Décisions de la Commission de révision agricole du Canada

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Référence :

Ousmane-Daba  c.  Canada  (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) 2018  CRAC  15

Date :  2018 11 07

Dossier : CART/CRAC‑ 1951

ENTRE :

Muhammad Ousmane-Daba ,

DEMANDEUR

‑ et ‑

Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile ,

INTIMÉ(E)

DEVANT :

Luc Bélanger

Président

AVEC :

Muhammad Ousmane-Daba, se représentant lui-même ; et

 

Michèle Hobbs , représentante de l’intimé

Affaire intéressant une demande de révision d’une décision du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile du Canada présentée par le demandeur, conformément à l’alinéa 13(2)b) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, concernant la décision 16‑02413, datée du 31 mars 2017, par laquelle le ministre a conclu que le demandeur a violé l’article 7 de la Loi sur la protection des végétaux..

DÉCISION

Après avoir examiné l’ensemble des observations des parties, la Commission de révision agricole du Canada CONFIRME la décision du ministre 16 02413 et statue par ordonnance que, selon la prépondérance des probabilités, le demandeur, Muhammad Ousmane-Daba, a commis la violation décrite dans l’avis de violation°3961 16 1027, daté du 30 mai 2016, et qu’il est tenu de payer la sanction pécuniaire de 1 300 $ dans les trente (30) jours suivant la date de notification de la présente décision.

Audience tenue à Montreal, QC,

Le mardi, 20 février 2018.


MOTIFS DE LA DÉCISION  2

I. CONTEXTE  2

II. POUVOIRS ET COMPÉTENCE  3

III. QUESTIONS EN LITIGE  4

IV. ANALYSE  4

Question no 1 : Le ministre a-t-il commis une erreur en concluant que l’Agence a prouvé chacun des éléments constitutifs d’une violation de l’article 7 de la Loi PV?  4

Question n° 2 : Le demandeur a-t-il soulevé une défense admissible?  6

V. ORDONNANCE  7

MOTIFS DE LA DÉCISION

I.  CONTEXTE

[1]  La présente affaire concerne le défaut d’un voyageur de déclarer l’importation de racines à l’aéroport international Pierre-Elliot Trudeau de Montréal le 30 mai 2016. Les racines ont été découvertes par un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada (Agence), dans les effets de M. Muhammad Ousmane-Daba alors qu’il revenait du Tchad, lors d’un examen des bagages mené dans l’aire secondaire des douanes. M. Daba était venu récupérer ces bagages ayant fait l’objet d’un retard. Le demandeur s’est vu remettre l’avis de violation 3961‑16‑1027, avec sanction de 1 300 $, par l’agent des services frontaliers pour une violation alléguée de l’article 7 de la Loi sur la protection des végétaux (Loi PV).

[2]  M. Daba a demandé une révision de l’avis de violation auprès du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (ministre), qui a confirmé l’avis de violation le 31 mars 2017 dans sa décision 16‑02413. Le 18 avril 2017, M. Daba a demandé une révision de la décision du ministre par la Commission de révision agricole du Canada (Commission).

[3]  Le 11 janvier 2018, les parties ont participé à une conférence de gestion d’instance en préparation à l’audience. Le 14 février 2018, la Commission émit une ordonnance rejetant la requête de M. Daba de présenter de la nouvelle preuve documentaire et un témoignage lors de l’audience.

II.  POUVOIRS ET COMPÉTENCE

[4]  La Commission est un tribunal expert et indépendant constitué par le Parlement en vertu de l’article 4.1 la Loi sur les produits agricoles au Canada. Elle a compétence pour répondre aux demandes de révision de décisions relatives à l’imposition de sanctions pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire.

[5]  La Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (LSAPAA) prévoit au paragraphe 13(2) que la Commission peut réviser une décision de première instance rendue par le ministre.

[6]  Les pouvoirs que le Parlement a conférés à la Commission pour s’acquitter de ses fonctions sont prévus au paragraphe 14(1) de la LSAPAA : « Saisie d’une affaire au titre de la présente loi, la Commission, par ordonnance et selon le cas, soit confirme, modifie ou annule la décision du ministre […] ». La Commission n’exerce donc pas les fonctions d’un décideur de première instance ou d’un tribunal effectuant un contrôle judiciaire, mais plutôt celles d’un tribunal administratif spécialisé ou d’appel qui révise des décisions administratives de première instance.

[7]  La LSAPAA prévoit la révision et les recours possibles, mais elle ne précise pas le type de révision que la Commission doit effectuer. La Commission a conclu que la législation et la jurisprudence applicables préconisent qu’elle effectue une révision administrative en appel de type « de novo » des décisions du ministre sous le régime de la LSAPAA, voir Hachey Livestock Transport Ltd. c. Ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, 2015 CRAC 19, aux paragraphes 28 à 50.

[8]  Le type de révision que devrait effectuer la Commission est le suivant : procéder à l’examen de novo des faits et tirer ses propres conclusions de fait et de droit en faisant preuve de peu de déférence, voire aucune, à l’égard des conclusions et du raisonnement contenus dans la décision du ministre du 31 mars 2017.

[9]  Lors d’un examen de novo des faits, la Commission n’est pas tenue de demander aux parties de présenter de nouveau la preuve. La Commission doit appliquer les règles de droit appropriées aux conclusions factuelles de l’affaire pour établir si la décision du ministre devrait être confirmée, modifiée ou annulée.

III.  QUESTIONS EN LITIGE

[10]  La présente affaire soulève deux questions :

  1. Le ministre a-t-il commis une erreur en concluant que l’Agence a prouvé chacun des éléments constitutifs d’une violation de l’article 7 de la Loi PV?
  2. Le demandeur a-t-il soulevé une défense admissible?

IV.  ANALYSE

Question no 1 : Le ministre a-t-il commis une erreur en concluant que l’Agence a prouvé chacun des éléments constitutifs d’une violation de l’article 7 de la Loi PV?

[11]  Certaines affaires de violation découlant de la LSAPAA et du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (RSAPAA) ont fait l’objet d’un examen détaillé par les tribunaux, étant donné, tout particulièrement, que ces violations sont de responsabilité absolue (Doyon c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 152 (Doyon), aux paragraphes 11 et 27).

[12]  De plus, la Cour d’appel fédérale a établi que les agences d’application de la loi ont le fardeau de prouver chacun des éléments constitutifs d’une violation émise sous le régime des sanctions administratives pécuniaires afin qu’un contrevenant soit reconnu responsable d’une violation (Doyonau paragraphe 42).

[13]  Afin de déterminer les éléments constitutifs d’une violation donnée, la Commission s’inspire de la méthode proposée dans l’arrêt Doyon, qui consiste à analyser les éléments constitutifs requis selon le libellé de la disposition qui crée la violation (Doyonau paragraphe 41).

[14]  L’article 7 de la Loi PV est rédigé comme suit :

7 Il est interdit à toute personne d’importer au Canada, d’y laisser entrer ou d’en exporter toute chose qui soit est un parasite, soit est parasitée ou susceptible de l’être, soit encore constitue ou est susceptible de constituer un obstacle biologique à la lutte antiparasitaire, sauf si les conditions ci-après sont réunies :

a) les permis, certificats et autres documents réglementaires ont été présentés à un inspecteur;

b) la chose est ou a été présentée à l’inspecteur – lorsque les règlements ou un inspecteur l’exigent –, selon les modalités et aux conditions qu’il précise, au lieu fixé par les règlements ou par un inspecteur;

c) la chose est importée ou exportée en conformité avec les règlements.

[15]  Dans la décision Nesbeth c. Canada (Agence des services frontaliers du Canada), 2016 CRAC 5, la Commission a dégagé cinq éléments constitutifs que l’Agence doit établir selon la prépondérance des probabilités :

  • Élément no 1 – Le demandeur est la personne ayant commis la violation ;
  • Élément no 2 –  Le demandeur a importé un produit végétal au Canada ;
  • Élément no 3 – Le produit végétal importé par le demandeur était un parasite, parasité ou susceptible de l’être, ou constituait ou était susceptible de constituer un obstacle biologique à la lutte antiparasitaire ;
  • Élément no 4 – Le demandeur a omis de présenter le produit végétal à un agent des services frontaliers dès son arrivée au Canada;
  • Élément no 5 – Le demandeur n’a présenté aucun permis ni certificat permettant son importation.

[16]  Si l’Agence s’acquitte du fardeau de prouver ces éléments selon la prépondérance des probabilités, le demandeur doit être tenu responsable de la violation selon le régime des sanctions administratives pécuniaires an matière d’agriculture et d’agroalimentaire. Il m’incombe donc de réviser chacun des éléments à la lumière de la preuve présentée devant le ministre.

[17]  M. Daba admet avoir importé des racines. L’identité de M. Daba a été confirmée par l’Agence par une copie de son permis de conduire, et l’agent des services frontaliers a confirmé que les bagages en cause étaient bien ceux du demandeur. De plus, la présence de racines est soutenue par des photographies prises lors de l’examen secondaire des bagages de M. Daba. Les éléments n° 1 et 2 ont donc été établis.

[18]  M. Daba a soulevé qu’il n’y avait aucune preuve que les racines importées contenaient des parasites. Par contre, l’article 7 de la Loi PV ne requiert pas nécessairement qu’il y ait présence de parasites dans les racines. En fait, la seule susceptibilité des produits végétaux d’être parasités suffit. Ainsi, l’Agence n’a pas à faire la preuve que les produits végétaux importés étaient parasités.

[19]  L’Agence a fourni un extrait du Système automatisé de référence à l’importation (SARI), qui indique que les racines tubéreuses provenant du Tchad doivent être accompagnées d’un certificat phytosanitaire et d’un permis d’importation de la Division de la protection des végétaux. En outre, les racines doivent être certifiées comme étant exempt des parasites du sol. Ceci démontre que les racines provenant du Tchad sont considérées comme étant du moins susceptibles d’être parasitées. L’élément n° 3 a donc été établi.

[20]  L’élément n° 4 a de même été établi par l’Agence, puisque M. Daba a eu l’opportunité de déclarer et de présenter le produit végétal à un agent des services frontaliers dès son arrivée au Canada, mais ne l’a pas fait. En effet, M. Daba a coché « non » à la question sur les plantes, bois et parties, produits ou sous-produits de ceux-ci dans son Rapport de bagages retardés, et évitait de répondre aux questions de l’agent des services frontaliers procédant à l’examen secondaire. Ce n’est que lors de la fouille des bagages que l’agent a trouvé les racines en cause.

[21]  Enfin, l’élément n° 5 est établi puisque M. Daba n’a présenté aucun permis ni certificat permettant l’importation du produit végétal au Canada.

[22]  En conséquence, je souscris entièrement aux conclusions du ministre selon lesquelles l’Agence a établi, selon la prépondérance des probabilités, que M. Daba a commis une violation de l’article 7 de la Loi PV.

Question n° 2 : Le demandeur a-t-il soulevé une défense admissible?

[23]  M. Daba soulève que le comportement de l’agent des services frontaliers était inacceptable, et que la violation a été injustement appliquée. Il semble que cet aspect de la demande de M. Daba a été traité tel que nécessaire par l’Agence dans une lettre datée du 4 juillet 2016. À la lumière des faits de l’affaire, je suis d’avis que les gestes posés par l’agent des services frontaliers ne portent pas à croire qu’il y ait eu traitement injuste du dossier. Outre ceci, il n’est pas du recours de la Commission de se prononcer sur le sujet.

V.  ORDONNANCE

[24]  Je suis d’avis que la preuve soumise au dossier par l’Agence démontre que M. Daba a importé un produit végétal sans le présenter à un inspecteur en contravention de l’article 7 de la Loi PV. Par conséquent, je CONFIRME la décision du ministre 16‑02413 qui soutient l’émission de l’avis de violation 3961‑16‑1027, daté du 30 mai 2016.

[25]  Je CONFIRME également que le montant de la sanction est conforme au RSAPAA.

[26]  J’ORDONNE à M. Daba de verser à l’Agence la somme de 1 300 $ dans les trente (30) jours suivant la notification de la présente décision, tel que prévu à l’article 15(3) du RSAPAA.

[27]  M. Daba a soulevé que la sanction est déraisonnable du fait de la présence de la violation dans son dossier pour une durée de cinq ans. Suivant le paragraphe 23(1) de la LSAPAA, une mention relative à une violation ne peut être rayée du dossier que cinq ans suivant la date du paiement de la sanction. Je ne suis pas habilité à modifier la durée de cette mention au dossier.

[28]  Je tiens à informer M. Daba que cette violation ne constitue pas une infraction criminelle. Dans cinq ans, M. Daba pourra demander au ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire de faire rayer cette violation de son dossier, conformément à l’article 23 de la LSAPAA.

Fait à Ottawa (Ontario), ce 7e jour du mois de novembre 2018

 

Luc Bélanger

Président

Commission de révision agricole du Canada

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