Décisions de la Commission de révision agricole du Canada

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Référence :     Dyck c. Canada (Agence canadienne d’inspection des aliments), 2017 CART 3

 

 

 

 

Date : 20170127

Dossier : CART/CRAC‑1845

 

 

 

 

ENTRE :

 

 

 

 

 

 

 

David Dyck

 

 

 

DEMANDEUR

 

‑ et ‑

 

 

 

 

 

Agence canadienne d’inspection des aliments,

 

 

 

INTIMÉE

 

[Traduction de la version officielle en anglais]

 

 

DEVANT :

Bruce La Rochelle, membre

 

 

 

 

 

 

 

 

AVEC :

David Dyck, se représentant lui-même;

 

Heather Willis, représentante l’Agence

 

 

 

 

 

 

 

 

Affaire intéressant une demande de révision des faits relatifs à une prétendue violation de l’article 57 du Règlement sur la protection des végétaux, présentée par le demandeur conformément à l’alinéa 9(2)c) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire.

 

 

 

 

 

 

 

 

DÉCISION

 

 

 

 

Après examen de toutes les observations écrites des parties, la Commission de révision agricole du Canada statue, par ordonnance, que l’Agence n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, un élément essentiel de la prétendue violation, à savoir l’exigence légale d’un certificat phytosanitaire par le pays importateur. Le demandeur ne peut donc pas avoir commis la violation décrite dans le procès‑verbal 1516WA0032 daté du 30 juin 2015.

 

 

 

 

Sur présentation d’observations écrites seulement.


MOTIFS

 

Introduction

 

[1]              M. David Dyck (ci‑après « M. Dyck »), qui se présente et sera reconnu par la Commission de révision agricole du Canada (ci‑après la « Commission ») comme le président de la société Dyck Forages and Grasses Ltd., située à Elia (Manitoba), a prétendument contrevenu à l’article 57 du Règlement sur la protection des végétaux (DORS/95‑212), qui prévoit :

 

57 Nul ne peut exporter ou réexporter du Canada une chose qui n’est pas conforme au droit relatif aux exigences phytosanitaires d’importation du pays importateur.

 

[2]              La violation alléguée concerne une cargaison de luzerne ayant été expédiée du Canada en Italie au mois de mars 2015.

 

[3]              Le régime réglementaire international concernant l’inspection phytosanitaire est partiellement inscrit dans la définition de « certificat phytosanitaire canadien » énoncée à l’article 55 du Règlement sur la protection des végétaux :

 

55 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie :

 

certificat phytosanitaire canadien Document délivré par l’inspecteur qui atteste de l’état phytosanitaire des choses exportées du Canada et qui :

 

a) contient les renseignements exigés par le modèle de certificat phytosanitaire figurant à l’annexe de la Convention internationale pour la protection des végétaux approuvée, en novembre 1979, à la vingtième session de la Conférence de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, compte tenu de ses modifications successives;

 

b) est signé par l’inspecteur et porte un sceau officiel de certificat phytosanitaire canadien. (Canadian Phytosanitary Certificate

 

[4]              De manière générale, l’objet du certificat est de fournir l’assurance du pays exportateur qu’une cargaison donnée est exempte d’organismes nuisibles et de maladies. Dans le cas présent, une question fondamentale est de savoir si les lois d’Italie, le pays importateur, exigent un tel certificat, puisque la violation en question se rapporte aux lois du pays importateur.

 

 

Historique des procédures

 

[5]              Il est allégué, suivant le procès‑verbal 1516WA0032 daté du 30 juin 2015, que le 25 mars 2015, à Elia (Manitoba), M. Dyck a contrevenu à l’article 57 du Règlement sur la protection des végétaux, pour avoir [traduction] « manqué aux exigences phytosanitaires du pays importateur », ainsi que le précise l’avis de violation. Cette violation est qualifiée de [traduction] « très grave » et emporte une sanction pécuniaire de 10 000 $. Le procès‑verbal a été notifié à M. Dyck par Xpresspost le 30 juin 2015. Aux termes du paragraphe 9(3) du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire (DORS/2000‑187) « [l]e document envoyé par messagerie est notifié le 10e jour suivant la date du récépissé remis à l’expéditeur par le service de messagerie ». En présumant que la date du récépissé du service de messagerie est la même que celle du certificat de notification déposé par l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ci‑après l’« Agence »), M. Dyck est réputé avoir été notifié dix (10) jours plus tard, soit le 10 juillet 2015. Il avait donc, aux termes du paragraphe 11(2) du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, 30 jours pour déposer une demande de révision. En vertu de l’article 13 des Règles de la Commission de révision (Commission de révision agricole du Canada) (DORS/2015‑103; ci‑après les « Règles de la Commission »), la demande de révision doit être envoyée par courrier recommandé.

 

[6]              M. Dyck a initialement envoyé à la Commission une lettre recommandée reçue le 27 juillet 2015, et dans laquelle il déclare : [traduction] « Contrairement à ce qu’indique le procès‑verbal, je ne pense pas avoir contrevenu à l’article 57 du Règlement sur la santé des animaux, et je souhaite exercer le droit de défendre ma position ». Aucun autre motif n’a été fourni. La lettre de M. Dyck était datée du 21 juillet 2015 et la date indiquée sur le récépissé du service de messagerie était le 22 juillet 2015. En vertu du paragraphe 17(1) des Règles de la Commission, la lettre de M. Dyck est donc réputée avoir été reçue par la Commission le 22 juillet 2015, même si en réalité elle l’a reçue plus tard :

 

17 (1) La date du dépôt ou de la notification d’un document par courrier recommandé ou par service de messagerie correspond à celle indiquée sur le récépissé du bureau de poste ou du service de messagerie comme étant le jour de la réception.

 

[7]              Le 28 juillet 2015, la Commission a enjoint aux parties de se conformer à l’article 30 (pour l’Agence) et aux articles 13 et 31 (pour M. Dyck) des Règles de la Commission. Aux termes de l’article 30, l’Agence doit fournir la preuve de la notification et des renseignements indiquant si l’amende a été payée ou non. L’Agence a transmis ces renseignements le 29 juillet 2015. Aux termes des articles 13 et 31, M. Dyck devait déposer une demande de révision par courrier recommandé (ce qu’il a fait), ainsi que d’autres renseignements, dont les motifs étayant sa demande. Dans un courriel numérisé et une lettre recommandée envoyés le 11 août 2015, M. Dyck a fourni des renseignements additionnels, notamment les motifs venant appuyer sa demande de révision. Ces motifs seront analysés en détail plus loin. En résumé, M. Dyck allègue avoir reçu un procès‑verbal parce que l’Agence a refusé de délivrer un certificat phytosanitaire alors qu’un échantillon était disponible à des fins de tests.

 

[8]              Compte tenu des renseignements déposés par M. Dyck, la Commission a estimé que cette demande de révision était admissible pour deux raisons, à savoir [traduction] « que des éléments de preuve sont nécessaires pour établir quelles étaient exactement les exigences phytosanitaires à remplir en l’espèce, et [qu’il faut] déterminer si l’Agence a induit le requérant en erreur, s’il appert que ces exigences n’ont pas été effectivement remplies ». Cette décision a été communiquée aux parties par courriel et par courrier ordinaire le 20 août 2015, date à laquelle l’Agence a été informée qu’elle avait jusqu’au 21 septembre suivant pour soumettre son rapport conformément à l’article 33 des Règles de la Commission. En vertu de l’alinéa 33a) desdites Règles, ce rapport doit contenir « tous les renseignements relatifs à la violation ainsi que tout document à l’appui ».

 

[9]              Le 26 août 2015, l’Agence a soumis son rapport (ci‑après le « Rapport de l’Agence »), en envoyant une copie à M. Dyck, après quoi ce dernier a été informé par la Commission qu’il avait jusqu’au 21 septembre 2015 pour déposer des observations additionnelles en réponse. Aux termes de l’alinéa 35b) des Règles de la Commission, seul le demandeur a le droit de présenter des observations additionnelles après le dépôt du Rapport de l’Agence, quoique la Commission puisse, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, autoriser l’Agence à soumettre d’autres observations en réplique : Christensen c. Canada (Agence canadienne d’inspection des aliments), 2016 CART 23, aux paragraphes 8 à 13.

 

[10]         En date du 21 septembre 2015, aucune autre observation n’avait été déposée par M. Dyck. Le 17 octobre 2016, le dossier a été confié au présent membre pour qu’il délibère et rende une décision.

 

[11]         Après examen du dossier par ce membre, M. Dyck et l’Agence se sont vu accorder, dans une lettre datée du 24 novembre 2016, [traduction] « l’opportunité de soumettre d’autres éléments de preuve quant à la question de savoir si les lois italiennes en matière d’importation exigent la délivrance d’un certificat phytosanitaire relativement au produit sous examen ». De plus, l’Agence a été priée d’identifier son représentant [traduction] « légal ou autre, chargé de la conduite de la présente affaire ». Les parties ont été invitées à fournir des réponses avant le 19 décembre 2016.

 

[12]         Sous couvert d’une lettre datée du 2 décembre 2016 et reçue par la Commission par courrier recommandé le 5 décembre suivant, l’Agence a soumis des observations additionnelles et identifié Mme Heather Willis, une spécialiste des enquêtes auprès de l’Agence, comme sa représentante. M. Dyck n’a déposé aucune observation additionnelle.

 

 

Faits non contestés

 

[13]         Sur la foi des documents versés au dossier par les parties, les faits non contestés sont les suivants :

 

(i)                Le 31 décembre 2014, des inspecteurs de l’Agence se sont présentés chez Dyck Forages and Grasses Ltd., pour prélever des échantillons de luzerne à des fins de certification des semences. M. Dyck les a alors informés qu’il avait déjà expédié de la luzerne en Italie sans certificat phytosanitaire et que les cargaisons n’avaient pas été consignées aux douanes italiennes. Les inspecteurs l’ont averti qu’il devait obtenir un certificat phytosanitaire pour importer de la luzerne en Italie.

 

(ii)              En réponse à leurs questions, M. Dyck a informé les inspecteurs de l’Agence que le lot dont provenaient les échantillons prélevés à des fins de certification des semences devait être expédié en Italie et qu’il allait vérifier si l’importateur exigeait un certificat phytosanitaire. Le 9 mars 2015, une cargaison de luzerne provenant du lot en question a été expédiée en Italie sans certificat phytosanitaire, l’importateur n’en ayant pas fait une exigence contractuelle.

 

(iii)            La cargaison est arrivée à Livorno (Italie) le 25 mars 2015, et a été consignée par les douaniers italiens parce qu’un certificat phytosanitaire délivré par le Canada n’avait pas été présenté.

 

(iv)            À la même date, l’importateur italien a demandé à M. Dyck de produire un certificat phytosanitaire postdaté. Le jour même, ce dernier a informé par courriel le personnel de l’Agence de la situation et de la demande de l’importateur.

 

(v)              Le 28 mars 2015, l’importateur italien a informé par courriel M. Dyck qu’il se verrait forcer de refuser les semences s’il ne recevait pas de certificat phytosanitaire. L’importateur a également souligné l’urgence de la situation, compte tenu des frais de surestarie qui commenceraient à courir à partir du 30 mars 2015. L’importateur a autorisé M. Dyck à transmettre sa demande directement à l’Agence, ce que ce dernier a fait le 28 mars 2015.

 

(vi)            Le 31 mars 2015, M. Dyck a été informé que l’Agence avait décidé de compléter les tests de détection des nématodes et lui demandait de soumettre une demande de certificat phytosanitaire. Comme un échantillon de luzerne issu du lot expédié se trouvait encore au Canada, il était possible d’effectuer des tests de détection de nématode justifiant la délivrance d’un certificat phytosanitaire postdaté.

 

(vii)          À la suite de discussions internes quant à la ligne de conduite à adopter, l’Agence a décidé de ne pas délivrer de certificat phytosanitaire et en a informé M. Dyck par courriel le 16 avril 2015. L’Agence n’a pas révélé si elle avait analysé le lot aux fins de détection de nématodes avant de prendre sa décision.

 

(viii)        M. Dyck a interjeté un appel interne auprès du Bureau des plaintes et des appels de l’Agence. La décision de ne pas délivrer de certificat phytosanitaire a été confirmée.

 

(ix)            L’importation des semences a subséquemment été autorisée dans un autre port à Naples (Italie). Cependant, le client de M. Dyck a exigé une réduction de 4 400 $ US sur sa facture, en raison de l’absence de certificat phytosanitaire, même si la production d’un tel certificat n’était pas requise par contrat. La réduction a été accordée parce qu’elle équivalait aux frais de réexpédition des semences au Canada.

 

(x)              Le procès‑verbal visé par la demande de révision a été délivré le 30 juin 2015.

 

 

Faits contestés

 

[14]         Le principal fait en litige est de savoir s’il faut un certificat phytosanitaire pour importer de la luzerne en Italie. M. Dyck conteste également les procédures adoptées par l’Agence, sur lesquelles se fonde son refus de délivrer un certificat phytosanitaire postdaté.

 

 

Exigence relative au certificat phytosanitaire et preuve connexe

 

[15]         L’Agence affirme qu’un certificat phytosanitaire est nécessaire pour importer de la luzerne en Italie. Son argument est formulé en page 4 de son Rapport, sous le titre [traduction] « Conclusions d’enquête » :

 

[traduction]Les certificats phytosanitaires sont des documents officiels délivrés par l’Organisation nationale de la protection des végétaux (ci‑après l’ONPV) du pays exportateur à l’ONPV du pays importateur. Ces certificats servent à indiquer que les envois de plantes, de produits végétaux ou d’autres articles réglementés satisfont aux exigences phytosanitaires d’importation applicables et sont conformes à la déclaration de certification figurant sur le certificat. La plupart des pays énoncent leurs exigences en matière d’importation dans des lois, des règlements ou autres règles officielles, ou encore sous forme de permis à l’importation délivrés par l’ONPV du pays importateur.

 

[16]         Nonobstant la description du régime réglementaire proposée par l’Agence, il s’agit de savoir si l’Italie prévoit des exigences législatives ou réglementaires spécifiques suivant lesquelles un certificat phytosanitaire est nécessaire pour importer des plantes ou des produits végétaux en général, ou de la luzerne en particulier. Dans son Rapport, l’Agence invoque une directive de l’Union européenne concernant l’exigence relative au certificat phytosanitaire, et s’appuie principalement sur un échange de courriels entre employés de l’Agence qui confirme l’existence de la directive. L’Agence n’a pas fourni d’éléments de preuve indiquant comment une directive est mise en œuvre dans un pays donné, ou si elle doit l’être pour être considérée comme faisant partie des lois de ce pays.

 

[17]         La Commission ayant invité les parties à fournir des éléments de preuve additionnels intéressant la question de savoir si des certificats phytosanitaires sont requis au titre du droit italien, et notamment pour importer de la luzerne, l’Agence a soumis des classements internes concernant le régime réglementaire italien relatif aux certificats phytosanitaires –plus spécifiquement, sa propre base de données indique que l’Italie exige un certificat phytosanitaire à l’égard de la luzerne importée. L’Agence a notamment fourni les renseignements suivants :

 

a)                 Des sorties papier dont l’Agence affirme qu’elles correspondent aux Règlements (nous soulignons) phytosanitaires des pays étrangers en matière d’importation, concernant l’exportation de luzerne du Canada et son importation par l’Union européenne en général et l’Italie en particulier (onglets A et B, observation supplémentaire de l’Agence). La nature de ces règlements n’est pas clarifiée, et la question de savoir si l’Italie les a adoptés par voie législative ne l’est pas davantage. L’Agence indique seulement que les renseignements proviennent d’une de ses bases de données accessibles par un site Web interne.

 

b)                 Des renseignements publics provenant du site Web de l’Agence et concernant la délivrance de certificats phytosanitaires, et un courriel résumant les procédures y afférentes, le tout se rapportant à une analyse des exigences phytosanitaires des pays étrangers en matière d’importation (nous soulignons; onglets C et D, observation supplémentaire de l’Agence). Une copie de la Politique  D‑99‑06 de l’Agence y est jointe : Politique relative à la délivrance des certificats phytosanitaires et des certificats phytosanitaires pour la réexportation. La date d’entrée en vigueur de cette troisième version désignée de la politique est le 11 janvier 2016, ce qui est postérieur à la date de la prétendue violation en cause. La politique en vigueur à la date de la prétendue violation, c’est‑à‑dire en mars 2015, en présumant qu’une telle politique soit pertinente de toute façon, n’est pas précisée.

 

[18]         L’Agence ne présente aucun élément de preuve relatif aux lois ou règlements effectivement adoptés en Italie en matière de certificats phytosanitaires et d’importation de luzerne. Par exemple, s’agissant de la Politique D‑99‑06, et en présumant pour le moment que sa version de janvier 2016 soit pertinente de toute façon, celle-ci n’établit pas que les lois italiennes en matière d’importation de luzerne exigent impérativement des certificats phytosanitaires. La Politique D‑99‑06 prévoit plutôt :

 

2.2 Convention internationale pour la protection des végétaux (CIPV)

 

La CIPV est un traité concernant la protection des végétaux adoptée par l'Organisation des Nations Unies pour l'agriculture et l'alimentation (FAO). Cette entente internationale vise l'adoption de mesures efficaces communes pour prévenir la propagation et l'introduction d'organismes réglementés nuisibles aux végétaux, aux produits végétaux et à d'autres articles réglementés ainsi que la promotion des mesures de lutte parasitaire appropriées.

 

La CIPV est entrée en vigueur en 1952 et a été modifiée en 1979 par adjonction du modèle de certificat phytosanitaire. Une autre modification en 1997 visait l'harmonisation avec l'Accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). La CIPV est reconnue conformément à l'Accord SPS comme l'organisme international responsable de la normalisation phytosanitaire et de l'harmonisation des mesures phytosanitaires a [sic] une incidence dans ce domaine.

 

Il existe deux normes internationales de mesures phytosanitaires (NIMP) qui sont particulièrement pertinentes pour cette politique :

 

         la norme NIMP no 7, Système de certification à l'exportation, qui décrit les éléments d'un système de certification phytosanitaire qui doit être mis en place par les ONPV;

 

         la norme NIMP no 12, Directives pour les certificats phytosanitaires, qui fournit les exigences et les lignes directrices pour la préparation et la délivrance de certificats phytosanitaires.

 

[…]

 

            4.1 Règlements phytosanitaires des pays étrangers en matière d'importation (RPPEI)

 

            4.1.1     Exigences des pays importateurs :

 

L'ACIA ne reconnaît que les règlements phytosanitaires officiels du pays importateur, ou d'autres documents officiels.

 

La plupart des pays ont adopté des lois, des décrets, des arrêtés, des règlements et autres textes législatifs pour énoncer les conditions d'importation phytosanitaires auxquelles doivent satisfaire les végétaux, les produits végétaux et autres articles réglementés importés sur leurs territoires. L'ensemble de ces textes, les RPPEI, est consigné dans le Système de certification des exportations (SCE) tenu par le groupe des agents à l'exportation de produits (AEP) [un groupe d'agents de la Direction de la protection des végétaux et de la biosécurité (DPVB), situé à Ottawa (Ontario)] […]

 

[19]         Présenter un document de politique canadienne qui résume diverses pratiques et conventions internationales ne revient pas à établir ces pratiques ou conventions, et encore moins les lois que de tels instruments peuvent avoir inspiré, notamment les lois et règlements spécifiques en vigueur dans un pays donné. Bien qu’elle ait eu deux occasions de le faire, l’Agence n’a pas établi quels étaient les lois et règlements applicables en Italie au moment de la prétendue violation. La Commission note que l’Agence n’était pas représentée par un avocat dans la présente affaire.

 

[20]         Une des questions à régler en l’espèce est de savoir si la Commission a le pouvoir discrétionnaire d’aller au‑delà de la preuve dont elle dispose, et soit d’admettre certains faits d’office, soit d’examiner une question particulière de manière indépendante afin de tirer au clair à sa satisfaction certaines lacunes décelées dans la preuve. L’article 22 des Règles de la Commission prévoit :

 

22.  La Commission peut admettre d’office toute question afin d’accélérer le déroulement de l’instance.

[21]         La Commission estime que cette disposition est de nature discrétionnaire, pour autant qu’elle s’applique à l’enjeu de l’admission d’office des lois italiennes. Par ailleurs, son objet paraît surtout administratif : il est d’accélérer le déroulement de l’instance, plutôt que de permettre à la Commission de fournir une aide ciblée à l’une des parties en vue de la présentation de ses arguments. La Commission ne devrait pas avoir à déterminer de manière indépendante s’il existe des lois ou des règlements spécifiques en Italie en vertu desquels l’importation de luzerne exige un certificat phytosanitaire. C’est à l’Agence qu’il incombe de produire une preuve convaincante sur ce point, conformément à la directive adressée à la Commission par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Doyon c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 152, au paragraphe 28 (motifs du juge Létourneau, auxquels ont souscrit les juges Blais et Trudel) :

 

[28] Aussi, le décideur se doit‑il d’être circonspect dans l’administration et l’analyse de la preuve de même que dans l’analyse des éléments constitutifs de l’infraction et du lien de causalité. Cette circonspection doit se refléter dans les motifs de sa décision, laquelle doit s’appuyer sur une preuve qui repose sur des assises factuelles et non sur de simples conjectures, encore moins de la spéculation, des intuitions, des impressions ou du ouï‑dire.

 

[22]         Dans la mesure où le concept de connaissance d’office s’applique aux tribunaux administratifs et qu’il peut supposer l’acceptation obligatoire, plutôt que discrétionnaire, de certains faits sans autre preuve, les lois étrangères ne sont pas considérées comme des faits que les organes judiciaires (et quasi judiciaires aussi probablement) doivent accepter sans autre preuve. Dans l’arrêt The « Mercury Bell » c. Amosin (1986), 27 DLR 4th 641, la Cour d’appel fédérale (motifs du juge Marceau, auxquels ont souscrit les juges Lacombe et Hugesson, le second ayant rédigé des commentaires distincts) a analysé la question en ces termes au paragraphe 6 :

 

[traduction]
[6
] Il est bien établi que dans les pays régis par le droit anglais, les tribunaux ne peuvent s’enquérir de leur propre initiative de la teneur du droit étranger en vertu duquel une action intentée devant eux doit être tranchée. En principe, les tribunaux n’admettront pas le droit étranger d’office et ne le considéreront même pas comme un fait ordinaire (ce qu’il n’est pas de toute façon) à l’égard duquel ils peuvent demander aux parties de produire une preuve convaincante. Si les parties omettent, délibérément ou par inadvertance, de soumettre une preuve d’expert relative au droit étranger, les tribunaux feront comme s’il est identique au droit qui les régit et appliqueront la loi du for. Cette règle, qui est propre au droit anglais, est contraire à celle qui a cours dans d’autres pays comme la France, où le juge doit non seulement admettre d’office le droit étranger, mais, du moins selon la doctrine dominante, est même tenu de le faire, car les règles touchant au conflit des lois relèvent de l’ordre public […]

 

[23]         Dans ses motifs concordants dans l’arrêt The « Mercury Bell », le juge Hugesson s’est exprimé ainsi au paragraphe 18 :

 

[traduction]
[18
] […] Il me semble que la règle, convenablement formulée, veut que le tribunal applique uniquement les parties de la loi du for qui relèvent du droit général du pays.

 

[24]         Dans l’arrêt The « Mercury Bell », la Cour d’appel fédérale a estimé qu’en l’absence de preuve relative à la teneur du droit libérien, les lois générales de ce pays en matière de relations de travail seraient tenues pour analogues au Code canadien du travail, confirmant ainsi la décision du juge des requêtes à l’égard d’une question de droit. Le Code canadien du travail a été considéré comme relevant du droit général au Canada. Cependant, il n’en allait pas de même du régime réglementaire associé au Conseil canadien des relations industrielles, si bien qu’il aurait été déraisonnable de trancher les questions en litige comme si un tel régime existait au Liberia. La Cour d’appel a analysé cette distinction au paragraphe 12 de l’arrêt « Mercury Bell » :

 

[traduction]
[12]      Le droit libérien est le droit applicable en l’espèce. Nous ne disposons d’aucune preuve concernant sa teneur, et nous devons donc présumer qu’il est analogue à notre droit, mais seulement en ce qui regarde les principales dispositions concernées. S’agissant du Code canadien du travail, il me semble que les dispositions reconnaissant le rôle des syndicats, donnant effet aux conventions collectives et sanctionnant, conformément à l’interprétation des tribunaux, le droit de chaque employé d’intenter une action en recouvrement de salaire aux termes d’une convention […] sont fondamentales et ont cette dimension potentiellement universelle, alors que d’autres, comme celles qui traitent du rôle du Conseil canadien des relations industrielles […] renvoient à des situations et à des objets canadiens […]

 

[25]         Parce qu’elle procède de la fonction exécutive du gouvernement plutôt que d’être une composante d’un organe judiciaire indépendant, la Commission sait bien qu’elle dispose d’une plus grande latitude quant aux éléments de preuve qu’elle peut accepter pour établir un fait particulier. C’est ce qu’illustre en partie l’article 22 des Règles de la Commission, précédemment évoqué. La Commission a également le pouvoir discrétionnaire de demander aux parties de produire une meilleure preuve, lorsque la qualité de celle qui lui a été soumise la préoccupe. C’est ce qu’elle a fait en l’espèce en demandant aux parties de présenter d’autres éléments de preuve concernant les lois ou règlements italiens ayant trait aux certificats phytosanitaires. Outre que son pouvoir discrétionnaire général l’autorise à ce faire, une telle mesure est explicitement sanctionnée par l’article 10 des Règles de la Commission qui prévoit :

 

10 (1) La Commission peut signaler à une partie les lacunes que comporte sa preuve ou toute inobservation des présentes règles.

 

(2) Elle peut, sur demande, permettre à une partie de remédier à une lacune ou une irrégularité, selon les modalités qu’elle juge équitables, avant la fin de l’instance.

 

[26]         En l’espèce, l’écart par rapport à l’article 10 est que les parties ont été invitées à présenter des observations additionnelles au sujet des lois italiennes concernant les certificats phytosanitaires, au lieu d’avoir à demander l’autorisation de corriger expressément les « lacunes » de leur preuve. Du fait de cette invitation, les parties pouvaient raisonnablement déduire que la Commission était préoccupée par la qualité de la preuve relative aux exigences phytosanitaires en droit italien. Nonobstant cette invitation, la Commission ne dispose toujours pas de preuve ayant trait aux lois italiennes spécifiques concernant les certificats phytosanitaires en général, et les certificats phytosanitaires liés à l’importation de luzerne en particulier. Compte tenu de l’arrêt The « Mercury Bell » de la Cour d’appel fédérale, et malgré la plus grande latitude accordée aux tribunaux administratifs dans l’évaluation de la preuve, il ne paraît ni raisonnable ni juste, dans les circonstances, de considérer que le régime réglementaire italien est en substance identique au régime canadien, pour ce qui est de l’importation de luzerne, quand l’Agence n’a pas produit de preuve spécifique et de renseignements législatifs précis liés au régime réglementaire italien. Par ailleurs, comme la violation en cause est de nature extraterritoriale et suppose une atteinte alléguée aux exigences italiennes en matière d’importation, plutôt que l’application d’une loi étrangère à une situation survenue au Canada, il est d’autant plus important qu’une preuve convaincante soit soumise au tribunal afin d’établir les lois étrangères spécifiques censées avoir été enfreintes.

 

[27]         Dans une affaire précédente, la Commission a examiné la preuve qu’elle jugeait nécessaire pour établir une violation de cette nature. Dans la décision Tropical Wholesale c. Canada (Agence canadienne d’inspection des aliments) (2004), RTA 60121, 2004 CANLII 72450, la Commission, par la voix du président d’alors, M. Barton, a estimé que l’Agence était tenue d’établir les lois spécifiques ayant été enfreintes. Dans Tropical Wholesale, le procès‑verbal alléguait que la demanderesse avait contrevenu à l’article 57 du Règlement sur la protection des végétaux. L’un de ses employés avait été arrêté à la frontière américaine et l’inspection a révélé qu’il transportait une boîte de feuilles de cari sans certificat phytosanitaire. Les autorités américaines ont délivré un procès‑verbal présumée au chauffeur, après quoi les autorités canadiennes ont délivré un procès‑verbal à la demanderesse, l’employeur du chauffeur. D’après le formulaire américain soumis en preuve au début de l’audience qui s’est déroulée devant la Commission, le chauffeur avait renoncé à son droit à une audience et avait payé la pénalité. Dans Tropical Wholesale, la Commission a conclu que la preuve liée au déroulement des procédures américaines visant l’employé, reposant implicitement ou explicitement sur un aveu, ne suffisait pas à établir une violation à l’égard de l’employeur. À la page 3 de la décision, la Commission a plutôt estimé que le fait que l’Agence n’ait soumis en preuve aucun détail concernant les lois américaines pertinentes était fatal à sa position :

 

L’avocate de l’intimée a fait valoir qu’il y aurait eu conformité aux lois des États-Unis si la requérante avait obtenu et produit un certificat phytosanitaire. Cependant, aucune jurisprudence des États-Unis n’a été invoquée. La preuve produite par l’intimée n’a pas fait état non plus de l’existence d’une quelconque loi des États-Unis.

 

Puisque la preuve n’a pas été faite des lois des États-Unis relatives aux exigences phytosanitaires d’importation pour les feuilles de cari exportées depuis le Canada, il n’est pas possible de dire si les exigences légales ont été observées.

 

Comme il s’agit là d’un élément essentiel de la violation, l’intimée n’a pas établi, selon la prépondérance de la preuve, que la requérante a commis la violation.

 

En conséquence, il n’est donc pas nécessaire d’aborder les autres points de droit sur lesquels ont porté les conclusions présentées à l’audience.

 

[28]         La Commission estime qu’il n’existe aucun motif impérieux de s’éloigner de la position adoptée par l’ancien président Barton dans Tropical Wholesale. Comme le leur a récemment rappelé la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Bri‑Chem Supply Ltd., 2016 CAF 257, bien que les tribunaux administratifs ne soient pas liés par un système formel de précédents internes, ils doivent s’en tenir à leurs décisions antérieures à moins qu’il n’y ait des motifs impérieux de s’en écarter. Ainsi, lorsqu’un tribunal administratif revient sur ses propres décisions, il le fait à la manière d’une cour qui va à contresens de sa propre jurisprudence, en l’absence d’une autorité judiciaire ou législative supérieure allant en sens contraire. Comme l’a déclaré la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Bri‑Chem aux paragraphes 40 à 42 (motifs du juge Stratas, auxquels ont souscrit les juges Trudel et Scott) :

 

[traduction]
[40] En premier lieu, même s’ils doivent s’efforcer de suivre leurs décisions antérieures, les tribunaux administratifs ne sont pas liés par elles : IWA c. Consolidated Bathurst Packaging Ltd., [1990] 1 R.C.S. 282 aux pages 327, 328 et 333; Tremblay c. Québec (Commission des affaires sociales), [1992] 1 R.C.S. 952 à la page 974; Domtar Inc. c. Québec (Commission d’appel en matière de lésions professionnelles), [1993] 2 R.C.S. 756 aux pages 798 et 799. En outre, et dans certaines limites, la formation d’un tribunal peut se trouver en désaccord avec une autre et cependant agir raisonnablement : Wilson c. Énergie atomique du Canada, 2016 CSC 29, 399 D.L.R. (4th) 193.

 

[41] Mais ce n’est que le point de départ. D’autres principes entrent en ligne de compte. Par exemple, les tribunaux administratifs sont liés par les décisions et directives des cours de justice chargées de statuer sur les faits et les questions en présence : Canada (Procureur général) c. Commission canadienne des droits de la personne, 2013 CAF 75444 NR 120 aux paragraphes 18 et 19.

 

[42] Un autre principe veut que, dans un cas comme celui‑ci, le Parlement ait adopté des lois autorisant les tribunaux administratifs à trancher certaines questions de manière efficace et définitive afin de favoriser la bonne et judicieuse gestion d’un domaine d’administration. La certitude, la prévisibilité et le caractère définitif sont importants. Permettre aux formations d’un tribunal de se réfuter les unes les autres sans établir de limites heurte la nécessité de conserver une juste mesure de certitude, de prévisibilité et de caractère définitif.

 

[29]         Dans l’arrêt Bri‑Chem, la Cour d’appel fédérale a formulé des directives spécifiques suivant lesquelles les tribunaux administratifs peuvent être fondés d’infirmer des décisions antérieures. Même si elles s’adressent aux administrateurs qui entendent contester la décision d’un tribunal, ces directives valent également pour les tribunaux administratifs appelés à déterminer si, dans une affaire donnée, une décision antérieure doit ou devrait être suivie. Aux paragraphes 47 et 51 de l’arrêt Bri‑Chem, la Cour d’appel fédérale formule les directives suivantes quant aux circonstances dans lesquelles la décision antérieure d’un tribunal peut être écartée :

 

[traduction]
[47] Il ne fait aucun doute que l’administrateur peut affirmer – dans les cas légitimes et fondés – que la précédente décision du tribunal regardant des faits particuliers ne s’applique pas à une affaire dont les faits sont différents, à condition qu’il agisse de bonne foi et conformément à son mandat législatif. En d’autres termes, l’administrateur qui remplit son mandat législatif peut écarter une décision précédente sur la base des faits et agir en conséquence.

 

[…]

 

[51] […] l’administrateur doit être en mesure de signaler et d’étayer par de bonnes raisons au moins un élément spécifique dans la décision précédente du tribunal qui, à son avis éclairé et en toute bonne foi, est probablement erronée. Cette erreur doit être importante au regard de toutes les circonstances connues de l’administrateur, ce qui comprend l’impact probable qu’elle aura sur les affaires à venir et le préjudice qu’elle entraînera pour son mandant, les parties qu’il administre ou les deux.

 

[30]         Ainsi, un administrateur ou un tribunal peut soutenir ou, dans le cas du second, déterminer, que la décision antérieure du tribunal ne s’applique pas aux faits actuellement soumis à son examen. À titre subsidiaire, l’administrateur ou le tribunal peut soutenir ou, dans le cas du second, déterminer, que l’opinion antérieure du tribunal est erronée. Cette opinion erronée repose vraisemblablement sur des erreurs de logique, liées aux faits ou à leur pondération, ou des erreurs ayant trait aux principes juridiques appliqués. La Cour d’appel fédérale indique que l’erreur doit être  « significative », un qualificatif associé au préjudice pour les affaires à venir, et notamment pour le mandat de l’administrateur ou les personnes administrées, dans ce qui paraît être un sens plus général. Ces arguments concernant le préjudice pour les affaires à venir s’ajoutent au droit de l’une ou l’autre des parties de solliciter ultérieurement un contrôle judiciaire relativement à des questions de fait ou de droit. Compte tenu du degré de déférence que les cours de révision témoignent à l’égard des procédures des tribunaux administratifs, les parties ont tout intérêt à demander d’abord à ce que le tribunal administratif s’infirme lui‑même.

 

[31]         Dans l’affaire qui nous occupe, notamment à la lumière des directives de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Bri‑Chem, la Commission estime qu’il n’existe aucun fondement raisonnable justifiant de s’écarter de la position qu’elle a précédemment adoptée dans Tropical Wholesale.

 

[32]         La Commission ne doit pas oublier qu’elle n’est pas une cour de justice et que ses membres n’ont pas la même indépendance que les membres de l’appareil judiciaire. À l’instar de n’importe quel tribunal administratif, tout ce que fait la Commission peut l’être aussi au sein d’un ministère gouvernemental dont les décisions peuvent être soumises à l’examen direct de l’appareil judiciaire indépendant. Le gouvernement a décidé que certaines décisions pourront être révisées par des tribunaux formellement indépendants, mais qui doivent cependant rendre des comptes au ministre. Dans le régime de révision actuel, un Tribunal administratif (la Commission de révision agricole du Canada) révise la décision d’une agence gouvernementale (l’Agence canadienne d’inspection des aliments). La Commission, comme l’Agence, rendent compte au ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire.

 

[33]         Le régime actuel ressemble à une procédure ministérielle interne d’examen des plaintes, dans laquelle la Commission serait l’organe de révision interne, mais en donnant une moindre impression de partialité, puisqu’elle est quasi indépendante. De plus, l’Agence canadienne d’inspection des aliments dispose effectivement d’une procédure interne de révision qui a été engagée en l’espèce. M. Dyck s’en est prévalu, sans succès, après quoi un procès‑verbal lui a été délivré. La Commission n’a pas été mise au fait du raisonnement et des éléments de preuve étayant les conclusions issues de la procédure interne de révision, nonobstant la présomption selon laquelle ces éléments s’accordaient probablement avec le raisonnement de l’Agence et l’appuyaient. Il aurait été utile de savoir si la preuve soumise dans le cadre de la révision interne comprenait des éléments spécifiques établissant le droit italien relatif aux certificats phytosanitaires et à l’importation de la luzerne.

 

[34]         Compte tenu de son association avec la branche exécutive du gouvernement, et de ses propres règles de procédures, la Commission aurait pu demander pour la deuxième fois aux parties, et à l’Agence en particulier, qu’elles fournissent d’autres détails. La Commission aurait pu spécifier que la preuve regardant le droit italien était lacunaire, et expliquer en détail ce dont elle avait besoin pour rendre une décision sur le fond. Dans la mesure du possible, la fonction exécutive ne devrait pas être entravée par des insuffisances techniques corrigibles. Cette opinion doit être mise en balance avec des considérations générales d’équité dans un régime de responsabilité absolue, ainsi qu’avec la recommandation générale de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Doyon suivant laquelle la Commission doit se montrer particulièrement « circonspect[e] » à l’égard de la preuve concernant la prétendue violation. M. Dyck attend depuis septembre 2015 que ses objections soient évaluées, relativement à un incident survenu en mars de cette année‑là. L’Agence avait la possibilité de compléter sa preuve initiale regardant le droit italien, et ne l’a pas fait. Elle ne devrait pas bénéficier d’une autre opportunité de corriger les lacunes de sa preuve.

 

[35]         M. Dyck alléguait aussi que le refus de l’Agence de délivrer un certificat phytosanitaire postdaté devrait être contesté au motif qu’il équivalait à un [traduction] « coup monté » (lettre de M. Dyck datée du 11 août 2015 détaillant les motifs de sa demande de révision). Il n’est pas nécessaire que la Commission examine cet argument plus avant, puisqu’elle a conclu que cette mesure de l’Agence doit être rejetée pour d’autres motifs. Cependant, la Commission aimerait souligner qu’une allégation d’erreur imputable à l’autorité compétente a été reconnue en l’espèce comme un motif d’admissibilité de la demande de révision. La question devra être abordée dans un dossier suivant.

 

 

Conclusion

 

[36]         Ayant examiné toutes les observations écrites des parties, la Commission de révision agricole du Canada statue, par ordonnance, que l’Agence n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, un élément essentiel de la prétendue violation, à savoir l’exigence légale d’un certificat phytosanitaire par le pays importateur. Le demandeur ne peut donc pas avoir commis la violation décrite dans le procès‑verbal 1516WA0032 daté du 30 juin 2015.

 

 

Fait à Ottawa (Ontario), en ce  27ième jour du mois de janvier 2017.

 

 

 

 

 

 

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M. Bruce La Rochelle, membre

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