Décisions de la Commission de révision agricole du Canada

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Référence :     Ngueyo c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile),
2015 CRAC 14

 

Date : 20150728

Dossier : CRAC/CART‑1836

 

ENTRE :

 

Éric Ngueyo, demandeur

 

 

‑ et ‑

 

 

Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, intimé

 

 

DEVANT :       Le président Donald Buckingham

 

 

AVEC :              Éric Ngueyo, s’est représenté lui‑même; et

Mélanie A. Charbonneau, représentante pour l’intimé

 

 

Affaire intéressant la demande de révision présentée par le demandeur, en vertu du paragraphe 13(2) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, pour que la Commission révise la décision datée du 5 juin 2015 par laquelle le ministre a conclu qu’il avait enfreint l’article 40 du Règlement sur la santé des animaux.

 

 

 

DÉCISION RELATIVE À L’ADMISSIBILITÉ

 

La Commission de révision agricole du Canada STATUE que la demande de révision présentée par le demandeur le 19 juin 2015, en vertu du paragraphe 13(2) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, relativement à la décision CS‑75181 du ministre, datée du 5 juin 2015, EST INADMISSIBLE et, par la présente ordonnance, REJETÉE.

 

Sur observations écrites seulement.


Motifs de la décision sur l’inadmissibilité

 

[1]              La présente affaire concerne l’importation de saucisses de porc par Éric Ngueyo (Ngueyo) le 3 décembre 2014. Lorsque les inspecteurs ont découvert les saucisses dans le bagage de Nguyo à l’Aéroport international Pierre‑Elliot‑Trudeau de Dorval (Québec), l’Agence des services frontaliers du Canada (l’Agence) a délivré l’avis de violation 3961‑14‑1381, lui infligeant une sanction pécuniaire de 800 $. L’avis de violation, délivré sous le régime de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire (la Loi SAP) et du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire (le Règlement SAP) a été signifié à Ngueyo le jour même de sa délivrance.

 

[2]              Ngueyo a contesté la validité de l’avis de violation 3961‑14‑1381, qui alléguait qu’il a commis une violation en important un sous-produit animal au Canada à cette date, sans satisfaire aux exigences réglementaires, en contravention de l’article 40 du Règlement sur la santé des animaux (le Règlement SA) en contestant auprès du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (le Ministre), ou à son délégué, les faits reprochés dans l’avis de violation.

 

[3]              Le 5 juin 2015, J.M. Dupuis (Dupuis), gestionnaire, Division des appels, Direction des recours pour le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, a rendu une décision du ministre (la décision du ministre) après avoir effectué la révision au titre du paragraphe 13(1) de la Loi SAP. Dupuis a conclu [verbatim]:  « […] que la présentation des faits confirme qu’une infraction a été commise art 40 et que l’Avis de violation avec sanction émis selon la Section 7(1) de la Loi demeure en vigueur. Le montant de la sanction de 800 $ est maintenant exigible au receveur général du Canada ».

 

[4]              L’Agence a signifié la décision du ministre à Ngueyo le 19 juin 2015. Le même jour, ce dernier a déposé une lettre, par courrier ordinaire, dans laquelle il demandait à la Commission de révision agricole du Canada (la Commission), comme l’y autorisait le paragraphe 13(2) de la Loi SAP, de réviser et d’annuler la décision du ministre. Cette lettre ne contenait ni adresse électronique ni numéro de télécopieur.

 

[5]              Compte tenu des seules pointes de contact offertes par Ngueyo, la Commission lui et à l’Agence a adressé, par courrier ordinaire, une lettre datée du 26 juin 2015, dans laquelle elle demandait que lui soient transmis, avant le 13 juillet 2015, suivant les renseignements requis par les articles 46 et 47 des Règles de la Commission de révision (Commission de révision agricole du Canada) (les nouvelles Règles de la Commission) pour qu’elle puisse statuer sur l’admissibilité de la demande de Ngueyo.

 

[6]              Dans un courriel daté du 30 juin 2015, l’Agence a fourni des renseignements additionnels indiquant que la décision du ministre a été signifiée à Ngueyo le 19 juin 2015.

 

[7]              Ngueyo n’a transmis aucune information supplémentaire à la Commission avant le 13 juillet 2015. Cependant, le 21 juillet 2015, la Commission a reçu une lettre par courrier ordinaire de la part de Ngueyo, datée du 12 juillet 2015, dans laquelle Ngueyo a élaboré sur les renseignements requis par l’article 47 des nouvelles Règles de la Commission.

 

 

Analyse et droit applicable

 

[8]              La Loi SAP prévoit une procédure à deux volets sans doute unique en son genre, voire assez déconcertante, pour contester les avis de violation délivrés sous son régime. Elle prévoit que celui qui se voit signifier un avis de violation dispose de deux recours préliminaires pour en contester la validité ‑ une demande de révision adressée soit au ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, ou au ministre de la Santé, selon le cas (paragraphe 8(1) et alinéa 9(2)b) de la Loi SAP), soit à la Commission pour qu’elle l’entende sur les faits reprochés (paragraphe 8(1) et alinéa 9(2)c) de la Loi SAP).

 

[9]              Dans les deux cas, la révision consiste en un examen administratif de la décision discrétionnaire prise par une agence d’application de délivrer un avis de violation comportant un avertissement ou une sanction. Le réviseur ‑ qu’il s’agisse du ministre ou de la Commission, selon le choix du demandeur ‑ reçoit la preuve des parties, examine le droit applicable, y rapporte les faits en présence, et détermine ensuite si la personne qui réclame la révision a commis la violation. Dans un cas comme dans l’autre, cet exercice aboutit à une décision administrative de première instance relativement à cette affaire.

 

[10]         Ngueyo a opté pour la décision administrative de « première instance » rendue par le ministre. Après avoir reçu cette décision, il a demandé à la Commission, comme il en avait le droit, de l’entendre sur la décision du ministre, aux termes du paragraphe 13(2) de la Loi SAP.

 

[11]         La Commission, saisie de la décision du ministre, peut la confirmer, la modifier ou l’annuler (paragraphe 14(1) de la Loi SAP) et agit à ce titre non pas comme un décideur de première instance, mais plutôt comme un organisme examinant une décision de première instance. Lorsqu’elle révise la décision du ministre, la Commission est soumise au droit administratif canadien et à ses procédures et s’en inspire. Bien entendu, les parties qui sont alors insatisfaites de la décision qu’elle rend à l’issue de la révision ont encore la possibilité d’en solliciter le contrôle judiciaire devant la Cour d’appel fédérale.

 

[12]         Aux termes de la Loi SAP, du Règlement SAP et des nouvelles Règles de la Commission, celle-ci doit, avant de procéder à l’audience complète d’une affaire, se prononcer sur l’admissibilité de la demande de révision présentée par le demandeur relativement à une décision du ministre. Il y aura irrecevabilité absolue lorsque le demandeur a déjà payé la sanction jointe à l’avis de violation ou qu’il n’a pas déposé sa demande de révision dans le délai et selon les modalités réglementaires prévues par la Loi SAP et le Règlement SAP.

 

[13]         L’article 13 et le paragraphe 14(1) du Règlement SAP précisent le délai requis, ainsi que les modes de transmission autorisés pour le dépôt devant la Commission d’une demande de révision de la décision du ministre :

 

13. Lorsque le ministre est saisi d’une contestation au titre des paragraphes 8(1) ou 9(2) de la Loi et qu’il notifie la personne en cause qu’il a déterminé qu’elle a commis la violation, celle-ci peut :

 

a)     demander par écrit à la Commission de l’entendre sur les faits reprochés dans les 15 jours suivant la date de notification;

 

b)     lorsqu’il s’agit d’une sanction et que le ministre l’a maintenu ou y a substitué un autre montant, payer la sanction ou le nouveau montant dans les 15 jours suivant la date de notification.

 

14. (1) Une personne peut présenter une demande prévue aux articles 11, 12 ou 13 en la livrant en mains propres ou en l’envoyant par courrier recommandé ou par messagerie, ou par télécopieur ou autre moyen électronique, à une personne et à un lieu autorisés par le ministre.

 

[14]         La Cour d’appel fédérale a retenu une interprétation très stricte de ces dispositions. Dans l’arrêt Renvoi relatif à l’article 14 du Règlement SAP (CA), 2012 CAF 130, la Cour a déclaré ce qui suit :

 

[22]      À mon avis, l’article 14 ne saurait être interprété comme autorisant le courrier ordinaire comme moyen de transmettre une demande. Le paragraphe 9(2) de la Loi prévoit qu’une personne peut demander à la Commission de l’entendre sur les faits reprochés « dans le délai et selon les modalités réglementaires ». L’article 14 du Règlement ne prévoit tout simplement pas que le courrier ordinaire constitue une façon de présenter une demande à la Commission.

 

[23]      Le fil conducteur qui se dégage de l’article 14 est que la question de savoir si une demande a été présentée dans le délai prescrit peut être examinée soit de façon indépendante par la Commission, en fonction de la date à laquelle la demande a été effectivement « transmise » ou « reçue » en mains propres ou par moyen électronique conformément à l’alinéa 14(2)a) ou 14(2)c), soit sur la foi d’éléments de preuve présentés par des tiers indépendants quant à la date à laquelle la demande a été « envoyée », lorsqu’on recourt comme mode de transmission au courrier recommandé ou à un service de messagerie. En pareil cas, l’alinéa 14(2)b) prévoit que la demande est réputée avoir été présentée à la date à laquelle le destinataire la reçoit ou à la date de récépissé remis à l’expéditeur par le service des postes ou le messager, celle de ces deux dates qui est antérieure à l’autre étant à retenir.

 

[24]      Par contraste, si l’on interpolait le courrier ordinaire à l’article 14, on ne disposerait d’aucun moyen indépendant de déterminer si la demande postée a effectivement été envoyée, dans l’hypothèse où elle ne parviendrait pas à son destinataire. Ce problème aurait pu être résolu en présumant que cette demande a été faite à la date indiquée sur le cachet postal apposé sur l’enveloppe, comme on l’a fait dans le cas du paiement du montant réduit de la sanction prévu à l’article 10 (voir notamment l’alinéa 10(4)b)). Toutefois, ce n’est pas l’approche qui a été retenue et ceux qui ont rédigé le Règlement n’ont rien prévu à ce sujet au paragraphe 14(2). Il faudrait que la Cour se livre à un exercice illégitime de rédaction législative si elle devait interpoler à l’article 14 la méthode prévue à l’article 10 (comparer avec l’arrêt Canada (Procureur général) c. Mowat, 2009 CAF 309, aux paragraphes 97 à 99).

 

[25]      Je conclus donc qu’on ne peut interpréter l’article 14 comme englobant le courrier ordinaire comme mode de transmission autorisé. […]

 

[15]         C’est exactement la situation dans laquelle se trouve Ngueyo pour ce qui est du dépôt de sa demande de révision de la décision du ministre devant la Commission. La seule correspondance qu’a reçue de lui cette dernière est la lettre datée du 19 juin 2015, envoyée par courrier ordinaire et reçue le 24 juin suivant. Le délai prévu par la loi en l’espèce, pour la réception d’une demande de révision selon un mode de transmission autorisé, était de 15 jours suivant la date de signification de la décision du ministre. Ngueyo a reçu signification le 19 juin 2015. Par conséquent, la dernière date à laquelle il pouvait déposer sa demande de révision devant la Commission correspondait au premier jour ouvrable à partir du 4 juillet 2015 ou après cette date, soit le 6 juillet 2015. La seconde communication de Ngueyo, également expédiée par courrier ordinaire, n’a été reçue par la Commission que le 21 juillet 2015.

 

[16]         Malheureusement, même si la lettre de Ngueyo dans laquelle il présentait une demande de révision a été reçue par la Commission le 24 juin 2015, elle n’a pas été envoyée par l’un des modes de transmission autorisés. L’envoi s’est fait par courrier ordinaire. Si elle avait été envoyée par télécopieur, par voie électronique, par courrier recommandé, par service de messagerie ou remise en mains propres, la demande de révision n’aurait pas contrevenu aux règles de l’admissibilité au titre de la Loi SAP et du Règlement SAP. Sa seconde lettre ne lui assiste non plus en ce concerne les conditions à remplir pour avoir sa demande reçu dans le délai et selon les modalités réglementaires de la Loi SAP et du Règlement SAP. Cette seconde lettre était à la fois en dehors de délai prévu et livrée par une modalité non permise. Dans l’état actuel des choses, les règles strictes, telles qu’elles ont été interprétées par la Cour d’appel fédérale et la Commission, trouvent à s’appliquer et la Commission conclut que la demande de révision de Ngueyo n’est pas recevable étant donné qu’elle n’a pas été déposée dans le délai requis par la loi et selon un mode de transmission autorisé.

 

[17]         Sa demande de révision adressée à la Commission ayant été jugée irrecevable, Ngueyo est réputé avoir commis la violation mentionnée dans l’avis de violation 3961‑14‑1381 daté du 3 décembre 2014. Le paragraphe 9(3) de la Loi SAP prévoit :

 

(3) Le défaut du contrevenant d’exercer l’option visée au paragraphe (2) dans le délai et selon les modalités prévus vaut déclaration de responsabilité à l’égard de la violation.

 

[18]         La Commission a examiné ces questions à la lumière des dispositions de la Loi SAP, du Règlement SAP et de ses nouvelles Règles, de la jurisprudence applicable et de l’ensemble des observations fournies par les parties.

 

[19]         Les inspecteurs de l’Agence ont pour tâche de protéger les Canadiens, la chaîne alimentaire et la production agricole au Canada contre les risques que représentent les menaces biologiques pour les plantes, les animaux et les humains. Il ne fait aucun doute que ces tâches doivent être exécutées avec sérieux. La Commission est consciente que l’Agence a mis en place ses propres mesures pour le traitement des plaintes de voyageurs concernant des inspecteurs, lorsque les actes de ces derniers à l’égard des voyageurs deviennent excessifs.

 

[20]         La capacité de la Commission d’accorder des redressements découle uniquement de ses lois habilitantes qui ne lui accordent ni le mandat, ni la compétence d’annuler ou de rejeter un avis de violation, ou la décision du ministre, pour des motifs humanitaires ou financiers. Cependant, Ngueyo pourrait se renseigner auprès des représentants de l’Agence pour établir un calendrier de versements ou prendre d’autres dispositions qu’elle jugerait acceptables relativement à l’acquittement de l’amende.

 

[21]         La Commission souhaite informer M. Ngueyo que cette violation n’est pas une infraction criminelle. Dans cinq ans, il pourra demander au ministre de la rayer de son dossier, conformément à l’article 23 de la Loi SAP qui est libellé ainsi :

 

23. (1) Sur demande du contrevenant, toute mention relative à une violation est rayée du dossier que le ministre tient à son égard cinq ans après la date soit du paiement de toute créance visée au paragraphe 15(1), soit de la notification d’un procès-verbal comportant un avertissement, à moins que celui-ci estime que ce serait contraire à l’intérêt public ou qu’une autre mention ait été portée au dossier au sujet de l’intéressé par la suite, mais n’ait pas été rayée.

 

 

Fait à Ottawa (Ontario), en ce 28ième jour du mois de juillet 2015.

 

 

 

 

 

 

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Don Buckingham, président

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