Décisions de la Commission de révision agricole du Canada

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Référence :

Perez-Muralles  c.  Canada   (ASFC) 2018  CRAC  12

Date :  2018 10 23

Dossier : CART/CRAC‑ 1975

ENTRE :

Donald Perez Muralles ,

DEMANDEUR

‑ et ‑

  Agence des services frontaliers du Canada ,

INTIMÉ(E)

DEVANT :

Me Geneviève Parent

Membre

AVEC :

M. Donald Ivan Perez Muralles, se représentant seul ; et

 

Mme Michèle Hobbs, représentant de l’intimée

Affaire intéressant une demande de révision des faits présentée par la demanderesse en application de l’alinéa 9(2)c) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, relativement à une violation, alléguée par l’intimée, du paragraphe 16(1) de la Loi sur la santé des animaux.

DÉCISION

Après avoir examiné l’ensemble des observations écrites des parties, la Commission de révision agricole du Canada statue par ordonnance que, selon la prépondérance des probabilités, le demandeur monsieur Donald Ivan Perez Muralles, a commis la violation décrite dans le procès-verbal 3961 17 1968, daté du 30 octobre 2017, relativement aux faits survenus ce jour-là et qu’il est tenu de payer à l’intimée le montant de 1 300 $ dans les trente (30) jours suivant la date de signification de la présente décision.

Par soumissions écrite


I. CONTEXTE  2

II. COMPÉTENCE ET POUVOIRS DE LA COMMISSION  3

III. QUESTIONS EN LITIGE  4

IV. ANALYSE  4

Question no 1 – L’Agence a‑t‑elle prouvé chacun des éléments de la violation du paragraphe 16(1) de la LSA ?  4

Conclusions concernant l’élément no1 :  5

Conclusions concernant les éléments no2 et no3 :  6

Question no 2 – Monsieur Perez‑Muralles a‑t‑il établi un moyen de défense admissible qui, selon l’article 18 de la LSAPAA, pourrait justifier ou excuser le geste qu’il a posé le 30 octobre 2017 ?  7

Question no 3 – La sanction pécuniaire de 1 300 $ est-elle déterminée conformément à la réglementation applicable en l’espèce ?  8

V. ORDONNANCE  8

I.  CONTEXTE

[1]  Cette affaire porte sur une importation de poulet frit par un passager qui était de retour d’un séjour de 21 jours au Guatemala. Le 30 octobre 2017, l’Agence des services frontaliers du Canada (Agence) a signifié le procès‑verbal 3961‑17‑1968 en personne à M. Donald Ivan Perez‑Muralles. Ce procès‑verbal avec sanction pécuniaire de 1 300 $ fut émis pour avoir importé le jour même des morceaux de poulet frit en contravention au paragraphe 16(1) de la Loi sur la santé des animaux (LSA), ce qui représente une violation très grave au regard du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (RSAPAA).

[2]  La preuve au dossier, qui n’est pas contestée par le demandeur, démontre que ce dernier n’a ni déclaré ni présenté les morceaux de poulet contenus dans ses bagages au moment de l’importation, ce qui est contraire au paragraphe 16(1) de la LSA.

[3]  En effet, le demandeur a rempli et signé une carte de déclaration E311 de l’Agence sur laquelle il a répondu par la négative aux questions portant sur le fait de rapporter au Canada des aliments, notamment de la viande ou sous-produits de la viande (Annexe 2 des soumissions écrites de l’intimée).

[4]  La preuve démontre également qu’il n’a pas présenté ni déclaré les produits et sous‑produits d’animaux avant d’entrer dans la zone d’examen secondaire où il a été dirigé (Annexe 3 des soumissions écrites de l’intimée).

[5]  Lors de l’examen des bagages du demandeur, l’employé de l’Agence trouve plusieurs produits alimentaires : fromage, sauce tomate, fruits, graines de citrouilles de même que 15 bouillons de poulet de marque MAGGI, 10 bouillons de poulet‑boeuf de marque MALHER et 25 morceaux de poulet frit (Annexe 3 et photo de l’Annexe 5 des soumissions écrites de l’intimée).

[6]  La preuve au dossier démontre également que le demandeur avait préalablement reçu un procès‑verbal avec avertissement en 2015 pour des faits similaires (Annexe 3 des soumissions écrites de l’intimée).

[7]  Monsieur Perez‑Muralles a demandé à la Commission de révision agricole du Canada (la Commission) de réviser les faits entourant la délivrance du procès‑verbal 3961‑17‑1968.

[8]  Dans le cadre de ses soumissions écrites, monsieur Perez‑Muralles soutient « qu’étant donné que le poulet « Pollo Campero » est vendu au port de départ à l’aéroport » il pensait avoir respecté « toutes les normes de salubrité et alimentation destinés aux voyageurs qui quittent le pays ».

II.  COMPÉTENCE ET POUVOIRS DE LA COMMISSION

[9]  La Commission, en vertu de l’alinéa 9(2)c) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (LSAPAA), est l’instance compétente pour entendre cette demande de révision.

[10]  Dans le cadre de la révision des faits de la présente affaire, il incombe à la Commission de soupeser la preuve soumise et de déterminer si l’Agence a prouvé tous les éléments constitutifs de la violation, selon la prépondérance des probabilités.

[11]  Si l’Agence s’acquitte du fardeau de preuve qui lui incombe, la demanderesse sera reconnue responsable d’une violation au paragraphe 16(1) de la LSA, à moins qu’elle puisse établir un moyen de défense, une justification ou une excuse aux termes de la LSAPAA, du RSAPAA ou, en l’espèce, de la LSA.

III.  QUESTIONS EN LITIGE 

[12]  La présente affaire soulève trois questions :

  1. L’Agence a‑t‑elle prouvé chacun des éléments constitutifs de la violation du paragraphe 16(1) de la LSA?
  2. Le demandeur, monsieur Perez‑Muralles, a‑t‑il soulevé un moyen de défense admissible qui, selon l’article 18 de la LSAPAA, pourrait justifier ou excuser le geste qu’il a posé le 30 octobre 2017 et qui constitue une violation du paragraphe 16(1) de la LSA?
  3. La sanction pécuniaire de 1 300 $ est-elle déterminée conformément à la réglementation applicable en l’espèce?

IV.  ANALYSE

[13]  Pour les motifs qui suivent, je conclus que l’Agence a prouvé les éléments constitutifs de la violation, que le demandeur n’a soulevé aucune défense, excuse ou justification valable pour ses actes et que la sanction pécuniaire est établie en conformité avec la LSAPAA et le RSAPAA.

Question no 1 – L’Agence a‑t‑elle prouvé chacun des éléments de la violation du paragraphe 16(1) de la LSA ?

[14]  En vertu de l’article 19 de la LSAPAA, il incombe à l’Agence de prouver chacun des éléments constitutifs d’une violation au paragraphe 16(1) de la LSA (Doyon c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 152 (Doyon), au paragraphe 42).

[15]  Le texte du paragraphe 16(1) de la LSA se lit comme suit :

16 (1) La personne qui importe des animaux, des produits ou sous-produits de ceux-ci, des aliments pour animaux ou des produits biologiques vétérinaires, ainsi que toute autre chose soit se rapportant aux animaux, soit contaminée par une maladie ou une substance toxique, les présente, au plus tard à l’importation, à un inspecteur, à un agent d’exécution ou à un agent des douanes qui peut les examiner lui-même ou les retenir jusqu’à ce que l’inspecteur ou l’agent d’exécution s’en charge.

[Non souligné dans l’original.]

[16]  L’article 2 de la LSA se lit comme suit :

Sous‑produit animal Notamment la chair, les abats et les issues, y compris les poils, plumes, sabots, cornes, peaux, cuir, laine, sang — de même que ses composants — et os, ainsi que toute chose contenant ces éléments. (animal by‑product)

[17]  Au paragraphe 17 de la décision Cikotic c. Canada (Agence des services frontaliers du Canada), 2017 CRAC 11 (Cikotic), la Commission précise que les éléments constitutifs d’une violation au paragraphe 16(1) de la LSA sont les suivants :

  1. Le demandeur est la personne qui a commis la violation ;
  2. Le demandeur a importé un produit ou un sous‑produit animal au Canada ;
  3. Le demandeur a omis de présenter le produit ou sous‑produit animal aux agents des services frontaliers avant d’être dirigé vers l’aire d’inspection secondaire des douanes.

[18]  L’Agence a donc le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, ces trois éléments constitutifs de la violation du paragraphe 16(1) de la LSA.

Conclusions concernant l’élément no1 :

[19]  En ce qui a trait à l’élément no 1, l’identité de monsieur Perez‑Muralles en tant qu’auteur de la violation présumée n’est pas contestée.

[20]  Monsieur Perez‑Muralles est bien la personne qui a commis la violation constatée en l’espèce par l’agent #37297 de l’Agence.

[21]  Les documents de voyage que monsieur Perez‑Muralles a présentés pour remplir la carte de déclaration E311 et qu’il a par la suite présenté à l’agent de l’Agence qui a procédé à l’examen de ses bagages le confirment (Soumissions écrites de l’intimée, notamment les Annexes 2 et 3; Soumissions écrites du demandeur qui confirme qu’il a bien apporté les sous-produits d’animaux en question).

[22]  Monsieur Perez‑Muralles a également confirmé que les bagages examinés par l’agent #37297 de l’Agence étaient les siens, qu’il les avait fait lui‑même avec sa femme et qu’il en connaissait le contenu (Soumissions écrites de l’intimée, Annexe 3).

Conclusions concernant les éléments no2 et no3 :

[23]  La preuve au dossier, qui est non contestée est à l’effet que le demandeur a rempli et signé une carte de déclaration E311 de l’Agence sur laquelle il a répondu par la négative aux questions portant sur le fait de rapporter au Canada des aliments, notamment de la viande ou sous-produits de la viande (Annexe 2 des soumissions écrites de l’intimée).

[24]  La preuve démontre également que monsieur Perez‑Muralles n’a pas présenté ni déclaré les produits et sous‑produits d’animaux avant d’entrer dans la zone d’examen secondaire où il a été dirigé (Annexe 3 des soumissions écrites de l’intimée).

[25]  Lors de l’examen des bagages du demandeur, l’agent #37297 de l’Agence a trouvé plusieurs produits alimentaires : fromage, sauce tomate, fruits, graines de citrouilles de même que 15 bouillons de poulet de marque MAGGI, 10 bouillons de poulet‑boeuf de marque MALHER et 25 morceaux de poulet frit (Annexe 3 et photo de l’Annexe 5 des soumissions écrites de l’intimée; Soumissions écrites du demandeur).

[26]  Finalement, les vérifications effectuées par l’agent de l’Agence dans le Système Automatisé Référence à l’Importation (SARI) démontrent que la viande de poulet provenant du Guatemala devait être refusée d’entrée au Canada (Soumissions écrites, Annexe 4).

[27]  Par conséquent, je conclus, selon la prépondérance des probabilités que, le 30 octobre 2017, monsieur Perez‑Muralles a importé au Canada un produit ou un sous‑produit animal.

[28]  Comme le rappelle la Commission au paragraphe 24 de la décision Cikotic :

« Dans l’arrêt Canada c. Savoie‑Forgeot, 2014 CAF 26, la Cour d’appel fédérale a décrété que les marchandises doivent être disponibles en vue d’une inspection, c’est-à-dire qu’elles doivent déclarées ou présentées au moment du premier contact avec les agents des services frontaliers (paragraphe 25). La déclaration de marchandises dans l’aire de contrôle primaire des douanes est, en général, le point final du processus d’importation (Savoie‑Forgeot, aux paragraphes 19 et 25) le moment où l’on atteint le point de finalité. L’omission de déclarer ou de présenter un sous-produit animal à ce stade est le geste qui sous-tend l’imposition par l’Agence d’une sanction administrative pécuniaire. »

[29]  Je conclus donc également, selon la prépondérance des probabilités, que monsieur Perez‑Muralles a omis de déclarer l’importation de sous‑produits d’animaux aux agents des services frontaliers avant d’être dirigé vers l’aire d’inspection secondaire des douanes.

[30]  Je conclus donc de ce fait que l’Agence s’est acquittée du fardeau qui lui incombait et a prouvé les trois éléments constitutifs de la violation du paragraphe 16(1) de la LSA.

Question no 2 – Monsieur Perez‑Muralles a‑t‑il établi un moyen de défense admissible qui, selon l’article 18 de la LSAPAA, pourrait justifier ou excuser le geste qu’il a posé le 30 octobre 2017 ?

[31]  Dans le cadre de ses soumissions écrites, monsieur Perez‑Muralles se défend en indiquant que « Étant donné que le poulet « Pollo Campero » est vendu au port de départ à l’aéroport, nous pensions avoir rempli toutes les normes de salubrité et alimentation destinées aux voyageurs qui quittent le pays. »

[32]  Or, le régime des sanctions administratives et pécuniaires instauré par la LSAPAA et le RSAPAA en est un de responsabilité absolue (Doyon, paragraphe 11).

[33]  Dans ce cadre, les auteurs d’une violation du paragraphe 16(1) de la LSA ont donc peu de moyens de défense à leur disposition et ne peuvent présenter une défense de diligence raisonnable et d’erreur de fait raisonnable (Agence des services frontaliers du Canada c. Castillo, 2013 CAF 271; Doyon, paragraphe 11; Mario Côté c. Canada (Procureur général), 2017 CAF 36, paragraphe 40).

[34]  Notamment, le paragraphe 18(1) de la LSAPAA prévoit que le contrevenant ne peut invoquer en défense le fait qu’il croyait raisonnablement et en toute honnêteté à l’existence de faits qui, avérés, l’exonéreraient.

[35]  Ainsi, compte tenu de ce qui précède et de la preuve au dossier, je conclus que monsieur Perez‑Muralles n’a pas présenté une défense admissible qui pourrait justifier l’importation de sous‑produits d’animaux sans en déclarer l’importation aux agents des services frontaliers avant d’être dirigé vers l’aire d’inspection secondaire des douanes.

Question no 3 – La sanction pécuniaire de 1 300 $ est-elle déterminée conformément à la réglementation applicable en l’espèce ?

[36]  Il reste donc à déterminer si la sanction de 1 300 $ est justifiée au regard de la LSAPAA et du RSAPAA qui sont applicables en l’espèce.

[37]  C’est le RSAPAA qui pose les balises dans le cadre desquelles l’Agence déterminera le montant de la sanction administrative et pécuniaire à imposer en cas de violation d’une disposition des lois chapeautées par le régime des SAP. Il est utile de rappeler ici quelles sont ces balises.

[38]  L’Annexe 1 du RSAPAA détermine la gravité des sanctions selon la violation dont il est question, permettant ensuite de connaître le montant de base de la sanction, montant qui est prévu à l’article 5 du RSAPAA.

[39]  En l’espèce, la section 2 de la Partie I de l’Annexe 1 nous indique qu’une violation au paragraphe 16(1) de la LSA constitue une violation « très grave ».

[40]  L’article 5 du RSAPAA prévoit qu’une violation très grave, lorsqu’elle est commise par une personne physique, sans être dans la cadre d’une entreprise ou à des fins lucratives, comme en l’espèce, est de 1 300 $.

[41]  Compte tenu de ce qui précède, la Commission en vient à la conclusion que la sanction administrative pécuniaire en l’espèce a été établie en application des règlements pertinents.

[42]  Comme le rappelle la Commission au paragraphe 43 de la décision Cikotic : « Selon ces règles, la Commission n’a ni le mandat ni la compétence d’annuler ou de rejeter un avis de violation pour des motifs d’ordre humanitaire, médical ou financier. »

V.  ORDONNANCE

[43]  Après avoir examiné les soumissions écrites des parties et la preuve au dossier, la Commission statue, que :

  1. L’Agence a prouvé chacun des éléments nécessaires pour établir que monsieur Perez‑Muralles a commis la violation énoncée dans le procès‑verbal 3961‑17‑1968, délivré le 30 octobre 2017 ;
  2. Monsieur Perez‑Muralles n’a pas soulevé un moyen de défense admissible au regard du droit applicable qui aurait pu justifier l’importation de sous‑produits d’animaux sans en déclarer l’importation aux agents des services frontaliers avant d’être dirigé vers l’aire d’inspection secondaire des douanes ;
  3. La sanction administrative pécuniaire en l’espèce a été établie en application des règlements pertinents.

[44]  Par conséquent, la Commission ORDONNE que monsieur Perez‑Muralles verse à l’Agence la somme de 1 300 $ dans les trente (30) jours suivant la date de signification de la présente décision, tel que prévu à l’article 15(3) du RSAPAA.

[45]  La Commission informe monsieur Perez‑Muralles qu’il peut communiquer directement avec les représentants de l’Agence pour s’enquérir de la possibilité de convenir d’un calendrier de versements acceptable pour le paiement de la sanction.

[46]  La Commission informe également monsieur Perez‑Muralles que la violation en cause n’est pas un acte criminel. Dans cinq ans, il pourra demander au ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire de rayer la violation de son dossier, conformément à l’article 23 de la LSAPAA.

Fait à Québec (Québec), ce 23e jour d’octobre 2018.

 

Me Geneviève Parent

Membre de la Commission de révision agricole du Canada

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