Décisions de la Commission de révision agricole du Canada

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

Référence :     Steele c. Canada (Agence des services frontaliers du Canada), 2015 CRAC 12

 

 

Date : 20150724

Dossier : CRAC/CART‑1830

ENTRE :

 

Rohney Steele, demanderesse

 

 

‑ et ‑

 

 

Agence des services frontaliers du Canada, intimée

 

 

 

[Traduction de la version officielle en anglais]

 

DEVANT :       Le président Donald Buckingham

 

 

AVEC :              Rohney Steele, s’est représentée elle-même; et

Melanie A. Charbonneau, représentante de l’intimée

 

 

Affaire concernant une demande de révision des faits présentée par la demanderesse en vertu de l’alinéa 9(2)c) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, relativement à une violation, alléguée par l’intimée, de l’article 40 du Règlement sur la santé des animaux.

 

 

DÉCISION SUR L’ADMISSIBILITÉ

 

La Commission de révision agricole du Canada STATUE que la demande de révision de l’avis de violation no 4974‑15‑0323 daté du 13 mai 2015, présentée par la demanderesse, Rohney Steele, en vertu de l’alinéa 9(2)c) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, relativement à une violation de l’article 40 du Règlement sur la santé des animaux par la demanderesse, alléguée par l’Agence des services frontaliers du Canada, EST INADMISSIBLE et, par la présente ordonnance, REJETÉE.

Sur observations écrites seulement.

 

Motifs de la décision sur l’inadmissibilité

[1]              Dans l’avis de violation no 4974‑15‑0323, daté du 13 mai 2015, l’Agence des services frontaliers du Canada (l’Agence) allègue qu’à cette date, à l’aéroport 4974 (Aéroport international Pearson) à Toronto (Ontario), la demanderesse, Rohney Steele (Mme Steele) a commis une violation, à savoir importer un sous-produit animal, du canard cuit, sans se conformer aux exigences prévues, en contravention de l’article 40 du Règlement sur la santé des animaux (le Règlement sur la SA). Le 13 mai 2015, l’Agence a signifié en personne l’avis de violation à Mme Steele.

 

[2]              Dans l’avis de violation, Mme Steele était informée que les faits reprochés constituaient une violation de l’article 7 de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (la Loi sur les SAP), et de l’article 2 du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (le Règlement sur les SAP). En outre, la violation reprochée est qualifiée de « grave » au sens de l’article 4 du Règlement sur les SAP, pour laquelle la sanction s’élève à 800 $.

 

[3]              Par une lettre datée du 19 mai 2015, envoyée par courrier recommandé le 1er juin 2015, et reçue par la Commission de révision agricole du Canada (la Commission) le 4 juin 2015, Mme Steele a déposé une demande de révision (la demande de révision), dans laquelle elle demande à la Commission de l’entendre sur les faits reprochés dans son avis de violation. Cette demande est autorisée en vertu de l’alinéa 9(2)c) de la Loi sur les SAP. Afin de conserver ses droits en vertu de la Loi sur les SAP, Mme Steele n’a pas payé la sanction imposée.

 

[4]              La demande de révision de Mme Steele consistait en une lettre d’une page, l’avis de violation no 4974‑15‑0323, et un document intitulé « Reçu global pour éléments non monétaires ‑ No B100967 ».  La lettre d’une page de Mme Steele est rédigée ainsi [traduction] :

 

Le 19 mai 2015

 

Bonjour,

 

J’aimerais une révision des faits relatifs à une violation. J’inclus tous les documents qui m’ont été remis.

 

Rohney Steele 

[...]

 

[5]              Par une lettre datée du 5 juin 2015, la Commission a indiqué à l’Agence et à Mme Steele [traduction]:

 

[...]

 

Comme vous le savez peut-être, le 8 mai 2015, les Règles de la Commission de révision (agriculture et agroalimentaire), SOR/99‑451 (les anciennes Règles) ont été abrogées et remplacées par les Règles de la Commission de révision (Commission de révision agricole du Canada) (les nouvelles Règles), dont une copie tirée de la Gazette du Canada se trouve en pièce jointe.

 

Conformément à l’article 29 des nouvelles Règles, la Commission accuse réception de la demande de révision de la demanderesse, relative à l’avis de violation susmentionné. Un exemplaire de la demande de révision, tel que nous l’avons reçu de la part de la demanderesse, se trouve en pièce jointe.

 

Par conséquent, la Commission demande ce qui suit :

 

1.       que l’Agence des services frontaliers du Canada (l’Agence), son représentant ou son conseiller juridique, fournisse les renseignements requis afin de se conformer entièrement à l’article 30 des nouvelles Règles le ou avant le lundi 22 juin 2015, soit 15 jours suivant l’envoi de la présente lettre;

 

2.       que Mme Rohney Steele (la demanderesse), son représentant ou son conseiller juridique, fournisse les renseignements requis afin de se conformer entièrement à l’article 31 des nouvelles Règles, le ou avant le lundi 22 juin 2015, soit 15 jours suivant l’envoi de la présente lettre.

 

Puis, conformément à l’article 32 des nouvelles Règles, et sur le fondement des renseignements fournis à la Commission, la Commission statuera sur l’admissibilité de la demande dans les 60 jours suivant l’envoi de la présente lettre, puis transmettra sa décision aux parties par écrit sans délai.

 

[...]

 

[6]              L’Agence a transmis par courriels datés des 18 et 25 juin 2015 les renseignements requis à l’article 30 des nouvelles Règles de la Commission. La Commission n’avait reçu aucune documentation de la part de Mme Steele avant la date d’échéance du lundi 22 juin 2015.

 

[7]              Par conséquent, par une lettre datée du 25 juin 2015, la Commission a envoyé une seconde lettre à Mme Steele, lui indiquant ce qui suit [traduction] :

 

[…]

 

Le 4 juin 2015, la Commission de révision agricole du Canada (la Commission) a reçu votre demande de révision initiale par courrier recommandé. Le 5 juin 2015, la Commission a envoyé une lettre aux parties, qui vous invitait, la demanderesse, à vous conformer à l’article 31, et qui invitait l’Agence à se conformer à l’article 30.

 

[...]

 

À cet égard, la présente constitue pour vous la dernière possibilité de fournir d’autres détails à propos de l’incident du 13 mai 2015 à l’appui de votre demande d’invalidité de l’avis de violation. À défaut de recevoir l’un ou l’autre des renseignements demandés, la Commission jugera inadmissible votre demande de révision et pourrait rendre une ordonnance rejetant celle‑ci. Par conséquent, vous devez vous conformer à l’article 31 des nouvelles Règles, au plus tard le jeudi 16 juillet 2015.

 

[…]

 

[8]              Par une lettre datée du 8 juillet 2015 (même si Mme Steele allègue qu’une copie de cette lettre avait été acheminée le 18 juin 2015), Mme Steele a envoyé à la Commission les renseignements supplémentaires à l’appui de sa demande de révision. Les renseignements supplémentaires consistaient en une lettre de deux pages, dans laquelle figuraient les renseignements supplémentaires exigés par l’article 31 des nouvelles Règles de la Commission, et en une copie supplémentaire de l’avis de violation no 4974‑15‑0323.

 

[9]              S’agissant des motifs pour lesquels elle a demandé une révision des faits indiqués dans l’avis de violation, Mme Steele a écrit dans sa lettre du 8 juillet 2015 [traduction]:

 

[...]

 

À l’égard de la violation d’importation d’un sous-produit animal, soit un canard (cuit), sans respecter les exigences prescrites. Comme indiqué dans la violation, le produit était déjà cuit. La Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire définit une viande cuite, et la demanderesse n’est pas claire quant à la cuisson de la viande (la viande était cuite), mais j’ai été sanctionnée en raison de la viande cuite.

 

[...]

 

 

L’analyse et la législation applicable

 

[10]         Lorsque le demandeur ne respecte pas les exigences de la Loi sur les SAP, du Règlement sur les SAP et des Règles de procédure de la Commission, la Commission peut décider que la demande de révision du demandeur est inadmissible.

 

[11]         En application de ses anciennes règles, à de nombreuses reprises, la Commission a examiné des questions portant sur l’admissibilité, par exemple dans la décision Wilson c. Canada (Agence canadienne d’inspection des aliments), 2013 CRAC 25 (Wilson), où la Commission a écrit ce qui suit au paragraphe 10 :

 

[10]  La demande de révision est un droit accordé par le législateur, qui permet aux demandeurs de faire réviser les avis de violation par un organisme indépendant, à peu de frais et sans avoir à y consacrer beaucoup de temps. Toutefois, l’accomplissement de tout le processus, y compris le dépôt des actes de procédure, l’audience et l’élaboration de la décision, exigera tout de même de toutes les parties un investissement substantiel en temps et en argent. C’est pourquoi le législateur impose aux demandeurs des exigences élémentaires à respecter afin de préserver leur droit. Lorsqu’un demandeur ne se conforme pas aux exigences de la Loi, des Règlements ou des Règles, la Commission peut déclarer la demande de révision irrecevable.

 

[12]         La Commission a également commenté la question de l’admissibilité dans des termes similaires dans les décisions Soares c. Canada (Agence des services frontaliers du Canada), 2013 CRAC 39, Salim c. Canada (Agence des services frontaliers du Canada), 2014 CRAC 18, Asare c. Canada (Agence des services frontaliers du Canada), 2014 CRAC 37, Ajibowu c. Canada (Agence des services frontaliers du Canada), 2014 CRAC 38, Wen c. Canada (Agence des services frontaliers du Canada), 2014 CRAC 39.

 

[13]         En application des nouvelles Règles de la Commission, entrées en vigueur le 8 mai 2015, la Commission doit désormais, avant de procéder à une audience en bonne et due forme, rendre une décision par écrit à propos de l’admissibilité d’une demande de révision des faits à l’origine d’un avis de violation, conformément à l’article 32 des nouvelles Règles de la Commission.

 

[14]         Pour rendre sa décision sur l’admissibilité, la Commission examinera, entre autres, la suffisance des motifs invoqués par la demanderesse dans le cadre de la demande. Toutefois, la Commission ne peut tenir compte des moyens de défense qui ne sont pas autorisés conformément au paragraphe 18(1) de la Loi sur les SAP. Si aucun motif, dans les documents déposés par les parties, conformément aux articles 30 et 31 des nouvelles Règles de la Commission, ne permet à la demanderesse d’obtenir gain de cause, la Commission déclarera donc la demande de révision inadmissible. La Commission a rendu pareille conclusion tout récemment dans le cadre d’une demande de révision d’une décision du ministre dans la décision Stracinski c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2015 CRAC 11.

 

[15]         En l’espèce, au moins à deux occasions, la Commission a expliqué à Mme Steele qu’elle doit présenter les motifs de sa demande de révision en s’assurant qu’ils satisfont au critère selon lequel il est possible de fournir une raison autorisée permettant de contester la validité de l’avis de violation. Madame Steele a aussi été informée des conséquences auxquelles elle pourrait faire face si elle ne fournissait pas les détails indiquant pourquoi elle soutient que l’avis de violation est invalide. Toutefois, dans le peu de correspondance dont dispose la Commission, Mme Steele n’a présenté que les renseignements suivants :

 

a)                 elle a importé un produit de viande cuite;

 

b)                 elle estime que l’importation d’une viande cuite n’est pas une violation visée par la Loi sur les SAP.

 

[16]         Lorsque la violation de l’article 40 du Règlement sur la SA sert de fondement à l’avis de violation visé par la Loi sur les SAP et le Règlement sur les SAP, seuls deux éléments essentiels doivent être prouvés par l’Agence, selon la prépondérance des probabilités :

 

         Premier élément – Mme Steele est la personne qui a commis la violation;

 

         Deuxième élément – Mme Steele a importé un sous-produit animal au Canada.

 

[17]         Au vu du dossier dont dispose la Commission, il ne fait aucun doute que Mme Steele ne conteste aucun de ces éléments. En fait, elle admet avoir importé du canard cuit et fait uniquement valoir qu’elle estime que l’importation de viande cuite n’est pas une violation visée par la Loi sur les SAP. Mme Steele ne fournit aucun motif dans ses observations qui porteraient notre attention sur d’autres faits que ceux qui pourraient soutenir la délivrance d’un avis de violation en l’espèce.

 

[18]         La Loi sur les SAP crée un régime de responsabilité qui ne permet que peu d’écarts. Mme Steele n’a présenté aucun fait en sa faveur. De plus, elle n’a présenté aucun moyen de défense autorisé par l’article 18 de la Loi sur les SAP, qui dispose :

 

18(1) Le contrevenant ne peut invoquer en défense le fait qu’il a pris les mesures nécessaires pour empêcher la violation ou qu’il croyait raisonnablement et en toute honnêteté à l’existence de faits qui, avérés, l’exonéreraient.

 

[19]         Lorsqu’une disposition de la Loi sur les SAP est édictée pour une violation précise, comme c’est le cas pour l’article 40 du Règlement sur la SA, le demandeur dispose d’une marge de manœuvre limitée pour préparer sa défense. L'article 18 de la Loi sur les SAP exclut bon nombre des raisons courantes que les demandeurs soulèvent pour justifier leurs interventions lorsqu’un avis de violation leur a été délivré. Compte tenu de l’intention sans équivoque du législateur sur la question des moyens de défense autorisés et non autorisés, la Commission conclut que le motif invoqué par Mme Steele, nommément qu’elle croyait que l’importation de viande cuite ne constituait pas une violation visée par la Loi sur les SAP,  n’est pas un moyen de défense autorisé par l’article 18 de la Loi sur les SAP.

 

[20]         Par conséquent, la Commission déclare inadmissible la demande de révision de Mme Steele relative à l’avis de violation no 4974‑15‑0323, puisqu’au vu des documents déposés par les parties conformément aux articles 30 et 31 des nouvelles Règles de la Commission, aucun motif présenté ne permettrait à Mme Steele d’étayer sa prétention selon laquelle l’avis de violation daté du 13 mai 2015 est non fondé, pour qu’elle puisse ainsi avoir gain de cause.

 

[21]         Par conséquent, la Commission estime que les circonstances actuelles ne lui offrent pratiquement pas d’autre choix que de déclarer inadmissible la demande de révision de Mme Steele, et elle statue en conséquence. Ainsi, Mme Steele est réputée avoir commis la violation indiquée sur l’avis de violation no 4974‑15‑0323, qui lui a été signifié le 13 mai 2015. Le paragraphe 9(3) de la Loi sur les SAP dispose :

 

(3) Le défaut du contrevenant d’exercer l’option visée au paragraphe (2) dans le délai et selon les modalités prévus vaut déclaration de responsabilité à l’égard de la violation.

 

[22]         La Commission a tenu compte de ces questions en fonction des dispositions de la Loi sur les SAP, du Règlement sur les SAP, des nouvelles Règles de la Commission, de la jurisprudence applicable ainsi que de l’ensemble des observations fournies par les parties.

 

[23]         Les inspecteurs de l'Agence sont chargés de protéger le peuple canadien, la chaîne alimentaire et la production agricole au Canada contre les risques que représentent les menaces biologiques pour les plantes, les animaux et les humains. Il ne fait aucun doute que ces tâches doivent être accomplies avec sérieux. La Commission est consciente que l'Agence a mis en place sa propre procédure pour traiter les plaintes des voyageurs visant ses inspecteurs qui se seraient mal conduits envers eux.

 

[24]         De plus, la façon dont les inspecteurs de l’Agence traitent les voyageurs qui sont en possession de produits non déclarés est à leur discrétion. Les inspecteurs de l’Agence, lorsqu’ils découvrent des produits non déclarés, peuvent donner aux voyageurs un avertissement verbal, un avis de violation avec avertissement ou un avis de violation avec sanction en vertu de la Loi sur les SAP. Par contre, il n’incombe pas à la Commission de revoir la procédure et le recours civil choisi par l’Agence contre un présumé contrevenant.

 

[25]         Le régime très rigoureux de SAP établi par le législateur, et énoncé dans la Loi sur les SAP, protège les systèmes agricoles et alimentaires du Canada contre la contamination et les maladies. Les sanctions prévues par la Loi sur les SAP, comme en l’espèce, peuvent tout de même avoir de lourdes répercussions pour les Canadiens, en particulier pour une personne comme Mme Steele. La capacité de la Commission d’accorder réparation vient uniquement de ses lois habilitantes. Conformément à ces lois, la Commission n’a pas le mandat, ni la compétence, d’annuler ou de rejeter un avis de violation pour des motifs d’ordre humanitaire ou financier. Par contre, Mme Steele pourrait se renseigner auprès des représentants de l’Agence pour savoir si le calendrier de paiements ou tout autre arrangement pour payer l’amende serait acceptable pour l’Agence.

 

[26]         La Commission désire informer Mme Steele que cette violation n’est pas une infraction criminelle. Dans cinq ans, Mme Steele pourra présenter une demande au ministre en vue de faire rayer cette violation de son dossier, conformément à l’article 23 de la Loi sur les SAP, qui prévoit ce qui suit :

 

23. (1)   Sur demande du contrevenant, toute mention relative à une violation est rayée du dossier que le ministre tient à son égard cinq ans après la date soit du paiement de toute créance visée au paragraphe 15(1), soit de la notification d’un procès‑verbal comportant un avertissement, à moins que celui‑ci estime que ce serait contraire à l’intérêt public ou qu’une autre mention ait été portée au dossier au sujet de l’intéressé par la suite, mais n’ait pas été rayée.

 

 

Fait à Ottawa (Ontario), en ce 24ième jour du mois de juillet 2015.

 

 

 

 

 

 

 

_____________________________________________

Don Buckingham, président

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.