Décisions de la Commission de révision agricole du Canada

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Citation :         Stracinski c. Canada (ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile),                        2015 CRAC 11

 

Date : 20150714

Dossier : CART/CRAC‑1832

ENTRE :

 

Zdenka Stracinski, demanderesse

 

‑ et ‑

 

Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, intimé

 

 

[Traduction de la version officielle en anglais]

 

 

DEVANT :       Le président Donald Buckingham

 

 

AVEC :                        Zdenka Stracinski, s’est représentée elle‑même;

Mélanie A. Charbonneau, représentante pour l’intimé

 

 

Affaire intéressant la demande de révision présentée par la requérante, en vertu du paragraphe 13(2) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, afin que la Commission révise la décision par laquelle le ministre a conclu, le 19 mai 2015, que la demanderesse avait enfreint le paragraphe 40 du Règlement sur la santé des animaux.

 

 

DÉCISION SUR L’ADMISSIBILITÉ

 

La Commission de révision agricole du Canada JUGE iNADMISSIBLE la demande de révision présentée par la demanderesse, le 8 juin 2015, en vertu du paragraphe 13(2) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, relativement à la décision du ministre CS‑71227, datée du 19 mai 2015, et ORDONNE par conséquent le REJET de cette demande. La Commission de révision agricole du Canada CONFIRME ainsi la décision CS‑71227 par laquelle le ministre a confirmé le l’avis de violation YYZ4971‑0621, délivré par l’Agence des services frontaliers du Canada le 25 août 2013, selon lequel la demanderesse a enfreint le paragraphe 40 du Règlement sur la santé des animaux.

 

Sur observations écrites seulement.


MOTIFS DE LA DÉCISION RELATIVE À L’INADMISSIBILITÉ

 

Incident reproché et questions en litige

 

[1]              Il s’agit d’une affaire des plus malheureuses. Comme il sera démontré dans les présents motifs de décision, cette affaire découle d’un simple geste de bonté humaine qui a provoqué une suite d’événements ayant eu d’importantes conséquences implacables sur le plan juridique pour Zdenka Stracinski (Mme Stracinski).

 

[2]              Il s’agit d’une affaire malheureuse puisque, selon les faits non contestés, Mme Stracinski ne savait pas que ses parents avaient mis 15 livres de saucisses dans sa valise à titre de cadeau d’adieu alors qu’elle se préparait à revenir au Canada après un séjour à l’étranger.

 

[3]              Il s’agit d’une affaire malheureuse puisque, ne sachant pas qu’elle transportait des produits carnés dans sa valise, Mme Stracinski n’a pas eu la possibilité de déclarer, sur la carte de déclaration E311 (la carte de déclaration) de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’Agence) ou de vive voix à un agent d’inspection primaire de l’Agence, qu’elle importait des produits carnés.

 

[4]              Il s’agit d’une affaire malheureuse parce qu’il a fallu près de deux ans avant que la demande de révision présentée au ministre, relativement à l’avis de violation qui a été délivré à la demanderesse, soit traitée et communiquée à cette dernière.

 

[5]              Enfin, il s’agit d’une affaire malheureuse en ce qu’elle expose Mme Stracinski à l’extrême sévérité du régime établi par la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (Loi SAP) et le Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (Règlement SAP). Ce régime prévoit un système de justice [TRADUCTION] « sévère » à l’égard du demandeur qui souhaite fournir un certain contexte ‑ quoique, au bout du compte, le contexte n’ait aucune incidence juridique ‑ aux fins de l’évaluation des événements qui ont mené à la délivrance de l’avis de violation.

 

[6]              Si malheureuses cette affaire et ces circonstances soient-elles, la Commission de révision agricole du Canada (la Commission) a examiné les motifs invoqués par Mme Stracinski pour demander que soit annulée la décision du ministre CS‑71227 (la décision du ministre), passant en revue les faits qui sous‑tendent l’avis de violation délivré à Mme Stracinski par l’Agence. Malheureusement, la Commission conclut que Mme Stracinski n’a fourni aucune raison appuyant un motif recevable qui permettrait à la Commission d’annuler la décision du ministre, pouvoir qui lui est conféré en vertu du paragraphe 14 de la Loi SAP.

 

 

Documents et observations des parties

 

[7]              Selon l’avis de violation YYZ4971‑0621 délivré par l’Agence le 25 août 2013, Mme Stracinski a commis une violation en important un sous‑produit animal au Canada à cette date, sans se conformer aux exigences prévues, en contravention du paragraphe 40 du Règlement sur la santé des animaux (Règlement SA). Mme Stracinski a contesté la validité de l’avis de violation et réclamé que celui‑ci soit révisé par le ministre ou son délégué.

 

[8]              D’après la décision du ministre, l’avis de violation a été signifié à Mme Stracinski le 25 août 2013. Bien que le dossier dont dispose la Commission ne précise pas la date exacte à laquelle Mme Stracinski a présenté sa demande au ministre, les dispositions de la Loi SAP et du Règlement SAP portent qu’une telle demande doit être présentée dans les 30 jours suivant la signification de l’avis de violation à la demanderesse. Comme le ministre a procédé à la révision, il est logique de présumer que Mme Stracinski a présenté sa demande de révision au plus tard le 25 septembre 2013.

 

[9]              Jonathan Ledoux‑Cloutier (M. Ledoux‑Cloutier), gestionnaire, Division des appels, Direction des recours, a rendu une décision le 19 mai 2015, au nom du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, après avoir conclu son examen au titre du paragraphe 13(1) de la Loi SAP. M. Ledoux‑Cloutier a conclu ce qui suit : [TRADUCTION] « … les faits tels qu’ils ont été présentés confirment qu’il y a eu violation du paragraphe 40 du Règlement sur la santé des animaux et que l’avis de violation assorti d’une sanction qui a été délivré au titre du paragraphe 7(1) de la Loi demeure en vigueur. Le montant de la sanction qui s’élève à 800 $ est désormais payable au Receveur général du Canada. »

 

[10]         M. Ledoux‑Cloutier a donné les motifs suivants pour justifier la décision du ministre [TRADUCTION] :

 

Motifs

 

Le 25 août 2013, vous êtes entrée au Canada à l’Aéroport international Pearson de Toronto (Ontario) et vous avez présenté une carte de déclaration E311 dûment remplie à l’agent de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). Il a été constaté que vous aviez répondu par la négative à la question suivante : « J’apporte (nous apportons) au Canada : viande ou produits à base de viande; produits laitiers; fruits; légumes; semences; noix; plantes et animaux, parties d’animaux; fleurs coupées; terre; bois ou produits du bois; oiseaux; insectes. »

 

L’examen subséquent de votre valise a révélé la présence d’environ quinze (15) lb de saucisses pour lesquelles vous n’aviez ni permis ni certificat d’importation. D’après le rapport de l’Agence, vous avez été identifié comme étant l’auteur présumé de la violation, à savoir la personne qui a importé un sous-produit animal au Canada, et vous avez omis de présenter, au plus tard à l’importation, les « saucisses » à un agent de l’Agence avant l’inspection secondaire de vos bagages.

 

Compte tenu des circonstances, le 25 août 2013, l’avis de violation YYZ 4971‑0621 vous a été délivré et signifié par l’Agence […]

 

Durant le processus d’examen, vous avez déclaré que vos parents avaient mis les saucisses dans votre valise sans vous en aviser.

 

Malheureusement pour vous, ce type de violation est une violation de « responsabilité absolue » et les raisons que vous avez invoquées pour ne pas vous être conformée au règlement applicable ne peuvent être mises en avant comme moyens de défense au titre du paragraphe 18(1) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire.

 

L’article 18 de cette loi prévoit ce qui suit :

 

18. (1)  Le contrevenant ne peut invoquer en défense le fait qu’il a pris les mesures nécessaires pour empêcher la violation ou qu’il croyait raisonnablement et en toute honnêteté à l’existence de faits qui, avérés, l’exonéreraient.

 

Selon la preuve au dossier, vous êtes la personne qui a importé un sous-produit animal, à savoir des saucisses, au Canada. Par votre admission, vous avez également confirmé la nature du sous-produit animal, à savoir des saucisses que vous avaient données vos parents. En outre, vous n’avez pas présenté, au plus tard à l’importation, les « saucisses » sur la carte de déclaration E311 ni à l’agent d’inspection primaire des services frontaliers. En conséquence, une violation a été commise, car vous avez omis de présenter le sous-produit animal à l’ASFC.

 

[…]

 

[11]         Le 8 juin 2015, Mme Stracinski a présenté, par courrier recommandé, une demande de révision à la Commission afin que cette dernière révise et annule la décision du ministre, demande autorisée au titre du paragraphe 13(2) de la Loi SAP. Pour conserver ses droits au titre de la Loi SAP, Mme Stracinski n’a pas payé la sanction imposée.

 

[12]         Dans une lettre datée du 12 juin 2015, la Commission a indiqué ce qui suit à Mme Stracinski et à l’Agence [TRADUCTION] :

 

[…]

 

Comme vous le savez peut-être, le 8 mai 2015, les Règles de la Commission de révision (agriculture et agroalimentaire) DORS/99‑451 (les anciennes Règles) ont été abrogées et remplacées par les Règles de la Commission de révision (Commission de révision agricole du Canada) (les nouvelles Règles), dont vous trouverez ci-joint une copie tirée de la Gazette du Canada.

 

Comme elle est tenue de le faire au titre de la règle 45 des nouvelles Règles, la Commission accuse, par les présentes, réception de la demande de révision présentée par la demanderesse relativement à la décision du ministre à l’égard de l’avis de violation susmentionné. Vous trouverez ci‑joint une copie de la demande de révision de la décision du ministre, telle qu’elle a été reçue de la demanderesse.

 

En conséquence, la Commission demande, par les présentes :

 

1.       que l’Agence des services frontaliers du Canada (l’Agence), son représentant ou son conseil fournisse les renseignements nécessaires afin de se conformer à la règle 46 des nouvelles Règles d’ici le lundi 29 juin 2015, soit dans les 15 jours suivant l’envoi de la présente lettre;

 

2.       que Zdenka Stracinski (Mme Stracinski), son représentant ou son conseil fournisse les renseignements nécessaires afin de se conformer à la règle 47 des nouvelles Règles d’ici le lundi 29 juin 2015, soit dans les 15 jours suivant l’envoi de la présente lettre.

 

Ensuite, en vertu de la règle 48 des nouvelles Règles et sur la foi des renseignements transmis à la Commission, la Commission statuera sur l’admissibilité de la demande de révision dans les 60 jours suivant l’envoi de la présente lettre, puis transmettra sa décision aux parties par écrit sans délai.

 

[…]

 

[13]         Dans un courriel daté du 26 juin 2015, l’Agence a communiqué les renseignements requis au titre de la règle 46 des nouvelles Règles de la Commission. Dans une télécopie, datée du 28 juin 2015, et deux courriels datés du 28 et du 29 juin 2015, Mme Stracinski a communiqué les renseignements requis au titre de la règle 47 des nouvelles Règles de la Commission.

 

[14]         Le dossier écrit dont dispose la Commission en l’espèce comprend les documents suivants :

 

Documents du ministre et de l’Agence :

 

(i)          Décision du ministre datée du 19 mai 2015;

 

(ii)        Courriel de l’Agence, daté du 26 juin 2015, auquel est jointe une preuve de signification de la décision du ministre à Mme Stracinski, le 25 mai 2015.

 

Documents de Mme Stracinski :

 

(i)          Lettre datée du 8 juin 2015 exposant la demande de révision de la décision du ministre ainsi que les motifs de la demande et copie de la décision du ministre;

 

(ii)        Courriels adressés à la Commission, datés du 28 et du 29 juin 2015, exposant d’autres motifs justifiant la demande de révision de la décision du ministre et contenant les renseignements supplémentaires requis au titre de la règle 47 des nouvelles Règles de la Commission;

 

(iii)      Télécopie du 28 juin 2015, adressée à la Commission, comprenant une copie supplémentaire (en partie) de la décision du ministre et une copie (en partie) de l’avis de violation YYZ4971‑0621 original daté du 25 août 2013.

 

[15]         Dans sa lettre datée du 8 juin 2015, Mme Stracinski explique ce qui  suit [TRADUCTION] :

 

Madame, Monsieur, veuillez accepter cette lettre, car je suis absolument dégoûtée par toute cette affaire. Pardonnez-moi d’être aussi directe, mais je suis très déçue et très fâchée par toute la façon dont cette affaire a été traitée.

 

Le 25 août 2013... j’ai été accusée d’avoir rempli incorrectement le formulaire de déclaration au sujet de saucisses dans ma valise. J’ai répondu « NON » parce que je ne savais pas qu’elles étaient dans ma valise. Le vol a été retardé de quelques jours et ma valise a été bouclée par mes parents âgés, qui ont décidé de nous surprendre à notre retour à la maison au Canada en y mettant des saucisses maison qu’ils avaient faites et que nous aimons tant. Je ne rajouterai rien puisque vous avez déjà toute cette information dans vos rapports (j’espère que c’est bien le cas).

 

Il a fallu deux ans avant que j’aie d’autres nouvelles de l’Agence des services frontaliers du Canada. Peu après, j’ai été accusée sans que personne communique avec moi, m’appelle ou me donne la possibilité de m’expliquer. C’est irréel. Il n’a certainement pas fallu deux autres années pour me déclarer coupable, pourquoi??? Les lettres se sont mises à arriver beaucoup plus rapidement, et aucune question ne m’a été posée. Je ne peux pas payer 800 $. Je suis une mère de famille qui soutient deux jeunes enfants et mes revenus sont limités. Je vous serais reconnaissante de revoir le montant de la sanction et de suggérer un montant inférieur. Je me demande si une peine d’emprisonnement pourrait être envisagée et, le cas échéant, quel est le nombre de jours qui équivaut à 800 $. Je suis tellement désolée que tout cela se soit produit en premier lieu, je ne trouve pas les mots pour expliquer…

 

[16]         Dans les observations supplémentaires comprises dans son courriel à la Commission, daté du 28 juin 2015, Mme Stracinski a ajouté les explications suivantes [TRADUCTION] :

 

Voyage

 

-Je suis dans l’avion et je remplis la carte, rien à déclarer, je n’ai moi-même mis dans ma valise aucun article qui doit être déclaré

 

-l’agent trouve de la viande dans mon sac, je suis questionnée, la viande est jetée à la poubelle, l’agent ne me comprend pas, différences culturelles, l’agent ne m’écoute pas et m’interromps à de nombreuses reprises

 

-je me vois remettre une amende sur papier, je rentre à la maison à Wasaga

 

-Je lis les règles au dos, j’envoie une lettre datée ------ à l’intérieur du délai de 30 jours ---- j’ai des copies de la lettre et du reçu de courrier recommandé

 

-aucune nouvelle du Canada – pas même après un mois, ni après six mois, un an, un an et demi --- quelque chose surgit en avril….

 

-Lettre du Canada exigeant de l’argent reçue en avril 2015

 

-Règles de la Commission abrogées et remplacées le 8 mai 2015

 

-Le Canada répond un an et huit mois plus tard et me demande de l’argent?

 

-Cela n’a aucun sens à mes yeux

 

Règle 47 des nouvelles Règles

 

Après présentation de la chronologie des événements et des éléments de preuve, voici ce que je pense de la situation :

 

Je suis une citoyenne canadienne qui rentrait chez elle après avoir rendu visite à ses parents. Je ne savais pas que mes parents avaient mis 15 lb de saucisses dans ma valise. J’admets qu’il s’agissait de ma valise et que, quand j’ai remarqué l’odeur qui s’en dégageait, j’ai reconnu l’odeur familière des saucisses… l’agent des douanes les a ensuite jetées à la poubelle, ce qui, à mon avis, aurait dû mettre un terme à l’affaire. J’étais triste, car je ne savais pas que mes parents m’avaient fait une telle surprise. Comme vous le comprendrez, c’était pour eux une grande quantité de viande à acheter et donner en cadeau. L’argument ne devrait-il pas être que le Canada devrait faire davantage d’efforts pour informer les gens des pays où il a des ambassades au sujet de l’interdiction d’envoyer de la viande à l’étranger? [Avant que les gens ne montent à bord de l’avion? Pourquoi devrais-je vérifier et revérifier mes bagages? Ce n’est pas réaliste pendant un voyage.]

 

Trop de temps s’est écoulé, j’ai répondu dans le respect des Règles qui étaient en vigueur en 2013, je n’ai reçu aucune réponse, ce qui fait qu’il serait juste de dire que l’affaire semblait avoir été rejetée. Après deux ans, après que les Règles ont été modifiées, quelqu’un se penche sur ces choses et trouve ça? Puis me demande de l’argent? J’estime que cette situation est injuste. J’ai fait preuve de coopération, je n’ai reçu aucune réponse, puis maintenant que les Règles ont changé, je dois payer, et je crois que l’affaire devrait être rejetée…

 

[17]         La frustration et l’injustice que ressent Mme Stracinski sont palpables et compréhensibles. Mme Stracinski soutient qu’elle ne savait pas que sa valise contenait 15 lb de saucisses, et M. Ledoux‑Cloutier, qui écrit au nom du ministre, ne remet pas ce fait en question. Par conséquent, il n’est pas surprenant que Mme Stracinski n’ait pas indiqué dans sa carte de déclaration, au moment de son entrée au Canada, qu’elle importait des sous‑produits de viande. En outre, même si elle avait pu le faire, elle n’aurait manifestement pas tenté d’obtenir un certificat autorisant l’importation de saucisses qu’elles ne savaient même pas avoir en sa possession.

 

 

Analyse et jurisprudence applicable

 

[18]         La Loi SAP prévoit une procédure à deux volets sans doute unique en son genre, voire assez déconcertante, pour contester les procès-verbaux délivrés sous son régime. En vertu de la Loi SAP, une personne qui se voit signifier un avis de violation peut, pour en contester la validité, choisir l’une des deux voies préliminaires suivantes : adresser une demande de révision au ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, ou au ministre de la Santé, suivant le cas (paragraphe 8(1) et alinéa 9(2)b) de la Loi), ou la soumettre à la Commission (paragraphe 8(1) et alinéa 9(2)c) de la Loi).

 

[19]         Dans les deux cas, la révision consiste en un examen administratif de la décision discrétionnaire d’une agence d’application de délivrer un avis de violation comportant un avertissement ou une sanction. Le réviseur ‑ qu’il s’agisse du ministre ou de la Commission, selon le choix de la demanderesse ‑ reçoit la preuve des parties, examine le droit applicable, y rapporte les faits en présence, et détermine ensuite si la personne qui réclame la révision a commis la violation. Dans un cas comme dans l’autre, cet exercice aboutit à une décision administrative de première instance relativement à l’affaire en question.

 

[20]         Mme Stracinki a choisi de suivre le processus d’examen administratif de « première instance » réalisé par le ministre. Elle a respecté toutes les exigences relatives à la contestation, devant le ministre, des faits ayant mené à la délivrance de l’avis de violation YYZ4971‑0621 et à l’imposition de la sanction de 800 $ s’y rattachant. Mme Stracinski semble avoir pris toutes les mesures requises dans les délais prescrits, c’est‑à‑dire au plus tard le 25 septembre 2013. Pendant près de deux ans, elle n’a reçu aucune réponse à sa demande, puis en mai 2015, Mme Stracinki a reçu la décision confirmant la violation et reprenant les faits, à savoir qu’elle avait 15 lb de saucisses dans sa valise, qu’elle ne les avait pas déclarées, et qu’elle n’avait pas de certificat justifiant leur importation. Il n’est pas surprenant que Mme Stracinki ait eu le sentiment d’avoir été traitée durement et injustement compte tenu du peu de compréhension, voire de compassion, dont ont fait preuve les fonctionnaires du gouvernement en août 2013 et compte tenu de la lenteur des procédures et de l’absence de dialogue avec les fonctionnaires du gouvernement en mai 2015.

 

[21]         Après avoir reçu la décision du ministre, Mme Stracinki s’est prévalue de son droit de demander à la Commission de l’entendre sur la décision du ministre, au titre du paragraphe 13(2) de la Loi SAP.

 

[22]         Lors de la révision d’une décision du ministre, la Commission peut confirmer la décision, la modifier ou l’annuler (paragraphe 14(1) de la Loi SAP). Elle agit ainsi non pas en tant que décideur de première instance, mais plutôt en tant qu’organe révisant une décision de première instance. Lorsqu’elle révise la décision du ministre, la Commission obéit aux procédures et au droit administratif canadien, et s’en inspire. Bien entendu, les parties insatisfaites de la décision de la Commission peuvent présenter une demande de contrôle judiciaire à la Cour d’appel fédérale.

 

[23]         La Loi SAP et le Règlement SAP qui établissent le système de sanctions administratives pécuniaires en ce qui concerne les violations en matière d’agriculture et d’agroalimentaire appellent assez souvent des conséquences sévères et implacables qui peuvent sembler injustes.

 

[24]         Les tribunaux qui ont examiné le régime de sanctions administratives pécuniaires (SAP) ont admis que c’est bel et bien le cas, en particulier puisque les violations entraînent une responsabilité absolue. Dans l’affaire Doyon c. Procureur général du Canada, 2009 CAF 152 (Doyon), le juge Létourneau, s’exprimant au nom de la Cour d’appel fédérale (CAF), met en garde contre le fait que le régime de SAP laisse bien peu de moyens de disculpation aux personnes accusées d’une violation donnant lieu à une sanction administrative pécuniaire :

 

[27]  En somme, le régime de sanctions administratives pécuniaires a importé les éléments les plus punitifs du droit pénal en prenant soin d’en écarter les moyens de défense utiles et de diminuer le fardeau de preuve du poursuivant. Une responsabilité absolue, découlant d’un actus reus que le poursuivant n’a pas à établir hors de tout doute raisonnable, laisse au contrevenant bien peu de moyens de disculpation.

 

[25]         Les moyens de défense limités dont dispose une personne accusée au titre du régime de SAP sont exprimés clairement par le décret général énoncé à l’article 18 de la Loi SAP (susmentionné dans la décision du ministre), lequel exclut la défense fondée sur la diligence raisonnable ou l’erreur de fait raisonnable. Même dans les cas où la demanderesse ne savait pas qu’elle transportait des produits carnés dans ses valises au moment de son entrée au Canada, pour autant que l’Agence s’acquitte du fardeau qui lui incombe de prouver tous les éléments de la violation, selon la prépondérance des probabilités, la demanderesse sera tenue responsable d’une violation au titre du régime de SAP.

 

[26]         Dans l’affaire Agence des services frontaliers du Canada c. Castillo 2013 CAF 271, la CAF a dû statuer sur des faits très similaires aux faits de la présente affaire. La Cour a conclu ce qui suit, aux paragraphes 23 et 24 :

 

[23]  Il ressort manifestement des faits dont est saisie la Cour que M. Castillo a importé un sous-produit animal au sens du Règlement sur la santé des animaux, et aucune des exceptions énoncées à la partie IV du règlement ne s’appliquait.

 

[24]    Monsieur Castillo n’était peut-être pas au courant que le poulet se trouvait dans son bagage, mais cela ne lui est d’aucun secours vu le libellé des dispositions et l’intention claire du législateur d’instaurer un régime de responsabilité absolue pour ce genre de violations. Comme notre Cour l’a déjà dit, le régime de SAP peut être sévère (Westphal-Larsen, paragraphe 12), mais le législateur voulait clairement qu’il le fût, vu l’important objectif qui consiste à protéger le Canada de l’introduction de maladies animales étrangères.

 

[27]         Le droit est donc bien établi en ce qui concerne la question de savoir si la demanderesse devait savoir qu’elle importait un produit carné. Il n’était pas nécessaire qu’elle le sache.

 

[28]         Par conséquent, lorsque Mme Stracinski a demandé une révision ministérielle en première instance, il était de la responsabilité du représentant légal du ministre, M. Ledoux‑Cloutier en l’espèce, de déterminer si l’Agence qui a délivré l’avis de violation a réussi à prouver, selon la prépondérance des probabilités, que Mme Stracinski a commis l’acte interdit par la disposition énoncée dans la Loi SAP ou le Règlement SAP (disposition agroalimentaire). L’article 19 de la Loi SAP établit le fardeau de la preuve dont un organisme doit s’acquitter pour qu’une violation soit confirmée :

 

19.  En cas de contestation devant le ministre ou de révision par la Commission, portant sur les faits, il appartient au ministre d’établir, selon la prépondérance des probabilités, la responsabilité du contrevenant.

 

[29]         Lorsqu’une violation de l’article 40 du RSA est alléguée, l’Agence doit prouver deux éléments essentiels, selon la prépondérance des probabilités :

 

         Élément no 1 – Mme Stracinski est la personne qui a commis la violation;

 

         Élément no 2 – Mme Stracinski a importé un sous-produit animal au Canada.

 

[30]         Dans le dossier dont dispose la Commission, il est clair que les éléments de preuve dont a été saisi M. Ledoux‑Cloutier relativement aux éléments essentiels n’ont pas été contestés. Mme Stracinski a bel et bien importé 15 lb de saucisses au Canada le 25 août 2013. Elle n’a présenté aucun document qui aurait permis l’importation desdites saucisses et n’avait pas de tel document en sa possession.

 

[31]         Cependant, la preuve est aussi sans équivoque en ce qui concerne le fait qu’elle ne savait pas qu’elle importait un tel produit, puisque ses parents l’ont mis sans sa valise à son insu. Le fait que le représentant du ministre a mis près de deux ans pour rendre sa décision, relativement à la demande de révision présentée par Mme Stracinki, n’est pas contesté non plus. Malheureusement, sous le régime de SAP, ni l’une ni l’autre de ces deux questions n’a de répercussions sur la validité de l’avis de violation ni ne permet à la Commission d’annuler la décision du ministre pour ces seuls motifs.

 

[32]         En vertu des nouvelles Règles de la Commission, qui sont entrées en vigueur le 8 mai 2015, la Commission doit, avant d’instruire une affaire, rendre une décision sur l’admissibilité de la demande de révision de la décision du ministre au titre de la règle 48 des nouvelles Règles de la Commission. Pour rendre sa décision quant à l’admissibilité, la Commission doit considérer, entre autres, le caractère suffisant des motifs avancés par la demanderesse pour annuler la décision du ministre. Si, d’après les documents produits par les parties au titre des règles 46 et 47 des nouvelles Règles de la Commission, il n’existe aucun motif en vertu duquel la demande de la demanderesse pourrait être accueillie, la Commission peut juger inadmissible la demande de révision de la décision du ministre.

 

[33]         Tel est le cas en l’espèce. Les parties ne contestent pas la preuve qui établit, selon la prépondérance des probabilités, les deux éléments en l’espèce, à savoir le fait que Mme Stracinski est la personne qui a commis la violation et le fait qu’elle a importé au Canada un sous‑produit animal, soit 15 lb de saucisses. Elle n’a fourni aucune justification pour l’importation du produit, car ne sachant pas que celui‑ci était caché dans sa valise, elle n’a pas cherché à le déclarer à son arrivée au Canada, ni à obtenir un certificat en vue de son importation. L’article 18 de la Loi SAP ne permet pas d’invoquer la diligence raisonnable ou l’erreur de fait pour justifier ses actes. Étant donné l’intention manifeste du législateur quant aux moyens de défense interdits par rapport à ceux qui sont autorisés, la Commission conclut qu’aucun des motifs invoqués par Mme Stracinski ne constitue un moyen de défense autorisé en vertu de l’article 18 de la Loi SAP.

 

[34]         Par conséquent, la Commission juge inadmissible la demande de révision de la décision du ministre présentée par Mme Stracinski, puisque, d’après les documents produits par les parties au titre des règles 46 et 47 des nouvelles Règles de la Commission, il n’existe aucun motif en vertu duquel la présente Commission pourrait rendre une ordonnance visant l’annulation de la décision du ministre CS‑71227 datée du 19 mai 2015.

 

[35]         Étant donné la conclusion quant à l’inadmissibilité de la demande de révision qu’elle a présentée à la Commission, Mme Stracinki est réputée avoir commis la violation mentionnée dans l’avis de violation YYZ4971‑0621 daté du 25 août 2013 et signifié à cette dernière ce même jour. Le paragraphe 9(3) de la Loi SAP est ainsi libellé :

 

(3)  Le défaut du contrevenant d’exercer l’option visée au paragraphe (2) dans le délai et selon les modalités prévus vaut déclaration de responsabilité à l’égard de la violation.

 

[36]         La Commission a considéré ces questions à la lumière des dispositions de la Loi SAP et du Règlement SAP, des nouvelles Règles de la Commission, de la jurisprudence applicable et des observations présentées par les parties.

 

[37]         Les agents de l’Agence sont chargés de protéger les Canadiens et les Canadiennes, la chaîne alimentaire et la production agricole du Canada contre les risques que représentent les menaces biologiques pour les plantes, les animaux et les humains. Il ne fait aucun doute que ces tâches doivent être accomplies sérieusement. La Commission est consciente que l’Agence a mis en place sa propre façon de traiter les plaintes des voyageurs visant ses inspecteurs, lorsque les actes des inspecteurs envers les voyageurs deviennent excessifs.

 

[38]         En outre, les agents de l’Agence disposent d’un certain pouvoir discrétionnaire quant à la façon de traiter les voyageurs qui ont des produits non déclarés en leur possession. Dans certaines circonstances, peut-être comme celles de la présente affaire, où les passagers ne savaient vraiment pas que le produit interdit se trouvait dans leur bagage, un avertissement oral ou un avis de violation assorti d’un avertissement délivré au titre de la Loi SAP pourrait constituer une mesure plus juste et humaine que la délivrance d’un avis de violation assorti d’une sanction. Cependant, il ne revient pas à la Commission de revoir la procédure et le recours civil que l’Agence a choisi d’appliquer à l’égard de l’auteur présumé de la violation.

 

[39]         Le régime très rigoureux des SAP prévu par la Loi, et établi par le Parlement, protège les systèmes agricoles et alimentaires du Canada contre la contamination et les maladies. Les sanctions prévues par la Loi SAP peuvent néanmoins avoir, comme en l’espèce, d’importantes répercussions sur les Canadiens et les Canadiennes, particulièrement pour quelqu’un comme Mme Stracinski. Mme Stracinski a demandé à la Commission de modifier, pour des motifs d’ordre humanitaire ou financier, la sanction imposée en l’espèce, allant même jusqu’à suggérer qu’une peine d’emprisonnement équivalant à la sanction de 800 $ lui soit imposée. La Commission doute qu’il ait déjà été question que le système de SAP ait de si graves conséquences pour les Canadiennes et les Canadiens, c’est‑à‑dire que ces derniers doivent sacrifier leur liberté afin de respecter les obligations découlant d’une sanction administrative prévue au titre d’un régime de responsabilité absolue.

 

[40]         Cela dit, le pouvoir de la Commission d’accorder une réparation tire son origine des lois habilitantes de cette dernière. D’après ces lois, la Commission n’a pas le mandat d’annuler ou de rejeter un avis de violation ou une décision du ministre pour des motifs d’ordre humanitaire ou financier, ni la compétence pour le faire. Cependant, Mme Stracinski voudra peut‑être communiquer avec les représentants de l’Agence pour savoir si celle‑ci accepterait de mettre en place un calendrier de paiements ou de prendre une autre forme d’entente en vue du paiement de la sanction.

 

[41]         La Commission désire informer Mme Stracinki que la violation dont elle est accusée ne constitue pas une infraction criminelle. Lorsque cinq années se seront écoulées, elle pourra demander au ministre de rayer la violation de son dossier, conformément à l’article 23 de la Loi SAP :

 

23. (1) Sur demande du contrevenant, toute mention relative à une violation est rayée du dossier que le ministre tient à son égard cinq ans après la date soit du paiement de toute créance visée au paragraphe 15(1), soit de la notification d’un procès-verbal comportant un avertissement, à moins que celui-ci estime que ce serait contraire à l’intérêt public ou qu’une autre mention ait été portée au dossier au sujet de l’intéressé par la suite, mais n’ait pas été rayée.

 

 

Fait à Ottawa (Ontario), en ce 14ième jour du mois de juillet 2015.

 

 

 

 

 

 

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Don Buckingham, président

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