 

 

 

 

Date :  20150119

Dossiers :  CART/CRAC‑1728 et 1729

 

 

 

 

 

 

 

 

ENTRE :

 

 

 

 

 

 

 

Maple Lodge Farms Ltd.demanderesse

 

 

 

 

 

‑ et ‑

 

 

 

 

 

Agence canadienne d’inspection des aliments, intimée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DEVANT :

Bruce La Rochelle, membre

 

 

 

 

 

 

 

 

AVEC :

Me Ronald E. Folkes, avocat de la demanderesse; et

 

Me Jacqueline Wilson, avocate de l’intimée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Affaire intéressant la forme de présentation des conclusions relatives aux dossiers CART/CRAC‑1728 et CART/CRAC‑1729.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ORDONNANCE

 

 

 

 

L’avocat de la demanderesse et l’avocate de l’intimée soumettront par écrit seulement leurs conclusions finales relatives aux dossiers CART/CRAC-1728 et CART/CRAC-1729. Celles-ci devront parvenir à la Commission dans les dix jours ouvrables suivant la fin de la présentation de la preuve dans les deux dossiers et, le cas échéant, avant 17 h le dernier jour du délai.

 

 

 

 

 

 

 

 

MOTIFS

 

[1]              Au moment de la rédaction des présents motifs, six journées d’audience ont été tenues pour les deux demandes de révision présentées par la demanderesse Maple Lodge Farms Ltd. (« Maple Lodge Farms »). La première partie de ces journées d’audience a eu lieu du 15 au 17 octobre 2014 et la seconde, du 7 au 9 janvier 2015 inclusivement. Les avocats des parties sont d’avis qu’il faudra encore au moins quatre jours d’audience pour terminer la présentation de la preuve, mais ils ne s’entendent pas quant au maximum de jours nécessaires. La preuve dans les deux dossiers est très complexe et détaillée et comporte une analyse complète de l’interrogatoire principal et du contre-interrogatoire des témoins. De plus, la preuve vétérinaire qui a été présentée jusqu’à maintenant ou qui le sera ultérieurement est substantielle et comporte ou devrait comporter elle aussi une analyse complète des interrogatoires principaux et des contre-interrogatoires.

 

[2]              À l’issue de la seconde partie de journées d’audience, la Commission a discuté avec les avocats de la question de la présentation par écrit des conclusions finales. M. Folkes, qui représente Maple Lodge Farms, a informé la Commission qu’il ne s’opposait pas à ce que les conclusions finales soient présentées par écrit, mais qu’il voulait conserver le droit de présenter de vive voix des arguments en réponse. M. Folkes a mentionné que cette façon de faire concordait avec la démarche adoptée par le la Commission dans une cause qu’il avait récemment plaidée, mais qu’il n’a pas précisée. La Commission souligne que cette démarche serait, quoi qu’il en soit, compatible avec la façon de faire de madame la juge Kastner dans R. c. Maple Lodge Farms, 2013 ONCJ 535, affaire dans laquelle M. Folkes représentait Maple Lodge Farms. Dans cette affaire, l’avocat de la Couronne et M. Folkes ont présenté d’abord des observations écrites détaillées et, peu de temps après, ils ont présenté des observations de vive voix. Il est difficile de dire si la démarche adoptée l’a été sur consentement des avocats ou si elle a été ordonnée par la juge Kastner, sans pareil consentement.

 

[3]              Au cours du débat à l’audience, Mme Wilson, qui représente l’intimée, l’Agence canadienne d’inspection des aliments (« l’Agence ») s’est montrée réticente devant l’idée que les conclusions finales soient présentées à la fois par écrit et oralement. Elle était d’avis que ces arguments devraient être présentés soit par écrit, soit oralement. Dans une communication écrite ultérieure destinée à la Commission et envoyée en copie conforme à M. Folkes, Mme Wilson a mentionné qu’elle préférait que les conclusions finales soient présentées de vive voix seulement, parce qu’elle était d’avis que cette forme de présentation serait plus efficace.

 

[4]              La Commission doit soupeser divers intérêts, en recherchant principalement l’atteinte de l’équilibre entre les considérations liées à l’équité et celles liées à l’efficacité, comme le prévoit l’article 3 de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (L.C. 1995, c. 40) :

 

  La présente loi a pour objet d’établir, comme solution de rechange au régime pénal et complément aux autres mesures d’application des lois agroalimentaires déjà en vigueur, un régime juste et efficace de sanctions administratives pécuniaires.

 

[5]              La Commission est d’avis que le respect des principes d’équité sur le plan de la procédure et sur le plan du fond à l’égard des deux parties doit être au centre de ses délibérations, même si c’est au détriment de l’efficacité. Les gains d’efficacité peuvent prendre la forme de considérations liées aux coûts ou à la rapidité de résolution d’une affaire. Dans nombre de cas, compte tenu des moyens de défense limités susceptibles d’être invoqués dans un régime de responsabilité absolue, les affaires peuvent être résolues rapidement et d’une manière peu coûteuse. C’est ce qui ressort de l’expérience de la Commission résultant d’un grand nombre d’affaires intéressant l’Agence des services frontaliers du Canada, qui avaient trait à des violations en matière d’importation des aliments. Comme l’a mentionné la Commission au cours de l’audience, les mêmes considérations d’efficacité n’ont pas amené la Commission à acquérir de l’expérience aussi rapidement dans les affaires de violation intéressant l’Agence canadienne d’inspection des aliments. Ces affaires sont souvent beaucoup plus complexes du point de vue de la preuve et parfois du point de vue des questions procédurales. Les demandeurs sont souvent des parties dont la réputation professionnelle ou commerciale est susceptible d’être gravement compromise par la violation et dont les moyens de défense sont de ce fait beaucoup plus plaidés vigoureusement. Ainsi, la Commission doit se soucier particulièrement que les parties croient qu’elle agit de manière équitable sur le plan de la procédure et sur le plan du fond, même si cela implique des périodes d’audience plus longues et des coûts y afférents plus élevés et exige plus de temps de façon générale pour résoudre l’affaire par le prononcé d’une décision.

 

[6]              La nature prééminente de l’équité dans les instances de la Commission est confirmée dans ses propres règles. La règle 3 des Règles de la Commission de révision (agriculture et agroalimentaire), DORS/99-451 (les « Règles de la Commission ») est rédigée en ces termes :

 

  Dans le cas où l’application d’une règle causerait une injustice à une partie, la Commission peut ne pas tenir compte de cette règle.

 

Aucune règle ne permet à la Commission d’éviter de se conformer aux considérations d’efficacité. Sous réserve d’un contrôle judiciaire concernant le règlement d’un conflit perçu entre la règle 3 des Règles de la Commission et l’article 3 de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, la Commission est d’avis que les considérations d’efficacité présentent un intérêt seulement si elles se concilient avec sa conception des principes d’équité sur les plans de la procédure et du fond. De plus, sous réserve d’un contrôle judiciaire décidant du contraire, la Commission est d’avis que les conclusions qu’elle tire en matière d’équité s’appliquent aux présentes affaires, indépendamment de l’opinion contraire d’une ou des parties. L’’analyse par la Commission de ce qui est équitable pour les parties et la conclusion qu’elle en tirera dépendent de la nature et de la complexité de l’affaire dont elle est saisie. Dans bon nombre de cas, l’opinion des parties sur la question de l’équité dans une démarche relative à une affaire particulière, surtout si elles sont toutes les deux du même avis, sera acceptée sans hésitation, quoique la Commission n’ait pas l’obligation de l’accepter.

 

[7]              L’affaire R. c. Maple Lodge Farms, citée précédemment, intéressait deux accusations criminelles types portées en vertu de la Loi sur la santé des animaux, relativement à des faits qui s’étaient produits en 2008 et en 2009. Le procès a nécessité 15 jours d’audience entre septembre 2011 et juin 2013 et une journée consacrée à la présentation d’observations de vive voix en janvier 2013, qui avait été précédée par la soumission d’observations écrites détaillées par les parties en décembre 2012 et en janvier 2013 : les observations écrites de la Couronne comptaient près de 40 pages, tandis que celles de la défense en comptaient plus de 100. Comme le jugement ne comporte aucun examen de la procédure, la raison pour laquelle une audience a été tenue en juin 2013, après la soumission des conclusions finales, est inconnue. Le jugement de 484 paragraphes et de près de 100 pages, qui a été rendu en septembre 2013, déclare Maple Lodge Farms coupable à l’égard des deux chefs d’accusation. À la suite du prononcé du verdict, les observations relatives à la détermination de la peine ont été entendues pendant deux jours en mars 2014, et une sentence a été rendue. Les motifs de la sentence ont été publiés en avril 2014, sous l’intitulé R. v. Maple Lodge Farms, à 2014 ONCJ 212. Par conséquent, il s’est écoulé plus de deux ans et demi entre le début de l’instance et la publication des motifs de la sentence. Il s’agit d’un compte rendu sommaire des faits, sans imputation défavorable intentionnelle.

 

[8]              La présente instance intéresse des sanctions administratives pécuniaires relatives à des violations de responsabilité absolue imposées en application du Règlement sur la santé des animaux, pour lesquelles le fardeau de la preuve des éléments de la violation s’établit selon la prépondérance des probabilités, et non hors de tout doute raisonnable. De plus, comme il s’agit d’un régime de responsabilité absolue, les moyens de défense susceptibles d’être soulevés par Maple Lodge Farms, outre l’opposition à la preuve de l’Agence en plaidant qu’elle ne lui permet pas de s’acquitter du fardeau qui lui incombe, sont très limités. Il est donc compréhensible que Maple Lodge Farms passe beaucoup de temps à s’opposer à la preuve de l’Agence et à présenter de la preuve à l’appui de sa version des faits pour compenser. Jusqu’à maintenant, six journées d’audience ont été tenues. Si, tel qu’il est prévu, quatre autres journées d’audience sont nécessaires pour terminer la présentation et l’examen de la preuve, le temps consacré à ces audiences avoisinera 70 % du temps qui avait été consacré à la présentation et à l’examen de la preuve dans la procédure criminelle dont il a été question précédemment.

 

[9]              Dans les affaires dont la Commission est saisie, le demandeur a, en vertu du règlement applicable, le droit à une révision orale, c'est-à-dire une audience, s’il en fait la demande. Les affaires peuvent aussi être tranchées sur présentation d’observations écrites seulement. La Commission procède implicitement avec des observations écrites seulement, à moins que le demandeur n’exige qu’il en soit autrement. Le paragraphe 15(1) du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (DORS/2000-187) prévoit ce qui suit :

 

 (1)  Lorsqu’elle est saisie d’une affaire au titre de la Loi, la Commission procède par la tenue d’une audience si l’intéressé en fait la demande.

 

[10]         Dans le contexte du mandat de révision de la Commission, le terme « audience » s’entend exclusivement d’une révision orale. Or, les affaires peuvent aussi être tranchées sur présentation d’observations écrites seulement. Cette conception étroite de la nature d’une « audience », dans le contexte du mandat de révision de la Commission, est étayée par la règle 34 des Règles de la Commission qui est ainsi libellée :

 La personne qui dépose une demande de révision doit y indiquer les motifs de la demande, la langue de son choix et, dans le cas où le procès-verbal en cause inflige une sanction, si elle demande la tenue d’une audience.

 

Il s’ensuit, en vertu des Règles de la Commission, que celle-ci procède implicitement avec les observations écrites seulement, sauf si une révision orale est demandée, ce qui prend la forme d’une audience. Le déroulement de l’audience, décrit aux règles 12 à 15 des Règles de la Commission, fait référence à une audience orale seulement :

 

12. (1)  La Commission peut tenir une audience à huis clos sur demande de l’une des parties, à condition que celle-ci lui en démontre la nécessité.

(2)  La Commission peut exclure un témoin de l’audience jusqu’à ce qu’il soit appelé à témoigner.

13.  Les audiences de la Commission sont enregistrées.

14.  Sauf si les parties ont convenu des modalités à l'avance, la Commission fixe les modalités de la conduite de ses audiences au début de celles-ci.

15. (1)  Les témoignages sont déposés oralement sous serment ou sous affirmation solennelle.

(2)  Toute partie a le droit d’interroger ses propres témoins, de contre-interroger les témoins de l’autre partie et de réinterroger ses propres témoins.

 

[11]         La question en litige est de savoir si le droit à une révision orale, ou à une audience, signifie que les parties ont le droit de présenter leurs conclusions finales oralement. En l’absence de toute opinion judiciaire susceptible de l’amener à conclure autrement, la Commission a décidé que le droit à la tenue d’une audience n’est pas rattaché à un droit, dans un sens absolu, de présenter des conclusions finales oralement. L’audience permet principalement de tirer des conclusions relatives à la crédibilité, si le demandeur croit qu’elle est justifiée et si pareilles conclusions sont notamment complétées par des interrogatoires et des contre-interrogatoires. À cet égard, dans l’arrêt Khan v. University of Ottawa, 1997 CanLII 941 (paragraphes non numérotés), la Cour d’appel de l’Ontario, à la majorité (motifs du juge Laskin auxquels a souscrit le juge Brooke), a formulé les observations suivantes :

 

Dans bon nombre d’appels interjetés devant des instances universitaires, l’équité procédurale n’exigera pas la tenue d’une audience. La possibilité de présenter des observations écrites peut être suffisante. Ainsi, je doute que les étudiants qui contestent leur note parce qu’ils croient qu’ils auraient dû en obtenir une meilleure aient ordinairement droit à une audience. La présente affaire est différente parce que la question déterminante dont avait été saisi le comité des examens portait sur la crédibilité de Mme Khan. En refusant le redressement demandé par Mme Khan, le comité a jugé sa crédibilité de façon négative. À mon avis, le comité n’aurait pas dû lui imposer ce refus sans lui avoir accordé une audience en personne et la possibilité de présenter des observations oralement. Dans la plus récente édition de son ouvrage intitulé Administrative Law (3e éd., Toronto: Carswell, 1996), le professeur Mullan a écrit ce qui suit au paragraphe 108 :

 

La tenue d’une audience peut être requise dans certaines circonstances, notamment si des droits garantis par la Charte sont en jeu, et dans les situations où la crédibilité des parties et des témoins constitue généralement un facteur déterminant dans le processus décisionnel.

 

Bon nombre de tribunaux de différentes instances ont souligné que, lorsqu’une décision dépend de la crédibilité, le décideur ne devrait pas tirer une conclusion défavorable sans que la personne concernée ait eu droit à une audience. Dans Singh c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1985] 1 R.C.S. 177, 17 D.L.R. (4th) 422, la juge Wilson, après avoir fait remarquer que la « justice fondamentale » dont il est question à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés comprend l’équité procédurale, a expliqué, aux pages 213 et 214 (p. 465 D.L.R.), pourquoi une question relative à la crédibilité ne devrait pas être tranchée à partir d’observations écrites.

 

Je ferai cependant remarquer que, même si les auditions fondées sur des observations écrites sont compatibles avec les principes de justice fondamentale pour certaines fins, elles ne donnent pas satisfaction dans tous les cas. Je pense en particulier que, lorsqu’une question importante de crédibilité est en cause, la justice fondamentale exige que cette question soit tranchée par voie d’audition. Les cours d’appel sont bien conscientes de la faiblesse inhérente des transcriptions lorsque des questions de crédibilité sont en jeu et elles sont donc très peu disposées à réviser les conclusions des tribunaux qui ont eu l’avantage d’entendre les témoins en personne : voir l’arrêt Stein c. Le navire "Kathy K" (1975), 62 D.L.R. (3d) 1, aux p. 3 à 5, [1976] 2 R.C.S. 802, aux pages 806 à 808, 6 N.R. 359 (le juge Ritchie). Je puis difficilement concevoir une situation où un tribunal peut se conformer à la justice fondamentale en tirant, uniquement à partir d’observations écrites, des conclusions importantes en matière de crédibilité.

 

[12]         Qui plus est, dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) [1999] 2 R.C.S. 817, madame la juge L’Heureux-Dubé a fait remarquer ce qui suit aux paragraphes 22 et 28 :

 

[22]  Bien que l’obligation d’équité soit souple et variable et qu’elle repose sur une appréciation du contexte de la loi particulière et des droits visés, il est utile d’examiner les critères à appliquer pour définir les droits procéduraux requis par l’obligation d’équité dans des circonstances données. Je souligne que l’idée sous-jacente à tous ces facteurs est que les droits de participation faisant partie de l’obligation d’équité procédurale visent à garantir que les décisions administratives sont prises au moyen d’une procédure équitable et ouverte, adaptée au type de décision et à son contexte légal institutionnel et social, comprenant la possibilité donnée aux personnes visées par la décision de présenter leurs points de vue complètement ainsi que des éléments de preuve de sorte qu’ils soient considérés par le décideur.

 

[28]  […] Les valeurs qui sous-tendent l’obligation d’équité procédurale relèvent du principe selon lequel les personnes visées doivent avoir la possibilité de présenter entièrement et équitablement leur position, et ont droit à ce que les décisions touchant leurs droits, intérêts ou privilèges soient prises à la suite d’un processus équitable, impartial et ouvert, adapté au contexte légal, institutionnel et social de la décision.

 

[13]         Plus récemment, le juge de Montigny de la Cour fédérale, dans Black c. Canada (Conseil consultatif de l’Ordre du Canada), 2012 CF 1234 (conf. à 2013 CAF 267), a formulé les observations suivantes au paragraphe 68 :

 

[68]  […] l’obligation d’équité procédurale ne fait pas naître un droit absolu à une audience. Sur le plan de l’équité procédurale, la question fondamentale est de savoir s’il est nécessaire de tenir une audience pour que les parties aient la possibilité raisonnable de présenter efficacement leur position. […]

 

[14]         Compte tenu de la nature et de l’ampleur de la preuve présentée jusqu’à maintenant dans les deux affaires, et vu la complexité de cette preuve et l’étendue des interrogatoires principaux et des contre-interrogatoires, la Commission demeure d’avis que les parties doivent présenter leurs conclusions finales par écrit et que ce sera leur seule forme de présentation. La Commission prévoit que le reste de la preuve à présenter sera tout aussi complexe et susceptible de faire l’objet d’interrogatoires principaux et de contre-interrogatoires tout aussi serrés. La Commission est d’avis que l’équité envers les parties exige que leurs conclusions finales, qui impliquent nécessairement l’examen et l’appréciation d’une preuve complexe et volumineuse, soient présentées par écrit. La Commission est d’avis que l’intégrité et la crédibilité de la preuve auront été débattues complètement par les deux avocats au cours de l’audience, au moyen de témoignages et d’arguments présentés de vive voix, et que l’exigence relative à la présentation par écrit des conclusions finales ne compromet pas l’équité envers les avocats sous ce rapport.

 

[15]         La Commission souligne que la Cour d’appel fédérale s’est récemment penchée sur la norme de contrôle de la décision correcte applicable à des décisions administratives en matière d’équité procédurale. Dans Ré : Sonne c. Conseil du secteur du conditionnement physique du Canada, 2014 CAF 48, le juge Evans a déclaré, aux paragraphes 34 à 42, ce qui suit au sujet de cette norme :

 

[34]  Le droit est bien fixé : le juge doit appliquer la norme de la décision correcte lorsqu’il se penche sur des allégations de manquement à l’équité procédurale de la part de décideurs administratifs (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, au paragraphe 43).

 

[35]  La retenue judiciaire envers les décideurs n’est pas de mise quand il faut rechercher si l’obligation d’agir équitablement joue dans des cas administratifs ou juridiques donnés, comme il ressort de l’enseignement de l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, aux paragraphes 77 et s. (Dunsmuir) sur la question de savoir si David Dunsmuir avait droit à l’équité procédurale avant qu’il ne soit mis fin à son emploi de fonctionnaire provincial.

 

[36]  La réponse est toutefois plus nuancée lorsqu’on se demande quelle norme de contrôle s’applique à une allégation de manquement à l’équité procédurale qui met en cause la teneur de l’obligation d’équité dans un cas donné et l’existence, ou non, à cet égard d’un manquement. L’obligation d’équité est d’intensité variable puisqu’elle s’applique à une vaste gamme d’interventions administratives, d’intervenants, de régimes législatifs et de programmes gouvernementaux et que les répercussions sur les particuliers sont diverses. Il faut faire preuve de souplesse pour assurer une participation significative des citoyens au processus administratif, tout en veillant à ce que les organismes publics ne soient pas assujettis à des obligations procédurales qui nuiraient à l’intérêt public au regard d’un processus décisionnel public efficace.

 

[37]  En l’absence de dispositions législatives en sens contraire, les décideurs administratifs jouissent d’un large pouvoir discrétionnaire pour fixer leur propre procédure, notamment quant aux aspects qui relèvent de l’équité procédurale (Prassad c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 1 R.C.S. 560, aux pages 568 et 569 (Prassad)). Parmi ces aspects, mentionnons la question de savoir si l’« audience » sera tenue selon une procédure orale ou écrite, si une demande d’ajournement doit être accueillie ou si la représentation par un avocat est autorisée, et la mesure dans laquelle le contre-interrogatoire sera autorisé ou les renseignements dont le décideur dispose doivent être divulgués. Le contexte et les circonstances dicteront l’étendue du pouvoir discrétionnaire du décideur à l’égard de ces questions de procédure et permettront de savoir s’il y a eu manquement à l’obligation d’équité.

 

[38]  La jurisprudence Dunsmuir ne porte pas sur la norme de contrôle s’appliquant aux choix procéduraux d’un tribunal lorsqu’ils sont contestés pour manquement à l’obligation d’équité. La Cour suprême a toutefois déclaré, au paragraphe 53, que l’exercice du pouvoir discrétionnaire administratif appelait habituellement la norme de contrôle de la décision raisonnable. Ce principe semble s’appliquer à l’exercice de ce pouvoir au regard des questions de procédure et de réparation ainsi que des questions touchant davantage au fond. La cour de révision ne peut donc remettre en question chaque choix procédural d’un organisme administratif, qu’il soit concrétisé dans ses règles générales de procédure ou fait dans le cadre d’une décision individuelle.

 

[39]  Cela dit, le pouvoir discrétionnaire administratif s’arrête lorsqu’il y a manquement à l’équité procédurale (Prassad, à la page 569). Le juge doit lui-même décider, selon la norme de la décision correcte, si cette ligne a été franchie. Il existe une certaine tension inhérente entre, d’une part, le principe du recours à la norme de la décision correcte pour examiner le caractère équitable de la procédure d’un organisme et, d’autre part, celui du pouvoir discrétionnaire des décideurs à l’égard de leur propre procédure.

 

[40]  S’exprimant au nom des juges de la majorité à l’occasion de l’affaire Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, au paragraphe 27, la juge L’Heureux-Dubé a ainsi inclus les choix de procédure et les pratiques du décideur parmi les facteurs que le juge doit prendre en compte pour décider de la teneur de l’obligation d’équité dans tel ou tel cas. La juge a déclaré qu’une retenue considérable s’imposait au regard de ces choix lorsque le législateur a accordé un large pouvoir discrétionnaire en matière de procédure à l’organisme concerné ou lorsque le domaine d’expertise de l’organisme s’étend aux questions de procédure.

 

[41]  La juge Abella, qui a rédigé les motifs de la majorité dans l’arrêt Conseil des Canadiens avec déficiences c. VIA Rail Canada Inc., 2007 CSC 15, [2007] 1 R.C.S. 650, a retenu cet enseignement aux paragraphes 230 et 231. Elle a observé, au paragraphe 231 :

 

Il faut faire montre d’une grande déférence à l’égard des décisions procédurales d’un tribunal qui a le pouvoir de contrôler sa propre procédure. La détermination de la portée et du contenu de l’obligation d’agir équitablement est fonction des circonstances et peut bien dépendre de facteurs qui relèvent de l’expertise et des connaissances du tribunal, notamment la nature du régime législatif ainsi que les attentes et pratiques des personnes et organismes régis par l’Office.

 

[42]  Bref, si le juge saisi de la demande de contrôle doit décider selon la norme de la décision correcte de la conformité des choix procéduraux d’un organisme, généraux ou particuliers, à l’obligation d’équité, il doit le faire en se montrant respectueux de ces choix. Il convient donc que le juge accorde de l’importance à la manière dont l’organisme a cherché à établir un équilibre entre, d’une part, la participation maximale et, d’autre part, l’efficacité du processus décisionnel. Compte tenu de l’expertise dont dispose l’organisme, le degré de retenue que commande un choix de l’administrateur en matière de procédure peut être particulièrement important lorsque le modèle procédural utilisé par l’organisme visé par la demande de contrôle diffère considérablement du modèle judiciaire que les juges connaissent le mieux.

 

[16]         Comme l’a mentionné le juge Evans dans Ré : Sonne, « le pouvoir discrétionnaire administratif s’arrête lorsqu’il y a manquement à l’équité procédurale ». En ce qui a trait à la question de procédure faisant l’objet de la présente ordonnance, il semblerait que la Commission ne possède pas l’expertise nécessaire à sa résolution, laquelle justifierait en soi qu’un tribunal d’instance supérieure fasse preuve de retenue. Même si la tendance à la retenue judiciaire semble continuer de s’accentuer, comme l’a bien illustré la Cour suprême du Canada dans McLean c. Colombie-Britannique (Securities Commission), 2013 CSC 67, la Commission continue de bénéficier des rectifications et de l’enseignement des tribunaux d’instance supérieure, sans démonstration d’une déférence particulière. Parmi les exemples récents, mentionnons les décisions de la Cour d’appel fédérale dans Canada (Services frontaliers) c. Tao, 2013 CAF 52, Canada (Procureur général) c. Tam, 2014 CAF 220, et Canada (Procureur général) c. Stanford, 2014 CAF 234. Ces décisions, compte tenu du fait qu’elles ont valeur de précédent, donnent également des indications plus générales aux autres instances, outre celles visant directement la Commission.

 

[17]         En prononçant la présente ordonnance à cette étape-ci, la Commission vise à informer les parties de ses attentes, de sorte qu’elles puissent commencer dès maintenant à au moins songer à leurs observations écrites, sinon à les formuler. De plus, cette ordonnance survient à temps pour que les parties puissent décider si elles souhaitent en demander le contrôle judiciaire avant le début d’une autre période de journées d’audience, prévue en avril 2015, au plus tôt. Dans ces circonstances, la Commission est d’avis qu’il n’y a pas lieu de reporter l’audition de la preuve. Au contraire, les conclusions finales ne seraient pas entendues, dans l’attente d’une décision de la Cour d’appel fédérale sur la question de savoir si la Commission a le droit d’insister pour que les conclusions finales soient présentées par écrit seulement, contrairement à ce que souhaite l’avocate de l’Agence et aussi contrairement à ce que souhaite l’avocat de Maple Lodge Farms, qui veut conserver le droit de présenter des observations orales, après le dépôt des conclusions finales par écrit.

 

 

Ordonnance

 

[18]         La Commission ordonne ce qui suit :

 

L’avocat de la demanderesse et l’avocate de l’intimée soumettront par écrit seulement leurs conclusions finales relatives aux dossiers CART/CRAC-1728 et CART/CRAC-1729. Celles-ci devront parvenir à la Commission dans les dix jours ouvrables suivant la fin de la présentation de la preuve dans les deux dossiers et, le cas échéant, avant 17 h le dernier jour du délai.

 

 

Fait à Ottawa (Ontario), en ce 19e jour de janvier 2015.

 

 

 

 

Original signé par :

 

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Bruce La Rochelle, membre

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