Décisions de la Commission de révision agricole du Canada

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

Intitulé :          Azeb c. Canada (Agence des services frontaliers du Canada), 2015 CRAC 27

 

 

Date : 20151211

Numéros de dossier : CART/CRAC‑1862

ENTRE :

 

Bogale Azeb, demanderesse

 

‑ et ‑

 

Agence des services frontaliers du Canada, intimée

 

[ Traduction de la version officielle en anglais ]

 

DEVANT :       Le président Donald Buckingham

 

 

AVEC :         Bogale Azeb, non représentée;

Mme Melanie A. Charbonneau, représentante de l’intimée

 

 

Affaire intéressant une demande de révision présentée par la demanderesse en vertu de l’alinéa 9(2)c) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, relativement à une violation alléguée par l’intimée du paragraphe 16(1) de la Loi sur la santé des animaux.  

 

 

DÉCISION

 

La Commission de révision agricole du Canada STATUE, par ordonnance, que la demande de révision de l’avis de violation n° 7011‑15‑0419, en date du 5 septembre 2015, présentée par la demanderesse, Mme Bogale Azeb, en vertu de l’alinéa 9(2)c) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, relativement à une violation par la demanderesse, alléguée par l’Agence des services frontaliers du Canada, du paragraphe 16(1) de la Loi sur la santé des animaux, EST IRRECEVABLE et, conformément à la présente ordonnance, EST REJETÉE.

 

Sur observations écrites seulement.


APERÇU

 

[1]              Bogale Azeb (Mme Azeb) a demandé à la Commission de révision agricole du Canada (la Commission) de l’entendre sur les faits concernant l’émission, par l’Agence des services frontaliers du Canada (l’Agence), d’un avis de violation comportant une sanction de 1 300 $ parce qu’elle aurait omis de rendre aux représentants de l’Agence du poulet qu’elle a importé à son arrivée au Canada.  

 

[2]              Pour que sa demande soit recevable, Mme Azeb doit satisfaire au critère de recevabilité, qui consiste à présenter un certain motif autorisé susceptible de lui permettre d’obtenir gain de cause dans la présente affaire dont la Commission est saisie.  

 

[3]              La seule question en litige en l’espèce est celle de savoir si Mme Azeb a satisfait au critère de recevabilité.

 

 

MOTIFS RELATIFS À L’IRRECEVABILITÉ DE LA DEMANDE

 

Contexte

 

[4]              L’Agence a émis l’avis de violation n° 7011‑15‑0419, daté du 5 septembre 2015, à l’encontre de Mme Azeb, qui a omis, à son arrivée au Canada, de présenter aux représentants de l’Agence du poulet et des épices qu’elle avait importés, un acte qui est contraire au paragraphe 16(1) de la Loi sur la santé des animaux (la Loi SA). La violation reprochée est, au sens de l’article 4 du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (Règlement sur les SAP), une « violation très grave », pour laquelle la sanction s’élève à 1 300 $. 

 

[5]              Le 5 septembre 2015, l’Agence a signifié l’avis de violation en personne à Mme Azeb.

 

[6]              Dans une lettre d’une page, datée du 27 septembre 2015 et envoyée par courrier recommandé le 28 septembre 2015, Mme Azeb a demandé à la Commission de réviser les faits reprochés dans l’avis de violation (demande de révision). Afin de conserver son droit de présenter une demande en vertu de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (la Loi sur les SAP), Mme Azeb n’a pas payé la sanction infligée.

 

[7]              Dans une lettre datée du 30 septembre 2015, la Commission a demandé que Mme Azeb fournisse, le 15 octobre 2015 au plus tard, tous les renseignements nécessaires, tel que requis par l’article 31 des Règles de la Commission de révision (commission de révision agricole du Canada) (les Règles de la Commission), afin de l’aider à rendre une décision quant à la recevabilité de la demande de révision présentée par Mme Azeb. Une copie des Règles de la Commission était jointe à la lettre.

 

[8]              Le 15 octobre 2015, la Commission n’avait reçu aucun document additionnel de la part de Mme Azeb. Par conséquent, le 20 novembre 2015, la Commission a envoyé une seconde lettre à Mme Azeb, lui demandant de fournir des détails additionnels sur l’incident du 5 septembre 2015 pour appuyer sa demande visant à faire annuler l’avis de violation qu’elle conteste. Dans cette lettre, la Commission a informé Mme Azeb que si elle omettait de déposer des renseignements additionnels au plus tard le 26 novembre 2015, sa demande de révision risquait d’être jugée irrecevable et d’être rejetée par la Commission.

 

[9]              À la date limite, soit le 26 novembre 2015, la Commission n’avait reçu aucun document additionnel de la part de Mme Azeb, et n’a rien reçu depuis cette date.

 

 

Question en litige

 

[10]         Il n’y a qu’une question en litige dans la présente affaire : Mme Azeb a‑t‑elle respecté le critère de recevabilité consistant à fournir un motif autorisé susceptible de lui permettre d’obtenir gain de cause dans la présente affaire?

 

 

Analyse et droit applicable

 

[11]         La Loi sur les SAP, les Règlements sur les SAP et les Règles de la Commission exigent que la Commission se prononce sur la recevabilité d’une demande de révision d’un demandeur avant de procéder à l’instruction complète de l’affaire. Des obstacles à la recevabilité se dressent lorsque le demandeur : 1) a déjà payé la sanction indiquée dans l’avis de violation; 2) a omis de déposer une demande de révision dans le délai prescrit et de la manière prévue; 3) a omis de fournir à la Commission un motif autorisé pour justifier sa demande de révision de la décision de l’Agence par la Commission.

 

[12]         Les motifs autorisés comprendraient tout type de renseignement fourni par le demandeur en vue de prouver que la violation alléguée n’a pas été commise ou que la personne citée dans l’avis de violation n’est pas celle qui a commis la violation. 

 

[13]         Les moyens de défense non autorisés comprennent ceux qui sont expressément exclus dans la Loi sur les SAP, soit que le demandeur a pris les mesures nécessaires pour empêcher la violation (diligence raisonnable), soit que celui‑ci s’est trompé sur les faits qui ont mené à la commission de l’infraction (erreur de fait).   

 

[14]         En l’espèce, la Commission, par deux fois au moins, a expliqué à Mme Azeb qu’elle doit présenter, dans sa demande de révision, des motifs qui satisferaient au critère qui consiste à fournir un certain motif autorisé qui permettrait de contester la validité de l’avis de violation. Mme Azeb a également été informée des conséquences de l’omission de préciser la raison pour laquelle elle a fait valoir que l’avis de violation n’était pas fondé.

 

[15]         Cependant, dans le peu de correspondance dont dispose la Commission, Mme Azeb a fourni les raisons suivantes pour justifier sa demande de révision : 1) elle a rapporté au Canada des plats traditionnels de « son pays d’origine » à l’occasion du voyage en question; 2) elle a souligné que ce voyage a été un moment très difficile pour elle, car elle a perdu sa mère quelques jours avant de rentrer; 3) sa belle‑mère a fait ses bagages pour elle 4) elle ignorait qu’elle transportait de la nourriture dans ses bagages; 5) elle s’excuse sincèrement d’avoir accru la charge de travail de l’Agence, et 6) elle demande que la Commission retire toutes les accusations, car elle est mère de deux enfants et n’a pas les moyens de payer la sanction.

 

[16]         La Commission a jugé que l’omission de fournir des motifs au soutien de sa demande constituait un obstacle à la recevabilité (voir Wilson c. Canada (Agence canadienne d’inspection des aliments), 2013 CRAC 25 (Wilson), au paragraphe 12). Le fait de permettre qu’une demande de révision soit instruite sans que des motifs aient été fournis, ou uniquement sur la base de motifs non autorisés, irait à l’encontre des objectifs d’équité et d’efficacité du régime de SAP (Wilson, au paragraphe 10).

 

[17]         Lorsque les motifs invoqués à l’appui d’une demande de révision ne révèlent aucun fondement qui permettrait au demandeur d’obtenir gain de cause, la Commission déclarera alors que la demande de révision est irrecevable (voir Steele c. Canada (Agence canadienne des services frontaliers), 2015 CRAC 12, au paragraphe 14).

 

[18]         Mme Azeb a fourni certains renseignements dans sa correspondance adressée à la Commission, mais aucun ne laisse croire qu’elle serait susceptible d’obtenir gain de cause en demandant à la Commission de conclure que la violation alléguée n’a pas été commise. 

 

[19]         Lorsqu’elle allègue que le paragraphe 16(1) de la Loi SA a été enfreint, l’Agence doit prouver trois éléments essentiels, selon la prépondérance des probabilités : 

 

         Élément 1 – Mme Azeb est la personne qui a commis la violation;

 

         Élément 2 – Mme Azeb a importé un animal ou une chose au Canada;

 

         Élément 3 – Mme Azeb a omis de présenter cet animal ou cette chose à un agent de l’agence avant l’inspection secondaire;

 

[20]         Lorsque l’Agence s’acquitte du fardeau qui lui incombe de prouver tous les éléments de la violation selon la prépondérance des probabilités, le demandeur sera tenu responsable de la violation commise en vertu du régime de SAP. Les observations soumises par Mme Azeb ne soulèvent aucune question quant à la preuve de ces trois éléments par l’Agence selon la prépondérance des probabilités.  

 

[21]         Le fait que Mme Azeb ignorait qu’elle importait du poulet que sa belle‑mère, selon elle, aurait placé dans ses bagages n’est pas un motif autorisé permettant d’annuler un avis de violation (voir Agence des services frontaliers du Canada c. Castillo, 2013 CAF 271, au paragraphe 24).

 

[22]         Le fait de prendre toutes les précautions nécessaires afin de ne pas importer de viande, ou d’ignorer que le produit était de la viande, ne constituerait pas un moyen de défense autorisé. Lorsqu’une disposition de SAP a été adoptée à l’égard d’une violation particulière, comme c’est le cas en ce qui concerne le paragraphe 16(1) de la Loi SA, le demandeur ne dispose que de très peu de moyens de défense. L’article 18 de la Loi sur les SAP exclut un grand nombre de raisons les plus courantes invoquées par les demandeurs pour justifier leurs actes lorsqu’un avis de violation a été émis à leur endroit. Étant donné l’intention manifeste du législateur sur les moyens de défense interdits par rapport à ceux autorisés, la Commission conclut qu’aucune des raisons avancées par Mme Azeb ne constitue un moyen de défense autorisé en vertu de l’article 18 de la Loi sur les SAP.   

 

[23]         En conséquence, la Commission déclare que la demande de révision de l’avis de violation n° 7011‑15‑0419 présentée par Mme Azeb est irrecevable, puisque les documents déposés par les parties en vertu des articles 30 et 31 des Règles de la Commission ne font état d’aucune raison qui permettrait à Mme Azeb de réussir à étayer sa demande. 

 

[24]         Mme Azeb a particulièrement demandé à la Commission de [traduction] « retirer toutes les accusations ». Les violations prévues par la Loi SA sont énumérées à l’annexe 1, partie 1, section 1 du Règlement sur les SAP. Selon la classification, ou le degré de gravité, qui doit être attribuée par les agences d’application de la loi et par la Commission, une violation du paragraphe 16(1) de la Loi SA est qualifiée de « très grave ». Il s’agit d’une classification qui est prévue par la loi, plus particulièrement par le Règlement sur les SAP, en ce qui a trait à chaque violation. L’Agence et la Commission n’ont pas compétence pour choisir la classification ou le degré de gravité d’une violation. Quiconque, en tout temps et en toute circonstance, enfreint le paragraphe 16(1) de la Loi SA commet la même violation ayant la même classification, soit une infraction très grave.    

 

[25]         En outre, la Commission ne peut modifier la sanction infligée en l’espèce pour des motifs d’ordre circonstanciel, humanitaire ou financier. Le pouvoir de la Commission d’accorder une réparation tire son origine de ses lois habilitantes. Conformément à ces lois, la Commission n’a ni le mandat ni la compétence d’annuler ou de rejeter un avis de violation pour des motifs d’ordre circonstanciel, humanitaire ou financier. 

 

 

Décision

 

[26]         La Commission rend, par conséquent, une ordonnance portant que la demande de révision de l’avis de violation n° 7011‑15‑0419 présenté par Mme Azeb est irrecevable. En outre, en application du paragraphe 9(3) de la Loi SPA, Mme Azeb est réputée avoir commis l’infraction dont il est question dans l’avis de violation, et la sanction de 1 300 $ doit maintenant être payée à l’Agence.

 

[27]         Il ne fait aucun doute que la Loi sur les SPA et le Règlement sur les SPA, qui établissent le régime de SAP en ce qui a trait aux violations liées à l’agriculture et à l’agroalimentaire, imposent souvent des conséquences rigides et sévères qui peuvent sembler injustes, comme en l’espèce. Il est difficile, pour une mère de deux enfants dont le revenu est limité, de se voir imposer une sanction de 1 300 $.

 

[28]         Mme Azeb pourrait communiquer avec des représentants de l’Agence pour savoir si ceux‑ci accepteraient d’établir un échéancier de paiements ou un autre type d’entente relativement au paiement de la sanction.   

 

[29]         Les agents de l’Agence sont chargés de protéger les Canadiens et les Canadiennes, la chaîne alimentaire et la production agricole du Canada contre les risques que représentent les menaces biologiques pour les plantes, les animaux et les humains. Il ne fait aucun doute que les agents doivent exercer ces responsabilités de manière diligente, respectueuse et responsable. Les agents de l’agence ont un certain pouvoir discrétionnaire quant à la façon de s’occuper des voyageurs qui ont des produits non déclarés en leur possession. Dans certaines circonstances, un avertissement verbal, ou un avis de violation jumelé à un avertissement émis en vertu de la Loi sur les SAP, peut s’avérer une mesure plus juste et charitable qu’un avis de violation comportant une sanction. 

 

[30]         Cependant, le rôle de la Commission ne consiste pas à réviser la procédure ou la mesure civile choisie par l’Agence à l’égard d’une personne ayant commis une violation. La Commission est consciente que l’Agence a mis en place sa propre façon de traiter les plaintes des Canadiens et des Canadiennes contre les actes qu’elle pose ou contre ses agents, laquelle est décrite sous le titre « Compliments, commentaires et plaintes » du site Web de l’Agence.

 

[31]         La Commission souhaite informer Mme Azeb que cette violation ne constitue pas un acte criminel. Après cinq ans, Mme Azeb pourra demander au ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire de faire rayer la violation de son dossier, conformément à l’article 23 de la Loi sur les SAP. 

 

 

Fait à Ottawa (Ontario), ce 11e jour de décembre 2015.

 

 

 

 

 

 

____________________________________________

Don Buckingham, président

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.