Décisions de la Commission de révision agricole du Canada

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Référence :     Hemeng c. Canada  (Agence des services frontaliers du Canada),  2017  CRAC  5

 

 

 

 

Date :  20170209

Dossier :  CART/CRAC‑1908

ENTRE :

 

 

 

 

 

 

 

Comfort Hemeng, 

demanderesse

‑ et ‑

 

 

 

 

Agence des services frontaliers du Canada, 

intiméE

 

[Traduction de la version officielle en anglais]

 

 

DEVANT :

Le président Donald Buckingham

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

AVEC :

Charles Hemeng, représentant pour la demanderesse; et

 

 

Melanie A. Charbonneau, représentante pour l’intimée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Affaire concernant une demande de révision des faits présentée par la demanderesse en vertu de l’alinéa 9(2)(c) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, relativement à une violation alléguée par l’intimée, du paragraphe 16(1) de la Loi sur la santé des animaux.

 

 

 

 

 

 

 

 

DÉCISION

 

 

 

 

Après avoir tenu une audience et examiné toutes les observations orales et écrites des parties, la Commission de révision agricole du Canada statue, par ordonnance, selon la prépondérance des probabilités, que la demanderesse, Comfort Hemeng, n’a pas commis, le 23 juin 2016, la violation décrite dans l’avis de violation 3961‑16‑1224, et qu’elle n’est pas tenue de payer une sanction pécuniaire à l’intimée, l’Agence des services frontaliers du Canada.

 

 

 

 

Audience tenue à Montréal, Québec,

 

 

Le lundi 9 janvier 2017.

 Montréal,  Montreal, PQ,


APERÇU

 

[1]              Le présent litige concerne un demi‑kilogramme de viande de bœuf importée au Canada le 23 juin 2016.

 

[2]              Comfort Hemeng (Mme Hemeng), qui maîtrise mal l’anglais, a fait l’acquisition de la viande lors d’un séjour au Ghana.

 

[3]              Un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’Agence) a découvert la viande dans les bagages de Mme Hemeng et lui a délivré un avis de violation comportant une sanction de 1 300 $ en contravention du paragraphe 16(1) de la Loi sur la santé des animaux (Loi sur la SA).

 

[4]              Mme Hemeng a demandé que la Commission de révision agricole du Canada (la Commission) procède à l’examen des faits entourant la délivrance de l’avis de violation.

 

[5]              Dans le cadre de l’examen des faits de la présente affaire, mon rôle est de soupeser la preuve dont je dispose et d’établir si l’Agence a prouvé chacun des éléments qui servent de fondement à l’avis de violation. Lorsqu’il s’agit d’une violation du paragraphe 16(1) de la Loi sur la SA, l’Agence doit prouver que Mme Hemeng est la personne qui a commis la violation et que, lors de l’importation du bœuf au Canada, elle n’a pas présenté ou déclaré ce produit aux agents des services frontaliers.

 

[6]              Si l’Agence s’acquitte du fardeau de la preuve, la demanderesse sera considérée comme ayant commis la violation dans le cadre du système des SAP, à moins qu’elle puisse faire valoir un moyen de défense, une justification ou une excuse valable en vertu de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (la Loi sur les SAP), du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (Règlement sur les SAP), ou dans l’affaire qui nous occupe, de la Loi sur la SA.

 

[7]              Pour les motifs qui suivent, je conclus que l’Agence n’a pas prouvé tous les éléments qui servent de fondement à l’avis de violation et, par conséquent, je conclus que Mme Hemeng n’a pas commis la violation.

 

 

MOTIFS

 

Contexte

 

[8]              Mme Hemeng est rentrée au Canada le 23 juin 2016, après un séjour au Ghana. Elle a rempli une carte de déclaration douanière (carte E311) dans laquelle est a répondu « Oui » à la question sur l’importation de produits alimentaires et agricoles.

 

[9]              Aux termes d’un contrôle des bagages de la demanderesse dans l’aire d’inspection secondaire, à l’Aéroport international Pierre‑Elliott‑Trudeau de Montréal, l’Agence a délivré à Mme Hemeng l’avis de violation 3961‑16‑1224 pour avoir [TRADUCTION] « omis de présenter un animal ou une chose, soit environ 500 g de VIANDE DE BOEUF », un acte qui est contraire au paragraphe 16(1) de la Loi sur la SA. Cette violation alléguée est considérée comme « très grave » au sens de l’article 4 du Règlement sur les SAP, qualification qui commande un avertissement ou une sanction pécuniaire de 1 300 $.

 

[10]         Mme Hemeng a demandé à la Commission de réviser les faits reprochés dans l’avis de violation (La Demande de révision) et a énoncé les motifs de sa Demande de révision. Pour conserver son droit de présenter une Demande de révision en vertu de la Loi sur les SAP, Mme Hemeng n’a pas payé la sanction pécuniaire.

 

[11]         La Commission a reçu, par l’entremise de l’Agence, une lettre de Mme Hemeng datée du 9 août 2016, dans laquelle elle désignait son mari, Charles Hemeng (M. Hemeng), à titre de représentant. Elle a aussi présenté une copie de la carte remplie à la main (où son nom et son adresse sont indiqués), qui avait été remise aux agents des services frontaliers durant l’inspection secondaire de ses bagages le 23 juin 2016.

 

[12]         Le 23 septembre 2016, la Commission a reçu le rapport de l’Agence (Rapport de l’Agence) concernant sa version des évènements qui ont mené à la délivrance de l’avis de violation.

 

 

Questions à trancher

 

[13]         La présente affaire soulève trois questions :

 

                     i.            l’Agence a‑t‑elle prouvé chacun des éléments de la violation qui se retrouve au paragraphe 16(1) de la Loi sur la SA;

 

                   ii.            Mme Hemeng a‑t‑elle invoqué un moyen de défense valable en vertu de la Loi sur la SA ou de l’article 18 de la Loi sur les SAP qui pourrait servir de justification ou d’excuse pour ses actes du 23 juin 2016;

 

                 iii.            la sanction pécuniaire de 1 300 $ est‑elle fondée en droit?

 

 

Analyse

 

Le contrôle douanier auquel les passagers sont soumis à l'arrivée au Canada

 

[14]         Selon la preuve, le processus d’importation et de vérification se déroule de la façon suivante : (1) à bord de l’avion, chaque passager reçoit normalement une carte E311 de l’Agence avant l’atterrissage au Canada; (2) le passager remplit la carte E311 et, plus précisément, il répond « Oui » ou « Non » à la question « J’apporte (nous apportons) au Canada : viande, poisson, fruits de mer, œufs, produits laitiers, fruits, légumes, semences, noix, plantes, fleurs, bois, animaux, oiseaux, insectes, et des parties, produits ou sous-produits quelconque de ce qui précède. »; (3) en entrant au Canada, le passager présente la carte E311 et son passeport à un agent d’inspection primaire (le passager peut aussi choisir d’utiliser une borne libre-service du Contrôle frontalier automatisé, mais il doit présenter une copie imprimée de sa carte E311 et ses documents de voyage à un agent des services frontaliers avant de poursuivre son chemin); (4) après avoir interrogé le passager, l’agent d’inspection primaire inscrit un code sur la carte E311 et peut également inscrire d’autres marques ou notes destinées à l’utilisation des agents des services frontaliers subséquents; (5) le passager procède ensuite à la collecte des bagages, puis se dirige vers la sortie de la zone douanière d’arrivée et présente sa carte E311 à un autre agent des services frontaliers, appelé agent à la sortie, qui autorise le passager à quitter la zone douanière d’arrivée ou le dirige vers l’aire d’inspection secondaire, où les bagages du passager peuvent être fouillés; (6) lorsqu’un passager est dirigé vers l’aire d’inspection secondaire de la douane, il doit se mettre en ligne et attendre qu’un agent des services frontaliers l’appelle au comptoir d’inspection; (7) le passager remet sa carte E311 à l’agent des services frontaliers, qui peut, à ce moment, décider de vérifier l’exactitude de la déclaration faite par le passager sur la carte E311.

 

[15]         La carte E311 du passager, avec la déclaration qui y figure, constitue le principal document présenté en preuve afin d’entamer les formalités douanières au Canada.

 

[16]         En ce qui concerne l’imposition des sanctions administratives pécuniaires en vertu de la Loi sur les SAP et du Règlement sur les SAP, la Cour d’appel fédérale a conclu que le fait de devoir déclarer et présenter les sous‑produits animaux constitue une exigence prévue à l’article 16 de la Loi sur la SA et en vertu de l’article 12 de la Loi sur les douanes (Canada (Procureur général) c. Savoie-Forgeot, 2014 CAF 26, au paragraphe 17). Une personne qui déclare transporter des sous‑produits animaux et qui les rend ainsi accessibles pour une inspection de façon volontaire ne devrait pas être reconnue coupable d’avoir contrevenu aux exigences relatives à l’importation de produits alimentaires et agricoles. Par contre, une personne qui ne déclare pas les sous‑produits animaux transportés, et qui ne les rend pas accessibles pour une inspection, contrevient à cette exigence (Savoie‑Forgeot, aux paragraphes 18 et 19).

 

 

Question n1 – L’Agence a-t-elle prouvé chacun des éléments nécessaires pour conclure à la violation du paragraphe 16(1) de la Loi sur la SA par Mme Hemeng?

 

[17]         Les violations découlant de diverses lois et divers règlements visés par la Loi sur les SAP et le Règlement sur les SAP sont  de responsabilité absolue (Doyon c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 152 (Doyon), aux paragraphes 11 et 27).

 

[18]         La Cour d’appel fédérale a établi que les organismes d’exécution de la loi ont le fardeau de prouver chacun des éléments constitutifs d’une violation alléguée au sens de la Loi sur les SAP et du Règlement sur les SAP pour conclure à une violation par un contrevenant (Doyon, au paragraphe 42).

 

[19]         Pour établir les éléments constitutifs d’une violation donnée, la Commission doit appliquer la méthode proposée dans l’arrêt Doyon, qui consiste à distinguer chacun des éléments composants, selon le libellé de la disposition qui crée la violation (Doyon, au paragraphe 41).

 

[20]         Le paragraphe 16(1) de la SA prévoit ce qui suit :

 

16 (1)  La personne qui importe des animaux, des produits ou sous-produits de ceux-ci, des aliments pour animaux ou des produits biologiques vétérinaires, ainsi que toute autre chose soit se rapportant aux animaux, soit contaminée par une maladie ou une substance toxique, les présente, au plus tard à l’importation, à un inspecteur, à un agent d’exécution ou à un agent des douanes qui peut les examiner lui-même ou les retenir jusqu’à ce que l’inspecteur ou l’agent d’exécution s’en charge.

 

(Je souligne)

 

[21]         Pour que l’Agence puisse en l’espèce établir qu’il y a eu violation du paragraphe 16(1) de la Loi sur la SA, justifiant l’imposition d’une SAP, elle doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, les trois éléments constitutifs suivants :

 

                    Élément no 1 – Mme Hemeng est la personne qui a commis la violation;

 

                     Élément no 2 – Mme Hemeng a apporté un produit animal ou un sous‑produit animal au Canada;

 

                     Élément no 3 – Mme Hemeng a omis de présenter le produit ou le sous‑produit animal aux agents des services frontaliers.

 

 

Conclusions relatives aux éléments nos 1 et 2

 

[22]         Pour ce qui est de l’élément no 1, l’identité de Mme Hemeng, à titre d’auteure présumée de la violation, n’est pas contestée. Mme Hemeng a rempli la carte E311 en inscrivant le nom figurant sur le passeport ghanéen et la carte de résident permanent délivrée par le gouvernement du Canada. L’agent des services frontaliers n17955 a identifié Mme Hemeng, à l’aire d’inspection secondaire des douanes, comme étant l’auteure présumée de la violation et a pris ses documents de voyage pour confirmer son identité. Dans l’aire d’inspection secondaire des douanes, l’agent des services frontaliers no 17955 a validé auprès de Mme Hemeng que les bagages inspectés lui appartenaient.

 

[23]         Quant à l’élément no 2, selon la preuve fournie par l’agent des services frontaliers no 17955, celui‑ci a procédé à une fouille des bagages de Mme Hemeng dans l’aire d’inspection secondaire des douanes et a découvert de la viande de bœuf. Dans sa Demande de révision, Mme Hemeng admet que, lorsque l’agent des services frontaliers a fouillé ses bagages, il a découvert du bœuf. De plus, dans son témoignage de vive voix présenté sous serment (entièrement en dialecte twi de l’Afrique de l’Ouest et interprété par M. Hemeng, qui avait aussi prêté serment), Mme Hemeng admet avoir importé de la viande de bœuf.

 

 

Conclusion relative à l’élément no 3

 

[24]         Les voyageurs ont l’opportunité de déclarer et de présenter les marchandises importées par écrit sur la carte E311, qui doit être remplie avant ou durant leur entrée au Canada. Dans certains cas, l’Agence peut présenter des éléments de preuve pour établir que l’agent d’inspection primaire a posé des questions additionnelles afin de préciser certains aspects de la déclaration relativement aux produits agricoles et alimentaires. Par exemple, si un passager répond « Non », l’agent peut confirmer que le passager n’importe aucun produit agricole ou alimentaire, ou, à l’inverse, si un passager répond « Oui », un agent peut lui demander de préciser quel type de produits alimentaires ou agricoles qu’il amène.

 

[25]         C’est pourquoi il est essential d’établir si un passager a fait une déclaration de vive voix à l’agent d’inspection primaire, en complément à la déclaration écrite sur la carte E311. Lorsqu’un voyageur coche la case « Non » sur la carte E311 présentée à l’agent des services frontaliers lors de l’inspection primaire, et que rien n’indique qu’il y a eu entre le voyageur et l’agent au primaire une interaction orale durant laquelle la déclaration a été modifiée, la loi indique clairement que l’acte d’importation sera concrétisé. Il sera alors trop tard, lors d’une étape douanière subséquente, pour déclarer les produits importés et les rendre accessibles pour une inspection (Savoie‑Forgeot, au paragraphe 25).

 

[26]         Cependant, quel est l’effet juridique lorsqu’un voyageur remplit la carte E311 et qu’il indique clairement « Oui » en réponse à la question sur les produits agricoles et alimentaires? Récemment, dans une décision rendue par la Commission, cette dernière a établi que : « …le fait de répondre « Oui » à la question de la carte E311 sur les produits agricoles et alimentaires crée une présomption réfutable que ces produits ont été dûment déclarés par le voyageur en question » (Johnson c. Canada (Ministre de la SPPC), 2017 CRAC 4 (Johnson), au paragraphe 31).

 

[27]         Comme Mme Hemeng a répondu « Oui » à la question sur la carte E311 sur les produits agricoles et alimentaires, un fait non contesté, l’Agence a‑t‑elle présenté une preuve suffisante pour réfuter cette présomption et établir, selon la prépondérance des probabilités, que Mme Hemeng a omis de déclarer ou de présenter la viande de bœuf aux agents des services frontaliers?

 

[28]         En l’absence d’éléments de preuve additionnels, une réponse affirmative à la question de la carte E311 sur les produits alimentaires et agricoles informe l’Agence que le voyageur importe des produits alimentaires et agricoles, c’est‑à‑dire un ou l’ensemble des produits alimentaires ou agricoles énumérés sur la carte E311. Les agents des services frontaliers ne devraient donc pas être surpris si, subséquemment, en fouillant les bagages du passager, ils découvrent certaines de ces marchandises énumérées.

 

[29]         Cependant, une déclaration simple et générale concernant l’importation de produits agricoles et alimentaires, en indiquant « Oui » sur la carte E311, pourrait, dans certaines circonstances, ne pas être suffisante pour exonérer un voyageur s’il est établi, subséquemment, qu’il transporte des produits agricoles ou alimentaires. Cela est particulièrement vrai, s’il est démontré que l’agent d’inspection primaire a demandé au voyageur de préciser la nature exacte des produits agricoles et alimentaires importés. En l’espèce, le voyageur doit satisfaire à la demande de l’agent d’inspection primaire et lui fournir d’autres renseignements sur la nature des produits importés. Un simple « Oui » en réponse à la question de la carte E311 sur les produits agricoles et alimentaires ne suffit pas dans ce cas‑ci (Johnson, aux paragraphes 38 et 39).

 

[30]         S’il existe une preuve que l’agent d’inspection primaire a demandé au voyageur de donner des précisions sur les produits agricoles et alimentaires importés et que le voyageur a omis de le faire, le voyageur ne s’acquitte pas de son obligation de déclarer les produits et de les rendre accessibles pour une inspection (Savoie‑Forgeot, au paragraphe 25). Même s’il n’est pas nécessaire de répondre à la question avec une parfaite exactitude, le voyageur ne peut pas, dans ces circonstances, s’acquitter de l’obligation de déclaration et de présentation en répondant simplement « Oui » à la question générale de la carte E311 sur les produits agricoles et alimentaires.

 

[31]         Cependant, lorsqu’il n’existe aucune preuve, ou que la preuve est insuffisante, pour établir qu’un voyageur n’a pas fourni, à l’agent des services frontaliers, les précisions demandées sur le contenu de la marchandise importée lors de l’inspection primaire, la déclaration du voyageur sur la carte E311, où le voyageur indique qu’il importe des produits agricoles et alimentaires, devrait être suffisante pour remplir l’obligation de présenter et de rendre accessibles pour une inspection tous les produits visés par cette déclaration. En pareille circonstance, le voyageur ne devrait pas être reconnu coupable d’avoir contrevenu aux dispositions applicables à la Loi sur la SA ou du Règlement sur la SA (Savoie‑Forgeot, au paragraphe 18).

 

[32]         L’examen détaillé de la carte E311 de Mme Hemeng révèle ce qui suit : (1) la case « Oui » à la question sur les produits agricoles et alimentaires a été cochée et encerclée; (2) le chiffre « 32 » a été écrit à la main sur la carte E311; (3) deux barres manuscrites ont été ajoutées dans le coin supérieur gauche de la carte E311 (une barre qui indique probablement le nombre de passagers visés par la carte E311 et l’autre qui précise sans doute qu’elle est résidente du Canada); et (4) la date du « 23 juin 2016 » est estampillée près de la question de la carte E311 sur les produits agricoles et alimentaires (il n’était pas possible d’établir si d’autres indications figuraient sur la carte E311, puisque l’exemplaire fourni à la Commission, par l’Agence, ne contenait pas la partie inférieure de la carte).

 

[33]         Ce qui ressort clairement de l’examen de la carte E311 de Mme Hemeng est qu’elle a déclaré qu’elle importait des produits agricoles et alimentaires au Canada, en cochant la case « Oui » en réponse à la question générale de la carte E311. Le premier produit énuméré dans la question est la « viande ». La case « Oui » est également encerclée et, même s’il n’est pas possible d’établir clairement pourquoi la case est encerclée ou quel élément de la conversation, si conversation il y a eu, a fait en sorte que la case est encerclée. Cette indication démontre que Mme Hemeng a déclaré par écrit, du moins, qu’elle importait des produits alimentaires et agricoles. De plus, contrairement à l’affaire Johnson, une note indiquant que des produits alimentaires ou agricoles précis étaient importés ne figure pas sur la carte E311. Dans l’affaire Johnson, les mots « poisson » et « fruits » étaient clairement cochés, tandis que le mot « viande » ne l’était pas, mais lors de l’inspection secondaire, de la viande a été découverte dans les bagages du passager.

 

[34]         Mme Hemeng n’a fourni aucun élément de preuve par écrit, ni lors de l’audience, quant à la nature ou au contenu de la conversation, si conversation il y eu, avec l’agent des services frontaliers au moment de l’inspection primaire. Dans de son témoignage, elle a indiqué qu’elle a remis la carte E311 à l’agent d’inspection primaire, qu’il a inscrit des indications et qu’il lui a remise.

 

[35]         Dans son témoignage, l’agent des services frontaliers n18120 indique avoir effectué l’inspection primaire à laquelle Mme Hemeng a été soumise le 23 juin 2016. Il a également  affirmé qu’il se souvenait que Mme Hemeng s’était présentée à son guichet et qu’il lui a attribué un code en vue d’une inspection secondaire. De plus, il a dit avoir remarqué que Mme Hemeng a répondu « Oui » à la question de la carte E311 sur les produits agricoles et alimentaires, mais qu’il a inscrit sur la carte un code en vue d’une vérification sélective de ses bagages, plutôt qu’une vérification obligatoire, ce qu’il aurait fait si elle lui avait dit qu’elle importait de la viande.

 

[36]         Lors du contre-interrogatoire, l’agent des services frontaliers n18120 a indiqué que la première question posée à Mme Hemeng était [TRADUCTION] « D’où venez-vous? », mais il ne se souvenait plus de sa réponse. Il a également indiqué ne plus se souvenir des questions exactes posées à Mme Hemeng et d’aucune des réponses de celle-ci durant l’inspection primaire. Le témoignage de l’agent d’inspection primaire n’apporte guère de preuves permettant d’établir si Mme Hemeng s’est fait demander de fournir des précisions sur le type d’aliments importés au Canada. C’est pourquoi je n’accorde que peu d’importance au témoignage de l’agent.

 

[37]         Il n’existe guère de preuves, voire aucune, permettant de conclure que, lors de l’inspection primaire, Mme Hemeng a omis de déclarer à l’agent des services frontaliers les produits agricoles et alimentaires, notamment la viande, importés au Canada le 23 juin 2016 et de les rendre accessibles en vue d’une inspection de façon volontaire. Je conclus qu’elle a fait cette déclaration par écrit, et qu’il s’agissait, sans davantage de précisions, d’une déclaration honnête, malgré toutes les difficultés qu’elle aurait pu avoir à s’exprimer en anglais au cours de l’échange avec l’agent des services frontaliers cette journée-là.

 

[38]         Je suis conscient que d’autres témoins de l’Agence ont déclaré que Mme Hemeng s’est fait demander de fournir plus de précisions sur la marchandise importée au Canada et qu’elle ne l’a pas fait. Ce témoignage, présenté par écrit et soulevé lors de l’audience, porte en grande partie sur les interactions entre Mme Hemeng et les agents des services frontaliers au moment de la fouille de ses bagages dans l’aire d’inspection secondaire.

 

[39]         Selon le témoignage des agents des services frontaliers, les agents nos 37355 et 17955, Mme Hemeng s’est fait demander plusieurs fois si elle transportait de la « viande » et elle a répondu [TRADUCTION] « seulement du poisson ». Ces agents ont déclaré n’avoir eu aucun problème à communiquer avec Mme Hemeng en anglais. Ces échanges ont eu lieu durant l’examen des bagages effectué par les agents dans l’aire d’inspection secondaire des douanes, bien après que la carte de Mme Hemeng contenant sa déclaration ait été remplie. Comme Mme Hemeng a répondu [TRADUCTION] « Oui » à la question de la carte sur les produits agricoles et alimentaires, je conclus que cette partie de la preuve présentée par l’Agence n’est pas suffisante pour réfuter la présomption que, lors de l’examen primaire, elle a déclaré à l’agent des services frontaliers tous les produits agricoles et alimentaires et qu’elle les a rendus accessibles pour une inspection de façon volontaire.

 

[40]         De plus, le témoignage de Mme Hemeng diffère de celui des deux agents des services frontaliers. En effet, elle a indiqué dans sa Demande de révision présentée par écrit [TRADUCTION] : « Je n’ai pas été scolarisée et je ne peux pas lire ou écrire en anglais. Je ne comprends pas l’anglais et je ne le parle pas. Il m’est impossible de communiquer en anglais. » Bien que sa Demande de révision était rédigée dans un anglais passable, il n’a jamais été établi clairement si Mme Hemeng avait rédigé elle‑même la Demande de révision ou si quelqu’un d’autre l’avait fait pour elle. Ce qui a clairement été établi lors de l’audience est qu’elle ne parlait pas du tout anglais, ou qu’elle parlait anglais de façon très limitée. Par l’entremise de son mari, qui lui servait d’interprète, elle a déclaré que, durant la fouille de ses bagages, elle n’a pas compris les agents des services frontaliers et qu’elle leur a remis une feuille où figurait son nom et son adresse (produite comme pièce no 1 dans le cadre de la présente affaire). Elle a déclaré qu’une fois sortie de la salle des douanes d’arrivée, elle a rencontré son mari, qui a dû lui expliquer la signification du document qu’elle avait reçu.

 

[41]         Je conclus que Mme Hemeng a fait une déclaration honnête sur sa carte E311. Elle a indiqué [TRADUCTION] « Oui » en réponse à la question sur les produits alimentaires et agricoles. Le premier produit énoncé était la « viande ». Elle a présenté la carte E311 à l’agent des services frontaliers responsable de l’inspection primaire. Elle n’a pas trompé ou induit en erreur l’agent d’inspection primaire. Selon moi, elle était crédible lorsqu’elle a indiqué dans son témoignage ne pas avoir tenté de dissimuler la viande et qu’elle a répondu honnêtement aux questions, dans la mesure où elle les comprenait, de l’agent des services frontaliers qui fouillait ses bagages au moment de l’inspection secondaire. Les malentendus et la mauvaise compréhension entre Mme Hemeng et les agents des services frontaliers lors de l’inspection secondaire étaient, en grande partie, dus au fait que Mme Hemeng ne maîtrisait pas bien l’anglais.

 

[42]         D’après la preuve, je suis d’avis que Mme Hemeng a déclaré les produits agricoles et alimentaires importés et qu’elle les a rendus accessibles pour une inspection de façon volontaire. La preuve ne permet pas d’établir que Mme Hemeng s’est fait demander de fournir plus de précisions dans l’aire d’inspection primaire relativement à cette question. Selon les faits établis, je conclus, qu’en répondant [TRADUCTION] « Oui » sur la carte E311, Mme Hemeng a déclaré les produits agricoles et alimentaires, notamment la viande, importés au Canada le 23 juin 2016 et qu’elle les a rendus accessibles pour une inspection de façon volontaire. L’Agence peut présenter une preuve pour réfuter cette conclusion en se fondant sur ce qui s’est produit dans l’aire d’inspection secondaire, mais, en l’espèce, je conclus que la preuve n’est pas suffisante, ni assez convaincante, pour écarter ma conclusion.

 

[43]         Par conséquent, pour ce qui est de l’élément no3, je conclus que l’Agence n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que Mme Hemeng a omis de déclarer ou présenter et rendre accessible pour inspection aux agents des services frontaliers avant ou au moment de l’importation le sous‑produit animal qui fait l’objet de la violation alléguée.

 

 

Dispositif

 

[44]         Je conclus que, comme l’Agence n’a pas prouvé tous les éléments nécessaires pour établir que Mme Hemeng a commis la violation décrite dans l’avis de violation 3961‑16‑1224, délivré le 23 juin 2016, elle n’est pas tenue de payer la sanction à l’Agence.

 

[45]         À la suite de cette conclusion, je n’ai pas à me pencher sur les questions nos 2 et 3.

 

 

Fait à Ottawa (Ontario), en ce 9e jour du mois de février 2017.

 

 

 

 

 

 

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M. Donald Buckingham, président

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