Décisions de la Commission de révision agricole du Canada

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Référence :     Asare c. Canada (Agence des services frontaliers du Canada), 2014 CRAC 37

 

Date : 20141217

Dossier : CART/CRAC‑1804

ENTRE :

 

Samuel Asare, demandeur

 

 

‑ et ‑

 

 

Agence des services frontaliers du Canada, intimée

 

[Traduction de la version officielle en anglais]

 

DEVANT :       Le président Donald Buckingham

 

 

AVEC :                        Samuel Asare, s’est représenté lui-même; et

Byron Fitzgerald, représentant pour l’intimée

 

 

Affaire concernant une demande de révision des faits que le demandeur a présentée, en vertu de l’alinéa 9(2)c) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, relativement à une violation, alléguée par l’intimée, de l’article 40 du Règlement sur la santé des animaux.

 

 

DÉCISION SUR LA RECEVABILITÉ

 

La Commission de révision agricole du Canada STATUE, par ordonnance, que la demande de révision de l’avis de violation no 4971‑14‑1009, en date du 7 octobre 2014, présentée par le demandeur, M. Samuel Asare, en vertu de l’alinéa 9(2)c) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, relativement à une violation par le demandeur, alléguée par l’Agence des services frontaliers du Canada, de l’article 40 du Règlement sur la santé des animaux, EST IRRECEVABLE et est, conformément à la présente ordonnance, REJETÉE.

 

Sur observations écrites seulement,

soumises entre le 17 octobre et le 12 décembre  2014.


Motifs de la décision relative à l’irrecevabilité

 

[1]              Dans l’avis de violation no 4971‑14‑1009, daté du 7 octobre 2014, l’Agence des services frontaliers du Canada (l’Agence) allègue qu’à cette date, à l’aéroport 4971 (l’aéroport international Lester B. Pearson, à Toronto), en Ontario, le demandeur, M. Samuel Asare (M. Asare) [traduction] « a commis une violation, à savoir importer un sous‑produit animal, soit 1,5 kg de poulet cuit en morceaux, sans se conformer aux exigences prévues, en contravention à l’article 40 du Règlement sur la santé des animaux ». L’Agence a signifié en personne à M. Asare l’avis de violation infligeant une sanction le 7 octobre 2014. L’avis informait M. Asare que les faits reprochés constituaient une violation de l’article 7 de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (la Loi sur les SAP), et de l’article 2 du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (le Règlement sur les SAP). En outre, le document indiquait à M. Asare que la violation reprochée était, au sens de l’article 4 du Règlement sur les SAP, une « violation grave », pour laquelle la sanction s’élevait à 800 $.

 

[2]              Dans une lettre envoyce par courrier recommandé le 17 octobre 2014, M. Asare a demandé à la Commission de révision agricole du Canada (la Commission) de l’entendre sur les faits reprochés (la demande de révision). La lettre se composait d’un document dactylographié de deux pages sous le nom de M. Asare, dans lequel ce dernier demandait à la Commission de lui [traduction] « pardonner ». Une copie de l’avis de violation avait été jointe à cette lettre. M. Asare expliquait ainsi sa position :

 

[traduction] [...] À l’arrivée, lorsque j’ai rempli le formulaire des douanes, j’avais complètement oublié les morceaux de poulet et de bœuf cuit. J’ai passé les douanes, mais le chien qui accompagnait l’un des agents a senti quelque chose. J’ai été invité à me rendre à la fenêtre. Là encore, je n’ai pas pensé aux morceaux de poulet et de bœuf. L’agent a ouvert ma valise et m’a demandé ce que c’était, et c’est alors que je me suis rappelé le poulet et le bœuf. Je me suis excusé et dit qu’il s’agissait d’une erreur de bonne foi, car j’en avais mangé et, en raison de l’empressement, j’ai simplement emballé la nourriture, l’ai mise dans ma valise et j’ai tout oublié, et que ce n’était pas un acte délibéré. [...] Je vous écris pour plaider ma cause et vous demander de réexaminer le dossier et de me pardonner cette erreur. Il ne s’agit pas d’un acte volontaire et je ferai en sorte que cette situation ne se reproduise plus [...].

 

[3]              Le 23 octobre 2014, Mme Lise Sabourin (Mme Sabourin), coordonnatrice à l’administration, aux registres et aux finances de la Commission, a fait parvenir à l’Agence et à M. Asare une lettre dans laquelle elle demandait à ce dernier d’étoffer les raisons justifiant sa demande de révision. Dans cette lettre, Mme Sabourin expliquait à M. Asare ce qui suit :

 

[traduction] [...] La demande de révision déposée par le demandeur ne contient aucun motif qui serait admissible, eu égard à l’article 18 de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire. Le demandeur doit fournir d’autres motifs concernant les évènements survenus le 7 octobre 2014, et ce, au plus tard le 07 novembre 2014, sinon sa demande de révision pourrait être jugée irrecevable. Veuillez consulter l’Avis de pratique no 11 et le Guide à l’intention des plaideurs non représentés (copies jointes) pour obtenir de plus amples renseignements [....].

 

[4]              Le 20 novembre 2014, Mme Sabourin a envoyé une deuxième lettre à l’Agence et à M. Asare, demandant à ce dernier de préciser les raisons justifiant sa demande de révision et d’expliquer pourquoi ses actes ne constituaient pas une violation de l’article 40 du Règlement sur la santé des animaux (le Règlement SA). Dans cette lettre, Mme Sabourin expliquait à M. Asare ce qui suit :

 

[traduction] [...] Si le demandeur n’avance aucune raison autorisée ni n’invoque aucun moyen de défense autorisé au plus tard le 15 décembre 2014, la Commission peut conclure de manière définitive que la demande de révision est irrecevable.

 

[5]              Dans un courriel daté du 12 décembre 2104, M. Asare a présenté à la Commission des renseignements supplémentaires concernant les évènements survenus le 7 octobre 2014 ainsi que des arguments juridiques.

 

[6]              L’article 34 des Règles de la Commission de révision (agriculture et agroalimentaire) (les Règles de la Commission) est ainsi libellé :

 

 

La personne qui dépose une demande de révision doit y indiquer les motifs de la demande, la langue de son choix et, dans le cas où le procès-verbal en cause

inflige une sanction, si elle demande la tenue d’une audience.

 

 

[7]              Lorsque le demandeur ne respecte pas les exigences de la Loi sur les SAP, du Règlement sur les SAP et des Règles de la Commission, celle‑ci peut décider que la demande de révision du demandeur est irrecevable.

 

[8]              La Commission s’est penchée sur la question de la recevabilité dans les décisions Wilson c. Canada (Agence canadienne d’inspection des aliments), 2013 CRAC 25 (Wilson) et Soares c. Canada (Agence des services frontaliers du Canada), 2013 CRAC 39, et Salim c. Canada (Agence des services frontaliers du Canada),), 2014 CRAC 18. Comme elle l’a expliqué au paragraphe 10 de la décision Wilson :

 

[10]  La demande de révision est un droit accordé par le législateur, qui permet aux demandeurs de faire réviser les procès‑verbaux de violation par un organisme indépendant, à peu de frais et sans avoir à y consacrer beaucoup de temps. Toutefois, l’accomplissement de tout le processus, y compris le dépôt des actes de procédure, l’audience et l’élaboration de la décision, exigera tout de même de toutes les parties un investissement substantiel en temps et en argent. C’est pourquoi le législateur impose aux demandeurs des exigences élémentaires à respecter afin de préserver leur droit. Lorsque le demandeur ne se conforme pas aux exigences de la Loi et des Règlements et Règles, la Commission peut déclarer la demande de révision irrecevable.

 

[9]              En l’espèce, la Commission a tenté, au moins à deux occasions, d’encourager M. Asare à présenter les raisons de sa demande de révision en s’assurant qu’elles satisfont au critère selon lequel il est possible de fournir une raison autorisée permettant de contester la validité de l’avis de violation. Cependant, dans le peu de correspondance dont dispose la Commission, M. Asare n’a présenté que les raisons suivantes :

 

(a)              Il a commis une infraction en apportant au Canada du poulet et du bœuf cuit provenant d’un autre pays;

 

(b)              L’importation de cette viande n’était pas intentionnelle. La viande en question lui a été offerte par sa sœur, pendant le séjour à l’étranger, et il avait oublié qu’il l’avait dans ses bagages. Lorsqu’il s’est rendu compte de la situation, il était trop tard;

 

(c)               Après avoir passé les douanes [après l’inspection primaire], un chien a découvert la viande cuite et ensuite [lors de l’inspection secondaire] l’agent a inspecté ses bagages et a découvert le poulet et le bœuf cuit;

 

(d)              Il avait commis une erreur de bonne foi;

 

(e)              Il veillera à ce que cette situation ne se reproduise plus;

 

(f)                Il n’avait pas d’argent pour payer l’amende;

 

(g)              Il demandait que sa sanction soit annulée.

 

[10]         En outre, dans sa lettre du 11 décembre 2014, M. Asare invoque l’argument juridique suivant :

 

[traduction] Le mot « importer » laisse entendre un acte délibéré et, dans la présente affaire, il indique que j’ai délibérément importé au Canada les morceaux de poulet et de bœuf cuit. Le mot « importer » indique également que cette importation délibérée vise la vente ou la rétribution. Je fais valoir, avec égards, que tel n’est pas le cas, compte tenu de la preuve. Je dirais toutefois qu’il ne s’agit que de quelques morceaux de poulet bouilli que j’étais en train de manger et que, vu mon retard pour aller à l’aéroport, j’ai simplement mis dans mon bagage à main. Je fais valoir qu’il ne s’agissait pas d’un acte délibéré, mais plutôt d’une erreur humaine qui risque d’arriver à quiconque. Je fais également valoir que, puisqu’il s’agit de ma première erreur de cette nature, je devrais faire l’objet d’un avertissement.

 

[11]         La Loi sur les SAP crée un régime de responsabilité très peu tolérant, puisqu’elle ne permet pas d’invoquer en défense le fait d’avoir pris les mesures nécessaires pour empêcher la violation ou d’avoir commis une erreur de fait. L’article 18 de la Loi sur les SAP est rédigé comme suit :

 

18.  (1) Le contrevenant ne peut invoquer en défense le fait qu’il a pris les mesures nécessaires pour empêcher la violation ou qu’il croyait raisonnablement et en toute honnêteté à l’existence de faits qui, avérés, l’exonéreraient.

 

[12]         Si une disposition prévoyant des sanctions administratives pécuniaires a été édictée pour une violation particulière, comme c’est le cas de l’article 40 du Règlement SA, le demandeur ne dispose que de très peu de moyens de défense. L'article 18 de la Loi sur les SAP exclut un grand nombre de raisons les plus courantes que les demandeurs soulèvent pour justifier leurs interventions quand un avis de violation a été émis à leur endroit. Étant donné l’intention manifeste du législateur sur les moyens de défense interdits par rapport à ceux autorisés, la Commission conclut qu’aucune des raisons avancées par M. Asare, dans ses observations présentées à la Commission, ainsi qu'il est énoncé aux paragraphes 9 et 10 ci‑dessus, ne constitue un moyen de défense autorisé en vertu de l’article 18 de la Loi sur les SAP. En ce qui concerne la dernière raison qu’il avance (voir les paragraphes susmentionnés), soit l’annulation de la sanction ou son remplacement par un avertissement, la Commission ne peut, selon sa loi habilitante, prendre en compte les arguments des parties en fonction de motifs d’ordre humanitaire qui pourraient avoir comme effet d’éliminer ou de réduire l’amende indiquée sur l’avis de violation ou d’établir un plan de versement pour ladite amende.

 

[13]         Enfin, les arguments que M. Asare a invoqués relativement à l’interprétation du mot « importer » à l’article 40 du Règlement SA ne sauraient être retenus, eu égard à l’interprétation de ce mot donnée par la Cour d’appel fédérale et à l’application de la Loi sur les SAP qui écarte tout élément « intentionnel », « délibéré » ou « moral » lorsqu’il s’agit d’établir une violation aux termes de la Loi sur les SAP.

 

[14]         Selon les explications données au sujet de son importation, M. Asare avait oublié de déclarer la viande, il avait passé l’inspection primaire, un chien détecteur avait indiqué aux représentants de l’Agence qu’il aurait pu avoir de la viande dans ses bagages et l’agent qui avait effectué l’inspection secondaire avait trouvé la viande en question. La Commission accepte que, suivant l’arrêt Canada (Procureur général) c. Savoie‑Forgeot, 2014 CAF 26 (Forgeot), M. Asare avait déjà « importé » les produits de viande. Il était alors trop tard pour se soustraire à sa responsabilité par suite de cette importation interdite, même s’il n’avait jamais eu l’intention d’importer le poulet et le bœuf cuit.

 

[15]         L’état du droit énoncé dans l’arrêt Forgeot est maintenant bien établi : une déclaration, qu’elle soit faite par écrit sur la carte de déclaration E311 du passager ou verbalement à un représentant de l’Agence le plus tôt possible, constitue une étape vitale pour éviter une accusation sous le régime de la Loi sur les SAP ou du Règlement sur les SAP. Lorsque des personnes déclarent des produits et les mettent à la disposition des inspecteurs en vue d’une éventuelle saisie en raison du risque qu’ils peuvent constituer pour la vie humaine, animale ou végétale au Canada, ces personnes ne devraient pas être considérées comme ayant violé l’article 40 du Règlement SA. Ainsi que la Cour l’a déclaré dans l’arrêt Forgeot, au paragraphe 18, « Même si lors d’une inspection il s’avère qu’elle a en sa possession des sous‑produits animaux qui ne rencontrent pas les exceptions prévues à la Partie IV du Règlement, elle n’a pas encore complété le processus d’importation de ces sous‑produits au Canada. » En revanche, lorsqu’un individu omet de déclarer et de présenter les produits en question avant l’inspection secondaire, même si l’omission n’est pas faite délibérément, mais plutôt par simple oublie, il aura tout de même contrevenu à l’article 40 du Règlement SA.

 

[16]         Ainsi, la Commission estime que les circonstances actuelles ne lui offrent pratiquement pas d’autre choix que de déclarer irrecevable la demande de révision de M. Asare, et elle statue en conséquence. Par conséquent, M. Asare est réputé avoir commis la violation visée dans l’avis de violation no 4971‑14‑1009 délivré le 7 octobre 2014. Le paragraphe 9(3) de la Loi sur les SAP est ci‑après reproduit :

 

(3)  Le défaut du contrevenant d’exercer l’option visée au paragraphe (2) dans le délai et selon les modalités prévus vaut déclaration de responsabilité à l’égard de la violation.

 

[17]         La Commission a tenu compte dans l’examen de ces questions des dispositions de la Loi sur les SAP, du Règlement sur les SAP, des Règles de la Commission, de la jurisprudence applicable, de l’équité et des renseignements fournis par les parties. La Commission constate que les renseignements fournis par M. Asare dans sa demande de révision ainsi que les observations qu’il a présentées par la suite, ne permettent pas de contester la validité de l’avis de violation en question.

 

[18]         La Commission tient à informer M. Asare que cette violation ne constitue pas une infraction criminelle. Dans cinq ans, ce dernier pourra demander au ministre que cette violation soit rayée de son dossier, conformément à l’article 23 de la Loi sur les SAP, qui prévoit ce qui suit :

 

23. (1)  Sur demande du contrevenant, toute mention relative à une violation est rayée du dossier que le ministre tient à son égard cinq ans après la date soit du paiement de toute créance visée au paragraphe 15(1), soit de la notification d’un procès-verbal comportant un avertissement, à moins que celui‑ci estime que ce serait contraire à l’intérêt public ou qu’une autre mention ait été portée au dossier au sujet de l’intéressé par la suite, mais n’ait pas été rayée.

 

Fait à Ottawa (Ontario), ce 17e jour de décembre 2014.

 

 

 

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Don Buckingham, président

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